Juifs au Maroc et leurs Mellahs

Il est significatf que Aaron Romanelli, qui a fait un assez long séjour au Maroc en 1787-1790, ne se soit pas servi du mot Mellah en parlant des trois seuls Ghettos qui y existaient alors. Dans son ouvrage en­tièrement consacré à ce pays et surtout à ses Juifs, il a désigné ces Mellahs par "Rues Juives"

A quoi attribuer ces faits? La seule explication valable serait que les Européens aient trouvé plus commode d’employer un terme très ancien en Espagne chrétienne et au Portugal pour des Juifs qui semblaient, à la majorité d'entre eux, être tous originaires de ces pays.

 D'ailleurs, les Juifs avec qui ils pouvaient avoir un contact direct employaient eux-mêmes le nom "Juderia". N'oublions pas que les expulsés d'Espagne et du Portugal, renforcés aux XVI״, XVII״ et XVIII״ siècles par d'anciens Marranes, ont constitué pendant longtemps une bonne partie et parfois la majorité des habitants juifs des principales villes et des ports du Maroc.

 Au XVIe siècle, les premières Takanot de Fès devaient être rédigées en espagnol pour les communautés des "Meghorashim"' (expulsés) et traduites ensuite en arabe pour les communautés des "Belydivyin" (=Tochavim=auto- chtones).

Au XVII" siècle, le portugais qui avait été déjà la langue employée dans les ports d'Agadir (Santa-Cruz), Safi, Azemmour, Arzila, Tanger et Ceuta, se parlait couramment en milieu juif de Tétuan. Cétaient généralement les femmes qui conservaient cette langue.

 D'ailleurs, pendant tout ce siècle, des anciens Marranes ar­rivaient de Lisbonne au Maroc pour y pratiquer librement le judaisme. Dans la première moitié du XVIII0 siècle, R. Khalifa Malca, auteur et rabbin célèbre dans le sud-marocain, né à Safi et qui vécut la plus grande partie de sa vie à Agadir où sa sépulture faisait, il y a peu de temps encore, l'objet de pèlérinages réguliers, ne correspondait qu'en judéo-espagnol avec son riche ami Moses Guedalla, fixé à Amsterdam, mais natif d'Agadir

.Les recueils de consultations rabbiniques des XVII׳ et XVIII״ siècles renferment plusieurs textes établis à Agadir, Safi, Rabat et Salé et écrits en judéo-espagnol soit entièrement, soit partiellemenf après 1767, c'est également le cas à Mogador.

 L'espa­gnol était la langue maternelle des Juifs de ces ports, ou plus précisé­ment, d'une grande partie d'entre eux et surtout dans l'ensemble du milieu important et influent des vieilles familles où, comme toujours, les femmes étaient les plus conservatrices

L'espagnol des Juifs marocains n'est pas à confondre avec la "langue franque" ou le "franco" qui s'implanta dans les ports de l'Empire marocain depuis de XVI״ siècle et dont les marchands juifs se servaient, comme tout le monde d'ailleurs, dans leurs transactions commerciales avec des étrangers.

Maltais, Grecs, Turcs, Français ou même Italiens .L'espagnol employé dans les vieilles familles était du vieux castillan et gardait plus de pureté que le "ladino" des Juifs orientaux et que la "Hakétie", espagnol abâtardi des Juifs de la masse dans les villes du nord-marocain. Vieux castillan et langue franque avaient la même dénomination: "Adjmiyya". C'était le nom donné à toutes les langues étrangères par les Arabes, aux langues européennes et au persan par exemple, mais non aux dialectes berbères.

 Jusqu' aujourd'hui, il y a dans le quartier juif de Marrakech la synagogue dite des "Adjmiyyin". C'est la plus ancienne des synagogues de ce quartier. Mais la "Juderia" de Marrakech comme l'ont appelée Diogo de Torrès et les Juifs de la ville pendant des générations, était devenue le "Mellah", le nombre des "Beldiyyin" y ayant vite dépassé celui des "Meghorashim".

Dans le sud, l'usage de l'espagnol s'est raréfié à partir du début du XXe siècle. Dans le nord, à Fès, nombre de familles parlaient encore cette langue à la fin XIX״ siècle. Plus au nord encore, l'espagnol s'est particulièrement bien conservé en milieu juif. La cause en a longtemps été le milieu ambiant.

 Les Musulmans de Tétuan, dans leur majorité d'origine andalouse, employaient l'espagnol dans la vie quotidienne jusqu'à la fin du XVIII siècle et la forte influence de l'Espagne rétablit chez eux cette habitude à partir de 1860. Les Juifs de Tétuan n'ont jamais désigné les quartiers où ils étaient en majorité, puis leur Mellah, que par le nom de "Juderia".

III

Cent cinquante neuf années après celui de Fès, le Mellah de Marrakech fut fondé. Ce fut en 1557, deux années environ après le Ghetto de Rome.

Avec l'avènement d'une nouvelle dynastie au Maroc, celle des Chérifs Saadiens, Marrakech était devenue la capitale de l'Empire. Elle reçut un nombre important de réfugiés juifs d'Espagne et du Portugal, des anciens Marranes dela Péninsuleibérique, des îles Canaries et même des lointaines Antilles. Tout ce monde s'était installé dans deux quar­tiers différents, les "Beldiyyin" continuant de vivre par petits groupes épars au milieu des Musulmans.

 Cependant, vers 1542, ils avaient une "Kaissariya" à eux et où ils s'adonnaient spécialement à l'orfèvrerie. Puis, il semble que "Meghoraschim" et "Bcldiyyin' se soient pour la plupart groupés dans un seul quartier, celui de Mwasin,׳. Dès son avènement en 1557, le sultan Moulay Abd-Allah al-Ghalib Billah les réunit tous dans le Mellah qui existe encore.

 "Le quartier des Juifs" nous dit Marmol, "était autrefois au milieu de la ville, en un lieu où il y a plus de trois mille maisons, mais le Prince qui règne aujourd'hui l'a fait transporter en un des bouts, près de Bab Agmet, afin que les Juifs fussent séparés des Maures. Ils est fermé de tous côtés de murailles, sans avoir qu'une porte qui va à la ville, et une autre petite qui répond à leur cimetière, et dans cette enceinte sont bâties plusieurs maisons et synagogues"

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