L'esprit du Mellah-J.Toledano

PREMIERE PARTIE

JAMAIS PROVERBE N'A MENTI

Ninguno refran solid mentiroso.

A 'mrha el ma 'na makhrezt gdaba

 Jamais proverbe ne s'est avere menteur (Proverbe marocain)

"La langue — voila le fosse entre Juifs et Musulmans au Maroc!"

Avec moins de talent peut-etre, mais plus de justification certainement, nous pourrions transposer sous le ciel marocain, cette boutade de Mark Twain:" ce qui separe le plus les Americains des Anglais — c'est la langue." Pourtant, contrairement au Ghetto d'Europe Orientale ou s'est epanoui le Yidich, ala Juderiades Balkans ou s'est miraculeusement conserve le Ladino, le Mellah n'a pas ressenti le besoin, ni peut-etre dispose des moyens, de se forger une langue propre. 

 Apres avoir parle arameen, punique, berbere puis latin,les Juifs du Maroc furent parmi les premiers autochtones a adopter d'enthousiasme, des le 8eme siecle., la langue des nouveaux conquerants arabes, comme les autres communautes juives placees sous la banniere de l'lslam, de Babylonie a l'Espagne. Langue de culture du monde civilise de l'epoque, elle permit aux communautes juives marocaines decadentes de s'ouvrir aux deux sources d'inspiration a l'Est Babylone relayee ensuite par Kairouan) et a l'Ouest (l'Espagne) Les lettres marocains pouvaient faire leur cet hommage du grand poete de l'Age d'Or Espagnol. Moise Iben Ezra: "La langue arabe est parmi les langues comme le printemps parmi les saisons". . 

  Mais le propre du printemps est de ne pas durer. Sans qu'on puisse en fixer une date precise, la conaaisnmce de l'arabe classique, litteraire, s'etiola su sein de la communaute juive. Consequence sans dance des persecutions Almohades qui au 12eme siecle. faillirent effacer du sol maghrebien toute presence juive (voir "le Temps du Mellah") et de !,interdiction d'utiliser la langue sacree du Coran. 

Il ne leur est pas permis de lire ou d'ecrire l'arabe, n'etant pas dignes d'entendre le divin Coran" (Elie DeLa Primaudaie: Les villes maritimes du Maroc : 1872. Qu'il y ait ou non interdictio formelle – beaucoup le contestent – la langue du Coran devint effectivement etrangere meme aux lettres et on ne peut citer aucune grande œuvre ecrite en arabe litteraire par un lettre juif marocain.

Cette coupure du dialogue au niveau des elites ne fit que s'accentuer avec l'enfermement des communautes juives dans leurs Mellahs. " Sous l'influence de cette double isolation geographique et intellectuelle, les deux communautes n'avaient rien et ne pouvaient d'ailleurs rien se donner ou de recevoir l'une de l'autre " – Haim Zafrani : Les parlers juifs du Maroc.

Abandonne au sommet, sous sa forme litteraire. l'arabe s'impose definitivement dans la vie quotidienne et meme 1'arrivee massive des Expulses d'Espagne ne put entamer que partiellement (dans quelques villes) ce monopole. Mais la coupure avec sa source litteraire le condamna a devenir une langue mineure, infirme, incapable d’embrasser et d'exprimer tous les domaines de la vie, reduite a une fonction utilitaire, miroir et reflet de la vie quotidienne "C'est dans cette langue que Ton communique avec les hommes, son parent, son prochain iitterature dialectale est le miroir ou on se regarde, elle est l'expression de lame profonde. des manifestations de la vie quotidienne, profane, voire religieuse, de toutes sortes de choses qu'il est interdit ou qu'on est dans l'impossibilite de dire dans la langue sacree" (Haim Zafrani).

 Les preoccupations spirituelles et intellectuelles se conjugant toujours en hebreu jusqu'a 1'arrivee du frangais qui ravit a la langue de la Biblele titre de langue exclusive de l'elite. On pouvait manger, rire, critiquer, medire. se chamailler, s'aimer, se detester en arabe dialectal, mais pas y discourir ou ecrire des traites. Des que !'on quittait le concret pour s'elever au niveau des concepts abstraits, il fallait appeler l'hebreu au secours. Pauvre arabe dialectal coupe de sa source litteraire, bloque entre les reminiscences espagnoles et les emprunts hebraiques, il etait bien incapable de repondre a tous les besoins. Mais dans le domaine qui lui etait reserve, il faisait merveille et ne manquait aucun de ses devoirs.

Lorsqu'au cours d'une conversation on voulait signifier la necessite de parler clair, de dire toute la verite sans rien cacher, on disait: parle-moi en arabe. Et pour ne pas laisser le moindre doute on ajoutait l'onomatopee "a'rbia di ta'rabt", l'arabe d'Arabie!

Langue profane par rapport a la langue sacree qu'est l'hebreu, l'arabe dialectal avait aussi sa place dans la liturgie. Si les rabbins pouvaient ecrire et lire en hebreu-arameen, le commun du peuple avait senti la necessite de traduire les textes sacres. C'est egalement en arabe dialectal qu'a ete redigee une vaste litterature dont le genre le plus populaire — et sur lequel nous reviendrons souvent — est la qsida, recit rime, ecrit en caracteres hebraiques, les seuls connus.

Aux yeux du commun, l'arabe dialectal est devenu une des principales composantes de l'identite juive et on appelait etrangers a'zama, tous ceux qui ne parlaient pas arabe, meme s'ils etaient juifs! Encore a la fin des annees quarante je me souviens qu'a Meknes on regardait avec admiration et incredulite des soldats juifs venus d'Europe et qui ne savaient pas parler arabe, comme s'il etait possible d'etre juif et de ne pas parler arabe!

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