Mon passage a l'E.N.I.O, l'Ecole Normale Israelite Orientale Denise Gabriel

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Denise Gabriel

Mon passage a l'E.N.I.O, l'Ecole Normale Israelite Orientale

A notre age il est bien doux de se rememorer de souvenirs de jeunesse. Et voila qu'en decembre 2010 on a celebre 150 ans de la fondation de l'Union Israelite Universelle (1860) et, a cette occasion, revocation, entre autres reminiscences, de mon sejour de trois annees a l'Ecole Normale ENIO, et qui fut pour moi, d'un certain point de vue, un genre de reve. Moi qui jusqu'a l'age de 17 ans n'avait jamais quitte toute seule le kilometre carre autour de ma maison d'enfance, je me retrouvais a l'Ecole Normale sise a Auteuil, l'un des plus beaux quartiers de Paris, et transitant a Versailles ou se trouvait le dortoir des filles.

L'ecole.

D'abord la maison ou logeait l'ecole — un hotel particulier du XVIII erne siecle de trois etages, entoure d'un pare merveilleux ou tronait une replique de la statue "Moi'se", (voir photo) oeuvre de Michel Ange. La, Mme Delvisius avait accueilli chez elle tout le siecle des Lumieres : Diderot, d'Alembert, et Thomas Jefferson. Pendant la deuxieme guerre mondiale cette maison fut un lieu terrifiant ou la milice francaise pronazie avait etabli son quartier general. Mais apres la guerre elle fut restituee a l'UIU pour reprendre son role d'institution de formation de jeunes instituteurs israelites qui devaient retourner dans leurs pays servir dans les ecoles franco- hebrai'ques fondees par l'UIU.

Au sous-sol – la cuisine et les dependances. Quelques marches menaient a une belle entree. A droite de l'entree un escalier aux marches de bois poli qui menait aux etages, dortoir des garcons et appartement du Directeur. En face le bureau du Directeur et a gauche un beau salon par lequel on accedait aux classes.

Papa Levinas.

Le Directeur, Monsieur Emmanuel Levinas, etait pour nous un bon papa respecte mais qui menait l'ecole de facon ferme et efficace (je ne l'ai jamais entendu elever la voix). II faut reconnaitre que nous n'etions pas conscients de sa valeur intellectuelle.

Nous savions seulement qu'il enseignait la philosophie. II est vrai qu'a cette spoque il en etait seulement a ses debuts. A sa premiere visite en Israel en  1955 il avait tenu a rencontrer ses anciens eleves qui avaient fait Alyah. C'est bien curieux, mais je n'ai qu'une vague memoire de cette rencontre. C'est bien plus tard que nous avons suivi, non sans fierte puisque nous avions ete proches d'un personnage exceptionnel, sa lente et tardive accession a la celebrite et reconnaissance de sa juste valeur.

En verite, tout avait commence a l'ENIO dont il avait fait une sorte de maison d'etudes talmudiques (avec la presence du tres mysterieux monsieur Chouchani) en meme temps qu'un lieu de convergence de la pensee juive et de colloques avec les jeunes philosophes  de l'epoque

Malheureusement je ne m'en rendais pas compte en 1948, par manque d'experience, pour profiter de cette ambiance intellectuelle, mais je suis bien emue d'y avoir trempe quand meme.

Les Copains

J'ai ete selectionnee parmi les eleves de mon ecole a Marrakech pour poursuivre_mes etudes a l'ENIO, et fut recue apres avoir passe les examens a Casablanca. De la le bateau pour Marseille et la grande aventure. Sur le bateau j'ai rencontre ma premiere amie, Jeannine. Nous avons ete revues a Marseille par ses proches parents. Ensuite le train pour Paris ou nous attendait un eleve de l'ecole qui nous annonce que la valise de Jeannine s'etait egaree. Imaginez notre consternation, cela debutait bien ! Mais bien vite quelqu'un mit fin a la plaisanterie : c'etait une facon des garcons de 'feter" l'arrivee des filles.

En 1948 nous etions sept filles : trois marocaines, trois israeliennes et une iranienne. Plus tard sont arrivees deux libanaises et une tunisienne. Nous etions logees dans une maison d'enfants de l'OSE a Versailles, par manque de place a Auteuil. Retrospectivement je crois que c'etait surtout pour nous separer des garcons, suivant la plus pure tradition de morale juive. A part les lecons en classe et les repas en commun nous n'avions pas beaucoup de contacts sociaux avec les garcons. Nous prenions le train de sept heures de Versailles et de retour a 16 heures, tout de suite apres la fin des classes. Entre filles qui partageaient le meme dortoir, nous nous entendions tres bien, avec des discussions qui n'en finissaient pas les fourires, les disputes et parfois des pleurs, bref toute l'ambiance collegiale d'une bande de filles qui au fond s'aimaient bien. A tour de role les filles passaient un Chabbat a Auteuil, et prenaient part aux prieres (la synagogue se trouvait au fond duparc) avec separation entre garcons et filles.

Dans ces cas on nous hebergeait dans un pavilion separe du batiment central.

Dans cette ambiance un peu austere de discipline, etudes et surveillance serree, ne pouvait se developper une activite sociale intense, comme on pourrait s'y attendre parmi un groupe de jeunes. Malgre cela j'ai de bons souvenirs de certaines "surprises-parties" que nous organisions avec musique et danses, sous l'oeil vigilant et indulgent du Directeur, ainsi que plusieurs excursions et, dans la limite de nos maigres moyens, sorties en ville, au theatre et meme une fois a l'Opera.

Au terme de trois annees d'etudes, vint le moment ou je ne pensais qu'a rejoindre ma famille qui etait deja en Israel. Tout le groupe s'est disperse et je n'ai garde aucun contact avec les amis. II ne me reste de cette periode qu'une memoire un peu floue d'un episode agreable, tendre et doux, sans heurts mais sans details precis

Dommage, car c'est quand meme une tranche de jeunesse un peu perdue.

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