Juifs du Maroc a travers le monde – Emigration et identite retrouvee Robert Assaraf

Dans ce climat tendu, une simple étincelle pouvait suffire à mettre le feu. C'est ce qui se produisit le 7 juin 1948, lorsqu'une simple rixe dégénéra en émeute. Vers 9 h 30 du matin, la police locale vint au secours d'un coiffeur juif de la ville, Albert Bensoussan, soupçonné d'organiser les départs vers la Palestine et de disposer d'un stock de grenades. Quelques minutes plus tard, à l'occasion d'une discussion animée, un jeune juif poignarda un notable musulman, Ben Kiran, qui était un juif converti à l'islam. Il n'en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres. Une chasse aux Juifs fut organisée dans toute la ville cependant que les autorités françaises, prévenues par le président de la communauté, Obadia, ne paraissaient guère pressées de ramener l'ordre. Le bilan de l'émeute fut très lourd : 5 morts, 15 blessés et des dégâts matériels d'un montant de 200 000 francs.

Par suite d'une négligence criminelle ou délibérée, la ville ne fut pas bouclée et la rumeur de l'incident se propagea jusqu'au centre minier voisin de Zéralda, théâtre deux mois plus tôt d'une grève violemment réprimée. En quelques instants, les habitants juifs de Zéralda furent attaqués et payèrent un lourd tribut : 37 morts dont 10 femmes et 10 enfants, et 27 blessés.

L'horreur de ces massacres, sans précédent depuis le grand Tritel de Fès en 1912, fit souffler un vent de panique sur la communauté juive. Un millier de Juifs, habitant les localités voisines de Debdou, Taourirt et Berkane, gagnèrent à la hâte Oujda. Dans le sud du Maroc, l'on assista à une vague de départs vers Casablanca.

Les départs pour la Palestine s'accélérèrent : 530 en août, 1 024 en septembre ; 2 118 en octobre ; 1 633 en novembre ; et près de 3 000 en décembre. Les autorités françaises s'avouèrent débordées par un courant qu'elles ne pouvaient plus contrôler, comme le montra ce rapport confidentiel alarmant remis par un haut fonctionnaire de la Résidence en septembre 1948 :

La préoccupation principale des milieux Israélites, et la préoccupation à peu près unique des jeunes, est celle du départ pour la Palestine. C'est un fait. Les mesures policières prises a la fin du mois d'août et au début de septembre n 'ont en rien freiné cet enthousiasme. Elles ont eu pour effet contraire d'ajouter au trouble des esprits. De là à estimer, comme l'a dit une personnalité sioniste de Casablanca. qu'ils sont considérés comme des « otages », il n'y a qu'un pas qu 'ils ont franchi rapidement, non sans une certaine inquiétude. Une lèpre de trafiquants profilant des relations amicales qu 'ils peuvent avoir soit dans l'admi­nistration civile, soit dans la police, obtiennent pour de soi-disant amis des visas qu 'ilsfont payer très cher à ceux qui en bénéficient, a moins de garnir de barbelés la frontière orientale et d'une chaîne de policiers les côtes et les aérodromes, les départs clandestins ne s'arrêteront pas.

Devons-nous ignorer ce mouvement, en raison du danger politique qu'il y aurait à essayer de l'organiser ?

Non seulement les autorités françaises, mais aussi les nouvelles autorités israéliennes furent débordées par ce courant devenu incontrôlable. L'enthousiasme des premiers arrivés revenait en écho au Maroc en refrains – rimés comme il se doit – en judéo-arabe :redonnés avec ferveur dans les mellahs :

Amazine Hifa (Haïfa), ma zine !

Que Haïfa est belle ; quelle beauté !

Rendez- vous fi Palestine,

Rendez-vous en Palestine,

 Almslimm sirou fhalkoum,

 Ô musulmans, partez,

 Palestine massi dialokoum !

 La Palestine n 'estpas à vous !

Face à l'afflux de réfugiés pour lesquels rien n'était prévu, l'exécutif sioniste estima nécessaire de favoriser l'ouverture de négociations discrètes avec la Résidence générale en vue de substituer aux départs incontrôlés par l'Algérie, des départs directs du Maroc vers la France. Un tel arrangement pourrait permettre d'instaurer des quotas et de procéder à la sélection des olim et à leur faire passer des examens médicaux avant leur départ ».

Dans le plus grand secret, n'osant pas encore entrer directement en contact avec l'Agence juive, la Résidence sonda les dirigeants sionistes français. En décembre 1948, le général Juin reçut à Rabat un des dirigeants de la Fédération sioniste de France, l'avocat Marc Jarblum. Membre de la SIO, celui-ci avait été un proche de l'ancien président du Conseil Léon Blum. Lors de sa rencontre avec le général Juin, Marc Jarblum lui expliqua qu'il était nécessaire d'arriver à un modus vivendi.

Né en Algérie et bon connaisseur des réalités nord-africaines, le général Juin s'inquié­tait des conséquences d'un exode massif des Juifs marocains. Un exode inéluctable, selon lui, à en croire ce qu'il confia à Marc Jarblum : « Je pense qu'il ne serait pas exagéré de dire que, si des mesures ne sont pas prises pour la canaliser, la vague de départs pourrait englober 200 des 250 000 juifs du pays. C'est une sorte de poussée mystique à laquelle se mêle la panique qui pousse les juifs en dehors des mellahs. Et je peux le comprendre. Ici, ils vivent en parias soumis à l'humiliation et épisodiquement à des exactions. Là-bas, ils voient l'image enivrante de la liberté et de la victoire sur les ennemis. »

Les arguments développés par Marc Jarblum portèrent puisque, à la suite de la visite à Rabat de Raphaël Spanien, le directeur de la Hias (Hebrew Immigrant Assistance Society), la Résidence accepta de fixer un quota mensuel de quelques centaines de départs.

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