Joseph Toledano-Epreuves et liberation-Les juifs du maroc pendant la seconde guerre mondiale

Les incidents de Meknès

Des centaines de Musulmans envahirent le mellah, se livrant à des violences contre les femmes et les enfants. L'émeute se prolongea plus de quatre heures avant que la police n'intervienne, ne rétablisse l'ordre et ne positionne des gardiens à la porte du mellah.

Pour le Président du Comité de la Communauté de Meknès qui exprimait la position de tous ses collègues notables, la leçon à tirer de ces incidents restait toujours le repli sur soi. Il s'agissait d'éviter comme le feu toute activité et même pensée politique. Il en faisait ainsi la recommandation dans un tract diffusé au mellah et lu dans les synagogues : Celui qui garde sa bouche et sa langue, garde son âme de la détresse. (Les Proverbes) "

« Or ce n'est pas sans une légitime émotion que nous apprenons par la voie des autorités que certains de nos coreligionnaires commentent des sujets d'ordre politique. Nous n'avons guère besoin de faire ressortir le préjudice considérable qui pourrait résulter pour les auteurs des cas en question, attendu que pour nous, Israélites marocains, le devoir et l'obligation les plus stricts commandent d'observer un respect absolu des autorités de la nation protectrice, et nous devons nous écarter nettement de tout ce qui a trait, soit à la politique, soit aux affaires publiques. Chacun sait malheureusement la situation de nos coreligionnaires d'Europe et, par contre, combien nous-mêmes sommes heureux de proclamer hautement que les Israélites placés sous la protection de la France sont des êtres heureux, libres et indépendants. C'est imprégnés de ces idées que nous nous adressons à vous, en vous conjurant d'éloigner de votre esprit, de votre milieu, de votre foyer, tout rapport, toute idée, toute conversation, tout sujet d'ordre politique, de n'entretenir aucune relation équivoque, et de demeurer toujours dans la voie de la droiture qui est celle d'observer rigoureusement les prescriptions de nos protecteurs. Notre population rendra avec nous un respectueux hommage aux autorités qui, par marque de bienveillance, ont bien voulu attirer notre attention sur ces faits, prévenant ainsi toute sanction. »

Ainsi, l'incident de Meknès demeura heureusement local et sans suites dans le reste du pays. A peine la communauté juive allait-elle commencer à goûter à cette tranquillité générale dont parle André Julien, en cette seconde moitié de 1939, que les rumeurs venues d'Europe sur l'approche d'un nouveau conflit alourdissaient à nouveau l'atmosphère. Les Juifs du Maroc ne craignaient pas tant que les hostilités ne les atteignent directement. A vrai dire, ils se sentaient totalement en sécurité, à l'abri, protégés par la puissance réputée invincible de la France émancipatrice mais ils s'inquiétaient davantage pour leurs frères d'Europe. Pourtant, restés encore largement isolés du reste du monde juif, repliés sur eux- mêmes, les Juifs du Maroc pouvaient difficilement saisir la portée de la montée des périls.

C'est ainsi que passa totalement inaperçue, en dehors des cercles évolués de Mogador, la publication en septembre 1939, par un intellectuel de la ville, d'un petit opuscule prémonitoire, oeuvre d'un poète-pamphlétaire. Isaac David Knafo, descendant d'une des illustres familles des martyrs d'Oufrane, avait lors de son séjour en Europe, pris la mesure de toute l'horreur du nazisme et du terrible danger qu'il représentait pour l'ensemble du peuple juif. Dans son pamphlet publié à compte d'auteur, à 2500 exemplaires : Les Hitlériques, il dénonçait l'indifférence de ses compatriotes et pour les sensibiliser, il criait son indignation et son angoisse :

Au lecteur

J'ai vu fleurir la haine au pays des nazis

Et toute une nation subir la virulence

 De l'acide rongeur qu'en ses discours lui lance

 Un bouffon démentiel en guise de lazzi

Ce pitre malfaisant, par la fureur saisi,

Prêchant la délation, le meurtre et la violence

 J'ai senti que mon front, malgré sa nonchalance

 De honte et de dégoût, devenait cramoisi

Le fouet satirique, entre mes mains débiles

 A fustiger Hitler se montre malhabile,

Du moins exprime-t-il mon aversion.

Et c'est pourquoi lecteur, dussé-je te déplaire

Et pour exhaler ma peine et ma colère

 Je t'offre cet écrit rempli d'indignation…

Tout là-bas, dans la triste Allemagne,

L'Enfer est dénommé Camp de Concentration.

 Pour les seuls innocents, ce lieu de détention

Est, ainsi qu'il se doit, plus cruel que le bagne…

N'étant jamais repus de suprêmes délices

Que procure à leurs sens la souffrance d'autrui

Ils savent rappeler au moderne Aujourd'hui

Ce que l'Age barbare inventa de supplices.

Un jour leur cruauté deviendra sans objet.

Travaillant pour la mort au visage livide,

Chaque jour, un peu plus, le vaste camp se vide  

Perdant par extinction ses malheureux sujets.

Contre toute attente, les Juifs du Maroc n'allaient pas tarder à être rattrapés par les événements tragiques de l'Europe auxquels ils n'étaient nullement préparés par leur histoire.

Fin du chapitre 1- la montee des perils

הירשם לבלוג באמצעות המייל

הזן את כתובת המייל שלך כדי להירשם לאתר ולקבל הודעות על פוסטים חדשים במייל.

הצטרפו ל 219 מנויים נוספים
ינואר 2018
א ב ג ד ה ו ש
 123456
78910111213
14151617181920
21222324252627
28293031  
רשימת הנושאים באתר