ארכיון חודשי: ינואר 2018


כבאראת עלא כואננא בארץ ובגולה

תרגום
קבוצת יהודים מאוזה –O.S.E …ארגון להצלת ילדים –  Oeuvre de secours aux enfants– שממונה-אחראי- על ריפוי ילדים ולעולים בכל העולם, התאספו הבכירים בימים האלה בפריז, והחליטו שהעזרה הראשונה שיגישו תהיה לישראל. השנייה היא לעולים והשלישית עבור מרוקו, אלג'יריה ותוניס. הנציגים ממרוקו שנכחו באסיפה הזו בפאריז הם דוקטור בן זן ואדון ש.ד.לוי, נשיא של החברה ונשיא קק"ל של מרוקו…..

ביאורים: אוזה הינו ארגון להצלת ילדים בכל רחבי העולם, בכל מקום הקים בית חולים קטן וכמו כן גם בקזבלנקה..מקום זה אינו מעורר בי רגשות טובים, כיוון שכאן במקום המקולל הזה עברתי אני ושני אחיי טיפול בגזזת עוד במרוקו….הייתי חייב לציין את זה…

אנו רואים כאן את הרב לשוניות השולטת בכתבה הזו ובשאר דפי העיתון. כותב הידיעה נזקק לשפה הצרפתית בעיקר, כמו כן המרכיב העברי בכתבה הזו שולט ביד רמה…ניכר על כותב הידיעה הזו ששלט בכל השפות, כולל בשפה הערבית הספרותית….
מדהים לראות כמה העיתונים במרוקו, לא היו מנותקים מהנעשה ברחבי העולם, וכפי שנראה להלן, לא רק בישראל וצרפת, אלא גם ברחבי אירופה…קיבלתי הסבר לדבר הזה, שהכותבים וגם אנשים משכילים אחרים, היו מנויים על עיתונים מחו"ל, שמהם כנראה הכותבים שאבו את ידיעותיהם….

הדוקטור המדובר כאן, הוא ליאון בן זקן היה רופא יהודי ושימש גם כרופאו האישי של מוחמד החמישי סבו של המלך הנוכחי…כיהן כשר היהודי הראשון בממשלה הראשונה שלאחר קבלת העצמאות במרוקו….

רבי שלום בר חנין-סרטון בציון הקדוש בשדרות

Le Mossad – Michel knafo-Les institutions culturelles

Les institutions culturelles

l'Association des Anciens Elèves de l'Alliance était très active avant l'Indépendance dans l'organisation de rencontres, conférences, soirées dansantes et activités sportives. Elle est restée active même après l'Indépendance, lui valant es hommages des recteurs des universités et du ministre de l'Éducation. Elle a organisé des concerts et des conférences données par des conférenciers de renom mondial auxquels étaient également conviés des intellectuels musulmans et même français. Le club de basket-ball de Casablanca était d'un haut niveau reconnu. Avant l'Indépendance, le mouvement "Charles Netter" comptait des centaines de jeunes adhérents prenant part à ses activités culturelles, sociales et sportives. L'activité sociale a baissé après l'Indépendance, ne laissant place qu'aux activités sportives – en plus du bal annuel dont les recettes servaient à financer la branche sportive. Le Cercle de l'Union est un club plus fermé, réservé aux notables dont activité principale est le jeu de Bridge et de temps à autre des conférences. Il existait à Casablanca et avait des filiales à Rabat et Tétouan.

Autres institutions sociales

l'O.S.E. Oeuvre de Secours aux Enfants sous la direction de M. Marciano a organisé les soins médicaux pour l'ensemble de la population essentiellement pour les élèves des écoles de l'Alliance et d'autres enfants.

Au centre social de Casablanca se trouvaient à l'époque 200 enfants dont les parents ne pouvaient s'occuper pour une raison ou une autre. Il y avait dans les diverses communautés des asiles pour vieillards et de soupes populaires. "Em Habanim" à Casablanca était à la fois une école et un orphelinat avec quelques 400 pupilles. Il faut aussi ajouter l'orphelinat du "Home Bengio" avec 50 enfants. Les enfants pauvres des écoles étaient nourris par l'œuvre de "l'Aide Scolaire". Elle organisait aussi des colonies de vacances.

Quelques 23,000 enfants bénéficiaient chaque année de ses services. Il faut y ajouter l'œuvre "Malbich Aroumim" fournissant des vêtements aux démunis et l'œuvre d'aide aux petits artisans par l'octroi de prêts, la Caisse Israélite de Relèvement Economique.

Les rapports avec la communauté française du Maroc

Les relations avec la communauté française étaient en général amicales. Les familles juives de la classe bourgeoise entretenaient des liens d'amitié avec des familles françaises, le plus souvent par l'intermédiaire de familles juives françaises du même cercle social.

La majorité des juifs avaient surtout des liens économiques avec les français. Il convient de souligner le rapport favorable de la communauté française envers la communauté juive. Sans doute à cause du sentiment de communauté de destin. Cette communauté était inquiète des restrictions à la liberté de circulation imposées aux juifs et avait partagé leurs craintes lors de la visite de Nasser à Casablanca. Ils avaient apprécié la libéralisation dans l'attribution des passeports. Ils comprenaient les motifs de l'émigration juive, attribués à l'appauvrissement du pays dans lequel les juifs avaient jadis joué un grand rôle et de grandes responsabilités en particulier dans les entreprises françaises, ce qui leur donnait à réfléchir sur leur propre avenir au Maroc.

Manifestations d'antisémitisme

Sans aucun doute y avait-il des manifestations d'antisémitisme de la part d'individus isolés. La jalousie de la fortune réelle ou imaginaire des juifs faisait son effet. Dans les articles de la presse, plus particulièrement celle de l'Istiqlal. n'étaient pas rares les allusions à la domination économique des juifs. Le mépris traditionnel du Marocain des villes et des compagnes – pour le juif est resté vivace. mais il conduisait plus à l'isolement qu'à l'hostilité et au sentiment de la nécessite de protéger le juif inférieur, le dhimmi.

Tout cela est loin de constituer l'infrastructure à une propagande antisémite, ou à la formation de mouvements faisant de l'antisémitisme leur raison d'être, l'ancienneté de la présence juive au Maroc – ne pouvant ainsi être accusés d'avoir pris la place de quiconque contribuait également à cette absence d'antisémitisme à la mode européenne.

La propagande menée par les palestiniens et l'ambassade de la République Arabe Unie au Maroc, avec la distribution de tracts en 1959, ne devait pas avoir d'effet notable. Les tracts reproduisaient le Magen David comme symbole de la domination juive sur le monde. Des tracts de ce genre devaient de nouveau être diffusés au cours de l'été 1960, mais les autorités étaient déterminées à punir les responsables. Au moment de la flambée de l'antisémitisme en Europe en 1960, le Maroc est resté calme. Une croix gammée tracée sur le mur d'une synagogue devait être aussitôt effacée par la police qui a activement recherché les coupables. Les Marocains, et leur roi en tête, ont toujours été fiers d'avoir refusé l'application des lois raciales de Vichy au cours de la Seconde Guerre mondiale. Malgré cela, les germes de l'antisémitisme existent et la politique pro-arabe extrémiste des années 1959-60 qui avait entraîné la rupture des relations postales avec Israël, avait provoqué une psychose de peur au sein de la population juive. En 1960, les autorités ont conseillé aux juifs de ne pas porter de couleur bleu-blanc, et des policiers à Rabat devaient interdire aux bijoutiers juifs de vendre des bijoux en forme d'étoile de David. C'était une initiative privée locale d'excès de zèle. A la même époque, la presse s'était attaquée au Magen David, qualifié de symbole du sionisme. Au cours de l'été 1960, le pacha de Salé devait demander d'effacer les nombreuses étoiles de David sur les tombes du cimetière de la ville pour ne pas indisposer les musulmans – et les juifs durent s'y plier.

Il convient de ne pas oublier la facilité avec laquelle il est possible d'enflammer les foules par une bonne propagande et combien il fut facile aux musulmans d'Oujda et de Djérada de massacrer des juifs en 1948, suite à la proclamation de l'État d'Israël. Il convient de souligner que les autorités s'efforcent de prévenir la diffusion de termes et de thèmes antisémites, estimés contraires à l'esprit de la nation marocaine, mais cela ne devait pas prévenir les campagnes de presse incontrôlées présentant un grand risque de débordement. C'est ainsi que le journal Al Fajar devait aller jusqu'à remettre en cause le statut juridique des juifs au Maroc.

Palais et Jardins- David Ekmoznino-Amour interdit

C'est alors que mon père se pencha sur moi et me murmura des paroles affectueuses. Il voulait me réconforter. J'eus tout à coup mal pour lui et compris que je devais être courageuse. Je pris une profonde inspiration, me redressais et regardant droit devant moi, et me hissais sur la charrette. Nous prîmes le chemin qui devait nous mener à ma nouvelle destination. Je remarquais que mon père contrôlait l'allure du cheval et ralentissait le pas de l'attelage. Il voulait me laisser le temps de voir le paysage de mon enfance défiler doucement devant mes yeux. Mes yeux qui se remplissaient de larmes à la vue de ce spectacle familier qui s'éloignait de moi inexorablement.

Je me répétais maintes fois que j'étais déjà une grande personne, qu'il ne m'était plus permis de pleurer. Mon père, qui devinait ce qui se passait en moi, s'efforçait par tous les moyens d'étirer le voyage en longueur, de prolonger ces instants qui nous permettaient d'être encore ensemble. Nous fîmes une halte dans l'un de ces villages qui bordaient notre route. Le temps de nous dégourdir les jambes en faisant quelques pas, la main dans la main. Il me dit "Salma ma fille, n'oublies jamais que tu es une musulmane et qu'un jour tu reviendras au village pour te marier. Je te confie aux bons soins d'une famille juive, ce sont des gens bons et droits. Tu travailleras chez eux comme aide ménagère. Prends bien soin de toi, donne-toi du courage et ne sois pas triste".

Il se dirigea vers notre carriole, je le suivis sans prononcer une seule parole. Nous repartîmes. Nous reprîmes notre allure modérée, mesurée. Le voyage se poursuivit au rythme que mon père lui imposait. Il se mit à pleuvoir. J'étais contente. Les bois et les arbres m'apparurent plus beaux, la pluie les irisait de mille reflets lumineux. Sous l'ondée, les chemins se transformaient et prenaient toutes les tonalités du gris. Je me sentis un peu moins triste. Il me présenta à Rina ta mère, la brunette, la maîtresse de maison. Elle devait avoir la trentaine, ses cheveux noirs étaient relevés et enserrés au- dessus de la tête. Puis elle me présenta à son mari, Raphaël, ton père. Ils avaient l'air gentil et pas du tout intimidant. Avant de me quitter et de me laisser à mon sort, mon père m'attira à l'écart et me chuchota avec tendresse :

"Je reviendrais te rendre visite."

Je vis alors mon père que j'aimais tant s'éloigner sur sa charrette. Je regardais dans sa direction jusqu'à ce qu'il ne fût plus qu'un tout petit point à l'horizon. Je retenais mes larmes de peur que les maîtres de maison ne me grondent. Je me sentais déjà devenir adulte, car dans ces moments parmi les plus durs de ma vie, à l'instant même où je me retrouvais brisée, perdue et seule au monde, je suis arrivée à me contenir et à ravaler mes larmes. Une nouvelle vie s'ouvrait devant moi. Rina devint très vite une mère pour moi et ce dès le premier soir. Je fus reçue avec beaucoup de chaleur, d'affection et de tendresse au sein de la famille juive, au même titre qu'une fille de la famille. Et les enfants m'aimèrent tout particulièrement, n'est-ce pas David ?"

Le matin tôt, Salma était la première levée pour allumer le feu de charbon de bois. Rina la rejoignait un peu plus tard et, ensemble, elles se mettaient en devoir de préparer le petit-déjeuner pour toute la famille. Pendant la journée, Salma s'occupait des travaux domestiques, nettoyait, récurait, apportait son aide à toutes et à tous. Elle était toujours prête à répondre aux besoins de la maisonnée, petits et grands.

Des jours et des jours passèrent après l'épisode mémorable où son père l'avait confiée à la famille juive. Un beau matin, le maître de maison, Raphaël, la pria de se joindre à lui et de l'accompagner à l'extérieur. Adossée à la maison de la ruelle, se dressait une synagogue, le lieu de prière, le temple du culte juif. Raphaël en était le Gabay. Devant l'entrée, il se tourna vers Salma et lui fournit quelques explications. Il lui demanda de veiller désormais à la propreté du bâtiment, de nettoyer le sol de la synagogue surtout à la veille d'événements liturgiques importants comme le Shabbat, les fêtes juives et autres activités religieuses festives. Tremblante de peur, Salma tendit la main vers la grosse clé pendue au mur de l'édifice, la décrocha lentement de son clou et se dirigea sur la pointe des pieds vers le lourd portail de la maison de prière, qu'elle déverrouilla avant d'en écarter les battants grinçants.

Devant elle se profila un couloir étroit qui s'enfonçait à l'intérieur du bâtiment. Cet endroit lui inspirait une grande crainte, toujours renouvelée en dépit de ses visites répétées. L'impression qui s'en dégageait lui paraissait tout aussi angoissante et l'état des lieux ne manquait pas de susciter quelques inquiétudes. Vraisemblablement, la maison juive de prière avait connu des jours meilleurs. La vue du mobilier défraîchi, des bancs et chaises de bois usés par les années, par l'usage des fidèles, était des plus désolante.

Au centre de la synagogue se dressaient quatre colonnes imposantes. De dimension honorable, elles soutenaient un haut plafond grisâtre et entouraient une Tebah bancale, abritant les sièges fatigués des chantres- poètes et des ministres officiants. Salma la caressait délicatement et l'effleurait de son chiffon humide, désempoussiérait coins et recoins, priant le ciel pour que rien ne lui tombe sur la tête avant la fin de sa tâche. Le Heikhal, le Aron Hakodesh où se trouvaient les rouleaux de la Torah rangés dans leurs longs cylindres, était d'un autre âge, antique et patiné.

La Parokhet qui le recouvrait était pâle, usée, les lettres d'or à peine lisibles qui l'ornaient, flottaient intemporelles dans l'espace. Salma, respectueuse, l'observait à distance, Raphaël l'avait prévenue : il ne lui était pas permis de s'approcher de l'armoire sacrée. Ses yeux fixaient les caractères hébraïques qu'elle avait découverts pour la première fois de sa vie, lors du premier passage à la synagogue en compagnie de Raphaël. Depuis, chaque fois qu'elle pénétrait dans ce lieu saint, un sentiment étrange s’emparait d'elle. Elle se sentait complètement transformée, métamorphosée. Elle se forçait à contrôler sa respiration et à se calmer, avant de commencer son travail. Elle entamait alors le nettoyage des fenêtres en forme d'arc de la maison de prière. Elle se souvenait d'avoir toujours ressentie une grande crainte envers le Dieu des Juifs, mais depuis son installation au sein de la famille juive, sa peur allait grandissant.

Du haut du deuxième étage de la maison de la ruelle, Salma la belle pris l'habitude, entre deux travaux, d'observer les faits et gestes des voisines qui s'activaient dans le patio. Elle les contemplait et sentait une vague de nostalgie la submerger. Le matin, après le départ des hommes vers leur travail, les femmes sortaient de leurs foyers pour se retrouver dans la cour, chacune avec ses propres ustensiles dans les mains. Elles éparpillaient les bébés autour d'elles afin qu'ils jouent ensemble alentour, les abandonnaient à leurs babillages et entamaient leur journée. Elles reprenaient leur place en se regroupant, oeuvraient en société dans une chaude convivialité.

Simy, assise par terre, déposait sur ses jambes repliées un grand plateau contenant une petite montagne de grains de riz. Avec un art consommé, des gestes rapides et expérimentés, elle le prenait à pleines mains, lui faisait subir un contrôle des plus sévères, le nettoyait, en retirait les graines étrangères et déchets divers.

Sarah, son amie, assise sur un court tabouret de bois, soumettait ses lentilles à un examen minutieux. Ses pieds semblaient être étroitement soudés à son siège, ses jambes serrées étaient entièrement recouvertes d'une longue robe aux couleurs neutres. A ses côtés se trouvait Esther, une grande femme approchant la quarantaine, vêtue d'une légère robe fleurie, dont la partie supérieure attirait les regards. A son corsage pendaient, de part et d'autre d'une poitrine généreusement découverte, deux cordons de fermeture qu'elle n'utilisait jamais, exposant à la ronde une gorge exubérante.

Tout près d'Esther, se trouvait Aliza, assise dans une posture typiquement orientale. Elle tenait un petit couteau dans la main droite et un concombre dans la main gauche. Elle pelait soigneusement son concombre et les épluchures tombaient lentement par terre. Elle le débitait en fines tranches directement dans une casserole posée sur son ventre. Le plaisir d'être ensemble et en bonne compagnie ; facilité, aisance et bien-être. Les travaux routiniers devenaient légers et supportables. D'autant que l'on ne tardait pas à se lancer dans un bavardage soutenu où l'on pouvait rapporter et colporter les derniers potins et ragots, glissant insensiblement sur les soucis et les tracas quotidiens.

Et Salma observait du haut du son perchoir, réservée et attentive.

Au milieu de la matinée, arrivait le temps de la pause, le temps de prendre un repos bienvenu. Simy, la généreuse au grand coeur, se levait en secouant ses vêtements et se dirigeait vers la maison. Elle allait préparer le thé traditionnel. Un soupir d'aise général l'accueillait lorsqu'elle réapparaissait tenant la Séniya, un grand et beau plateau trépied en cuivre ciselé, portant le Berad, la théière au joli décor gravé au burin, entourée de délicieux gâteaux sucrés et de cinq verres fins transparents au bord doré. Bien-être et détente, la sacro-sainte récréation et le rituel du thé. Les femmes le boivent à petites gorgées, dégustent leurs pâtisseries, devisent, conversent et se confient mutuellement leurs petits secrets. Salma se tenait à l'écart et ne participait guère à ce genre de distractions. Elle passait une grande partie de la journée dans la solitude et allait parfois rendre visite à Tsipora.

Tsipora et son mari habitaient de l'autre côté de la maison. Salma les aimait beaucoup, plus particulièrement la belle Tsipora. Aux yeux de Salma, Tsipora la femme juive et son mari apparaissaient comme des géants véritables, tels ces personnages dans les récits des Mille et une Nuits. La femme juive était très belle, avait une peau claire au grain pur, de grands yeux verts. Son mari portait une barbe noire et avait belle allure dans ses tenues vestimentaires claires de coupe occidentale. Salma estimait que l'homme juif était plus âgé que sa femme, d'une bonne dizaine d'années, pour le moins. Le foyer de Tsipora était égayé par la présence de deux enfants en bas âge, un nourrisson et son aîné âgé de six ans. Tous les matins l'homme se rendait à son travail. Il était transporteur au Souk, le marché local de Marrakech. Tsipora la belle, elle, passait ses journées dans sa chambre s'occupant de ses enfants et de son intérieur.

Salma savait que le couple venait de Ouarzazate, une petite ville idyllique du sud, non loin de Marrakech- la-rouge où il avait emménagé. La majorité de ses habitants étaient des Berbères et les femmes juives de la petite bourgade se mariaient très jeunes, à l'instar des parents de Salma, l'ensemble des membres de sa famille et de toutes les personnes qu'elle connaissait. Les jeunes filles s'unissaient avec celui que leur père avait choisi et devaient l'accepter de gré ou de force. Salma supputait que Tsipora, la belle femme aux yeux verts, avait connu le même sort, subi le même destin. Destin qui sera aussi le sien, elle le savait. Les lignes en étaient déjà tracées. De la maison du père à la maison de la famille juive et, le moment venu, de la maison de la famille juive à celle de son époux. Celui que son père lui désignera.
A suivre……

אשרי האיש תולדות הרבנים ואישים לשושלת מויאל והעיר בזו

אשרי האישדדא משה

תולדות הרבנים ואישים לשושלת מויאל והעיר בזו

עורך ומחבר : יצחק מויאל

יוצא לאוא ע"י המכון להוצאת ספרים וכתבי יד

מלכי רבנן-אשדוד

בפתח דברי זמר אזמר את אשר שמעתי בילדותי מאבותי וזקני על ייחום משפחתנו, אבותינו ועירנו.

ראש ועטרה ראש משפחתנו הוא רבי משה מויאל המכונה ״דדא משה״ אשר היה מקובל וצדיק אזורי וכל יהודי האזור ואף מבני הילידים הנכרים היו באים אליו לשמוע עצה ותושיה. היה הוא כעין שופט ובורר בין יהודים ונכרים ואף בין נכרים לנכרים מרוב הערצתם את חכמתו ואישיותו המרתקת. בנוסף לחכמתו ויראתו היה גם איש עשיר וסוחר גדול בפרט בתחום הקטניות ודגנים יבשים, רצוי לרוב אחיו ונערץ על בני המקום, בהיותו איש חסד ובעל נתינה גדולה, צדקה וחסד היו מנת חלקו.

הסבא הגדול רבי משה מויאל הנקרא ״דדא משה״ הגיע מעמק הדרעא לעיר ״איית עתאב״. הוא היה אדם אמיד וסוחר מפורסם ב״איית עתאב״, ואך טבעי כי היה חברם ומבאי ביתם של גדולי הישמעאלים באזורו.

יום אחד המושל האזורי ״אלקאייד״ קרא לרבי משה לשיחה אישית פתח ואמר בעזות מצח נחושה : ״רבי משה אהובי. ראיתי את ביתך היפהפייה בת השש עשרה ונפשי חשקה בה מאוד לאישה ומאז ראיתי אותה איני מרגיש טוב ונטרפת עליי דעתי. תן לי אותה לאישה ואעשה אותך לעשיר גדול יותר ממה שהנך, וכל השערים בממלכה ייפתחו בפניך״.

הדברים הקשים הללו הם בעצם איום נורא שאם רבי משה לא יסכים אחת דינו והוא ובני ביתו להמית. רבי משה שמר על קור רוח ואמר למושל, תן לי יומיים או שלושה ואתן לך תשובה. אין בעיה אמר המושל. ביומיים הקריטיים הללו רבי משה הבריח את אשתו ובנו יצחק לעיר בזו הרחוקה. ביום השלישי, כשידע שהגיעו למקום מבטחים, בא אל המושל ואמר לו, הלילה בחצות אבוא אליך לביתך עם ביתי היפיפייה ומאחר והיא יהודיה ואיני רוצה שהיהודים יידעו על מעשיי ומאחר וגם אתה תהיה ללעג בפני ההמון הישמעאלי מדוע בחרת בילדה יהודיה, כשיש הרבה בנות ישמעאליות יפות. לכן רק אני ואתה וביתי נהיה ביחד ונעשה קידושין כדת משה וישראל ותחיה אתה כאשתך, ולכולם אתה יכול להגיד שהיא הסכימה להתאסלם.

המושל הסכים לתנאו של רבי משה, וציווה שאף אחד מבני ביתו ומהשומרים לא יהיה בבית בלילה ההוא. רבי משה הגיע כמובן לבדו וכשנכנס לבית המושל שהיה ריק מבני אדם ושומרים חיש מהרה הלך לחבק את המושל כשהוא נועץ בגופו סיכה מצופה בסמים מרדימים. המושל נפל שדוד על הקרקע ורבי משה נמלט כל הלילה ההוא על הפרדה עד שהגיע לעיר בזו. כך ניצלו רבי משה וביתו ובני ביתו מצרת המושל העריץ החמדן. כן יאבדו כל אויבך ה'.

וירא מנוחה כי טוב והארץ כי נעמה ויתאו עיר זו למושב לו, שם בילה את רוב שנות חייו ותהי מנוחתו כבוד בעיר איית עתאב. בעיר בזו נולד בנו הגדיל רבי יצחק מויאל בן רבי משה המכונה דדא משה, כך כינוהו, שמו כשם רבו. רבי יצחק המשיך את מסורת אביו, היה תלמיד חכם גדול ואיש צדקה וחסד, והיה גב ומשענת לאנשים רבים קשי יום.

בהיותי בביקור מולדת בעירנו עיר בזו, עשיתי עבודת בילוש ומחקר מקיף עז שהגעתי וגליתי את אחוזתו של הסבא רבא רבי יצחק בן דדא משה, גליתי אחוזה במרומי הגבעה משקיפה על כל העמק הירוק הפורה בעצי תמרים ועצי זיתים שנטע הוא במו ידיו, ונחל מים מתוקים (לוואד) עובר בעמק. המקום נקרא בשם תאגונית׳.

האחוזה בת שתי קומות וארבעה עשר חדרים, כיאות לאיש גביר ועשיר כמוהו. ביתו היה בית ועד לחכמים ולכל עני וקשה יום שם היתה הכתובת לעזור לאביונים. מול הבית נבנה בית כנסת שיכלו להתפלל בו לא יותר מעשרים וחמישה איש. הבית נבנה בשנת 1912.

נקראתי יצחק וזאת בעקבות סיפור מדהים העובר במשפחה מדור לדור, אותו סיפר לי סבא שמעון ואמי אישרה אותו.

אבי סבי, הסבא רבא רבי יצחק בן דדא משה, בערוב ימיו שאיפתו וחלומו היו שהנכד הראשון אשר יוולד לאחד מצאצאיו ייקרא על שמו. כלת בנו, אמי סוזן שתחיה, נכנסה להריון, ואז פנה אליה הצדיק יצחק וביקש מאמא לקרוא על שמו. אך אמא חלמה מספר פעמים שאביה מבקש ממנה שתקרא את שם בנה שיוולד לה על שמו, דהיינו שלום, סבי מצד אמי.

בצר לה פנתה לסבתא מסעודה ושטחה בפניה את צערה ודאגתה, הרי אביה בא בחלום שוב ושוב ומבקש שתקרא את שם בנה הנולד על שמו. כולם פחדו ממנו והיתה יראה גדולה ממנו. הסבתא עם האמא פנו לרבי יצחק ואמרו לו את כל הקורות איתם ואת דברי החלום. רבי יצחק אמר לסוזן, אני מבטיחך כי הוולד הראשון יהיה זכר, אך מבין אני ללבך ולמשאלת ליבו של אביך המנוח, לכן את בנך הראשון קראי בשם אביך שלום, אך אני מבטיחך שהוולד השני שלך יהיה גם כן בן זכר ותקראי לו כשמי יצחק, והיה אם תמלאי משאלתי זו כל בניך ויוצאי חלציך ילדו בנים בכורים.

וכך היה, נולד אחי הבכור ונקרא שמו בישראל(צ׳ארלי) שלום, ואחריו נולדתי אני וקראוני יצחק, וסבא יצחק היה הסנדק, ואני יודע ש״שמא גרים״, השם משפיע, ובזכות זה שנקראת׳ על שמו של אבי סבי, הזכות והאנרגיות שבשמו הם אלה שמנעורי הדריכוני וקדמוני לתפקידים הרבים אותם מלאתי עד היום, זכותו היא שעמדה לי.

גדלתי ונהייתי לאיש, נשאתי אשה, וכשהתעברה חשקה נפשי לקרוא לבני שיוולד על שם סבא רבי שמעון מויאל ע״ה, אך סבי הקפיד שלא יקראו שום נכד על שמו בחייו. על אף שיש לאבי אחים רבים ולכולם יש ילדים ב״ה, לאף אחד מהם אין בן על שם הסבא, וכל מי שפנה אליו נענה בשלילה מיד, והוא לא הסכים בשום פנים ואופן למרות כל התחנונים של כולם.

ביודעי את סיפור לידתי ובקשתו של אבי סבי שאקרא על שמו, הלכתי לבית סבי רבי שמעון שכבר היה זקן, נכנסתי אליו בשעה 23:00 בלילה ובשרתיו, נולד לי בן, אני רוצה לקרותו על שמו.

הייתי בלחץ ובפחד מתגובתו, אך פלא, הוא אמר לי, כן תקרא אותו על שמי, בשמחה, לך אני מסכים, הגיע הזמן. יצאתי מחדרו וספרתי לסבתא, והיא אמרה לי, לא יכול להיות שהוא הסכים, בטח לא הבנת היטב. הלכה היא, העירה אותו וצעקה באזניו, האם הסכמת ליצחק שיקרא שם בנו על שמך? ענה לה, כן, אני רוצה. ושוב קרא לי והוא ברך אותי. לא היה קץ לשמחתה של סבתא על הבשורה וההסכמה. וכן היה, נולד שמעון בני, שמו כשם סבו שמעון.

גדל ונהיה לאיש, נשא אשה והתעברה, אבי רבי עמרם הבטיחו שיהי לו בן זכר ראשון כי כך היא הברכה והמסורת מברכת רבי דדא משה, וביקש שאת הבן שיוולד יקרא על שמו. ואכן, כך היה, נולדו לשמעון תאומים אחרי הריון לא פשוט ועתיר חששות, והראשון נקרא עמרם עילאי על שם אבי ז"ל, והשני אלדר ינון. כך הברכה של רבי יצחק מתקיימת עד היום, ותמשיך בע״ה לדורי דורות.

גדלנו בעיירת פיתוח דרומית משפחה בפ״י מרובת ילדים עם הורים קשי יום ופרנסה, אך הערכים אותם שאבנו וחונכנו עליהם בבית הורינו היא שעמדה לנו להמשיך את מורשת המשפחה שהדבר העיקרי בצוואתה, ״עשות צדקה וחסד עם הזולת״, וסיוע לנזקקים, ״דע מאין באת ולאן אתה הולך״, וזה סוד ההצלחה שלנו. תובנות רבות ירשנו מהורינו ומזקנינו, בעיקר תכונת הכתיבה בשירה, בפיוט ורעיונות יצירתיים.

כצאתי את הקודש, אברך את אמי האשה הכבודה והחשובה מרת סוזן מויאל, אמא שעמדה וגדלה עשרה ילדים לתפארת משפחת מויאל הקדושה ועם ישראל. ה׳ יחייה ויזכה אותה לראות בשמחת בניה ובנותיה נכדיה וניניה וכל יוצאי חלציה, ויהי רצון שישלח לה הקב״ה רפואה שלמה והחלמה מהירה ושתאריך ימים ושנים בבריאות איתנה, אם הבנים שמחה.

אבא ז״ל עבד קשה כל חייו עד שיצא לפנסיה, חיים קלים לא היו לו. גידל משפחה לתפארת, לא יצא מגבולות ארץ ישראל מאז הגיע ממרוקו. חלה במחלה קשה ונפטר בייסורים רבים.

כמי שהמשיך דרכו של אבינו המנוח הקמנו עמותה על שמו־זוהי צוואתו. העמותה מתמקדת בסיוע לנזקקים בחגים, בחלוקת תפילין וציצית לחתני בר מצוה יתומים ומעוטי יכולת, ועוד. ספר תורה נתרם לבית כנסת לזכרו. ספר זה נכתב עבור המשפחה, לספר על שושלת מויאל. כאן מספר צ׳רלי את כל הביוגרפיה של אבא מיום לידתו עד יום פטירתו.

ופה המקום להזכיר לברכה את ידידי משכבר הימים, יפים רבים, הרב אליהו פרץ שליט״א יו״ר מכון מלכי רבנן, שעזר לנו בהפקת והדפסת הספר הזה, יזכר לטוב ויבורך משמים בזכות אבותינו הקדושים זיע״א.

רוב ברכות לאחי הבכור שלום (צ׳ארלי) מויאל על כתיבתו היפה על אבינו ועל משפחתנו, חן חן לאיש נבון וחכם, יבורך הוא וכל אחי ואחיותי וכל צאצאי שושלת בית משפחתנו.

דעו נא אחים ואחיות, נכדים ונכדות, נינים ונינות, דודים ומשפחת מויאל היקרה, כי באים אנו משורש משפחה רמה חשובה וקדושה, שושלת רבנים וצדיקים ואישים חשובים וידועים, יש לכם ממי ללמוד, הם לנו מורי דרך להמשיך במורשתם הקדושה.

החותם ברוב התרגשות ושמחה, יצחק ב״ר עמרם ב״ר שמעון בר רבי יצחק בן הרב משה מויאל, המכונה ״דדא משה״.

כסלו ה׳תשע״ו, אשדוד

Palais et Jardins-David Elmoznino-Amour interdit-Le recit complet

Amour interdît

A treize ans, on sait qu'il y a quelque part dans le monde un être que la fille pubère n'a pas encore connu et qu'elle passera le restant de ses jours avec lui.

Dans l'une des petites ruelles non goudronnées de la ville, il y avait une rangée de petits magasins abritant différents commerces. Le plus petit d'entre eux, recouvert d'une pellicule de poussière noire, était celui du marchand de charbon. Le sol, les murs et le plafond étaient revêtus d'une couche de couleur du plus beau noir, à tel point que, pour un passant non averti ignorant l'existence de la boutique, elle apparaissait comme une grande tache sombre envahissant le mur de séparation.

 Au-delà de ce puits noir se rassemblaient les Maîtres Artisans juifs vêtus de leurs Djellabas brunes. Ils prenaient place face à leurs établis, tels ces cordonniers maniant leurs marteaux de laiton et de cuivre rouge à longueur de journée. Derrière eux, dans la lumière du jour, se détachait le Souk, le marché avec sa foule grouillante, son festival d'odeurs et de senteurs, de saveurs, d'épices et d'arômes dans un tourbillon de sensations qui recouvrait toute la place.

La maison de la famille juive se trouvait presque au bout de la ruelle, en face du Mellah bien connu… le quartier juif, actuellement dans un état de désolation avancé, triste à en pleurer. Ce n'était que ruines et gravats, où subsistaient quelques maisons délabrées, délaissées par la plupart des grandes familles juives aisées qui s'étaient résolues à quitter le Mellah inhospitalier pour un environnement plus accueillant. Une partie de la population avait opté pour l'émigration vers Israël, les autres habitants s'étaient dispersés dans différentes localités du pays. C'est alors que, descendues des Monts de l'Atlas et issues de bourgades éloignées, des familles démunies, nécessiteuses, avaient pris possession des maisons abandonnées d'où elles partaient à la recherche de travail en ville, dans une quête de toute besogne occasionnelle, de tout emploi provisoire. Raphaël, mon père, le père de famille de la maison juive, avait habité le Mellah pendant toute son enfance. Lorsqu'il il fut revenu à Marrakech en compagnie de sa femme Rina et de sa famille, avec l'intention de s'y établir, il avait opté cette fois-ci pour une habitation située en dehors du quartier juif et son choix se fixa sur la petite ruelle. Il espérait y trouver des conditions d'habitat décentes et une vie meilleure. Hélas, la ruelle n'échappait pas à la dégradation générale. Une couleur sale envahissait les façades qui s'étiolaient, de nombreux chats hantaient ses murs jour et nuit et leurs miaulements venaient amplifier le tintamarre continuel et le tapage environnant.

La maison de la ruelle avait deux niveaux. L'aspect extérieur sobre et dénudé offrait aux regards une image de neutralité et de simplicité. Il fallait se garder de toute provocation involontaire, éviter de susciter toute jalousie auprès de ses voisins musulmans. Mais, s'il vous arrivait d'être invité à y pénétrer, vos yeux s'illuminaient en découvrant l'intérieur empli de trésors bien cachés.

 Toutes les maisons de la ruelle furent bâties sur le même modèle. Deux étages entourant un patio, la cour intérieure. Toutes les ouvertures de toutes ces maisons débouchaient sur le patio, les portes, les fenêtres, les balcons occupés parfois par toute la maisonnée convergeaient vers cet espace secret, vers le coeur de l'habitation, sa pulsation intime et secrète. Le bâtiment abritait hommes femmes, enfants et il arrivait que toute une famille vive dans la promiscuité d'une chambre unique. On sortait sur le patio pour prendre l'air, souffler un court instant, et aller à la rencontre de l'autre, à la rencontre de la vie. Quelque temps après son installation, lorsque la famille juive et toutes ses branches se furent acclimatés à leurs nouvelles conditions de vie dans la nouvelle maison, Raphaël et Rina introduisirent Salma la belle dans leur foyer – l'aide ménagère musulmane qui allait apporter aide et soutien à tous les habitants de la belle demeure. Au Maroc, il était bien connu que chaque maison juive se devait d'avoir son aide ménagère. Salma était âgée de onze ans lorsque son père l'avait confiée à la famille juive. Elle sera logée et nourrie, recevra gîte et salaire en échange de ses bons services. A partir de cet instant, elle faisait virtuellement partie de la famille juive. Et c'est ainsi qu'au fil des jours, au fil du temps qui passe, le présent récit émergea, surgit d'entre les nombreux contes qu'elle narra à David, d'entre les innombrables histoires d'esprits et de démons qu'elle se plût à lui rapporter. Ce fut son histoire personnelle qu'elle entreprit de lui raconter et David l'écoutait captivé. Il se souvient encore, après toutes ces années, de chaque détail comme si tous ces événements dataient d'hier, comme si Salma lui parlait encore aujourd'hui. Et ainsi commença-t-elle son récit.

"Nous vivions dans un petit village paisible peuplé surtout de gens simples et modestes, de personnes candides, ingénues et naïves parfois. Heureux et comblés, on se contentait du peu dont on disposait. Lorsque par bonheur il nous était donné de jouir d'une heure de liberté prise sur le travail domestique quotidien, sur les heures passées aux champs, nous avions l'impression de jouir de toute une semaine de congé. Nous étions fascinés par les petites choses de la nature. De simples détails nous remuaient, tel le vol d'un papillon, la vue de l'araignée pendue à son fil invisible, la découverte d'un nid d'oiseau tombé de l'arbre, les tendres oisillons gazouillant, piaillant à l'intérieur, les figues sauvages dégustées au coin d'un champ sur le chemin du retour à la maison, ou alors les raisins que l'on faisait craquer sous les dents, ou encore l'eau que l'on buvait directement à la source. Tout cela nous remplissait de joie pour le reste de la journée. Nous avons vécu la vie simple et innocente de l'enfance, sans peur ni complexe. Les habitants du village étaient tous amicaux et avenants. Aujourd'hui encore, je ressens de la nostalgie pour cette époque où je pouvais me sentir libre de me baigner toute nue dans l'eau de notre belle source, sans honte et sans crainte aucune, dans l'ignorance totale du côté positif ou négatif que cela pouvait comporter, du bon et du mauvais que cela pouvait signifier. Un soir, mon père vint auprès de moi et, prenant beaucoup de précautions se mit à me parler avec une grande délicatesse. Il me dit que, désormais, le moment était venu pour moi d'aller gagner mon pain et que je me trouverai bientôt dans l'obligation de quitter la maison natale. Il m'apprit avec douceur qu'il avait trouvé une bonne place de travail chez une famille juive de Marrakech.

Je n'avais que onze ans et je devais déjà abandonner ma famille ! Ni ma beauté, ni mes cheveux lisses couleur jais, ni mes grands yeux noirs rehaussés d'épais sourcils ne me furent d'aucune aide ni d'aucune utilité. Dieu seul sait combien ils se remplirent de larmes cette nuit-là passée à pleurer silencieusement sous la couverture. Tous mes rêves s'envolaient, disparaissaient, me fuyaient. L'espace d'un instant, tout avait basculé. Jusqu'au dernier moment je gardais l'espoir, quelque chose allait se passer, un événement bienvenu allait me sauver, mon père allait tout annuler. Mais hélas, rien de tel n'arriva.

Notre voisine s'adressa à mon père et parla à son coeur. Il devait me préserver, j'étais encore trop jeune et inexpérimentée. Mais, il lui expliqua, il nous expliqua, qu'il n'avait pas le choix, nous étions trop nombreux à la maison, il fallait que je quitte le village, il était indispensable de me trouver une place de travail. Je ne lui en veux pas et ne nourris aucun ressentiment à son égard, je savais qu'il passait des moments très difficiles. Les derniers jours qu'il me restait à passer auprès de ma famille à la maison le tourmentaient, il n'osait plus me regarder en face et tenait les yeux baissés. En fait, je n'avais pas compris de quoi ce pauvre homme pouvait avoir honte, lui qui s'obligeait, se contraignait à se séparer de sa fille chérie.

Je passais la dernière nuit précédant mon voyage chez notre voisine. Elle me parla longuement, avec beaucoup de tendresse. Elle me parla jusqu'au milieu de la nuit. J'entends encore le son de sa voix, ses mots tellement doux et tendres, des mots d'encouragement, des mots que je garde encore dans ma mémoire jusqu'au jour d'aujourd'hui.

Le lendemain, nous nous retrouvâmes côte à côte près de la charrette qui allait nous conduire à Marrakech. Notre unique cheval y était attelé, prêt à trotter vers notre nouvelle destination. Elle me dit, les yeux remplis de larmes :

"Rien n'est définitif, tu pourras à tout moment revenir vers ta famille, le retour est toujours possible." Mais je savais que ce n'était pas vrai, que c'était un voeu pieux. Elle m’embrassa, nous nous séparâmes et depuis je ne l'ai plus revue. Dans la charrette, durant ce long et lent voyage, je songeais un instant aux propos que nous avions tenus pendant la nuit. Il m'arriva de penser qu'elle était dans le vrai, de lui donner raison. Peut-être allais-je me sentir à l'aise dans ma nouvelle situation ? J'aurais une chambre pour moi toute seule, des vêtements propres, des bons repas ? Je recevrais même de l'argent de poche – m'avait-on dit.

Mais je n'avais que onze ans et tout cela était bien prématuré. J'étais encore trop jeune pour quitter la maison paternelle et le village natal, encore trop liée pour être indépendante. Nous étions habitués à voir les filles partir bien plus tard de la maison. Malgré toutes ces pensées, je n'avais rien à reprocher à mon père, je savais qu'il m'aimait profondément, qu'il m'a toujours aimée tout au long de ces années. Il a toujours été très bon envers moi. Non, je ne lui adresse aucun reproche qui puisse avoir une relation quelconque avec l'amour qu'il me portait. Je me souviens très bien de ce jour où il me conduisit à Marrakech. C'était un dimanche après-midi. J'étais vêtue de ma belle robe, celle que je portais lors des grandes occasions et que je m’empressais, aussitôt la fête terminée, de plier soigneusement et de ranger en prévision de la prochaine festivité. Je me souviens qu'il régnait un silence inhabituel dans la maison. La séparation fut très difficile. C'est en larmes que je pris congé de ma mère, de mes frères et de mes soeurs. Puis, je suis allée faire un tour au village. Revoir une dernière fois tous les endroits auxquels j'étais attachée, tous les lieux que j'avais aimés. Je pris le chemin qui longeait la maison, me rendis au puits, allais voir mes moutons que je guidais tous les jours vers les prés en compagnie de ma soeur. Il fallait aussi me séparer d'eux. Mon père attendait près de la charrette et ne disait mot. Patient il ne me pressait pas. Le temps passait et j'étais toujours hésitante. Je ne me décidais pas à grimper sur la charrette et même si je l'avais voulu je n'y serais pas parvenue. Je ne pouvais plus bouger, mes mains tremblaient, mes jambes refusaient de me porter. Je n'avais plus la force de faire le moindre mouvement, j'étais paralysée et me sentais comme un vieux chiffon usé.

C'est alors que mon père se pencha sur moi et me murmura des paroles affectueuses. Il voulait me réconforter. J'eus tout à coup mal pour lui et compris que je devais être courageuse. Je pris une profonde inspiration, me redressais et regardant droit devant moi, et me hissais sur la charrette. Nous prîmes le chemin qui devait nous mener à ma nouvelle destination. Je remarquais que mon père contrôlait l'allure du cheval et ralentissait le pas de l'attelage. Il voulait me laisser le temps de voir le paysage de mon enfance défiler doucement devant mes yeux. Mes yeux qui se remplissaient de larmes à la vue de ce spectacle familier qui s'éloignait de moi inexorablement.

Je me répétais maintes fois que j'étais déjà une grande personne, qu'il ne m'était plus permis de pleurer. Mon père, qui devinait ce qui se passait en moi, s'efforçait par tous les moyens d'étirer le voyage en longueur, de prolonger ces instants qui nous permettaient d'être encore ensemble. Nous fîmes une halte dans l'un de ces villages qui bordaient notre route. Le temps de nous dégourdir les jambes en faisant quelques pas, la main dans la main. Il me dit "Salma ma fille, n'oublies jamais que tu es une musulmane et qu'un jour tu reviendras au village pour te marier. Je te confie aux bons soins d'une famille juive, ce sont des gens bons et droits. Tu travailleras chez eux comme aide ménagère. Prends bien soin de toi, donne-toi du courage et ne sois pas triste".

Il se dirigea vers notre carriole, je le suivis sans prononcer une seule parole. Nous repartîmes. Nous reprîmes notre allure modérée, mesurée. Le voyage se poursuivit au rythme que mon père lui imposait. Il se mit à pleuvoir. J'étais contente. Les bois et les arbres m'apparurent plus beaux, la pluie les irisait de mille reflets lumineux. Sous l'ondée, les chemins se transformaient et prenaient toutes les tonalités du gris. Je me sentis un peu moins triste. Il me présenta à Rina ta mère, la brunette, la maîtresse de maison. Elle devait avoir la trentaine, ses cheveux noirs étaient relevés et enserrés au- dessus de la tête. Puis elle me présenta à son mari, Raphaël, ton père. Ils avaient l'air gentil et pas du tout intimidant. Avant de me quitter et de me laisser à mon sort, mon père m'attira à l'écart et me chuchota avec tendresse :

"Je reviendrais te rendre visite."

Je vis alors mon père que j'aimais tant s'éloigner sur sa charrette. Je regardais dans sa direction jusqu'à ce qu'il ne fût plus qu'un tout petit point à l'horizon. Je retenais mes larmes de peur que les maîtres de maison ne me grondent. Je me sentais déjà devenir adulte, car dans ces moments parmi les plus durs de ma vie, à l'instant même où je me retrouvais brisée, perdue et seule au monde, je suis arrivée à me contenir et à ravaler mes larmes. Une nouvelle vie s'ouvrait devant moi. Rina devint très vite une mère pour moi et ce dès le premier soir. Je fus reçue avec beaucoup de chaleur, d'affection et de tendresse au sein de la famille juive, au même titre qu'une fille de la famille. Et les enfants m'aimèrent tout particulièrement, n'est-ce pas David ?"

Le matin tôt, Salma était la première levée pour allumer le feu de charbon de bois. Rina la rejoignait un peu plus tard et, ensemble, elles se mettaient en devoir de préparer le petit-déjeuner pour toute la famille. Pendant la journée, Salma s'occupait des travaux domestiques, nettoyait, récurait, apportait son aide à toutes et à tous. Elle était toujours prête à répondre aux besoins de la maisonnée, petits et grands.

Des jours et des jours passèrent après l'épisode mémorable où son père l'avait confiée à la famille juive. Un beau matin, le maître de maison, Raphaël, la pria de se joindre à lui et de l'accompagner à l'extérieur. Adossée à la maison de la ruelle, se dressait une synagogue, le lieu de prière, le temple du culte juif. Raphaël en était le Gabay. Devant l'entrée, il se tourna vers Salma et lui fournit quelques explications. Il lui demanda de veiller désormais à la propreté du bâtiment, de nettoyer le sol de la synagogue surtout à la veille d'événements liturgiques importants comme le Shabbat, les fêtes juives et autres activités religieuses festives. Tremblante de peur, Salma tendit la main vers la grosse clé pendue au mur de l'édifice, la décrocha lentement de son clou et se dirigea sur la pointe des pieds vers le lourd portail de la maison de prière, qu'elle déverrouilla avant d'en écarter les battants grinçants.

Devant elle se profila un couloir étroit qui s'enfonçait à l'intérieur du bâtiment. Cet endroit lui inspirait une grande crainte, toujours renouvelée en dépit de ses visites répétées. L'impression qui s'en dégageait lui paraissait tout aussi angoissante et l'état des lieux ne manquait pas de susciter quelques inquiétudes. Vraisemblablement, la maison juive de prière avait connu des jours meilleurs. La vue du mobilier défraîchi, des bancs et chaises de bois usés par les années, par l'usage des fidèles, était des plus désolante.

Au centre de la synagogue se dressaient quatre colonnes imposantes. De dimension honorable, elles soutenaient un haut plafond grisâtre et entouraient une Tebah bancale, abritant les sièges fatigués des chantres- poètes et des ministres officiants. Salma la caressait délicatement et l'effleurait de son chiffon humide, désempoussiérait coins et recoins, priant le ciel pour que rien ne lui tombe sur la tête avant la fin de sa tâche. Le Heikhal, le Aron Hakodesh où se trouvaient les rouleaux de la Torah rangés dans leurs longs cylindres, était d'un autre âge, antique et patiné.

La Parokhet qui le recouvrait était pâle, usée, les lettres d'or à peine lisibles qui l'ornaient, flottaient intemporelles dans l'espace. Salma, respectueuse, l'observait à distance, Raphaël l'avait prévenue : il ne lui était pas permis de s'approcher de l'armoire sacrée. Ses yeux fixaient les caractères hébraïques qu'elle avait découverts pour la première fois de sa vie, lors du premier passage à la synagogue en compagnie de Raphaël. Depuis, chaque fois qu'elle pénétrait dans ce lieu saint, un sentiment étrange s’emparait d'elle. Elle se sentait complètement transformée, métamorphosée. Elle se forçait à contrôler sa respiration et à se calmer, avant de commencer son travail. Elle entamait alors le nettoyage des fenêtres en forme d'arc de la maison de prière. Elle se souvenait d'avoir toujours ressentie une grande crainte envers le Dieu des Juifs, mais depuis son installation au sein de la famille juive, sa peur allait grandissant.

Du haut du deuxième étage de la maison de la ruelle, Salma la belle pris l'habitude, entre deux travaux, d'observer les faits et gestes des voisines qui s'activaient dans le patio. Elle les contemplait et sentait une vague de nostalgie la submerger. Le matin, après le départ des hommes vers leur travail, les femmes sortaient de leurs foyers pour se retrouver dans la cour, chacune avec ses propres ustensiles dans les mains. Elles éparpillaient les bébés autour d'elles afin qu'ils jouent ensemble alentour, les abandonnaient à leurs babillages et entamaient leur journée. Elles reprenaient leur place en se regroupant, oeuvraient en société dans une chaude convivialité.

Simy, assise par terre, déposait sur ses jambes repliées un grand plateau contenant une petite montagne de grains de riz. Avec un art consommé, des gestes rapides et expérimentés, elle le prenait à pleines mains, lui faisait subir un contrôle des plus sévères, le nettoyait, en retirait les graines étrangères et déchets divers.

Sarah, son amie, assise sur un court tabouret de bois, soumettait ses lentilles à un examen minutieux. Ses pieds semblaient être étroitement soudés à son siège, ses jambes serrées étaient entièrement recouvertes d'une longue robe aux couleurs neutres. A ses côtés se trouvait Esther, une grande femme approchant la quarantaine, vêtue d'une légère robe fleurie, dont la partie supérieure attirait les regards. A son corsage pendaient, de part et d'autre d'une poitrine généreusement découverte, deux cordons de fermeture qu'elle n'utilisait jamais, exposant à la ronde une gorge exubérante.

Tout près d'Esther, se trouvait Aliza, assise dans une posture typiquement orientale. Elle tenait un petit couteau dans la main droite et un concombre dans la main gauche. Elle pelait soigneusement son concombre et les épluchures tombaient lentement par terre. Elle le débitait en fines tranches directement dans une casserole posée sur son ventre. Le plaisir d'être ensemble et en bonne compagnie ; facilité, aisance et bien-être. Les travaux routiniers devenaient légers et supportables. D'autant que l'on ne tardait pas à se lancer dans un bavardage soutenu où l'on pouvait rapporter et colporter les derniers potins et ragots, glissant insensiblement sur les soucis et les tracas quotidiens.

Et Salma observait du haut du son perchoir, réservée et attentive.

Au milieu de la matinée, arrivait le temps de la pause, le temps de prendre un repos bienvenu. Simy, la généreuse au grand coeur, se levait en secouant ses vêtements et se dirigeait vers la maison. Elle allait préparer le thé traditionnel. Un soupir d'aise général l'accueillait lorsqu'elle réapparaissait tenant la Séniya, un grand et beau plateau trépied en cuivre ciselé, portant le Berad, la théière au joli décor gravé au burin, entourée de délicieux gâteaux sucrés et de cinq verres fins transparents au bord doré. Bien-être et détente, la sacro-sainte récréation et le rituel du thé. Les femmes le boivent à petites gorgées, dégustent leurs pâtisseries, devisent, conversent et se confient mutuellement leurs petits secrets. Salma se tenait à l'écart et ne participait guère à ce genre de distractions. Elle passait une grande partie de la journée dans la solitude et allait parfois rendre visite à Tsipora.

Tsipora et son mari habitaient de l'autre côté de la maison. Salma les aimait beaucoup, plus particulièrement la belle Tsipora. Aux yeux de Salma, Tsipora la femme juive et son mari apparaissaient comme des géants véritables, tels ces personnages dans les récits des Mille et une Nuits. La femme juive était très belle, avait une peau claire au grain pur, de grands yeux verts. Son mari portait une barbe noire et avait belle allure dans ses tenues vestimentaires claires de coupe occidentale. Salma estimait que l'homme juif était plus âgé que sa femme, d'une bonne dizaine d'années, pour le moins. Le foyer de Tsipora était égayé par la présence de deux enfants en bas âge, un nourrisson et son aîné âgé de six ans. Tous les matins l'homme se rendait à son travail. Il était transporteur au Souk, le marché local de Marrakech. Tsipora la belle, elle, passait ses journées dans sa chambre s'occupant de ses enfants et de son intérieur.

Salma savait que le couple venait de Ouarzazate, une petite ville idyllique du sud, non loin de Marrakech- la-rouge où il avait emménagé. La majorité de ses habitants étaient des Berbères et les femmes juives de la petite bourgade se mariaient très jeunes, à l'instar des parents de Salma, l'ensemble des membres de sa famille et de toutes les personnes qu'elle connaissait. Les jeunes filles s'unissaient avec celui que leur père avait choisi et devaient l'accepter de gré ou de force. Salma supputait que Tsipora, la belle femme aux yeux verts, avait connu le même sort, subi le même destin. Destin qui sera aussi le sien, elle le savait. Les lignes en étaient déjà tracées. De la maison du père à la maison de la famille juive et, le moment venu, de la maison de la famille juive à celle de son époux. Celui que son père lui désignera.

Arrivée à l'âge de seize ans, Salma se retrouva confrontée aux mêmes réflexions, sassant et ressassant les mêmes pensées, alors que dans sa tête défilaient les images de sa vie et de sa destinée. Elle se mit à apprécier ces instants privilégiés où elle s’emparait de la grande clé, pénétrait dans la maison de prière de Raphaël et procédait à ses travaux de nettoyage dans le silence et le calme de ce lieu tranquille et retiré – tout doucement avec beaucoup de précautions et de doigté, que rien ne s'écroule. Dans ces moments hors du temps, irréels, elle retrouvait la paix avec elle-même. Elle ne voulait pas devenir adulte et avait peur de mûrir. Mais elle ne pouvait s’empêcher d'observer l'évolution de son propre corps qui la contredisait. Ce corps que les signes évidents de la puberté marquaient de leur empreinte. Debout devant la Parokhet, elle se disait que son destin était scellé. Personne ne pouvait plus ignorer la beauté de Salma, son beau visage brun, ses immenses yeux noirs.

Salma qui a grandi et qui est devenue belle, si belle.

Quelque part, aux confins du désert du Sahara, Ali le fils d'un chef de caravane de chameaux, se préparait, en pleurs, à se séparer de son père. Ce dernier venait de lui remettre un balluchon renfermant une cruche antique en maillechort recouverte d'un plaquage en cuivre orné de dessins, de fleurs et d'un verset du Coran, à quoi il ajouta quelques bijoux, des bagues en or.

" Ali, mon fils, quitte ce désert, va découvrir le monde, lui dit son père. Tu es encore jeune, intelligent, le moment de l'apprentissage est arrivé. Après, si tu le désires, tu pourras toujours retourner au désert et à ses paysages enchanteurs, à ses étendues éternelles où naissent tant de mirages." Ali arriva à Marrakech et la découvrit à l'heure de sa plus belle parure. A l'heure où tous ses atouts s'enflamment sous l'éclat magique du soleil couchant. La ville de glaise ocre rougeoyante, campait à l'orée du désert saharien au pied des cimes montagneuses et paraissait enveloppée d'une aura mystérieuse. Tel un somnambule, Ali erra une heure durant dans la ville, hébété, le regard flou, n'en croyant pas ses yeux, abasourdi par le spectacle, la magie des lieux et l'étalage de tant d'exotisme. Les fins dattiers alourdis, abondamment chargés de fruits juteux, les différentes tribus berbères dans leurs toilettes scintillantes et leurs vêtements hauts en couleur, les marchands d'eau dans leur tenue traditionnelle, les ruelles étroites du Souk, le riche parfum entêtant des épices, les étals de poissons et de jus de fruits. Ils sont légion, très nombreux sur la place Djamaâ-El-Fna, ces étals bien alignés proposant du jus d'orange fraîchement pressé.

C'est sur cette place qu'Ali trouva le premier emploi de sa jeune existence. Il rinçait les oranges avant de les empiler soigneusement et les disposer artistiquement en hautes pyramides destinées à attirer les clients et allécher les touristes. Le maître des lieux lui indiqua une petite place à l'arrière de son petit commerce, où il lui permettait de s'allonger quelques heures par jour. Mais Ali ne pensait guère à aller dormir ou à prendre quelque repos, des cordons magiques le tiraient irrésistiblement vers la place centrale de la ville.

Il découvrit sur la grande place, les premiers acteurs de l'éternel spectacle, de l'immense représentation. Les différents colporteurs, camelots et marchands ambulants qui venaient de très loin. Parmi eux : les mangeurs de verre, les magiciens et fakirs, les diseurs de bonne aventure, les marchands d'amulettes, les jeteurs de sort, les charmeurs de serpents et le son aigre de leurs flûtes, les danseurs, les acrobates, les prestidigitateurs, les clowns, les guérisseurs aussi, des charlatans, les bonimenteurs vantant un remède miracle, les soigneurs de dents aux méthodes singulières qui vous arrachent une dent, gratuitement et sans anesthésie…

Sur la grande place fleurissent les commerces les plus variés. Des marchands d'objets galants, de statuettes et de masques rituels pour cultes variés, de broderie grossière ou fine, de tapis bigarrés, de chapelets à égrener accompagnés de tapis de prière, de tissus aux couleurs fortes, de vêtements dorés et brodés or et, se frayant un passage dans la cohue de cette nombreuse foule, les éternels vendeurs d'eau fraîche, une grande outre sur le dos, versant le précieux liquide d'une hauteur de plus d'un mètre dans des verres en verre bleuté, sans renverser la moindre goutte par terre.

Un fourmillement bruyant, une mêlée trépidante et colorée, une agitation tintinnabulante, une multitude de "maîtres-colporteurs" formés au sein de leur tribu d'origine et porteurs d'une science héritée du père. Ali rodait autour de la place les yeux brûlants, lourds de sommeil. Il ne pouvait se résoudre à quitter ces lieux du regard et il n'était pas le seul. Tous les habitants s'étaient rassemblés sur la place, tous les touristes étaient là. Tout le monde semblait s'être donné rendez-vous dans ce périmètre magique. Ali s'arrêtait parfois devant un ouvrage, intéressé, il s'adressait alors à l'artiste et le priait de lui révéler sa science. Et l'homme qui avait conservé avec jalousie les précieux secrets livrés par ses ancêtres et transmis de père à fils, lui ouvrait de bonne grâce les portes de son art et lui prodiguait savoir et enseignement. Ailleurs il se contentait d'observer de loin les bonimenteurs, les grands cercles qui se créaient autour d'eux, les promesses de grand spectacle, la tournée pour récolter l'argent des badauds. Ils faisaient mine de chercher des heures durant de mystérieux objets dans leurs valises éculées, épuisant un public qui s'éparpillait, déçu d'avoir vainement attendu et aussitôt remplacé par de nouveaux passants, encore naïfs.

Il prêtait attention aussi aux curieux faisant le va et vient, errant sans but précis, pour le plaisir de flâner. Quelques-uns prenaient place, serrés les uns contre les autres, sur les bancs des cafés, se lançaient dans de grandes tirades et d'interminables narrations, étalant leurs histoires de vie. D'autres lorgnaient les jeunes passantes et tenaient des propos irrévérencieux, incongrus, grossiers. Il y avait ceux qui lisaient et relisaient inlassablement leur journal, à l'apprendre par-cœur. Enfin, ceux qui cassaient du sucre sur le dos de leurs contemporains et se délectaient de leurs malheurs. Un beau jour, Ali fouilla dans le balluchon et en retira l'une des bagues en or que son père lui avait remis. Il s'en alla prendre conseil auprès de l'un de ces anciens qui se tenaient sur la place, un homme âgé d'aspect honorable, vêtu avec un goût rappelant les splendeurs d'antan. Il était assis, penché toute la sainte journée sur des livres anciens, des ouvrages antiques en partie déchirés. Absent, plongé corps et âme dans sa lecture, loin de son entourage, tournant délicatement les pages jaunies par le temps. C'était celui qui lisait dans votre avenir, le voyant extralucide, mais également le conteur d'histoires. Le vieil homme le considéra longuement. Son regard se porta au loin, traversant les époques et sautant par­dessus les continents, parvint jusqu'aux vastes étendues du désert du Sahara, avant de revenir se reposer sur les livres étalés devant lui. Il dit à Ali :

"Dans un mois tu rencontreras une jeune fille du nom de Salma."

Ali l'écoutait de toutes ses oreilles. Le vieux sage poursuivit :

"Tout un chacun se doit une fois dans sa vie de traverser le désert de son existence, avant de se forger une personnalité et de devenir adulte. Toi, tu as déjà traversé une grande partie du désert, l'autre partie, tu la feras en compagnie de ta compagne. De ta femme".

Cette nuit là Ali ne parvint pas à trouver le sommeil. Les propos du vieil homme l'avaient profondément troublé. Avant de se fixer quelque part, il voulait poursuivre ses promenades, ses voyages, ses pérégrinations, voir encore du monde. Mais si le sage disait vrai… si véritablement il serait sur le point de rencontrer l'amour de sa vie.

Et si le sage se trompait, que faire dans ce cas-là? Tout cela n'est pas très sûr… se disait Ali que le sommeil fuyait.

Un compromis se dégagea lentement. "Je vais me donner un délai de trente jours, songea Ali, je vais économiser un peu d'argent avant de poursuivre mon périple."

Il se leva au petit matin et, muni du petit capital remis par son père, s'en alla louer un petit magasin en ville. Il dénicha un petit local, tout noir, qui servit dans le passé au négoce d'un marchand de charbon. Ali se mit au travail. Une fois le local prêt, il l’emplit de tissus multicolores, de belles pièces de soie importées d'Inde et de Chine. Les femmes de Marrakech en furent ravies et s'extasièrent devant ces spécialités venant de l'étranger. Il ne fallut guère plus de trois semaines à Ali pour faire la connaissance de tous les passants, de toutes les femmes juives et musulmanes, de connaître leurs besoins spécifiques, leurs voeux personnels et leurs goûts particuliers. Une telle pour les boutons, une autre pour les fils dorés, celle-là pour les tissus destinés aux robes de mariées, ou encore la grande amoureuse de caftans. Une femme sur deux susurrait à Ali : "Viens nous rendre visite, viens boire quelque chose à la maison. J'ai une fille pour toi. Viens faire sa connaissance."

Mais les priorités d'Ali étaient d'un autre ordre. La constitution d'un pécule substantiel était impérative et indispensable à la poursuite de son voyage. Il voulait découvrir le monde avant de prendre épouse et de fonder une famille. La seule petite distraction qu'il se permettait dans le déroulement de sa journée, était de lever les yeux au-dessus de ses tissus, lorsque devant sa boutique, passait une belle jeune fille musulmane au beau visage brun et aux grands yeux noirs.

Ce jeudi-là, Salma était occupée au nettoyage de la synagogue. La lumière qui filtrait à travers les fenêtres du bâtiment agissait comme une invite de l'astre du jour. Elle eut une grande envie d'être à l'extérieur, de sortir déambuler et admirer les maisons rouges, de se rendre au Souk et d'aller sur la grande place. Mais le devoir l'appelait à la maison juive où elle devait se rendre pour préparer le thé de cinq heures.

Alors qu'elle s'apprêtait à le servir, elle glissa malencontreusement sur une flaque d'eau qu'elle- même avait négligé d'éponger peu auparavant. L'ensemble du précieux service à thé antique en porcelaine de Chine lui échappa des mains, tomba sur le sol et se brisa en mille morceaux. Salma, horrifiée, eut un mouvement de recul et regarda autour d'elle effarée. Sous le coup de la peur, elle prit la fuite et s'éloigna précipitamment de la maison, en état de choc.

Elle erra plusieurs heures dans les rues de la ville. A la tombée du jour, elle s'assit sur une grosse pierre dans une encoignure et, pleine d'amertume, laissa couler des larmes brûlantes.

Ali venait de franchir la porte arrière de son magasin. Il commençait à faire sombre. Il leva les yeux et distingua dans la pénombre naissante, le beau visage brun, les grands yeux noirs noyés de larmes. Il s'approcha, intrigué, inquiet et doucement lui demanda de lui révéler son nom. Une heure plus tard, Salma fut de retour à la maison de la famille juive, un service à thé neuf et complet entre les mains. Ali, à ses côtés, l'aidait à le transporter jusqu'à l'entrée de la ruelle, elle le pria alors de s'en aller, il ne fallait surtout pas qu'on les surprenne ensemble.

A partir de ce jour ils ne se quittèrent plus.

A chacun de ses passages au Souk, Salma s'arrêtait devant le magasin d'Ali. Il la remarquait de loin et sentait la gêne, la tristesse et l’embarras le gagner. Il était amoureux fou de cette jeune fille déjà femme, qui portait sous ses habits de la mousseline transparente qui ne laissait guère de place à l'imagination. Sa peau brillante couleur bronze, ses épaules et ses bras dénudés lui emplissaient les yeux et figeaient son regard. Il lui prenait les mains et lui disait des mots d'amour. Elle s'attardait dans son magasin, repoussant l'heure du départ. Il la conduisait à l'arrière de la boutique, lavait ses instruments d'une main et l'enlaçait de l'autre. Il laissait glisser ses doigts brûlants vers le postérieur juvénile et ferme qu'il gratifiait d'une caresse appuyée. Elle riait, se contorsionnait et cherchait à lui échapper.

Un jeudi après-midi, Salma invita Ali à venir visiter la maison de la ruelle. Elle était seule. Les membres de la famille étaient en voyage. Ali franchit le seuil et regarda autour de lui. Il admira la grande chambre marocaine réservée aux invités que Salma avait rangé en prévision de sa visite, les beaux tapis, les fins matelas bourrés de laine. Les grandes parois de la chambre étaient peintes en blanc. Le haut plafond était soutenu par d'épaisses poutres en bois, grosses comme des madriers de chemin de fer. Sur l'une des parois transparaissaient les traits du maître de maison à travers un cadre en or bordant son portrait. Sur l'autre paroi, un ouvrage brodé en lettres dorées agrémenté de motifs marocains et espagnols lui faisait face.

Ils se laissèrent aller sur les matelas entourés de coussins moelleux et caressants. Le soleil baissait à l'horizon. Ali commença à raconter sa vie dans le désert du Sahara, l'histoire de ses pères et, depuis la nuit des temps, la longue tradition ancestrale qui faisait d'eux des chefs de caravanes de chameaux. Il évoqua les rudes conditions de vie, le travail ardu et ses peines. Il lui décrivit aussi le spectacle des paysages enchanteurs qu'il avait traversés, parcourus et tant admirés.

A son tour elle lui raconta quelques bribes de souvenirs d'enfance. Que lui restait-il d'autre en dehors de ses souvenirs ? Elle lui narra son voyage, tous les désagréments du chemin parcouru il y a quelques années en compagnie de son père. Et, après avoir abandonné la charrette et le cheval, son arrivée à Marrakech à bord d'un vieux camion aux ressorts grinçants, chargé à craquer de villageois, de moutons et de poules caquetantes.

Alors qu'il se penchait vers elle et qu'elle sentait ses lèvres se poser sur les siennes, elle lui fit part tout doucement des rêveries qui la hantaient. De pensées que la religion musulmane interdisait. La nuit, elle rêvait d'amour et de passion. Elle pensait à la beauté et à la mort. Envies et désirs l'assaillaient, la tourmentaient et la taraudaient sans relâche. De toutes ces forces, elle tentait de repousser les pulsions obsédantes et de les chasser de son esprit. Elle lui raconta les bains dans l'eau de source où elle s'enfonçait toute nue, sans crainte et sans honte aucune. Son vague à l'âme. La nostalgie de cette sensation de l'eau sur son corps, de la caresse du vent sur sa peau. Elle souhaitait redevenir petite fille, ne plus avoir honte, chercher, découvrir, connaître et toucher, pour la première fois de sa vie, une âme qui mettrait un baume sur ses doigts douloureux. "A treize ans, on sait qu'il y a quelque part dans le monde un être que la fille pubère n'a pas encore connu et qu'elle passera le reste de ses jours avec lui" murmura-t-elle à l'oreille d'Ali qui frissonna au contact de son souffle. Il sentit les cheveux se dresser sur sa tête. Il se pencha et l’embrassa. Il venait soudain de réaliser l'espace de temps écoulé depuis qu'il avait touché ses lèvres pour la dernière fois. Le lendemain, à l'heure de la prière des maîtres de maison, Salma se glissa discrètement hors de la ruelle et alla retrouver Ali. Ils se promenèrent dans la ville et se restaurèrent sur la place Djamaâ-El-Fna. Une soupe de légumes avec de la viande de tête de veau. Ils observèrent le remue-ménage sur la place, la foule et ses métamorphoses au fil des heures. Ils découvrirent Marrakech la grande, cette immense oasis dressée face au désert. Ils pénétrèrent dans la cour du très réputé hôtel Koutoubia, aux murs recouverts de mosaïque fine, aux couleurs dignes des contes des Mille et Une Nuits. Dans les petites ruelles du Souk arabe, ils se risquèrent à marcher main dans la main et dans le quartier musulman, ils firent une halte pour déguster un délicieux jus de grenades frais. Ils étaient conscients de faire l'objet d'une attention particulière, qui se focalisait insensiblement sur eux et sentaient les nombreux regards qui les suivaient. Après tout, Ali était un personnage connu de tous, mais ils ne pouvaient s’empêcher de faire ce qu'ils faisaient. Ils ne pouvaient adopter d'autre attitude. Ils étaient ensemble, s'appartenaient et Salma réalisait, pour la première fois de sa vie, la portée et la signification d'une telle réalité. Elle n'était plus la jeune femme esseulée se penchant sur la société des femmes du haut de son observatoire du deuxième étage. Elle avait Ali. Elle avait un million d'étoiles brillantes à ses côtés.

Les jours où il n'y avait pas d'offices religieux à la synagogue, Salma se rendait compte qu'en présence d'Ali, elle avait beaucoup moins peur du Dieu des Juifs. En effet, depuis quelques semaines, elle prit l'habitude de faire entrer Ali par la grande entrée aux portes imposantes avaleuses de grosses clés. Ce jour-là, le sol de la synagogue en a vu de toutes les couleurs. Ils roulèrent sur le sol frais et agréable, se débarrassèrent de leurs vêtements et se livrèrent aux joies de l'amour. Ils se donnèrent l'un à l'autre sur l'un des bancs de la synagogue. Entre les livres de prière. Repus, ils s'endormirent sur un deuxième banc.

Salma ressentait dans ses os frémissants l'irréparable qu'elle venait de commettre, la transgression grave des règles de la religion musulmane et le danger tout aussi grave qu'elle courrait désormais. A l'intérieur d'elle-même, une voix lui soufflait de partir, de fuir au loin, le plus loin possible. Si par malheur son père, le musulman pieux et croyant, venait à apprendre la nature des relations interdites qu'elle venait d'entretenir avec Ali, il la tuerait sans hésiter et sans pitié aucune. Pour laver l'honneur de la famille, honneur qu'elle avait irrémédiablement souillé.

Elle était destinée à se marier dans son village natal, à s'unir avec un homme qu'elle ne connaissait pas. L'élu de son père. C'était inscrit, gravé dans sa destinée. Tout au long de cette journée mémorable, Salma réfléchissait, bichonnait, récurait la synagogue et méditait.

Dans le courant de l'après midi le ciel se couvrit d'un épais brouillard jaunâtre. Une tempête faisait rage dans les rues de Marrakech, charriant dans ses flancs des milliers de tonnes de sable rouge. Une obscurité inquiétante tomba sur la ville, comme une nuit sombre et angoissante. Les ténèbres envahirent les rues et les ruelles de la cité. Auréolé d'un nuage de poussière, Ali pénétra en trombes dans la maison de prière. Tout le désert du Sahara se déversait sur Marrakech, couvrant la ville d'un voile opaque. Cette nuit là, alors qu'ils étaient allongés, nus et étroitement enlacés, elle lui avait chuchoté dans le noir :"Nous devons partir d'ici. Si tu m'aimes, fuis avec moi ! Viens avec moi si tu tiens à moi ! Retournons au désert, là seulement je pourrais me sentir libre, là je serais heureuse". Et Ali hochait la tête et l'étreignait très fort.

Dehors la tempête gagnait en puissance. Ensuite, tout se passa très vite, en l'espace de quelques secondes. Des filets de poussière et des morceaux de crépi tombèrent soudainement du plafond de la synagogue. Il y eut une sorte de tonalité sourde et lointaine, un roulement continu, le craquement d'une fissure gigantesque, une rumeur allant s'amplifiant, qui s'approchait dans un vacarme assourdissant et un déferlement ravageur.

Sous l'action d'une puissante et irrésistible poussée d'une force implacable, les murs de la synagogue  s'écoulèrent les uns sur les autres, soulevant des montagnes de poussières qui se mêlèrent aussitôt à la vague rouge déferlant sur la ville. Un déchaînement des forces de la nature.

Salma et Ali sautèrent sur leurs pieds et se précipitèrent vers la sortie, fuyant le désastre et s'éloignant au plus vite du danger. Ils se figèrent haletants, à quelque distance sur la rue, serrés l'un contre l'autre, nus et effarés, tremblants et frissonnants de tout leur corps. Leurs habits, leurs souliers, tous leurs objets personnels étaient définitivement ensevelis sous les décombres du temple, entre les bancs usés et la Parokhet, au pied des poutres immenses et des rouleaux de la Torah. "Nous venons de détruire la maison de prière des Juifs, avec nos péchés." dit-elle à Ali, alors qu'ils reprenaient leur souffle.

"Nous avons commis un sacrilège dans ce lieu saint, dans cette demeure sacrée. Cette fois-ci nous nous en tirons à très bon compte. Nous serons certainement punis, la prochaine fois. De mort." Ali écoutait en silence, il la regarda longuement et lui dit doucement :

"Un amour interdit, cela n'existe pas ! "

Au lever du jour, alors que tous les Juifs se rassemblaient autour de la maison de prière, prêts à la relever de ses cendres, une des voisines tint à apporter son témoignage. Elle était prête à jurer sur tout ce qu'elle avait de plus cher au monde, voire sur la tête de ses propres enfants, que cette nuit, au milieu de la tempête, elle avait distingué de ses propres yeux, une jeune fille et un jeune homme courant entièrement nus en direction du désert.

אשרי האיש -תולדות הרבנים ואישים לשושלת מויאל והעיר בזו

רבנים ואישים במשפחת מויאל המעטירה לדורותיהאשרי האיש-רבני בזו

משפחתנו ־ משפחת מויאל, הינה משפחה בעלת שורשים עמוקים ואיתנים, אשר בתולדות ימי יהדות מרוקו וספרד נחקק שם משפחה זה באותיות של זהב, שכן במשך השנים כיהנו רבים מבניה כרבני ערים וקהילות שונות, וכן היו מבני המשפחה ששימשו כאישי-ציבור שפעלו גדולות ונצורות לטובת הכלל והפרט, כך ששם משפחה זה שימש כסמל ודוגמא של לימוד תורה, התנהגות למופת ועזרה לזולת, מתוך אהבת חסד וטוב לב.

בשורות הבאות ננסה בעז"ה לשרטט קווים קצרים מתומצתים אודות חשובי ונכבדי המשפחה במשך השנים, כמו גם קורות חייהם וציוני דרך משמעותיים אשר אירעו עימם ברבות הימים, למען ידעו דור אחרון כור מחצבתם, ועל השורשים המוצקים המסתעפים באילן רב-פארות זה של משפחת מויאל.

הרב מכלוף ן׳ מוייאל זצ״ל – דיין בתארודנת ומחכמי מוגאדור

רבי מפלוף בן רבי יהודה מויאל זצ״ל, התגורר בצעירותו בעיר ״תארודנת״, שם אף כיהן כדיין ומורה צדק. לאחר מכן, עקב מחלוקת שהתגלעה בקהילת תארודנת, עקר משם רבי מכלוף ועבר להתגורר בעיר מוגאדור, שם הוא נמנה על חכמי העיר, והיה ידוע כבעל מופת (״בעל מעשים״ – כפי שהגדירו זאת), וכמה וכמה סיפורי פלא והוד סופרו אודותיו. כן התבלט בחסידותו ובפרישותו היתירה.

אודות יחוסו הרם סיפרה נינתו, בת נכדו הדיין הרה״ג רבי מסעוד מויאל זצ׳׳ל, שמאביה ולמעלה בקודש היו במשפחה כ״ב דיינים!

בהסכמה על הספר ״רוח יעקב״ (לר״י בן שבת, ליוורנו תרמ״א) מכונה רבי מכלוף: ״הרב חסידא קדישא״ – תואר המלמדינו על מעמדו הרם והנישא, והערצת בני דורו אותו. בספר ״מלכי רבנן״ כותב עליו בערכו: ״מו"ה מכלוף מוייאל זצ׳׳ל, אחד מחכמי מוגאדור… והוא היה מתחסד עם קונו ובעל מעשים, וחי למעלה מתשעים שנה״. עכ״ל.

פטירתו מן העולם הייתה מתוך מסירות נפש והקרבה למען הכלל, ומעשה שהיה כך היה: באחת השנים הייתה עצירת גשמים ממושכת רח"ל, ובצורת איומה שררה שם באזור. אשר על כן ערכו יהודי הסביבה עצרת תפילה וזעקה בבית העלמין המקומי, בכדי לעורר רחמי שמים, כשלפני התיבה עובר רבי מכלוף הישיש זצ״ל כשליח ציבור, לאור בקשת בני הקהילה. שעות ארוכות עמד רבי מכלוף והעתיר בתפילה לפני שוכן מרומים, עד אשר תקפתו צינה ממנה נפל למשכב, שממנו לא קם. נטמן בבית העלמין במוגאדור. יצוין בזאת, כי אודות לשני ימי חייו יש אומרים, כי הוא אף עבר את גיל המאה (זאת בניגוד למובא לעיל מהספר מלכי רבנן שהוא חי ׳למעלה מתשעים שנה׳). זכותו תגן עלינו.

רבי מסעוד בן מוייאל זצ״ל – מו"ץ באלקצר

לא נודעו פרטים רבים אודות רבי מסעוד זצ״ל, כי אם מה שכתב עליו בערכו בספר ״מלכי רבנן; ונצטט בזה את לשונו של מלכי רבנן אודותיו:

״מורינו הרב מסעוד בן מוייאל זצ״ל, מורה-צדק בעיר אלקצר וחי במאה החמישי, ויש פסק-דין ממנו בספר ״משפט וצב״י״ חלק א׳ סימן רמט זמנו ש׳ תפ״ט, ובחלק ב׳ סימן י״ז. ובשו"ת ״ויאמר יצחק״ חלק א׳ דף כ״ט ע״ג, מזכיר שאלות ותשובות מהרב הנזכר. ונתבקש בישיבה של מעלה בטבת שנת ת"ץ, וראיתיו חותם בפסק-דין אחד בשנת תפ״ו פ״ק. ובאיזה זמן היה בטיטואן, ראה בשו"ת ״משפט וצב״י״ חלק ב׳ סימן י״ח שחותם בטיטואן בפסק־דין.

הרב יהודה בן מוייאל זצ״ל – ראב׳׳ד מוגאדור

רבי יהודה בן רבי מכלוף מויאל זצ״ל, נולד בעיר תארודנת בין השנים תקפ״ח-תק״צ, לאביו (ראה בערך הקודם אודותיו) הדגול, ולאמו הרבנית לבית שבת (מצאצאי רבי יעקב בן שבת זצ״ל – הקדמון).

כבר מנעוריו קיבל על עצםו עול תורה ויראה מתוך שקידה והתמדה, עד שבעודו נער צעיר סיים ללמוד את כל הש״ס, ואף נבחן עליו אצל גדולי תלמידי החכמים, ועמד בכור המבחן בהצלחה יתירה.

למד בישיבתו של דודו אחי-אמו הגאון רבי יעקב בן שבת זצ״ל, שקירבו איליו מתוך חיבה יתירה ואהבה גדולה, וכלשון רבי יהודה זצ״ל בהסכמה לספר ״רוח יעקב״ שחיבר דודו-רבו: ״..הרב המחבר זלה״ה גדלני כאב את בן ירצה… וכה דיבר אלי בחייו, לשום את שמי שם האחד יקטן, ולעשות רצונו חפצתי, זכותו תעמוד לי..״ עכ״ל שם.

כבר בשנות בחרותו הוטלה על שכמו של רבי יהודה אדרת הדיינות, כאשר נתמנה לדיין ומורה צדק בקהילת סאפי. בין השנים תרל״ז-תרל״ט העביר רבי יהודה את מקום משכנו מקהילת סאפי לעיר מוגאדור, בה נתמנה תחילה לרבנות במקביל לרבנים נכבדים אחרים, כשלאחר מכן – בשנת תרס״ב בערך ־ עלה לכהן פאר כראש אב בית דין ומרא דאתרא של קהילת מוגאדור.

בנוסף לגאונותו המופלאה ובקיאותו הרחבה בכל מכמני התורה, היה גם כן בקי וגאון בחשבון ומתמטיקה, אף שכמובן לא למד אף פעם מקצוע זה באוניברסיטה. כן היה אציל נפש, שתקן, ודבורו עם הבריות בנחת ובענוותנות יתירה, מתוך הכנעה בפני כל אדם.

רבים נושעו על ידי תפילותיו וברכותיו, וסיפורי פלא רבים נשתמרו בפי יוצאי מוגאדור על כך. ונביא בזה סיפור אחד מיני רבים, שסופר ע״י בן־זקוניו רבי יצחק זצ״ל. פעם באו אליו תושבי המללאח (-השכונה היהודית) של מוגאדור ותינו בפניו את צרתם, אשר מדי שנה בתקופת הגאות, עולים המים ומציפים את בתיהם, כך שישנם משפחות עניות הנשארות ללא קורת גג לראשם. יצא איתם רבי יהודה אל שפת הים ומקלו בידו, וכאשר הגיע! לים נטה רבי יהודה קו בחול, ואמר לים: ״עד כאן תעבור!״. ואכן, מיני אז והלאה לא עברו המים קו זה, ויהי לפלא.

בסוף ימיו עלה לארץ ישראל בעקבות חלום מופלא שחלם, כשהוא ממנה את בנו רבי מסעוד זצ״ל לממלא מקומו וממשיך דרכו. בבואו לארץ התיישב בעיר הקודש ירושלים, שם מונה ־לאחר הפצרות מרובות – כחבר בית דין, עד שלאחר ארבעה חדשים בלבד השיב את נשמתו הטהורה לבוראה באופן פלאי, אחר לימוד משותף עם מנין נכבדים וטבילה במקווה טהרה, במוצש׳׳ק כ״ט טבת שנת תרע״א, ונטמן בחלקת המערביים שבהר הזיתים. על קברו נחקק: ״פה נמס נר המערבי״. זכותו תגן עלינו.

כתבי יד מרובים בכל מקצועות התורה נותרו בעזבונו של רבי יהודה, חלקם הגדול נדפסו על ידי נכדיו בספר ״שבט יהודה״ – שדת ודרושים.

הותיר אחריו את ילדיו: רבי דוד, מרת מסעודא, מרת שרה, רבי מסעוד, מרת מזל, מרת ציפורה, רבי יצחק ורבי יהושע, זכרונם לברכה.

עולים במשורה-מדיניות ישראל כלפי עלייתם של יהודי צפון אפריקה 1951-1956-אבי פיקאר

בניגוד למסתייגים מובהקים מיהודי ארצות האסלאם, כמו לדוגמה נחום גולדמן, יו״ר הנהלת הסוכנות, שהתנגד להעלאתם של יהודים ׳ילידים׳ ואף הביע תמיכה בהוצאת יהודים מסוימים מהמדינה, הגיעו בעלי הגישה המשלבת למסקנות אחרות.

הערת המחבר: גולדמן גילה שהוא התנגד מאז ומתמיד לעלייה ההמונית. להערכתו היא נוצרה רק בגלל התעמולה של בן-גוריון. ׳זו הייתה קטסטרופה […]. היום, גם בן־גוריון מתנגד לעלייה גדולה׳. הירידה לא הפחידה אותו. לו יכול, אמר גולדמן, הוא היה בוחר 100,000 יהודים ושולח אותם בחזרה לארצות גלויותיהם.

קול ראה בחיוב את העלייה הגדולה. ברור היה לו שגידול דמוגרפי חיוני למדינה מסיבות ביטחוניות וכלכליות. הוא גם הבין שיהודי צפון אפריקה הם כמעט המאגר האחרון לעלייה המונית. עם זאת, בהנחה שהם עתידים לעלות, הוא חשש מהמרקם החברתי שעתיד להיווצר בארץ. ׳כבר כיום יש גלות בארץ ישראל […] הארץ תיהפך לארץ של לבאנט׳. במדיניות הסלקציה הייתה גלומה בעיניו הנוסחה שתביא לגידול דמוגרפי בלי לאבד את הצביון התרבותי הייחודי של היישוב בארץ ואת זיקתו לעולם המערבי.

העלאת הנוער תחילה, לפני המשפחה כולה, יכלה להמעיט את החשש מ׳לוונטיניזציה׳ – השתלטות תרבות מזרחית. קול הזכיר זאת כאשר דנו בפעם הראשונה על תכנית הסלקציה. ׳אם נעלה תחילה את החלק הצעיר – נוכל לטפל בו, וללמד אותו ולהכין אותו שיהיה לנו בעזר לקבלת המשפחות. אם לאו – אנו עלולים לטבוע בים של לבנטיניות׳.

הערת המחבר: לעמדה זו, שראתה בחיוב את עליית הנוער שמוציאה את הנערים ממשפחותיהם, היה שותף גם יוספטל, בעל הגישה המסתייגת. הוא טען שנערים עולים לא יכלו להתחנך בתוך משפחותיהם (הנהלת הסוכנות, 9.7.1953).

 על פי קול עליית הצעירים תחילה, בלא הוריהם, תקל את שילובם במסגרת התרבותית של היישוב הוותיק. קול הדגיש את השוני בין העלייה ההמונית לעלייה מצפון אפריקה. העולים מתימן ומעיראק, ׳שבאו יחד אבות על נשיהם ובניהם הגדולים והקטנים […] ממשיכים לחיות בכפרים ובמעברות בצורת חיים דומה לזו של ארצות מוצאם […] קיים חיץ בין היהודים הללו לישוב הותיק׳. לעומת זאת ׳אם רוצים אנו לתכנן כראוי את עליית יהודי מרוקו ושאר ארצות צפון אפריקה בעתיד […] האין דרך טובה מזו מאשר להציל תחילה את הילדים ואת בני הנוער בגיל 16-10 שנה […] להעלותם אלינו […] לגאלם מרגשי נחיתות, להרחיקם מבערות [״.] לחנכם בדפוסי יצירה והבנה הדדית׳. לדעת קול חינוך הדור הצעיר יסלק את המחיצות העדתיות שכבר החלו להיווצר בארץ., קול האמין שאם רק יחונכו נערים צעירים אלו, בגיל ההתבגרות, במסגרת עליית הנוער, הם יעוצבו כך שיתאימו יותר לדימוי החלוצי והמערבי שהיה ליישוב בעיני עצמו. מוסדות עליית הנוער היו ממוקמים כעילית ההתיישבותית של המדינה והמדריכים היו חלק מאותה התיישבות, אנשי היישוב הוותיק, הציוני, החלוצי והמערבי. לכשיבואו ההורים יוכלו נערים ׳מתורבתים׳ אלו להורות להם את אורח החיים הנכון בארצם החדשה. ההורים, שכונו בפיהם של אנשי החינוך ׳דור המדבר' אולי לא ייקלטו לגמרי, אך בוודאי לא יאיימו על דמותה התרבותית של המדינה. כך תיעשה האוכלוסייה, שיהיה בה שיעור גבוה של יוצאי ארצות אסיה ואפריקה, פנינה תרבותית מערבית בלב הלוונט.

על פי גישה זו נועדה הסלקציה לתת עדיפות לעלייתם של נבחרים. אלה יעברו סוציאליזציה מהירה ויאמצו את ערכי התרבות הישראלית החדשה. עלייה כזו של צעירים בלא הורים, רבנים ונושאי התרבות בארץ המוצא, תביא להתנערות מהירה ומלאה יותר מתוכני התרבות של יהודי צפון אפריקה וממאפייניה והצעירים העולים, שתרבות הוותיקים תוטמע בהם, יובילו לסוציאליזציה של הוריהם. הצעירים הם שיקלטו את ההורים ובהיותם ותיקים בארץ יצליחו גם להשפיע עליהם תרבותית. השפעה זו הוטלה אמנם בספק, אך לא היה ספק בכך שצעירים אלה לא יהיו נתונים להשפעת הוריהם, שידבקו בתרבות ארץ מוצאם. לאחר שייעלם ׳דור המדבר׳ תישאר החברה הישראלית נקייה מתרבות ׳לוונטינית׳.

כך יושגו כמה מטרות: העלייה לא תופסק, המדינה תמשיך להגדיל את אוכלוסייתה, אך התרבות תישאר חלוצית ומערבית.

מניעיה של מדיניות העלייה הסלקטיבית והמטרות שרצו יוזמיה להשיג היו מגוונים. הם הושפעו מהמצב הכלכלי הקשה ומקריסת מערכת הקליטה, מהרצון להיבנות בעזרת הבאת ידיים עובדות, מתפיסת עולם שדגלה בעיצובו של ׳יהודי חדש׳ ומחשש מהצפת המדינה ביהודים מארצות האסלאם.

התגובה הציבורית לשינוי במדיניות העלייה

העלייה החופשית הייתה אחת מססמאותיה של התנועה הציונית במאבק על הקמת המדינה. התפיסה הציונית ראתה בארץ ישראל מקלט לעם היהודי והעלייה הסלקטיבית הייתה סטייה מהקו האידאולוגי הזה. אמנם עוד בתקופת העלייה ההמונית רבו הקולות שקראו להגבלת עלייה ואף הוטלו הגבלות בפועל במקומות שונים, אולם ההחלטות של נובמבר 1951 היו ההכרזה הרשמית הראשונה על מדיניות של הגבלת עלייה. בתקופת העלייה ההמונית חששו מצדדי הגבלת העלייה להביע את דעתם בפומבי. החרדה מדעת הקהל התומכת בעלייה הייתה מוחשית. אשר על כן עצמתה של התגובה הציבורית על החלטות הסלקציה מעניינת במיוחד.

כאשר התקבלה מדיניות הסלקציה וההחלטה התפרסמה ברבים היו התגובות מתונות למדי. העייפות הציבורית מהעלייה ההמונית נתנה את אותותיה. עם זאת מפתיעה ההתייחסות המועטה בעיתונים הנפוצים להחלטה, שכבר אז נתפסה כשינוי מדיניות העלייה החופשית.

הערות המחבר: שגב, הישראלים, עמי 142; הכהן, עולים בסערה, עמי 100. גם בתקופת העלייה הסלקטיבית נחשבה העלייה ליפרה קדושה׳. שרת ציין שבמאי 1954 רצתה מפלגת חרות, כדי להתגרות במפא״י, לחייב את הממשלה לחדש את העלייה מצפון אפריקה. חברי מפא״י לא היו מעזים להביע התנגדות פומבית לעלייה. בתגובה, כדי להפיל את הצעת חרות בלי שתואשם ב׳מעילה בקודשי, הגישה מפא״י הצעה עם סעיף הקשור לעלייה (שרת, יומן אישי, ב, עמי 487).

            בעת שהתנהלו הדיונים בהנהלת הסוכנות הובעה לא אחת דאגה לנוכח האפשרות שהמדיניות החדשה תפורסם כמו שהיא, כלומר היה חשש מדעת הקהל. אחת הטקטיקות שננקטו הייתה לא לנקוב במספר העולים המיועדים להגיע ב־120,000,1952 איש, מכיוון שהמספר היה קטן מדי. ראו למשל את דברי מלך נוי, סגן יו״ר הסוכנות, פרוטוקול הנהלת הסוכנות, 5.11.1951 (לעיל, הערה 50).

פרק שלישי – הסלקציה בשנים 1952-1954- חיים מלכא

טבלה מספר 13 : גיל העולים בשנים 1952 – 1954

 

 צפון אפריקה(מרוקו,תוניסיה,אלג'יריה)       אירופה ואמריקה

הגיל           עולים        אחוזים                  עולים            אחוזים

0 – 14        10.187     45.6                     1538            13.7

15 – 29      6697        30.1                     3279             29.3

30 – 44      3436        15.4                    2075              18.5

45 – 64      1728         7.8                      3132             28.0

65+            244           1.1                      1163              10.5

סה"כ           22348        100.0                11187            100.0

הטבלה מלמדת, כי מבין העולים מצפון אפריקה היו 75.7% צעירים עד גיל 29 – לעומת 43% בלבד מאירופה ומאמריקה ; מעל גיל 65 : 1.1% בלבד מצפון אפריקה – לעומת 10.5% מאירופה ומאמריקה.

פתיחת שערי מזרח אירופה.

עם פתיחת שערי מזרח אירופה, בשלהי שנת 1956, היטיבו הממשלה והסוכנות עם העולים משם, ובכך גרמו לקיפוח עולי צפון אפריקה.

הטבות אלה ניתנו ליהודי מזרח אירופה, משום שהממשלה והנהלת הסוכנות רצו לעודד את עלייתם ארצה, ובעיקר משום שעלייה זו סייעה לשמור על האיזון הדמוגרפי בארץ. כפי שאמר יושב ראש הנהלת הסוכנות, זלמן שזר, עם פתיחת שערי מזרח אירופה :

" הייתי אומר שצריך לעכב את העלייה משאר הארצות ולהגדיל את העלייה מאירופה…עלייה זו נחוצה לנו כדי להכניס שינוי בכל מערכת היישוב שלנו, וכדי להכניס אלמנטים אחרים שהיו לנו עד כה. הדבר רצוי גם מבחינה דמוגרפית של הארץ .

כל בעיית התקציב, שבגינה טענו בממשלה ובסוכנות שלא ניתן לעלות את יהודי צפון אפריקה, נפתרה לפתע ; התקציב כמעט הוכפל.

ההטבות שניתנו ליהודי מזרח אירופה, עם פתיחת השערים, היו :

1 – הם לא נשלחו למעברות

2 – הם שוכנו בדיור טוב יותר – המתאים לאירופים – מאשר ליהודי צפון אפריקה.

3 – ניתנו להם דירות קבע, שיועדו במקורן ליוצאי צפון אפריקה המשוכנים במעברות.

4 – ניתנה להם עדיפות ביישובים ב " רצועת המוביליות החברתית " גדרה – נהריה.

5 – שחרור ממכס ושער דולר גבוה – 2.50 לירות לדולר במקום 1.80 לירות לדולר.

כל חברי הממשלה בדיוני " המוסד לתיאום ", וכן כל חברי הנהלת הסוכנות, היו תמימי דעים בעניין ההטבות לעולי מזרח אירופה – אף שהיו על חשבון יהודי צפון אפריקה.

קשר השתיקה.

דיוני " המוסד לתיאום " והנהלת הסוכנות היו חסויים ולא פורסמו ברבים, שכן פרסום פרטי מדיניות הסלקציה כלפי יהודי צפון אפריקה – היה בו כדי להקים קול צעקה הן בקרב יהדות העולם והן בקרב יהדות צפון אפריקה הנמצאת בארץ, וכמובן היה מהווה כלי לניגוח בידי האופוזיציה.

אך מאחר שהיו למדיניות זו שותפי סוד רבים וגם היו הדלפות, הותקפו לא אחת ראשי מחלקת הקליטה, יהודה ברגינסקי, וראש נחלקת העלייה, יצחק רפאל, על שהשמיעו דעות, המנוגדות לדעת הממשלה והסוכנות, בעניין הסלקציה.

ככל ש "דלף" המידע על הסלקציה לציבור, השתדלו הממשלה והסוכנות "לעדן" את פרסומיהם, וגם סולפו פרטים חשובים בכל נושא העלייה. למשל :

בשנת 1952 תכננו הממשלה והסוכנות עליית 120.000 יהודים, אך בפועל עלו 24.369 עולים בלבד, כלומר רק כ-20% מהתכנון המקורי. מצפון אפריקה תוכננה לשנה זו עליית 28.000 יהודים, אך עלו רק 7676. מתוך כ-290.000 יהודי מרוקו בשנה זו 18.000 עולים, אך עלו רק 4.871.

את הסיבות לשפל העלייה בשנה זו הסביר ראש מחלקת העלייה, יצחק רפאל, במליאת הסוכנות :

1 – סגירת שערי מזרח אירופה.

2 – ממערב אירופה ומאמריקה לא רוצים יהודים לעלות.

3 – המקור העיקרי לעלייה הוא מצפון אפריקה. אלפי אנשים מוכנים לעלות – אם רק ניתן להם את האפשרות.

לדברי רפאל, עלייה זו מצפון אפריקה קטנה מהסיבות הבאות :

1 – הסיבה העיקרית, והכמעט יחידה, היא הסלקציה החמורה שנקטנו. משרד הבריאות אך הרחיב אותה בפוסלו לא רק את החולים, אלא אף את ה " חשודים במחלות " כלומר שיחלו בעוד כמה שנים.

משרד הבריאות גם לא מאשר עליית צעירים בריאים במסגרת עליית הנוער, אם אחד ממשפחתם חולה, בטוענו שאם נעלה את הנער הבריא, תרצה בעתיד גם משפחתו לעלות.

2 – פירוד משפחות : בגלל הסלקציה הסוציאלית אנו מעלים רק צעירים, ובכך מפרידים אותם מהוריהם. אלה אומרים לנו : " אתה לוקח את המפרנס שלי ! מי יפרנס אותי ומי ידאג לי כשאהיה זקן ? אתם מוציאים את הצעירים החזקים – ומפקירים את המבוגרים ! ".

לעומת הסיבות האמיתיות לשפל זה בעלייה, כפי שהוצגו על ידי ראש המחלקה, אומר הפרסום הרשמי של הסוכנות דברים שונים.

בחוברת י"ג – ל"ז – שהוצאה בינואר 1953 על ידי הסוכנות היהודית, הוסברו הסיבות לשפל בעלייה בשנת 1952 כך :

1 – סיום מבצעי חיסול הגלויות עד שנת 1951

2 – העלאת הפליטים ממחנות אירופה.

סגירת שערי היציאה ממזרח אירופה – רומניה, הונגריה, פולין ועוד – ומאידך – לא הוגברה עדיין העלייה מארצות, שבהן ריכוז גדול של היישוב היהודי כגון אמריקה הצפונית והדרומית

אף מילה על הסיבות האמיתיות לשפל בעלייה ! אף מילה על יהדות צפון אפריקה – הריכוז הגדול והמקור לעלייה המונית ; וכמובן – אף מילה על הסלקציה ! " קשר השתיקה "

אבל " קשר שתיקה " זה לא יכול היה, כמובן, להימשך זמן רב, בגלל ההדלפות. וכך, חודש לאחר פרסום אותה חוברת נאלץ ראש מחלקת העלייה, יצחק רפאל, להודות במסיבת עיתונאים בירושלים בקיום הסלקציה ותוצאותיה כלפי יהודי צפון אפריקה.

רבנים ואישים במשפחת מויאל המעטירה לדורותיה

ר׳ אהרן מויאל ז״ל – מבוני הישוב היהודי ביפואשרי האיש-רבני בזו

ר אהרן בן ר משה מויאל ז״ל, נולד בעיר רבאט שבמרוקו בשנת 1813 למניינם. משפחתו היתה משפחת רבנים מוכרת, מצאצאי מגורשי ספרד.בבית הוריו קיבל חינוך יהודי מסורתי, ובד בבד השתלם גם בשפות זרות ובנבכי עולם המסחר. כשבגר והיה לאיש נשא לאישה את מסעודה לבית עמיאל, והחל לשלוח ידיו במסחר, עד שצבר ממון רב וקנה לו מקום של כבוד בין עשיריה ונכבדיה של קהילת יהודי רבאט, והיה לאחד ממנהיגיה הבולטים של הקהילה.

בשנת 1860, כשהיה בן ארבעים ושבע, מכר את רכושו הרב שכלל בניינים וקרקעות מרובים, ועלה לארץ ישראל בספינתו הפרטית יחד עם כל משפחתו, כשאליהם מצטרפים עוד עשרות מבני קהילת רבאט. בהגיעם לארץ איווה למושב לו בעיר חיפה, שם התגורר יחד עם משפחתו במשך שלוש שנים. לאחר מכן, עברו להתגורר בעיר יפו, שם רכש ר אהרן אדמות רבות, מבנים וחנויות, והיה ליהודי הראשון שבנה בית גדול ומפואר מחוץ לכותלי יפו העתיקה.

ביפו ייסד ר' אהרן מוסדות קהילתיים שונים, ביניהם תלמוד שרה לבני עדות המזרח. בביתו הגדול שמחוץ לעיר הקים בית-כנסת מפואר, במסגרתו אף פעלה ישיבה לבחורים. ר' אהרן סייע רבות לקליטת עולים נוספים ממדינות ערב, ופעל גדולות ונצורות לביסוס והרחבת הקהילה היהודית בעיר.

באחרית ימיו התיישב בשכונת נחלת שבעה שבעיר הקודש ירושלים. אף בירושלים המשיך ר אהרן בפעליו המרובים לתורה ולקדושה, כשהקדיש את ביתו עבור כולל לעדת המערביים בעיר.

נפטר בירושלים בז׳ באב שנת תרנ״ט, כשהוא מותיר אחריו את ארבעת ילדיו: יוסף, אברהם, שלום ואליהו. יהי זכרו ברוך.

קהילה קרועה- ירון צור – השפעת המלחמה בפלסטין…..

השפעת המלחמה בפלסטין

הסולטאן, כפי שעלה מהצהרתו, לא היה בטוח בהזדהותם של נתיניו היהודים עם עמו המרוקני והערבי. דומה כי חשש שדווקא הקהילייה הלאומית האחרת, הזרה והרחוקה – זו שהיתה מורכבת לדבריו מערב־רב של עקורים יהודים מכל העולם – שובה את לבם של יהודי ארצו. נוסחת ההפרדה בין יהודים לציונים פתרה בעיה בתחום התפישה הלאומית והרטוריקה ששירתה אותה, אך לא במציאות. שעת המלחמה היתה שעת האמת והתברר כי האירועים המתרחשים בפלסטין מקבלים משמעויות שונות לחלוטין בעיני מוסלמים ובעיני יהודים במרוקו. מה שהיה לדידם של המוסלמים אסון, היה לדידם של היהודים מקור לשמחה, ולהפך. הד לכך יש בדיווח קצר שנשלח ממרוקו בפברואר 1949:

בחדשים הראשונים למלחמת ישראל בערבים היתה עתונות זו [העיתונות הערבית בצפון אפריקה] מלאה בשורות על ״נצחונות״ הערבים ו״תבוסות״ היהודים; אולם כעת היא מלאה קינים והגה על מפלות הערבים ונצחונות היהודים. ויהודי מארוקו שבתחלת השנה היו מדוכאים ועצובים על ״התבוסות״ של אחיהם בארץ, שואפים כעת לרוחה לשמע הבשורות הטובות המגיעות להם מפי העתונות הצוררת, כי נאמנה עליהם עדות זו יותר ממאה עדים.

״העתונות הצוררת״ – כניסוחו של הכותב הציוני – פירושה ביטאוניהן של התנועות הלאומיות בצפון אפריקה. יהודי מרוקו ברובם הגדול הזדהו עם הצלחת היהודים בארץ־ישראל והפיקו ממנה תועלת מורלית גדולה לעצמם.בין היתר החריפו המאורעות בפלסטין את הבעיה של מאזן העוצמה ביחסים בין מוסלמים ליהודים במרוקו הקולוניאלית. לדידם של היהודים ניצחון הישראלים במלחמה לא רק עורר שמחה לרגל הצלחת אחיהם לדת, אלא גם העניק להם נקודות יתרון בתחרות הסמויה המתמשכת שבינם לבין שכניהם הערבים. לדידם של המוסלמים ההפסד היה אסון מורכב, שהתקשר בקלות לתחושת ההשפלה הכללית שלהם בתקופה הקולוניאלית. כוח פיסי וצבאי היה מונופול מסורתי של המוסלמים ביחסיהם עם היהודים והוא לא נפגע עד 1948 באופן מוחשי. והנה מאפיין זה, מעין סמל אולטימטיבי לעליונות הרוב, נפגע גם הוא.

למרבה העניין, התגובות הקשות על ערעור המאזן בין יהודים למוסלמים אפיינו דווקא את ראשית המלחמה בפלסטין ולא את סופה. מגמה זו ניכרה בהצהרת הסולטאן ובתקריות הדמים שהתחוללו מיד לאחריה. אף אחרי התקריות, וחרף ההסתייגות הגורפת של הנהגת התנועה הלאומית מכל זיקה אליהן, עלו מקרבה קולות איום כלפי היהודים המקומיים. לטענתו של ההיסטוריון המרוקני מחמד קנביב בלטה בכך דווקא מד״ע ולא אלאסתקלאל. בביטאון מפלגתו של אלווזאני, א־ראי אלעאם (״דעת הקהל״), נרשמה למשל אזהרה שהיה בה מעין רמז למעמדם של היהודים כד׳ימים, ואשר סתרה לכאורה את המחויבות של הלאומיים לשוויון המוחלט בין נתיני הסולטאן, תהא דתם אשר תהיה: ״עליהם להבין היטב שמעמדם מיוחד ואינו מאפשר להם לפגוע ברגשות המוסלמים או לגרותם״.

רוח התוקפנות הפומבית כלפי היהודים שקטה ככל שהתבררו תוצאות המלחמה וחרף התגברות זרם העולים, שהואץ בשלהי 1948 ובתחילת 1949. קשה לדעת למה לייחס את השקט היחסי. תקריות הדמים הותירו רושם טראומטי הן על ראשי התנועה הלאומית והן על השלטונות הצרפתיים; לכן גם בשל רצונם ועניינם של הלאומיים וגם מחשש הצנזורה התחייבה זהירות מיוחדת בנושא היהודי. הלאומיים יכלו גם להתרשם מכך שקצב העלייה לישראל, שהגיע לשיא אחרי תקריות הדמים, פחת במהלך שנת 1949. מרוקו לא הפכה אפוא בשלב זה למקור של הגירה גדולה לפלסטין, והיה בכך כדי להרגיע במידת־מה את חששותיהם של הלאומיים.

מעבר לכך, לכישלון הצד הערבי בסכסוך הפלסטיני היו השלכות על הזיקה הפאן־ערבית של התנועות הלאומיות הצפון אפריקניות. אחרי התבוסה בפלסטין נחלשה תדמית הליגה כמשענת מבטיחה. אל פאסי ותורז עזבו את קהיר, אמנם באופן זמני, וחיפשו לעצמם בירות אחרות לקבוע בהן את מטותיהם. התנועה הלאומית המרוקנית, כמו כל התנועות הלאומיות הערביות, נעה בין הקוטב הערבי המרחבי שלה(הקום) לבין הקוטב המקומי, זה של המולדת(וַטֵן). לתמורה בזיקה לליגה ולסדר הקדימויות הכולל שלה היו עשויות להיות השפעות חיוביות על היחס כלפי היהודים במולדת: כשם שההתקרבות לארגון הפאן־ערבי בשנת 1947 ציינה את החרפת הטון האנטי־יהודי, בשל המחויבות הנחרצת למאבק בציונים, כך ההתרחקות ממנה יכולה היתה להוביל לנקיטת טון פושר יותר. תקופת המלחמה לא ציינה נקודת מפנה ביחסים בין הלאומיים ליהודים במרוקו, למרות התגברות המתיחות בין מוסלמים ליהודים בשנת 1948. משבר המלחמה חשף את עמדות ההזדהות הסותרות של אנשי שתי הקהיליות הדתיות המקומיות, המוסלמים והיהודים, אך למען האמת שום סוד חדש לא נתגלה אז. היחסים בין הלאומיים ליהודים היו בעייתיים מראשיתם. ההפתעה היתה אולי במהירות היחסית שבה התגברו המוסלמים והיהודים על הרגשות שהתלהטו בראשית המלחמה ופנו להמשך החיים המשותפים תחת שלטון הצרפתים.

עם זאת, קשייה של התנועה הלאומית ביחסה ליהודים רק העמיקו עתה. מעבר למשקעים החדשים שיצר משבר 1948, חל מפנה של ממש ביכולתם של הציונים לכוון את תולדות היהודים המקומיים בכיוון הרצוי להם. בשעה שהלאומיות הערבית הוכתה בפלסטין והשפעתה המרחבית נחלשה, גברה ההשפעה המרחבית של הציונות. לכך היתה השפעה מסוימת על יחס שלטונות הפרוטקטוראט לישראל, ויותר מכך על כיווני הסעד וההכשרה המקצועית בקרב יהודי מרוקו. עתה נרתמו ארגונים יהודיים מקומיים וזרים להכשרת רבבות יהודים לעלייה – תופעה שניצניה אמנם נראו לפני 1948, אך היא התרחבה עתה לממדים חסרי תקדים. הקמת המדינה היהודית פתחה אפוא את האופציה ליציאת המוני יהודים לעבר ישראל. חשוב לשים לב שמדובר היה דווקא ביהודים מן השכבות הנמוכות, שללא הדרכה, ארגון ומימון של יציאתם לא היו מגיעים לעולם להגירה המונית כזו. עד אז, המתחרה העיקרית של הלאומיים על נפש היהודים המרוקנים היתה צרפת, אשר קנתה לה נאמנים בעיקר בשכבות הגבוהות של החברה היהודית; עתה צצה בבירור האפשרות שאנשי השכבות הנמוכות ייעקרו מגוף האומה. קשה לדעת אם באותה תקופה היו כבר הלאומיים מודעים לחידוש הזה ולפוטנציאל ההרסני שלו למבנה החברה המרוקנית שבחזונם הלאומי; מכל מקום הקמת המדינה היהודית ציינה נקודת מפנה ברורה בתחום זה.

כבאראת עלא כוואנא בארץ ובגולה –קזבלנקה 26/08/1950-מרא אלמאנייא

כבאראת עלא כוואנא בארץ ובגולה –קזבלנקה 26/08/1950

מסתבר אכן, שיהודי מרוקו לא היו מנותקים מן העולם החיצון, גם ידיעות קטנות כמו זו לא נעלמה מעיניהם, ייחסו לה חשיבות רבה, ומצאו לנכון לפרסמה…ספק רב אם בני עמך ייחסו לה חשיבות, מלבד האליטה האינטלקטואלית שהייתה מעורה בנעשה מחוץ לגבולות מרוקו, על ידי עיתונים זרים שהגיעו למרוקו

מרא אלמאנייא….אישה גרמנית, דהיינו אישה מגרמניה

ענדהא 72 עאם פעמרהא…בת 72

דאזת פצרע האד ליאם עלא לעדאב די עדדבת ליהוד פיאם היטלר….

הועמדה לדין בימים האלה, בעוון הצער שצערה את היהודים בימיו של היטלר…

דאזת פצרע…( כמו בעברית)….עברה בפני שופט…עמדה למשפט

וכררזולה(ב) עאמאיין דלחבס בלעדאב ותכצאר נתאעהא…..(גם מתאעהא מקובל….) כמו "מתאע אללאה" 

פסקו לה שנתיים מאסר בעבודת פרך והחרמת רכושה

בעד צקצאווהא אלגואזטייא עלאס כאנת תעדדב ליהוד-אלגואזטייא, המילה בשפה זרה צרפתית או ספרדית, עברה "גיור" האמת היא זו הפעם הראשונה שאני במילה הזו במקום "ז'ורנליסט" שגם היא משפה זרה

לאחר מכן שאלו אותה העיתונאים מדוע היא עינתה את היהודים

ואזבתהום וקאלת באיין חתתא לדאבא מא נדמתם פדאך סי די עמלת, וילא ( גם אידא אפשרי ) בקאת בלעמאר ואלמתלהא לוזבא תעאווד ( ארורה זרש)

השיבה להם , גם עכשיו איני מתחרטת על מעשיי, ואם אשאר בחיים בחיים, ותנתן לי הזדמנות אחזור על כך…( ארורה זרש)

ישראל והעלייה החשאית ממרוקו: אוקטובר 1956-סתיו 1961 מיכאל מ' לסקר

כשסבאח וחבריו החלו להתארגן בסוף 1955 ובראשית 1956 מספרם היה רק כשתי עשרות. בקיץ 1956, עם כמה מאות תומכים נמרצים, הם גמרו אומר לשנות את פני הדברים, והתכוונו להיאבק נגד המנהיגות היהודית בקהילות העירוניות המרכזיות, ׳חסידי העבר הקולוניאלי ותומכי ההתבדלות׳. סבאח האיץ בממשלת מרוקו לסייע לארגן שוב את הקהילות היהודיות, ובמקום מועצת הקהילות דרש לחקות את הדגם של הקונסיסטואר של מועצות הקהילות היהודיות בצרפת ובאלג׳יריה. לדבריו, היה צורך להקים ארגונים קהילתיים חדשים לאור המטרות האלה:

  • ניהול העניינים הקהילתיים והדתיים על פי המנהגים היהודיים המסורתיים.
  • שמירה על יחסים טובים עם הקהילה, בייחוד עם הרבנות, שיש להתייחס אליה בכבוד.
  • לנסות כל דרך כדי לעורר את התודעה הלאומית של יהודי מרוקו, כדי שישתתפו באופן פעיל יותר בחיים הלאומיים.
  • להבהיר ליהודים שהם אזרחי המדינה על פי אותם התנאים החלים על המוסלמים.
  • להביא לידיעת הממשלה את כל העובדות שעליהן להשתקף בפעילות מוסדותיה ובביצוע תפקידיה, ולהציע פתרונות הולמים.
  • יש להבין שפעילות זאת אינה צריכה להתבצע ברוח כיתתית, אלא למען טובתה הבלעדית של האומה המרוקנית בחסות הסולטאן האהוב מוחמד בן יוסוף (לימים מוחמד החמישי).

ואכן מאמצע שנות החמישים קמו בכמה ועדי קהילות מנהיגים שהשלטונות מינו אחדים מהם לתפקידיהם, והם נטו לכיוון הפוליטי של סבאח. ההתנגדות אליהם ולשאר חסידי האינטגרציה במרוקו גברה והלכה ב־1957, לאחר שהתברר כי הממשלה ושירותי הביטחון מנעו את העלייה לישראל. רבים מקרב יהודי הכפרים בהרי האטלס, אותן המשפחות שנשארו עקב סגירת שערי ׳קדימה׳, הבינו שלא יוכלו עוד להמשיך ולהתגורר בכפריהם, ועברו אפוא לערים, והם לקחו עמם את חפצי הקודש וספרי התורה הקהילתיים בתקווה להתחדשות העלייה. הם היו לנטל על היהודים העירונים, דבר שעורר תסכול וכעס אצל העירונים כלפי חסידי האינטגרציה שטעו או הטעו כשאמרו ב־1956 כי מרוקו תעניק חופש הגירה וזכויות פוליטיות מלאות." מאז אוקטובר 1956 הייתה הדרך היחידה לעזוב את מרוקו בחשאי בחסות מדינת ישראל באמצעות ה׳מוסד לתפקידים מיוחדים׳ וארגונו ׳המסגרת׳. הכעס היהודי כלפי חסידי האינטגרציה היהודים נבע גם מן הביקורת החריפה שמתחו על ממשלת ישראל ועל הסוכנות בכל הנוגע לקשיי הקליטה של יהודי המגרב בחברה הישראלית, ומן המחאה שהביעו נגד שיתוף הפעולה הצבאי של ישראל עם צרפת ובריטניה נגד מצרים במלחמת סיני־סואץ. רוב יהודי מרוקו תמכו בישראל, ויחסם למנהיגיהם החדשים נושאי דגל האינטגרציה נעשה אמביוולנטי.

בגלל מגבלות העלייה מטעם ממשלת מרוקו נחלשה עמדת תומכי ׳אל־ויפאק׳ וחסידי האינטגרציה האחרים שבהנהגה הקהילתית לטובת היסודות המתונים יחסית, רובם אישים בלתי מפלגתיים שנטלו בהדרגה את רסן ההנהגה. אכן המנהיגים המתונים דגלו בדו־קיום מוסלמי־יהודי כל עוד הרעיון הזה לא סתר את חופש ההגירה. במשך הזמן גם חסידי אינטגרציה נלהבים מיתנו את עמדתם, למעט אחדים מחברי ועד הקהילה בקזבלנקה. סבאח עצמו כבר ב־1958 שינה כמה מדעותיו, כשהוחרפו הסנקציות על הגירת היהודים. מן המתונים או המתמתנים, שנעשו למנהיגים קהילתיים בשלהי שנות החמישים ובתחילת שנות השישים, היה דוד עמאר, סוחר תבואה אמיד מקהילת פורט־ליוטי. עמאר נבחר בשלהי שנות החמישים למזכ״ל ׳מועצת הקהילות׳; במשך השנים קשר קשרי שותפות עסקיים עם מולאי חסן, הוא המלך חסן השני, והודות לקשרים הללו הוא נחשב ליהודי החשוב ביותר במרוקו עד אמצע שנות השמונים.

מן הראוי לציין כי בראשית דרכו הציבורית הייתה עמדתו של עמאר כלפי ישראל דו־ערכית ולא חיובית כלל וכלל. הוא לא התנגד לעליית יהודי מרוקו, אך שלל את אסטרטגיית ההברחות החשאיות הלא חוקיות בהשראת ׳המסגרת׳ ואת הפעילות הציונית המחתרתית שפגעו בחוקיה של מרוקו. באחת מישיבות ׳מועצת הקהילות׳ ב־10 בנובמבר 1957 תקף עמאר את הפעילות הציונית הפוגמת בהרמוניה שמתפתחת בין מוסלמים ליהודים. הוא יצא עם משלחת לפריז, והיא נפגשה עם יעקב צור, השגריר הישראלי, ועם הארגונים היהודיים בצרפת להסביר להם את חומרת המצב ולשכנעם שיפעלו להפסקת הפעילות הזאת. ואולם בעת ובעונה אחת לא נרתע עמאר מלתבוע משלטונות מרוקו את חופש ההגירה ליהודים לכל מדינה אליה ישאפו לצאת. ביולי 1957 נפגשו נציגי ׳מועצת הקהילות׳ עם אחמד חאמיאני, המנהל הפוליטי של משרד הפנים המרוקני, ומחו נמרצות נגד המדיניות השוללת מתן דרכונים ליהודים או זו שמעניקה דרכונים ליחידים במשפחה ולא מאפשרת עליית משפחות שלמות. תשובתו של חאמיאני הקרינה שרירות לב: הוא הסביר ששר הפנים דריס מוחמדי נתן הוראות מפורשות לרשויות המקומיות שלא להעניק דרכונים ליהודים המתכוונים להגר לישראל, ולסרב להתיר את חזרתם של ׳היורדים׳ המרוקנים. חאמיאני הבהיר למשלחת היהודית שמרוקו תמנע כל ניסיון של ישראל לנצל את העלייה ממרוקו לצרכיה, משום שהדבר יפגע ביחסיה עב מדינות ערב במזרח התיכון. עדיף לממשלת מרוקו להשאיר את רוב היהודים במדינה מאשר לסבול את מחאתם של 70 מיליון ערבים במזרח התיכון. החמרת ההגבלות על העלייה רק דרבנו את עמאר ומנהיגים יהודים, כמו מקס לב, להצטרף אל שורות ׳המסגרת׳ ולתמוך בעלייה החשאית.

מה שעוד קירב את עמאר(הבלתי מפלגתי) וכמה מחסידי האינטגרציה אל ׳המסגרת׳ היו המאמצים של הפלג השמרני במפלגת האסתקלאל הדומיננטית לבלום את חופש התבטאותם של היהודים בחברה המרוקנית ואת רצונם להזדהות עם זרמים חשובים בעולם היהודי. מאז 1958 ראו הלאומנים השמרנים כמעט בכל מה שנקשר בישראל ובארגונים היהודיים הבין לאומיים בתחום התרבותי בתפוצות ׳פעילות ציונית׳. מי שקידם את המדיניות הזאת היה עלאל אל־פאסי שהיה ממייסדי המפלגה. בריאיון לארנולד מנדל, עורכו של העיתון היהודי־צרפתי L'Arche, הסביר עלאל אל־פאסי באופטימיות כי היהודים מקדמים בברכה את תהליך הערביזציה העובר על מרוקו, וכי ההפרדה המלאכותית שהתפתחה בין המוסלמים ובין היהודים בתקופה הקולוניאלית מפנה בעצם את מקומה לסימביוזה בריאה. אם בעבר היה הקולוניאליזם מכשול לסימביוזה הזאת, היום במרוקו החדשה הציונות היא הבעיה העיקרית. הציונים, כך העריך אל־פאסי, קלטו אזרחים של מדינה אחת לרעת אחרת. היהודים היו חייבים להישאר במרוקו, ולפיכך היה צורך לדכא את ההשפעות הציוניות, לדבריו:

עמדתי בנוגע לציונות איננה אך רק כנגד [הציונים]. במרוקו החדשה יש לאסור את קיומן של כל התנועות הפוליטיות המקבלות הוראות מן החוץ. הידוע לך ש׳הזאויה׳ [המסדרים המוסלמיים הסופיים] אסורות במרוקו חרף התפקיד החשוב שמילאו בתולדותינוי האם אנחנו נחשבים לאנטי־ מוסלמים כיוון שאיננו מאשרים את קיומם של המסדרים המוסלמיים ? מן הבחינה הזאת אנחנו׳אנטי־יהודיים׳ כשם שאנו ׳אנטי־מוסלמים׳.

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