Joseph Toledano-Epreuves et liberation-les juifs du Maroc pendant la seconde guerre mondiale

 

La défaite

Quand en mai 1940, Hitler ayant achevé ses conquêtes à l’Est, lança son offensive éclair sur le front Ouest, avant même la déroute totale de l’armée française et l’armistice, L'Avenir Illustré fut une des premières victimes et connut une interdiction de parution pour  "tendances sionistes".  L’éditorial de sa dernière livraison, datée de mai-juin 1940, constituait un pathétique testament :

«Ne croyons pas à nos mérites éminents, n’attendons pas de témoignages particuliers de reconnaissance parce que nous avons offert nos biens et nos personnes, à la cause de la justice et de l’humanité. Soyons fiers de ne pas être rejetés dans un coin du monde quand le monde entier flambe de notre propre flamme…

Quel est notre devoir à présent ?

Au point de vue intérieur, adopter une attitude générale digne et qui nous attire l’estime de tous ; éviter les discussions politiques aussi bien que les démonstrations trop visibles d’une oisiveté qui fait scandale ; travailler avec ardeur et désintéressement en songeant que le travail est déjà un commencement de relèvement matériel et moral. Au plan extérieur, garder à la France et au Makhzen la fidélité traditionnelle que notre population leur a vouée depuis le début…»

Au Makhzen, cela ne devait pas poser de problème, mais à la France, elle n’en aurait cure — c’est elle qui allait trahir.

L’autre organe de presse juif paraissant à Casablanca, L’Union Marocaine, eut droit à un sursis, en raison de son orientation assimilationniste pro­française et ne fut interdit qu’en octobre 1940, dans le cadre de la nouvelle législation antijuive. Il laissa le même testament pathétique comme si les Juifs du Maroc pouvaient encore être maîtres de leur destin :

« II y a plusieurs moyens de servir la cause commune. Les uns donnent leur sang, leur jeunesse ; d’autres, leur travail, leur intelligence ; d’autres encore leurs biens. A ceux qui ne peuvent offrir tout cela, il n’est demandé que d’avoir patience, confiance et courage. Ce sont là de belles armes de défense passive, Dieu est avec les patientss’ils savent patienter … »

A l’heure des plus grandes épreuves, le judaïsme n’avait plus de voix, ses deux organes étant désormais interdits. L’ancien directeur de LAvenir Illustré, Jonathan Thursz, resté au Maroc après la fermeture de son journal, comme correspondant de l’agence de presse américaine Associated Press, avait bien sollicité des autorités l’autorisation de faire paraître un organe, comme cela était permis au judaïsme tunisien avec le journal Le Pêtit Matin, et en Algérie, avec le Bulletin des Sociétés Juives d’Algérie. En vain.

Avant la tempête

Dans l’atmosphère routinière de la drôle de guerre, les autorités du Protectorat ne se départaient pas encore de leur bienveillance traditionnelle et de leur respect envers les institutions religieuses juives. C’est ainsi que le dahir du 4 mai 1940, 25 Rebia 1359, créa une institution originale, sans doute unique au monde, avec la formation dans le cadre du Haut Tribunal Rabbinique siégeant à Rabat, d’un tribunal dit de la Sérara. Il avait pour unique compétence de statuer en matière de questions délicates, liées aux privilèges revendiqués par certaines familles, dans l’exercice exclusif de certaines fonctions religieuses comme les sacrificateurs rituels de bétail, les rédacteurs des actes de divorce, les responsables des pèlerinages sur les tombeaux de saints et du partage de leurs dons, etc. Autant de problèmes de gestion financière, parfois aigus, opposant les intérêts des possesseurs de privilèges à ceux des gestionnaires de la caisse communautaire. La première composition d’un tel tribunal inclut, à sa présidence, rabbi Méir Hay Elyakim, un rabbin natif de Tibériade, qui présidait depuis des décennies le tribunal rabbinique de Casablanca et à ses côtés : rabbi Shlomo Cohen, Président du tribunal d’Oujda et rabbi Moché Zrihen, Président du tribunal rabbinique de Marrakech. Rabbi Yossef Messas, adjoint au Président du tribunal rabbinique de Meknès, qui fut appelé en 1944 à sa présidence, décrit ainsi sa procédure très particulière :

«En cas de revendication de privilèges auprès de la Sérara, le requérant doit adresser une supplique au Haut Tribunal Rabbinique à Rabat qui envoie une lettre de convocation à la personne assignée et fixe aux parties une date pour leur parution. Le Haut Tribunal convoque alors à Rabat les trois membres du tribunal de la Sérara pour cette même date, et le cas échéant, un suppléant. Les deux parties exposent oralement, devant le tribunal, leurs arguments et déposent leurs conclusions écrites. Les membres du tribunal les emportent avec eux et reviennent chacun dans sa ville. Il appartient ensuite au Président du tribunal de rédiger le projet de jugement qu’il envoie pour approbation à ses deux assistants. Une fois le jugement contresigné par les trois membres, son texte est transmis au Haut Tribunal qui le paraphe et en informe les deux parties qui ne peuvent faire appel…

Ce respect des institutions hébraïques ne devait jamais se démentir, même aux pires moments de la législation antijuive du régime de Vichy, comme nous le verrons par la suite.

Joseph Toledano-Epreuves et liberation-les juifs du Maroc pendant la seconde guerre mondiale

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