Salomon Hai Knafo-La vie juive a Mogador-Pesente et annote par Asher Knafo-Ot Brit Kodesh-Hiver 2008

La vie au Mellah était bien tranquille et les Juifs y vivaient heureux. Tout le monde se connaissait et vivait comme une seule famille, les disputes étaient rares, la débauche n'existait pas, sauf quelques cas exceptionnels. Les personnes reconnues coupables d’avoir transgressé l’honneur, étaient mises à l’index.

La vie juive à la Casba était quelque peu différente. D’abord, les habitants de la Casba se considéraient comme des nobles. Ils ne se mêlaient pas aux Juifs du Mellah, sauf avec quelques familles reconnues de bonne souche ou ayant eu dans le passé, une lignée de Grands Rabbins.

Les maisons de la Casba en général, étaient plus spacieuses que celles du Mellah, quoique la plupart n'eussent que deux étages, les chambres étaient immenses.

Certaines maisons contenaient des pièces dont on a fait ces derniers temps, un appartement de trois pièces et une cuisine. Il y en a une qui a été occupée par l’école de l’Alliance Israélite et dont chaque classe contenait jusqu’à 200 personnes qui écoutaient des conférences. Dans la cour, 400 personnes assises à l'aise pouvaient écouter les discours des Rabbins.

D’ailleurs au premier étage, l’école n’occupait qu’une seule aile de la maison. Le rez-de-chaussée était occupé par une maison de commerce où étaient installés les bureaux et les entrepôts pour les marchandises à expédier et à recevoir, ainsi que par la Banque d'Etat du Maroc. Une autre partie du rez-de-chaussée était toujours occupée par des familles juives aisées.

Depuis la deuxième guerre mondiale, l’immeuble entier fut mis à la disposition de la police.   

D’autres immeubles moins grandioses servaient d’habitation à la population juive de la Casba. En principe chaque famille occupait tout l’immeuble, dont le rez-de-chaussée servait de bureaux et d'entrepôts et les étages d'appartement privés.

La construction était plus riche. Les planchers étaient de vrais planchers, c'est-à-dire en bois. La grandeur des chambres et des pièces changeait avec une moyenne variable de 4 x 6 mètres jusqu’à 6×12 mètres.

Dans quatre ou cinq maisons où j’ai habité moi-même avec mes parents, j’ai connu des cuisines où des tables de mariage pouvaient être dressées. Des salons dans les appartements privés pouvaient contenir tous les invités du mariage. Dans beaucoup de maisons on a installé des synagogues, il est vrai que les synagogues de Mogador n’étaient pas très grandes. Les synagogues de la Casba étaient faites pour quinze à vingt familles de quatre à cinq personnes. Les plus grandes synagogues étaient celles du Mellah, mais elles non plus, ne contenaient pas plus de deux cents personnes.

La majorité des habitations, surtout les grandes, contenaient à part la Soucca construite, le mikvé pour les bains rituels.

Il est probable qu’on attachait beaucoup plus d’importance au bain rituel qu’aux bains ordinaires, car les baignoires à la mode alors, n’étaient pas très connues du public. Il n’y avait qu’une élite qui en possédait. Chauffer la baignoire était difficile : on avait recours souvent à des moyens très rudimentaires.

Il y avait bien pour toute la population juive deux ou trois bains maures. Il y avait des personnes qui ne s'y rendaient qu'à des occasions très importantes, comme lors d'un mariage ou d'un décès. C'était le cas pour les hommes, quant aux dames mariées, si elles ne disposaient pas de bains rituels à la maison, elles devaient s'y rendre.

Le quartier Chabanaî a servi, je crois, de dépotoir (dont l’accès se faisait à gauche de la porte principale de la ville, face à la porte du Mellah) accolé à la muraille, il donnait sur la terre ferme.

Là-bas, on trouvait les industries, qui sentaient mauvais comme les tanneries, les presses à cire d’abeille, les pressoirs pour vin et les alambics pour la distillation de l’eau de vie… et aussi, des femmes de mauvaises mœurs. Quelques rares familles avaient osé habiter ce quartier.

Le quartier Bni Antar était un quartier presque entièrement arabe, mais où les Juifs ont fini par occuper quelques maisons.

Ce quartier habité de beaucoup d’indigènes était en concurrence avec le quartier précédent. Pendant les quinze jours qui précédaient la fête de Achoura, à la veillée, ses habitants se réunissaient en plusieurs groupes et allaient s’installer au Mechouar dont j’ai parlé plus haut et chantaient en s’accompagnant d’une sorte de tambourin qu’on appelle Agual ou Thâruza, en consommant force thé et gâteaux.

A la fin de la nuit, vers l’aurore, se formaient deux groupes antagonistes, ceux du Chabanat et ceux du Bni Antar. Les uns devaient donner la réplique à coup de tambourins en échangeant des calembours chantés. Ils se joutaient mutuellement, à l'image des deux quartiers opposés par leur situation géographique et sociale. Les plus forts devaient parvenir à refouler leurs opposants vers leur quartier ; alors, on déclarait vainqueurs, ceux qui étaient arrivés à la porte du quartier opposé.

Un bon nombre de Thâruza se brisaient et on comptait même quelques personnes blessées. Le lendemain on recommençait jusqu’à l'Achoura.

Les amis Juifs y étaient conviés et assistaient en spectateurs en buvant du thé à la menthe, verre sur verre.

A la demande des notoriétés juives, le Sultan avait autorisé l'utilisation d'un espace situé derrière les magasins du marché, au devant du quartier Chabanat pour y créer un nouveau quartier juif nommé Mellah Jedid. Trente à quarante maisons ainsi qu’une synagogue et un four public y furent construits dans le même style que celui du Mellah. Tout cet ensemble était entouré de murailles fortifiées et des portes bien solides.

Le rôle du four était très important. Chaque famille juive tenait à faire son pain elle-même pour plusieurs raisons, en voici les trois principales :

La religion exige qu’on emploie la farine exempte de vers et d’autres vermines.

Il fallait prélever la Trouma comme l'exige la Thora.

C’était plus économique que le pain fabriqué par le boulanger, en ces temps-là, quelques sous économisés chaque jour comptaient beaucoup.

Et bien sûr il y avait d’autres avantages : la propreté, la qualité, chaque famille se plaisait à faire du pain à sa façon selon le goût de chacun des siens.

Le samedi, la préparation du plat rituel était respectée par toutes les familles pauvres ou riches. Il n’y avait que le contenu du plat qui changeait suivant le nombre de personnes et l’état des finances. Voici en quoi consistait le plat du Shabbat :

Dans une marmite en poterie on entasse la viande, les pommes de terre, les pois chiches, des œufs, de l’eau, de l’huile, des saucisses farcies de viande hachée avec graisse et épices. On ajoute des condiments, tels que le curcuma, le poivre et surtout beaucoup d’ail. Ceci est la base la plus ordinaire. Lorsqu'on a des invités ou en cas de fêtes familiales on enrichit le plat rituel. On y ajoute des poules farcies, des pieds de bœuf, des poulardes, du riz cuit dans un sac de tissu ou des haricots secs, du blé dur ou des petits pois. Et on y ajoute du safran. Fermée hermétiquement avec une pâte de farine et d'eau. La marmite était marquée d’une marque spéciale. Chaque famille procédait alors à l'envoi au four public.

Du nombre considérable de marmites que l’on y entassait résultait un goût spécial. Du coup, les plats des plus pauvres étaient eux aussi enrichis par ce goût, puisque ces plats restaient enfermés depuis le vendredi à treize heures, jusqu'au samedi même heure, soit une journée entière !

L’emploi du four était donc chose obligatoire. Pour Pessah, on y cuisait le pain azyme fait à la main. Chaque famille, apportait la quantité de semoule qu’elle voulait transformer en galettes de Pessah et trouvait au four une équipe d'ouvriers qui lui faisait le travail moyennant un prix débattu longuement et âprement.

L’enfourneur ne faisait que cuire ; il recevait, bien entendu, son salaire à part avec les galettes toutes faites. C’était une corporation qui a disparu presque entièrement. Je dis presque, car jusqu’à présent il y a des familles très religieuses qui continuent à faire leurs galettes, surtout celles que l’on nomme la Matsa Chmoura. Celles dont la farine employée a été gardée à vue depuis la moisson, jusqu’à la cuisson, en passant par toutes les opérations faites en présence d’un surveillant juif religieux, afin qu’elle ne soit pas touchée par la moindre goutte d’eau ou de pluie de peur qu’elle ne lève, ce qui serait contraire aux ordonnances de la Thora.

Au début de ce siècle, une famille juive assez moderne est venue s’installer à Mogador dans le quartier Hamouth nom de son créateur. N’ayant pas trouvé de maisons vides à l’intérieur, il acheta un grand terrain à un kilomètre de la ville, au bord de la plage qui allait jusqu’à Agadir.

Il avait commencé par y construire une grande maison de deux étages, et au fur et à mesure que ses enfants se mariaient, il ajoutait d’autres maisons. Tout autour de ces habitations il y avait un terrain très vaste transformé en jardins potagers, assez fertiles. C’est la seule famille qui ait osé s’installer en dehors de la ville.

A part deux quartiers, à l’extérieur de la ville, tous les quartiers que j’ai cités, se touchaient presque, séparés uniquement les uns des autres par des portes solides qui se fermaient la nuit et dont les clefs étaient cachées chez le gouverneur de la ville, en l'occurrence le Pacha… maître absolu de la ville après Dieu et parfois après le Sultan.

Dans l'un des deux quartiers en dehors de la ville, il y avait des jardins potagers qui fournissaient les légumes nécessaires à la vie quotidienne. Les jardiniers étaient en majorité juifs. Ils vendaient eux-mêmes leurs légumes au marché surtout aux consommateurs Juifs. Car les Arabes n’étaient pas amateurs de légumes. Quelques légumes rares comme le céleri et les laitues étaient revendus à l’extérieur, dans d'autres grandes villes du Maroc.

Ces jardins servaient souvent de lieu de plaisance aux Juifs.

Dans le second quartier situé hors de la ville se trouvaient les deux cimetières juifs, l’ancien et le nouveau, le cimetière européen, le cimetière arabe se trouvant isolé de l’autre côté des jardins.

Il y avait là aussi quelques moulins à vent, un four de poterie indigène (ou deux ?).

Un autre quartier adjacent au quartier Hamouth, cité plus haut, servait de marché pour les peaux de bêtes, fraîches et salées.

Entre ce quartier et les deux autres quartiers dont j'ai parlé, s'étendait la lagune : un grand terrain bordé au nord de dunes immenses (annonçant le Sahara).

Des courses de chevaux appelées fantasia s'y passaient, les jours de grandes fêtes et de réception de souverains. Ces courses ressemblaient un peu aux tournois de l'ère féodale. Y participaient des Caïds et leur suite venus des alentours de Mogador et de toutes les autres régions.

Chaque Caïd formait un groupe de cavaliers bien habillés tout en blanc ou blanc et noir. Ces cavaliers au nombre de quinze à vingt montaient des chevaux de race, caparaçonnés de selles couvertes de drap aux couleurs vives ou tendres, munis chacun d’un Mouqquala, ancien fusil à poudre. Chaque Caïd avait une couleur différente pour ses chevaux, leurs ornements et pour les costumes. Imaginez, chacun devait maîtriser sa monture qui piaffait d'impatience en attendant de prendre part à la course.

Au signal convenu, le premier groupe conduit par son chef se détache des autres groupes, tout d’abord doucement et s'élance. Leur chef crie : "Ah ! Le Caïd Embark En’neknafi" (Ah ! Voici le glorieux Caïd tel et tel). Le groupe accélère de plus en plus.

Arrivé à une ligne imaginaire, le Caïd pousse un ordre rapide à sa suite qui s’élance en un élan fougueux vers le côté opposé. Tous le suivent ; ils poussent leurs montures en un galop endiablé. Brusquement, ils appuient tous en même temps sur la gâchette de leurs fusils. Tous les fusils partent à la même seconde ! On croirait qu’un seul fusil avait tiré !

Pendant ce temps un autre groupe se prépare. Ceux qui ont couru font un grand tour et viennent se placer derrière le dernier groupe et ainsi de suite. Parfois, il y avait des cavaliers qui réalisaient de véritables prouesses sur leur cheval. C’était très impressionnant de voir ces cavaliers barbus vêtus tout de blanc galoper à bride abattue, virevolter et galoper encore…

C'était une des meilleures distractions de cette époque. Le spectacle était permis aux juifs bien qu'il leur fut interdit de monter à cheval.

Salomon Hai Knafo-La vie juive a Mogador-Pesente et annote par Asher Knafo-Ot Brit Kodesh-Hiver 2008-page 46-50

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