Le bateau Egoz – ses traversées et son naufrage-Meir Knafo- Le Mossad

Une catastrophe inexplicable

Après une courte sieste chez moi, et dans les environs de midi, je fus appelé en urgence à l'état-major, et là-bas, il me fut annoncé que l'Egoz avait fait naufrage et que probablement il n'y avait pas de rescapés, et que même Haïm Serfaty était parmi les disparus.

Alex Gatmon, commandant de la Misguéret, ne participa pas cette fois-ci à l'opération.

Il était chez lui et attendait le compte-rendu lorsque le radiotélégraphiste entra et dit: "Je suis désolé de vous l'annoncer, il s'est passé une catastrophe: Egoz a fait naufrage avec ses quarante-quatre passagers." Il y eut un silence dans le petit appartement de Casablanca.

Il y a des moments qu'il est impossible de décrire', dit Carmit, la femme d'Alex, qui se trouvait sur les lieux. Elle témoigna qu'Alex blanchit, mais lorsqu'elle le regarda elle vit qu'il ne perdit pas le contrôle de ses réactions. Comme toujours, dans ces moments de crise, il était serein.

Carmit rajouta: "J'ai même regardé le radiotélégraphiste, "Babet". C'était un homme cultivé, un israélien, qui arrivait sur sa trentaine, qui avait une moustache épaisse et une calvitie précoce. Et après l'annonce, ces deux hommes restèrent l'un en face de l'autre. "Y a-t-il eu de hautes vagues?" questionna Alex. "Non" répondit le radiotélégraphiste. "Mais comment ça s'est passé?" questionna Alex.

Carmit termina: "Comment ça s'est passé? Jusqu'à ce jour, il n'y a pas de réponse!'

Même aujourd'hui, quarante-six ans après la catastrophe, il n'y a pas de témoignage digne de foi quant aux circonstances du naufrage d'Egoz, et tout ce que nous savons prend sa source du compte-rendu que le capitaine Francisco Morilla Reinaldo – qui ne bénéficie pas de notre confiance – a été contraint de faire, et du témoignage du capitaine du bateau "Cabo-de-Gata".

Les années écoulées ne me donnèrent pas de repos, et non plus à Haïm Benchetrit, qui participa avec moi à presque toutes les opérations du bateau. Le souvenir des victimes d'Egoz restera toujours vivant dans nos mémoires.

Le destin tragique du jeune David Elkoubi, quatorze ans

Haïm Elkoubi

Parmi les noyés d'Egoz, il y avait le jeune David Elkoubi. Son histoire est une histoire triste, celle d'un enfant isolé dont la famille immigra en Israël une semaine auparavant – car peu de temps avant leur départ précipité, et du fait de son absence, il n'a pas fait partie de ce voyage.

Haïm Elkoubi, le frère de David, était âgé de onze ans au moment du naufrage d'E g o z. Voici son récit sur David, tel qu'il fut raconté à Méir Knafo.

Je me souviens très clairement, et en détail, de l'organisation et des préparatifs secrets qui précédèrent la fuite de la famille de Casablanca. L'aspiration de David était Israël, et il fut celui, malgré son jeune âge, qui poussa mon père et ma mère à réaliser leur rêve.

Un jour de l'année 1961, notre voisin arabe rentra voir ma mère, et lui dit son intention de demander la main de notre sœur, âgée de 15 ans, pour son fils. Ma mère entra en panique et lui répondit qu'ils étaient tous deux mineurs, et qu'il fallait attendre que le temps fasse son œuvre. Cet évènement provoqua l'urgence de notre fuite du Maroc, notre monde s'était écroulé.

David découvrit qu'un proche de notre famille était un membre actif de l'immigration clandestine, et s'adressa à lui et le courtisa avec assiduité. Lorsque les membres de la clandestinité apprirent l'histoire, ils décidèrent de nous faire sortir d'urgence du Maroc. Dans un délai court, nous reçûmes la nouvelle que le Shabbat au matin, un taxi viendrait nous chercher et, sous l'apparence d'une excursion à travers le Maroc, la famille serait évacuée sans éveiller le moindre soupçon ou attirer l'attention. La dafina du shabbat fut envoyée au four du quartier et les courses du Shabbat, ma mère les effectua comme à l'accoutumée. Et en effet, le Shabbat matin, le taxi arriva.

Avant son arrivée, David demanda à se rendre au marché afin de se procurer un blouson d'hiver, dont il avait envie depuis longtemps, quand il tarda à revenir, ma sœur fut envoyée le chercher. Le chauffeur de taxi qui arriva entre temps insista auprès de nous pour que nous partions immédiatement, avant qu'il n'attirât l'attention des voisins, dans le cas contraire il devra décamper au plus vite. Au début, nous avons refusé de laisser mon frère et ma sœur seuls au Maroc, mais dès qu'il nous a été promis qu'ils partiraient à la prochaine opération, nous avons donné notre consentement et nous avons pris le taxi. Après un cours voyage, j'aperçus soudain ma sœur à l'intérieur d'un taxi qui roula face à nous. Je criais au chauffeur de s'arrêter, et lorsque nous l'avons recueillie elle raconta qu'elle n'avait pas réussi à localiser David.

C'est le cœur lourd que nous avons continué, et après douze heures de voyage, nous sommes arrivés à la plage de Al-Hoceima. Il était 23:00 heures, les enfants en bas âge étaient fatigués et pleuraient bruyamment, et afin de les calmer, les hommes des unités marines leur avaient distribué des bonbons et des biberons. Et après une longue et exténuante traversée en mer, nous sommes arrivés à Gibraltar où nous sommes demeurés une semaine sans savoir ce qu'il en était advenu du sort de David. De Gibraltar nous avons pris l'avion pour Marseille, pour le camp d'Arènas.

Le lendemain de notre arrivée à Marseille, à six heures du matin, ma sœur qui habitait en France était apparue dans le camp, et nous a apprit la nouvelle amère: "l'un des journaux français relatait l'information du naufrage d'un bâteau, d'immigrants clandestins en route vers Israël, et dans lequel il y avait quarante- quatre juifs." N'ayant pas réussi à joindre David, l'information a éveillé en nous ce lourdes craintes quant à son sort. Une semaine plus tard, nous avons pris l'avion pour Israël, et à l'arrivée, nous avons transmis des détails sur l'identité de David afin de lui permettre, à son arrivée, de nous joindre au camp de transit Guéoulim de Kfar-Saba vers lequel nous avons été dirigés. Quelques jours après, ma sœur nous a envoyé une dépêche de France qui contenait la nouvelle amère: "parmi les noyés d'Egoz, se trouvait également David."

Je me souviens qu'avant de quitter Casablanca, nous avons remis les clefs de chez nous à notre voisine catholique, et également le numéro de téléphone de notre oncle – afin qu'il vienne et recueille David chez lui. L'oncle a raconté plus tard que lorsque David était revenu à la maison et qu'il avait appris que "sa famille l'avait abandonné', il était dans un choc total. Il éclata en pleurs amers et avait refusé d'entrer à la maison, il s'était assis devant la porte, avait refusé de manger et n'avait fait que pleurer. Il ne s'était calmé que lorsque l'oncle vint le chercher. Le fait d'avoir laissé David seul à Casablanca m'a poursuivi toutes ces années.

Le bateau Egoz – ses traversées et son naufrage-Meir Knafo– Le Mossad-page-399

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