Le Mossad – Michel knafo


Le Mossad – Michel knafo

Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc

1955-1964

 Michel knafo

A tous ceux qui ne sont plus parmi nous

Les actions de la défense des juifs en Afrique du Nord et les péripéties de leur immigration en Israël sont inscrits dans l'histoire d'un peuple très ancien, et ils viennent rajouter une page illustre au livre déjà bien rempli. Là-bas, dans les étendues du Maroc, dans ses villes et ses villages, ont laissé ceux qui ont participé à ce travail une partie d'eux-mêmes – et même si ces signes s'effacent de plus en plus, leurs empreintes sont gravées dans cette période et sans elles, elle n'a plus ni image ni forme. Ils peuvent mobiliser leur mémoire et retourner roder dans les villes et villages, dans les quartiers et dans les ruelles et les chemins dans lesquels ils ont agi. Ils peuvent faire revivre à la demeure de cette époque, ces juifs qui se sont levés à leurs ordres et ont pris le chemin qu'ils ont choisi. Et ils peuvent ordonner à ces mêmes juifs de revenir et de vivre ainsi qu'ils ont vécu, dans leurs joies et dans leurs peines – et tel le prophète Ezéchiel, dans sa vision des ossements desséchés, ils peuvent invoquer l'esprit pour ressusciter une période disparue, et les jours qui furent. Il est possible qu'ils fassent cela en groupe, et de différents coins du monde et du lieu de leur habitation en Israël ils seront invités dans une auberge, dans laquelle ils se souviendront de ces mêmes jours. Mais, tout le monde ne sera pas là. Seront absents de cette assemblée, ces dizaines qui étaient leurs compagnons à cette période, ceux qui ont associé leur destin dans celui de cette grande œuvre qui fut – et ont quitté ce monde.

Le premier, Haïm Serfaty, dont la route s'est achevée lors de la dernière traversée d'Egoz- par une nuit obscure et par une mer conspiratrice – pendant qu'autour de lui et avec lui des juifs qui aspiraient à la délivrance, lançaient leurs derniers appels au secours.

Le second, Shalom (Dani) Weiss, dont la main, main magique, s'est arrêtée, lorsqu'il n'a plus eu la force de lutter contre la sentence avec laquelle il a vécu de nombreuses années, et a regagné sa dernière demeure avec humilité, de la même manière qu'il avait accompli sa merveilleuse tâche, avec humilité, et le vide qui a été créé proclame: "Il y avait, il y eut un homme de valeur.' Le troisième, Raphi Vaknine, dont l'âme a expirée après de cruelles tortures lors de son arrestation au Maroc, et le quatrième et le cinquième sont Raphaël Ben- Guera et Yaakov Hassan, qui ont été kidnappés par le FLN en Algérie, ont été assassinés avec sauvagerie et dont les corps à ce jour n'ont jamais été retrouvés.

Avec ceux-là, nous nous souviendrons des nombreux camarades qui ont quitté ce monde au cours des années: Hadad Shalom, Castel Lili, Adania Yossef, Sibony Michel, Zafrani Albert, Niotov Shmouel, S.R. Pépé, Amit Zeev, Spanian Raphaël, Vagenar Suzanne, Aboudaram David, Aboudaram Rachel, Arnon (Hababou) Moshé, Serfaty Maurice, Korchia Hubert, Douvdouvani Baroukh, Cohen Shlomo, Gatmon Alex, Baal-Koré Yona, Wizman Méir, Rotem Binyamin, Amihaï Itiel, Ben-Zaken Sam (Bill), Ruimy Marcel, Vardi Zalman, Bibas Michaël, Sisso Maurice, Lev Marie, Yéhzquéli Shlomo, Monsonégo Félix, Kaddosh Moshé, Ben-Ayoun Raphaël, Ben-Ayoun Amram, Elfassi Yaakov, Elfassi Maurice, Elkesslassi Simi, Ben-Simon Yaakov, (Cohen Yéhonatan – Yossef Raymond) Lotan Shimshon, HassdaïDoron, BeerYitzhak, Rabinovitch Moshé, Shtikman Ichaï, Loupovitch Eytan, Ben-Chétrit Haïm, Ben-haroch Maurice, Chochani Eliézer, Hertzel Sher, Roach Gabriel, Even Tsour Haïm Jean-Pierre, Assouline Henry, Gad Oren, Arokh Shlomo, Elbaz albert, Perez élie, Himi Yossef, Braverman Malca, Haïmon Méir, Aviad Shimon, Elfassi david, Ben-Ziman Albert, Ben-Dahan Shlomo, Avi-Teboul Maurice, Shoavi Moshé, Ariel davides Henry, eliav Yachka, Zakaï Yitzhak, Hayot Avraham Bébert, Haras Haïm, Youval Moshé, Yanaï Oury, Markovitch Gabriel, Réouven David, Shahar Journo Ram, Cheinkman Gricha, Shragaï Shlomo Zalman, Bar-Giora Naphtali, Khalifa Michel, Abitbol Charly-Haviv Haïm Darmon, Ménahem Rak-Oz, Claude Bensimon, professeur Georges Vaknine, Léon Zabaly, Albert Deavila, Vilner Mali, Ménahem Guilad, Issar Harel, Yéhoudit Nessiyaou, Maurice Dahan, Ben-Asher Raphaël, Ménahem- Mendel Vilner, Aouizérat Raymond, Itah shlomo, Max Lev, Carméla Zabine, Yona Zabine, Haïm Halahmi, Ephraïm Ronël, Bény-Binyamin Boccara, Bény Meitiv, Georges Bérreby, Michaël Sasson, Edmond Saadoun, Ruimy Shlomo, Youval Hédva, Doukan abner, Shlomo Elkabas, Attias Yéhouda, Ezra Ayalon, Aharon Bensadoun, Henry Malka, Yaffa Bar-Guiora, Zarka, Meshoulam Elie, Myara Yvette, Eliezer Chochani, Georgette Shahar, Fhima David, Zouari Yoav, Yaakov Avissar, Moshé Amar, Ravid Moshé, Agou Shimon, Frédy Hadad, Jacques Wajenaar, Arié Lugassy, Moché Benjo.

Tous ceux-là ne sont plus présents à cette assemblée qui se réunit au souvenir d'une période, et leur mémoire ne sera jamais effacée, pour l'éternité!

Le Mossad – Michel knafo

Les rachetés de l'Eternel retourneront; Ils iront à Sion avec chants de triomphe. Et une joie éternelle couronnera leur tête; L'allégresse et la joie s'approcheront, La douleur et les gémissements s'enfuiront.

(Esaïe, 35,10)

ופדויי יהוה ישבון ובאו ציון ברנה ושמחת עולם על ראשם ששון ושמחה ישיגו ונסו יגון ואנחה׃

La rédaction de ce livre est basée partiellement sur le rapport rédigé par Eliezer Shoshani, qui prend ses sources des archives du Mossad et qu'il a intitulé "Neuf ans sur 2000". Ce document classé secret n'a pu jusqu'à présent être consulté que par un petit nombre de chercheurs triés sur le volet. Il ne rapporte toutefois que quelques témoignages des agents israéliens ayant œuvré au Maroc, sans mentionner ceux des activistes de la clandestinité juive, la Misguéret, recrutés sur place par le Mossad au Maroc. Tout en y trouvant un intérêt historique certain, j'ai jugé qu'une nouvelle rédaction et un enrichissement du contexte historique étaient nécessaires.

De toutes les vagues de la Alyah, avant et après la création de l'Etat d'Israël, celle du Judaïsme marocain est restée la plus entourée de secret et de mystère. Les récits des actes de courage des jeunes fondateurs du réseau d'autodéfense et de l'Alyah clandestine sont longtemps restés dans l'ombre. Même après leur publication, on a pris soin de ne pas révéler les véritables noms des héros, des agents israéliens, et des militants locaux. C'est donc dans ce livre que pour la première fois sont rapportés les détails précis sur les opérations et leurs auteurs.

Le rapatriement des corps de 22 des naufragés du Pisces-Egoz et leur inhumation au Mont Hertzel à Jérusalem, en décembre 1992, et l'immense intérêt soulevé dans les médiats par cet événement, ont révélé au grand public stupéfait, en Israël et dans le monde, une épopée jusque là ignorée. Il était temps, car cette période de silence avait sans aucun doute causé un grand dommage à l'ensemble de la magnifique communauté juive marocaine.

Le récit qui suit rapporte certes l'action des agents du Mossad qui ont mis sur pied la Misguéret, mais s'attarde essentiellement sur la contribution des juifs locaux, des juifs marocains, jeunes et moins jeunes, qui se sont mobilisés de leur mieux pour cette noble cause.

Des jeunes de toutes les classes sociales et de toutes les régions, ont su, malgré la clandestinité, trouver la voie pour se joindre à l'action. Ils ont porté sur leurs épaules l'essentiel du fardeau des opérations et mis sur pied le vaste réseau d'autodéfense et l'organisation des départs clandestins, dans les conditions les plus périlleuses; réussissant à mener vers Israël des dizaines de milliers de juifs marocains. Parmi eux il convient de rendre également un hommage tout particulier aux membres des mouvements de jeunesses pionnières œuvrant dans la clandestinité.

De 1956 à 1961, les membres de la Misguéret ont monté des centaines d'opérations – sur terre, sur mer et dans les airs – qui ont permis à quelques 25,000 "Nostalgiques de Sion" d'atteindre le pays de leur rêve. De telles opérations exigeaient des préparatifs minutieux, la mobilisation d'un vaste réseau de renseignements, des visites d'inspections des côtes, de jour comme de nuit. Mais surtout et avant tout, un dévouement sans bornes des activistes et volontaires; et de la part des candidats à l'immigration, une confiance absolue et souvent un grand héroïsme.

Notre association, l'Organisation des Activistes du Réseau Clandestin de la Alyah illégale et des Prisonniers de Sion en Afrique de Nord, regroupe en son sein à la fois les émissaires de l'Agence Juive, les agents du Mossad israélien et tous les militants locaux du Maroc, Algérie et Tunisie, actifs avant et après la création de l'Etat d'Israël. Elle s'est donnée pour objectif de révéler, de diffuser et de transmettre aux générations futures, par ce livre, l'épopée exemplaire de la Misguéret au Maroc.

J'ai passé trois années à rédiger et à écrire le livre en hébreu et j'ai consacré deux années à sa traduction en français et j'y ai trouvé un immense plaisir. Naturellement, ma participation personnelle aux opérations de la Misguéret, ayant compté parmi les premiers recrutés du Mossad en 1955 n'y est pas étrangère. J'ai servi sans relâche et avec dévouement dans ses rangs jusqu'à mon arrestation en 1961, suite au naufrage du bateau Pisces-Egoz. Même au cours de ma "permission" de prisonnier, j'ai rempli les missions qui m'ont été confiées, et que je rapporte partiellement dans ce livre selon mon point de vue.

J'ai participé à des dizaines d'opérations de cette époque; j'ai connu et collaboré avec des dizaines d'agents d'Israël et j'ai commandé les meilleurs parmi les recrues locales et j'ai eu ainsi le loisir d'apprécier leur dévouement et leur contribution. Une grande partie de ce livre est donc basée partiellement sur mon expérience personnelle et sur les témoignages de dizaines d'activistes que j'ai interviewés: l'autre partie est le fruit de recherches académiques sur l'Alyah du Maroc et de communications faites à l'occasion de journées d'études sur ce sujet. Pour la première fois sont révélées ici des opérations avec mention des lieux, dates et identité des participants.

Mai 2007, des années de recherches et d'écriture arrivent à leur terme. Nous savons qu'il n'est pas toujours facile de transcrire les mots hébreux au français, j'ai donc fais de mon mieux afin de trouver les meilleurs traducteurs, ce qui n'a pas toujours était une chose facile pour moi. Si tout au long du volume on peut trouver un style différent de la langue française, ce sont là les inconvénients d'un ouvrage traduit par quatre traducteurs différents toujours israéliens, à chacun son style propre.

Je voudrais remercier ici mon cher ami Michel Parienté qui m'a encouragé dès le début à entamer la lourde besogne de la traduction de mon livre en hébreu. J'espère que ce livre sera de secours aux chercheurs, étudiants et lycéens, et ce sera là mon salaire et ma récompense pour tant de jours et de nuits de travail.

En terminant la rédaction de ce livre mes pensées se tournent vers Raphi Vaknine, mon compagnon de cellule et des caves de tortures, mort dans la solitude après de terribles souffrances; vers Haïm Serfaty et les naufragés du Pisces-Egoz qui ont trouvé en une nuit, leur mort tragique et cruelle; vers Yaacov Hassan et Raphaël Ben-Guéra, enlevés et assassinés par les rebelles du FLN algérien et dont les corps n'ont jamais été retrouvés; et vers tous les agents, émissaires et immigrants clandestins qui ne sont plus de ce monde.

Puisse ce livre ajouter quelques pierres au monument à leur mémoire.

Michel-Meir Knafo

Le Judaïsme Marocain et sa Merveilleuse Nostalgie de Sion

Le Judaïsme Marocain et sa Merveilleuse Nostalgie de Sion

Mon coeur est en orient

Les juifs du Maroc, au delà de toutes les épreuves, ont toujours attendu avec confiance que sonne l'heure de la Délivrance et de l'arrivée du Messie. L'espoir du retour à Sion allait de soi et ne souffrait aucune contradiction à leurs yeux. C'est ainsi que devait les trouver les annonciateurs, les représentants de l'Etat d'Israël indépendant: des juifs vivant depuis des siècles dans un sentiment de provisoire. On peut dire symboliquement qu'ils n'ont jamais, au cours des générations, déposé leur sac à dos ni quitté leur bâton de pèlerin toujours prêts à répondre à l'appel du grand départ.

La nostalgie de Jérusalem qui recouvre Sion et tout Eretz-Israël remonte à des temps immémoriaux. Elle était nourrie par la Alyah d'individus vers Eretz-Israël, les visites périodiques d'émissaires de Terre Sainte et avant tout par les prières de la liturgie quotidienne. Le vœu "l'an prochain à Jérusalem" avait pour les fidèles quelque chose de concret.

L'installation des juifs en Afrique du Nord est très ancienne, remontant au moins à deux mille ans – précédant de beaucoup en tout cas la conquête arabe. Cet ancrage dans le passé était présent dans la conscience des juifs du Maroc, mais aussi bien que dans celle des dominants d'aujourd'hui, les Arabes qui reconnaissaient cette antériorité.

C'est un judaïsme de fidélité, de candeur et de simplicité – aussi bien dans les relations avec Dieu qu'avec les hommes, qui a su préserver la tradition, la langue hébraïque et l'espoir de la délivrance.

Quelle est en effet la logique de cette attente millénaire? Les souffrances perpétuelles et les sacrifices sans fin sont-ils compatibles avec la logique? Y-a-till une explication simple à la disponibilité de mettre sa vie en danger, traverser tout ce vaste pays pour tenter d'atteindre la côte ou la frontière?

Va-t-elle de soi la disponibilité d'accepter de s’embarquer de nuit sur un fragile rafiot dans le seul espoir d'atteindre un jour Sion quel qu'en soit le prix?

Il était une fois parmi les candidats au départ pour Sion, une mère son bébé dans les bras. La nuit, le froid, la peur et le silence absolu de crainte d'éveiller les soupçons – un silence demandé par les émissaires d'Israël, autant dire un ordre indiscutable! Mais le diable s'étant mêlé au froid et le bébé ne put se retenir. Ses pleurs risquaient de mettre en danger toute l'opération. Tous les efforts de la mère charitable ne parvenaient pas à le calmer. Le bébé ne pouvait savoir que l'enjeu était l'Alyah à Sion. Dans son désespoir, la mère s’empressa de recouvrir l'enfant avec ce qui lui tomba sous la main. Et effectivement les pleurs s'arrêtèrent. Mais en arrivant à bon port, elle s'aperçut que l'enfant était mort, étouffé. Comme si des millénaires de pleurs et de sang n'avaient pas suffi et qu'il fallait encore un dernier sacrifice.

Mieux que tout, ce conte véridique peut faire saisir ce qu'est le sionisme de ces hommes simples; comment il se confond avec la Alyah. Leur cœur et leur bouche parlent la même langue, et leur prière pour le retour à Sion et la reconstruction de Jérusalem empreinte de sincérité.

Ce sont de tels juifs qu'ont trouvé face à eux les émissaires d'Israël, venus les familiariser avec les principes de l'autodéfense et préparer leur Alyah en Israël. Ce n'est pas une terre vierge qu'ils ont trouvée. Génération après génération, elle avait été profondément labourée et préparée à la récolte avec comme outils la religion, la tradition et la croyance messianique.

Les juifs en diaspora d'Ismaël

Les relations entre juifs et arabes, entre juifs et musulmans, ont varié selon les pays et les époques. En règle générale, ils n'ont pas connu la conversion forcée et le massacre comme dans certains pays chrétiens. Ils n'ont connu ni l'Inquisition espagnole ni les pogromes polonais ou russes, et encore moins le génocide à la Hitler. Cela ne signifie pas qu'ils n'ont pas connu les persécutions et les tueries, mais à une bien plus petite échelle.

De même, la haine des juifs dans les pays islamiques n'a jamais été aussi ancrée. L'Histoire raconte aussi des épisodes d'épanouissement à l'époque de L'Age d'Or dans les relations entre la communauté juive et les dirigeants de ces pays musulmans. Nous connaissons aussi le temps d'échange de la culture islamique et du judaïsme.

Dans les derniers temps, le bon voisinage et l'aide mutuelle étaient encore de coutume, ils ont disparu petit à petit de par la renaissance du mouvement national arabe et la création de l'Etat d'Israël. Il en était ainsi en tout cas au Maroc. Les relations de bon voisinage entre juifs et musulmans ont résisté même aux changements de régime.

Il y a eu, dans le passé lointain, des périodes de développement scientifique, d'épanouissement culturel quand les rabbins maghrébins étaient au centre de la création juive universelle. Mais ces temps étaient depuis longtemps révolus et n'en subsistaient que de rares traces. Les émissaires israéliens sont arrivés jusqu'aux villages les plus reculés où la tradition était maintenue dans toute sa simplicité originelle. Ce que le temps n'avait pas fait, le miracle devait faire. Leur attachement à la tradition juive et à Eretz-Israël devait être une révélation fulgurante pour les émissaires d'Israël qui devaient arriver jusqu'à eux. Pour le comprendre, il faut saisir l'image globale du judaïsme marocain, sans établir de distinction entre villes et villages. Avec les réserves que comporte toute généralisation, on peut le définir par la candeur naïve envers Dieu, le respect pour les parents, le sens de l'hospitalité et des relations humaines. Leur foi est simple et naïve comme leur croyance en la Délivrance qu'ils attendent depuis des millénaires. Ils ne savent pas quelle forme elle revêtira le jour venu – par voie de miracle ou par la main de l'homme. Pour eux la montée à Jérusalem et le retour à Sion vont de soi – quel qu'en soit l'annonciateur.

Le Mossad – Michel knafo

Le Maroc – le Pays et le Peuple

Résumé historique

Le Maroc, situé au nord-ouest du continent africain, constitue depuis des siècles l'extrême Occident de la conquête arabe, entamée par le grand guerrier musulman Moussa ibn Noussir né à la Mecque vers 640 et qui devait s'étendre à la plus grande partie du monde connu.

Le Maroc devait servir de rampe de lancement pour la conquête arabe de l'Espagne, sur le continent européen. Au cours de cette période de conquête, les cultures et les modes de vie de trois continents: l'Asie, l'Afrique et l'Europe devaient se rencontrer ici et s'influencer réciproquement,.

Le Maroc qui était le plus proche de l'Europe – distante de 40 km seulement – devait donc être la base où devaient être concentrées les réserves matérielles et spirituelles pour la confrontation sur l'hégémonie politique et religieuse sur le monde connu de l'époque.

La conquête de l'Espagne et d'une partie de l'Europe chrétienne à partir du Maroc devait être le dernier stade de l'expansion de l'islam dans cette région. Après des siècles d'isolement et d'indépendance farouche, le Maroc s'était peu à peu ouvert à l'influence européenne, à partir du milieu du XIXème siècle. Deux ans avant la Grande Guerre, en 1912, la France et l'Espagne se partageaient le pays et y établissaient leur protectorat.

Le Maroc d'aujourd'hui, à l'instar des autres pays de l'Afrique du Nord, est un pays marqué par l'influence des Français et des Espagnols qui l'ont dominé pendant plusieurs décades. Qui veut connaître sa véritable nature doit remonter beaucoup plus loin dans l'histoire.

L'actuel roi du Maroc, Mohammed VI de la dynastie alaouite, est le fils d'Hassan II, lui-même fils de Mohammed V qui recouvra en 1956 l'indépendance de son pays après le départ des deux puissances coloniales

 Geographie

Le Maroc d'aujourd'hui s'étend sur une superficie de 710,650 kilomètres carrés. Ses frontières sont limitées au nord par la mer Méditerranée, l'Atlantique à l'ouest l'Algérie à l'est et le Sahara au sud. La longueur des frontières terrestres du pays est de 2,002 kilomètres et ses côtes s'allongent sur 1,835 kilomètres. La chaîne montagneuse du Moyen-Atlas traverse le pays de l'est à l'ouest. Au nord se trouvent les montagnes du Rif et au sud l'Anti-Atlas et le Haut Atlas.

Economie

L'agriculture est à la base de l'économie marocaine. Si en 1963, 75% des 10,5 millions d'habitants vivaient de l'agriculture, cette proportion est descendue aujourd'hui à 40% alors que la population est de 32 millions. Le taux de croissance annuel de la population est de 2.1%.

Les principales cultures sont l'orge et le blé et ensuite les fruits, agrumes, oliveraies, vigne. Au sud du pays pousse l'arganier qui donne une excellente huile. Il faut y ajouter les légumes et le coton ainsi que l'élevage de vaches, moutons, chèvres, chevaux, ânes, et chameaux. La pêche aussi occupe une grande place, principalement la sardine, le thon et les crustacés. Le port de Safi est le plus grand port sardinier du monde.

La forêt couvre 3,8 millions d'hectares et fait vivre 20% de la population. Le principal produit de la forêt: le liège, destine à l'exportation. Les mines constituent après l'agriculture la plus grande richesse du pays, principalement les phosphates, mais aussi le charbon, le fer, le manganèse, l'anthracite, le plomb et un peu de pétrole.

Population

Essentiellement des Arabes musulmans et des Berbères. Sur une population globale de 32,000,000 on compte aujourd'hui quelques 2,500 juifs et quelques 4,000 Européens.

Grandes villes

Casablanca, la grande métropole avec 3,200,000 habitants. Rabat, la capitale avec 1,500,000 d'habitants.

Safi, 845,000; Agadir, 780,000. Marrakech, la capitale du sud avec près d'un million d'habitants. Fès, 1,000,000; Tanger, 554,000; Tétouan, 856,000; Oujda, 962,000; Meknès, 750,000.

Langue, religion, monnaie

L'arabe classique est langue officielle; la langue vernaculaire est l'arabe dialectal. Dans le commerce on utilise surtout le français et l'espagnol. Le berbère sous ses différentes formes est répandu dans les montagnes. L'islam sunnite est la religion de l'Etat. La liberté de culte est garantie aux autres religions.

La monnaie locale est le Dirham qui a remplacé, après l'indépendance, le franc et la peseta. 10 dirhams valent un dollar environ.

Le Mouvement Sioniste au Maroc-Michel Knafo

Le Mouvement Sioniste au Maroc

Quand Théodore Hertzel a fondé le mouvement sioniste, il manquait au judaïsme nord-africain les éléments qui avaient poussé les juifs d'Europe à se ranger sous son drapeau: la virulence de l'antisémitisme – symbolisée par le procès Dreyfus et les persécutions actives, les pogromes dont les juifs d'Europe Orientale étaient victimes. Au Premier Congrès Sioniste à Bâle, le judaïsme nord-africain était représenté par M. Attali de Constantine, en Algérie.

Au Maroc les premières cellules sionistes n'ont fait leur apparition qu'en 1900.

Qu'est le sionisme? une lettre à Hertzel

Le rabbin Léon Halfon avait fondé à Tétouan la société "Shivat Sion". Dans une lettre du 29.8.1900, adressée à Théodore Hertzel, le rabbin annonçait la fondation de la société et d'une bibliothèque hébraïque dans sa ville. Il demandait à recevoir du matériel d'information en hébreu et en ladino. Une semaine plus tard, le 4.10.1900, le négociant David Bohbot l'informait de la création de l'association "Shaaré Sion" à Mogador et des progrès de la diffusion du "Shekel" au Maroc. En Mars 1903 fut fondée à Safi la société "Ahavat Sion", sous la direction de Méir Barchéchet et de Yaacob Marciano. Dans une lettre en hébreu, en caractères Rachi – dans la tradition rabbinique nord-africaine de l'époque – adressée "à son Excellence le Haut Président, aimant son peuple dont il est la gloire, l'émissaire de Dieu, Théodore Hertzel", ils lui annonçaient qu'ils avaient pris connaissance de l'existence du mouvement sioniste de la lecture des journaux juifs d'Europe, Hamélitz et Hayéhoudi et ajoutaient: "Nous n'avons pas encore une claire idée de ce qu'est le sionisme. Nous ne possédons aucun livre qui puisse combler nos lacunes sur cette essence, la nature du sionisme et les bases sur lesquelles il se fonde. Nous en avons seulement entendu le nom, ainsi que celui du Shekel sacré que chacun se doit d'acquitter. Mais ne pouvons croire que ce serait seulement pour recueillir le Shekel que le sionisme a été fondé, et qu'il suffit d'acquitter chaque année cette contribution pour mériter la haute appellation de "sioniste" et faire partie des sionistes, les porteurs de l'étendard de la nation"… Dans la suite de leur lettre, ils écrivent qu'ils ont appris que "Son Excellence est le promoteur de idée et qu'il est le fondateur du mouvement sioniste". "Nous prenons ainsi l'audace de nous adresser à Son Excellence pour que du haut de son siège il daigne demander à son secrétaire de nous expliquer par écrit tout ce que nous devons savoir sur le sionisme et de nous dire de quelle manière nous pouvons à notre tour apporter notre contribution, selon nos moyens, à la construction de grand édifice. Et aussi de nous faire parvenir le livre chéri, L'Etat Juif en traduction hébraïque, ainsi que tous les ouvrages traitant du sionisme en hébreu. Nous sommes naturellement disposés à payer le prix qui sera requis." A la fin de la lettre, Barchechet et Marciano annoncent qu'ils avaient nommé Hertzel comme Président d'Honneur de leur association et lui demandaient de leur renvoyer son portrait.

La voie sinueuse du judaïsme nord-africain vers le sionisme

Comme on pouvait s'y attendre, cette lettre fit une forte impression sur Hertzel qui ordonna d'envoyer à Safi le matériel demandé. Dans sa réponse, datée du 19.7.1903, il leur expliquait l'importance de leur présence au prochain Congrès Sioniste où il espérait rencontrer les représentants de l'Afrique du Nord. Tout en s'excusant de ne pas pouvoir participer à l'assemblée, Barchechet et Marciano, dans une lettre du 19.8.1903, se prononçaient clairement contre son plan "d'asile de nuit provisoire en Ouganda", écrivant: "Si même après la fondation du mouvement national, il n'y a pas de délivrance pour Israël, ce sera alors la fin de l'espoir et de la croyance en l'avenir du peuple".

Toutefois, au-delà de cette correspondance, la participation du judaïsme nord- africain aux activités du mouvement sioniste devait rester très limitée. Certes, dès le 4éme Congrès, Hertzel annonçait son intention d'accroître l'activité sioniste au Maroc, et au cinquième Congrès, il faisait part de l'existence de cellules sionistes à Tanger, Tétouan, Fès, Marrakech, Mogador, Constantine, Alger et Tunis – mais il ne s'agissait là que d'une activité organisationnelle, sans base idéologique. Il était clair que les fondateurs du mouvement sioniste n'accordaient pas de grande importance au développement de l'activité sioniste en Afrique du Nord et n'avaient pas, de ce fait, mêlé le judaïsme nord-africain aux grandes décisions.

La mort de Hertzel en 1904 devait partiellement paralyser l'activité embryonnaire du mouvement au Maroc, mais en 1908 fut fondée à Fès la société "Hibat Sion" qui devait ensuite élargir ses activités également à Meknès. La lettre à la Centrale Sioniste incluait les noms des vingt militants qui souhaitaient se joindre au mouvement. Le Secrétaire du mouvement à Cologne, Nahum Sokolov, répondit que le mouvement accueillait les bras ouverts la nouvelle association, "car vous êtes nos frères".

A la suite de cet échange de lettres, des relations suivies furent établies entre Cologne et Fès. Dans l'une de ses missives, le Président de l'Organisation Sioniste Mondiale, David Wolfson, écrivait: "Nous sommes heureux de voir nos frères d'Orient collaborer avec nous, la main dans la main, pour la réalisation de notre objectif sacré".

Mais peut-être par manque de matériel d'information en hébreu ou en français, ou par négligence envers le groupement juif d'Afrique du Nord, l'activité sioniste au Maroc devait être considérée comme essentiellement religieuse et comme un barrage à l'assimilation. C'est en fonction de cette interprétation, que la Centrale Sioniste devait recommander en 1910, à la direction de"Hibat Sion", d'adhérer au mouvement religieux mondial du "Mizrahi". Ce qui devait encore plus renforcer l'image religieuse du mouvement sioniste devait être le refus de la direction sioniste d'intervenir en faveur de "Hibat Sion" sur le plan politique, en vue d'améliorer des conditions de vie du judaïsme local. La société avait demandé l'intervention de la Centrale Sioniste auprès des grandes puissances pour qu'elles étendent leur protection sur les juifs du Maroc. David Wolfson devait rejeter cette demande en expliquant que le mouvement sioniste n'avait pas vocation à intervenir dans les affaires intérieures des Etats.

La voie sinueuse du judaïsme nord-africain vers le sionisme

Les Institutions Publiques du Judaïsme Marocain-Michel Knafo


Les
Institutions Publiques du Judaïsme Marocain

De tout temps ont existé au sein du judaïsme marocain des institutions charitables en matière de Dernier Devoir (Hévra Kadicha) et de bienfaisance. Des institutions comme le JOINT, l'ORT et l'O.S.E datent d'une époque plus récente et disposaient de fonds plus importants. L'OSE, Oeuvre de Secours à l'Enfance, avait fondé depuis sa création en 1945 des dispensaires à travers tout le pays. Les recettes des communautés étaient fournies par diverses taxes sur la viande et le vin cacher, les galettes de Pessah et les dons des notables à l'occasion des grandes fêtes.

La transmission fidèle des valeurs traditionnelles de génération en génération a permis la survie du peuple à travers toutes les épreuves. Le peuple a une grande dette envers les maîtres qui tout au long de l'histoire ont transmis leur savoir et maintenu l'étude de la Torah et l'usage de la langue hébraïque. C'est l'esprit qui a maintenu le peuple juif tout au long de l'histoire et est devenu sa marque. Et encore plus dans les conditions particulières de la diaspora en pays musulmans – avec le déclin culturel et la propagation de l'ignorance au cours des derniers siècles.

Ces circonstances ont sans aucun doute eu une influence sur la vie publique juive au Maroc et ses institutions, car les dirigeants n'apparaissent pas et n'œuvrent pas dans le vide, mais bien au sein de leur peuple.

La Rabanout

Le Maroc a toujours compté nombre de rabbins éminents dominant parfaitement la mer des études bibliques et talmudiques. Une grande partie de ces guides spirituels ont fait leur Alyah en Israël au cours des dernières décades. Parmi les rabbins, il faut distinguer les rabbins-juges qui au Maroc depuis l'instauration du Protectorat, étaient des fonctionnaires nommés et payés par l'Etat. Malgré ce mode de désignation, la majorité d'entre eux bénéficiaient dans leur communauté d'un prestige qui allait bien au-delà de leur simple fonction de membre du tribunal rabbinique. Sur le plan judicaire, les français avaient bien établi un Haut Tribunal Rabbinique d'Appel, mais dans les autres domaines religieux chaque communauté conservait son autonomie, l'institution d'un Grand Rabbinat comme en France ou en Israël, étant étrangère à la tradition marocaine.

Comités des communautés et conseil des communautés

Le Dahir de 1918 établit un comité à la tête de chaque communauté. Le Dahir de 1945 créa un organisme central de coordination, le Conseil des Communautés avec Rabat pour siège, qui avait également un rôle de représentation des intérêts de la communauté auprès des autorités. Le rôle des Comités des Communautés était théoriquement limité à la gestion du culte et à la bienfaisance, mais dans la pratique leur pouvoir moral était plus étendu, incluant la défense des intérêts de la communauté auprès des autorités locales. Le combat pour les droits des juifs, et plus particulièrement le droit de circulation, ou en d'autres termes le droit de quitter le pays, a évolué selon les circonstances.

Pendant la période de neuf ans sujet de ce livre (1955-1964), la Misguéret devait avoir une influence non négligeable dans ce combat. Si au début de son action, la voix des dirigeants de la communauté ne s'est pas faite entendre de manière claire, vers la fin de la période, après la visite de Nasser et le naufrage de l'Egoz, elle s'est faite plus ferme et plus assurée. Ce changement dans l'attitude de la direction de la communauté et la relève des générations, ont été la conséquence directe de l'évolution survenue dans l'opinion publique juive et de l'effet pédagogique de l'idée d'autodéfense et de fierté.

Le premier emissaire d'Israël – Ephraïm Ben-Haïm:

Au Maroc on ne connaissait pas de juifs laïcs, il y avait ceux qui étaient plus attachés à la pratique religieuse et ceux qui l'étaient moins, mais tous étaient traditionalistes, constituaient une unité ethnique distincte et autonome

. Si en Europe la majorité juifs et des rabbins n'étaient pas sionistes – sinon anti-sionistes – en Afrique Nord tous étaient sionistes. Il y avait un mouvement sioniste organisé dans les trois pays d'Afrique du Nord, avec une Fédération Sioniste active et il y eut même un représentant de l'Afrique du Nord au Premier Congrès Sioniste, Je suis arrivé à Casablanca en janvier 1945, comme officier des services de

Renseignements français, en compagnie d'Igal Cohen du kibboutz Bet-Oren. Nous avons rencontré les dirigeants du sionisme au Maroc, M. Calamaro, Raphaël Benazeraf, Alfonso Sabah et d'autres. Un Comité d'action a été mis sur pied et

avons établi des rapports d'amitié qui se sont poursuivis des années. Nous avons trouvé à Casablanca des groupes de jeunesse sioniste, comme les groupements "Trumpeldor" et "Ben-Yéhouda", qui se sont regroupés plus tard dans le cadre du club "Charles Netter". Il s'est même crée une "ferme de preparation du dimanche" dans laquelle venaient s'entraîner les jeunes un jour par semaine.

Nous avons organisé un cours de préparation de cadres. Nous n'étions pas venus pour créer un nouveau mouvement de jeunesse, mais nous avons essayé de regrouper les jeunes autour du projet de fondation du kibboutz nord-africain, dont les premiers haloutsims étaient déjà arrivés en Israël pour une période de preparation au kibboutz Bet-Oren. Et c'est ainsi que les premiers pionniers du Maroc, er parmis eux Elie Moyal, ont rejoint fin 1945 le " Garin " nord-africain.

La Politique des Autorités Marocaines envers les Juifs après l'Indépendance (1956-1962) Dr. Pinhas Katsir

 La Politique des Autorités Marocaines envers les Juifs après l'Indépendance (1956-1962) Dr. Pinhas Katsir

Le Dr. Pinhas Katsir a été l'agent du Mossad au Maroc, chef du service des renseignements et de la branche civile de la Misguéret. Voici des extraits de sa thèse de doctorat sur "L'organisation et les tendances politiques des Juifs du Maroc depuis l'Indépendance. "

La volonté de collaboration

La proclamation de l'indépendance du Maroc a été accompagnée des déclarations solennelles sur l'égalité des droits des citoyens juifs. Le roi Mohammed V est revenu plusieurs fois sur cet engagement et c'était aussi un des sujets favoris dans les discours des dirigeants de l'Istiqlal au pouvoir, et des chefs de la gauche. Nombreuses sont les causes de ce phénomène: avant tout, la volonté de fonder un état moderne, soucieux des droits de l'Homme, droits que les futurs dirigeants du Maroc s'étaient engagés à respecter au cours des négociations précédant l'indépendance. Mais aussi pour s'attirer les sympathies des médias européens et américains et bénéficier du soutien de l'opinion publique internationale – qui avait tant contribué à l'obtention de l'indépendance.

Les dirigeants marocains, éduqués dans les universités françaises et professant des opinions progressistes, voulaient prouver leur maturité politique et de plus ils étaient conscients de la contribution économique de la dynamique communauté juive. Pour eux la communauté juive faisait partie intégrante de la nation et ils aspiraient à mettre fin aux institutions préservant son autonomie. Au cours des années 1954-56, l'exode des juifs s'était soldé par quelques 90.000 départs, touchant avant tout les classes les plus popularises, mais la grande majorité des juifs du pays plus de 200,000 était restée sur place. Il convient de souligner que les déclarations et les promesses des dirigeants marocains avaient contribué à les rassurer.

Ils avaient été impressionnés par la volonté de les traiter en citoyens à part entière, contrairement à leur statut passé inférieur de "dhimmis", qui n'appartiennent pas à la nation musulmane, sans droits politiques et auquel il était interdit de porter des armes. D'autre part, les juifs des grandes villes, émancipés, engagés dans la culture européenne et réussissant dans les affaires, avaient tendance à se considérer comme supérieurs aux musulmans restés en arrière. Leur aspiration véritable était de se fondre, en principe et dans la pratique, dans la communauté européenne. Les cercles influents au sein de la communauté avaient fait le pari de la poursuite de leur vie au Maroc avant tout du fait que leur sécurité personnelle n'était point en danger. Il convient de souligner que de larges couches de la population européenne étaient également parvenues à la même conclusion. Malgré le marasme dans le commerce et l'industrie, provoqué par l'exode de milliers de Français, l'économie n'avait pas été touchée à sa base. Nombreux furent les juifs qui profitèrent de ces départs, prenant la succession d'entreprises françaises actives. De plus l'émigration n'était pas la solution pour tous et une partie des juifs devaient s'adapter à la nouvelle réalité. Il convient de souligner l'antiquité de l'installation des juifs au Maroc qui ont vu se succéder les régimes sans perdre de leur vitalité ni de leur identité. La décision de partir ou de rester, était une décision individuelle, bien que naturellement influencée par l'environnement, les voisins et les parents. Le choix a prévalu surtout dans les milieux bourgeois et riches qui entendaient conserver leur position économique et leur bien-être tout en appréhendant un avenir incertain en dehors du Maroc. De plus, les possibilités d'émigration en France étaient limitées, et le capital dont ils disposaient insuffisant pour leur garantir le même niveau d'outre-mer.

Pendant les trois années qui ont suivi l'indépendance, le sultan et l'Istiqlal ont mené une politique intégrative. Au début, leur politique visait à traduire dans les faits les proclamations d'égalité et la volonté de les considérer comme une partie intégrante de la nation – d'où la tolérance en matière économique et religieuse, mais parallèlement s'est aussi imposée la tendance à la fusion de leurs œuvres de bienfaisance dans le cadre national. Leurs dirigeants n'avaient pas compris la nature profonde des liens qui unissent les juifs à travers le monde, ni la complexité de l'administration des œuvres de bienfaisance juives en grande partie financées par le judaïsme mondial. Pour eux la question juive au Maroc était marginale, car ils pensaient que la nation est au dessus de tout et la religion n'est qu'une affaire individuelle. C'est ainsi que s'est exprimé le roi lui même le 13.9.56 devant le nouveau Comité de la Communauté de Casablanca, en souhaitant la fusion des œuvres de bienfaisance. Il devait également leur demander de convaincre leurs coreligionnaires de ne pas quitter le Maroc qui "a besoin de tous ses fils". Rapidement, la réalité s'est imposée comme différente: le Maroc, pays arabe et musulman était contraint de prendre position dans le conflit israélo-arabe, un conflit aux conséquences négatives pour le judaïsme marocain. Les positions politiques envers les juifs après l'indépendance étaient très libérales. Le prince héritier Moulay Hassan déclarait devant les juifs qu'il comprenait leurs liens sentimentaux avec la Terre Sainte – à l'instar de ceux qui lient les musulmans à la Mecque, mais que cela ne devait pas porter atteinte aux relations fraternelles entre les deux communautés sur le sol marocain. Interrogé sur le conflit israélo- arabe et ses retombées sur les juifs du Maroc, le ministre des Finances, et un des ténors de la gauche, Abdelrahim Bouabid, répondait qu'il en espérait la fin proche. Un autre dirigeant de la gauche marocaine Mohamed Elfassi, ne rejetait pas la possibilité de liens culturels entre le Maroc et l'Etat d'Israël, mais cette attitude devait changer avec le temps.

Les dirigeants de l'Istiqlal au pouvoir ont rendus visite aux pays du Moyen-Orient et avaient été impressionnés par l'expérience égyptienne en matière de planification économique et surtout de son non-alignement entre deux blocs. Le rêve du dirigeant du parti, Allai Elfassi, de recouvrir les frontières historiques du pays, rencontrait un grand écho dans l'opinion publique, et avait besoin pour se réaliser de soutien des pays arabes. Par ailleurs, la volonté de forger une personnalité spirituelle marocaine authentique devait aussi contribuer à vouloir revenir aux sources arabes et faire de l'arabe la seule langue officielle du pays. Le roi Mohammed V lui aussi soutenait cette vision du Maroc comme une partie intégrante du monde arabe, lui qui se voyait comme le commandeur des croyants de tout le Maghreb, et dont l'influence spirituelle s'étendrait à l'ensemble du monde arabe. Cette tendance avait trouvé sa première expression publique dans le célèbre discours de Tanger, en 1947, dans lequel il avait souligné les liens qui doivent lier le Maroc au monde arabe, surtout après la création de la Ligue Arabe. Ce discours a soulevé des vagues de protestations en France.

La volonté d'aider les frères algériens dans leur lutte pour l'indépendance, devait également faire ressortir et exalter le patrimoine arabe commun. Il était donc tout naturel que les diplomates marocains se joignent à la condamnation de l'attaque israélo-franco-britannique contre l'Egypte et adoptent une position militante en faveur des réfugiés palestiniens. A cela, il faut ajouter la propagande des Palestiniens et de l'ambassade d'Egypte à Rabat qui devait contribuer à attiser les sentiments d'hostilité envers Israël et parfois aussi envers les juifs en général.

Au cours des deux premières années de l'indépendance, la politique étrangère du Maroc devait rester prudente, s'attachant à conserver de bonnes relations avec les Etats-Unis et la France. Ce n'est qu'au cours de l'été 1958 que le Maroc devait adhérer à la ligue des états arabes. Nombreuses étaient les raisons de cette adhésion: volonté de prestige, mobilisation de soutien aux revendications territoriales et à l'exigence d'évacuation des troupes françaises et espagnoles; volonté d'interférence dans la politique arabe et d'établissement d'une plus grande harmonie entre les pays du Maghreb. La politique intérieure n'était pas non plus étrangère à la compétition sur les proclamations les plus pro-arabes. Le gouvernement de gauche d'Abdallah Ibrahim avait été formé en décembre 1958. Les ministres du nouveau gouvernement voulaient prouver que la politique étrangère n'était pas moins importante pour eux que pour leurs adversaires au Palais royal, d'où le renforcement des liens avec les pays arabes.

En avril 1959, quelques mois après son arrivée au pouvoir, le chef du gouvernement se rendait en visite au Caire. De son côté, le roi qui voulait renforcer ses liens avec la Ligue Arabe devait proposer que la prochaine réunion des ministres des Affaires Etrangères de la Ligue se tienne à Casablanca – ce qui devait effectivement se produire en septembre 1959. A cette occasion les Marocains offrirent comme contribution à la Ligue Arabe l'arrêt des relations postales avec Israël en adhérant a l'Union Postale Arabe.

Malgré la déception devant la maigreur des résultats de cette conférence, le Maroc devait continuer à rêver d'unification du monde arabe et d'établissement de la paix entre Etats rivaux. Le roi Mohamed V cristallisa une proposition de sommet arabe et effectua en Janvier 1960 une tournée au Moyen-Orient en compagnie du chef du gouvernement, Abdallah Ibrahim. L'année 1961 devait certes marquer un recul des tendances panarabes, nais les conséquences de la politique suivie entre 1958 et 1961 avaient déjà porté une grave atteinte a la situation politique des juifs du Maroc.

La Politique des Autorités Marocaines envers les Juifs après l'Indépendance (1956-1962) Dr. Pinhas Katsir

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Une analyse lucide de ces incidences devait être faite par l'écrivain juif marocain, Carlos de Nesri, dans un article publie dans L'Information Juive d'Alger en Février 1961. Au moment de l'indépendance, il avait appelé ses coreligionnaires de faire le pari du Maroc. L'article faisait suite aux incidents antisémites qui avaient accompagné la visite de Nasser a Casablanca en Janvier 1961. Les exactions policières et le naufrage du Pisces avec ses 44 passagers clandestins nous amenait à nous poser de nouveau la question: partir ou rester? Le destin des juifs dépend des hasards de la politique marocaine. Dans toute déclaration de politique étrangère, il est possible de sentir les retombées sur les relations entre les autorités et les juifs du pays. L'indépendance avait été une période d'euphorie encourageant les idées d'intégration, l’empire chérifien apparaissait comme un modèle de symbiose judéo-musulmane. La fin de cette période de confiance devait marquer la fin des illusions. La collaboration de la diplomatie chérifienne avec le monde arabe, l'affaiblissement du caractère occidental du pays en faveur de l'orient; l'adhésion a l'activisme révolutionnaire en politique étrangère ne pouvaient passer sans laisser d’empreintes sur notre situation. L'adoption des thèses arabes anti-israéliennes a entraîné des attitudes plus ou moins anti-juive.

De Nesry ajoutait que le changement avait été graduel, incluant la rupture des relations postales, la renonciation au ministre juif, le renvoi de hauts fonctionnaires juifs, mais que "le but de notre combat est resté le même: l'égalité en des jours où la contradiction entre la politique proclamée et son application est devenu un fait irréfutable". Le changement progressif continue avec la réunion de la Ligue Arabe au Maroc en 1959, une réunion accompagnée d'une campagne de presse, confondant juifs et sionistes – contrairement au passé ou l'on faisait une nette distinction.

De Nesry poursuit en parlant des exactions commises au nom de l'anti-sionisme: arrestation d'un juif de Meknès trouvé en possession d'une publication du Keren Kayémet qui ne devait être innocenté en fin de compte qu'après maintes, pressions. L'expulsion du directeur de l'ORT, Mr. Pollak sans aucun motif. Les articles de la presse en arabe parlant de "l'hydre sioniste". La campagne anti-juive a coïncidé avec l'arrivée de Nasser et suivi le naufrage du Pisces, l'Exodus marocain. Il terminait son article en écrivant qu'il fallait "non s'indigner mais comprendre" et il se demandait prophétiquement "sommes-nous la dernière génération des juifs au Maroc? car nous ne voulons pas transmettre à nos descendants ces mêmes incertitudes et ce même perpétuel qui-vive".

L'opposition des Autorités à L'émigration Clandestine- Michel Knafo

le-mossadL'opposition des Autorités à L'émigration Clandestine

Malgré un relatif libéralisme au cours des premiers mois de l'indépendance qui devait permettre la poursuite de l'activité de Qadima dans la Alyah vers Israël – la position des Marocains était ferme et univoque. Les dirigeants de l'Istiqlal ne cachaient pas leur opinion que la place des juifs était au Maroc. La position officielle du gouvernement marocain en juin 1956 était que l'aspiration à la Alyah en Israël était le fruit de la propagande sioniste et que le droit d'émigration est un droit individuel et non un droit collectif.

Malgré cela, le chef de l'Istiqlal, Allai Elfassi, n'était pas disposé à admettre des juifs dans son parti. Dans ce but il devait créer une sorte de filiale, l'association du Wifaq (entente) – cadre qui devait permettre aux intellectuels juifs favorables à l'intégration des juifs dans le nouveau Maroc de collaborer avec leurs homologues musulmans. Dans les réunions du Wifaq, on mettait l'accent sur le devoir des juifs de rester au Maroc qui a besoin de tous ses fils et sur le fait qu'ils n'avaient rien à redouter. La conclusion logique de cette attitude devait être la fermeture du camp de transit Qadima et la fin du séjour des émissaires israéliens de l'Agence Juive. A partir de septembre-octobre 1956, on assiste à des difficultés grandissantes dans l'obtention de passeports, le khalifa local devant s'assurer que le demandeur n'entend pas se rendre en Israël. Les juifs du Maroc n'avaient plus que la ressource de quitter le Maroc clandestinement. Par suite d'arrestations de juifs pour tentative de passage de la frontière illégalement, l'opinion publique mondiale fut alertée. Au mois d'Avril 1959, la presse française a publie des articles stigmatisant l'attitude des autorités marocaines.

La réaction marocaine publiée le 18.04.1959 dans le journal Istiqlal sous le titre: "Le problème de l'émigration clandestine" soulignant "qu'avec l'indépendance du Maroc a pris fin l'émigration organisée vers Israël. Pour le Maroc, la majorité des partants ne l'avaient pas fait de leur libre volonté. Quant à la campagne de presse menée contre le Maroc, notre position est claire: si l'objectif est de contraindre des citoyens marocains à quitter leur patrie pour rejoindre le camp ennemi au monde arabe, nous nous y opposons avec la plus grande fermeté. Si on nous demande le respect des principes de liberté et de tolérance nous répliquerons que nous avons consacré tant d'efforts pour les défendre qu'on ne peut nous soupçonner de vouloir les violer."

L'article de Carlos De Nesry sur laAlyah clandestine publié dans, L'Information Juive d'Alger en Juin 1959, avait été écrit après l'arrestation d'un groupe d'immigrants près de Nador. Pour l'auteur, le motif de l'émigration est économique. 

A partir du moment où l'exode officiel fut interdit, par une osmose s'est instauré l'exode interdit, combattu par tous les moyens par les autorités. Sans proclamation officielle, la discrimination dans l'octroi des passeports est devenue un fait. Des passeports ne sont accordés, en petite quantité qu'à quelques privilégiés. Nous sommes témoins du renouvellement des obstacles, et de la discrimination que nous avions cru bannies de ce monde.

Les obstacles administratifs furent complétés par des actions policières et aux arrestations aux frontières. Des émigrants, les rêveurs de Sion défères devant les juges sont condamnés à de lourdes peines de prison. Et de conclure: "la psychanalyse de l'émigration exige la mise sur pied d'une politique différente de liberté et de générosité. Si on veut garder les juifs, il faut leur ouvrir largement les portes de sortie. La crise de confiance ne peut trouver sa solution que dans le retour de la confiance".

Le journal El-Alam dans sa parution du 29.3.1960 s'insurgeait contre l'activité sioniste au Maroc. Les forces de sécurité ne ménagent pas leurs efforts pour arrêter les émigrants clandestins.

Un nouveau groupe a été arrêté en février, un autre en juin 1960, en septembre un groupe de jeunes était arrêté à Nador et ses membres condamnés à quatre mois de prison. Au cours du procès de Tanger en novembre 1958, l'avocat des clandestins, Maître Ben Jelloun avait dénoncé l'illégalité des poursuites, "aucune loi ne venant restreindre la liberté de circulation des juifs".

Les arrestations de 1960 avaient été accompagnées de sévices et même de tortures. Les enquêteurs cherchaient à connaître l'identité des organisateurs. La pratique de la torture était l'illustration de la psychose des autorités pour découvrir à tout prix les organisateurs de la Alyah clandestine.

L'année 1961 devait commencer par la tragédie du naufrage du Pisces-Egoz avec ses 44 passagers. Un mois plus tard, la police devait arrêter une vingtaine de militants qui avaient distribué des tracts pour commémorer la mémoire des naufragés. Ils devaient être torturés avec cruauté, et l'un d'eux, Raphi Vaknine, qui souffrait d'une déficience rénale, devait mourir des suites de ces tortures quatre mois plus tard dans un hôpital parisien où il avait été transféré. Dans la suite, l'année 1961 devait au contraire être caractérisée par une libéralisation grandissante dans l'octroi des passeports, particulièrement à Casablanca grâce à l'intervention énergique du gouverneur, le colonel Driss Ben Omar. Cela devait permettre la sortie légale de juifs vers l'Europe et Israël, détendant l'atmosphère dans la rue juive. En. novembre 1961, le gouvernement devait autoriser la reprise des activités de la HIAS, un organisme juif américain de migration. Par cette voie, des milliers de juifs, principalement des villages, ont pu quitter légalement le pays.

Cette libéralisation souleva un tollé dans la presse en arabe de la gauche, en particulier dans le journal Itihad, accusant le gouvernement marocain de trahison de la cause arabe. La presse de l'Istiqlal devait de son côté également critiquer l'émigration juive vers Israël, mais malgré cela les autorités ne devaient pas revenir sur leur politique de libéralisation. A Casablanca l'octroi de passeports continue sans entraves, exemple suivi également à Fès, mais pas dans tout le Maroc.

A un certain moment, en janvier 1962, la population juive fut saisie de panique quand les rameurs ont commencé à se répandre d'une fermeture prochaine des portes suite aux attaques de la presse. Il y eut deux manifestations juives à Casablanca. Des milliers de juifs s'étaient spontanément présentés devant les bureaux de la communauté pour réclamer le droit d'émigrer. Au cours de la seconde manifestation, ils devaient même envahir les bureaux, se confronter avec les policiers et causer des dommages au mobilier.

Une vingtaine de manifestants furent arrêtés et jetés en prison pour quelques mois ; ans jugement. Dans le journal ElAlam de fin février, Allal Elfassi déclarait que a libéralisation dans la sortie des juifs n'était que l'application du principe de la liberté de circulation. Il était clairement prouvé que la campagne anti-juive qui avait accompagné la visite de Nasser avait été orchestrée par la presse en arabe, lue dans les grandes villes et propagée de bouche à oreille. L'influence des articles : une grande virulence anti-sioniste devait se traduire par la disparition totale de la distinction entre juifs et sionistes.

L'arrivée de Nasser dans cette atmosphère devait se traduire par des centaines  d'arrestations préventives pour assurer la sécurité du Raïs, sous les prétextes les plus divers comme le port d'habits aux couleurs du drapeau israélien. Les lecteurs de cette presse s'identifiaient avec ces articles, avec les souffrances des palestiniens et la nécessité de lutter contre l'activité sioniste au Maroc même.

Manifestations d'hostilité aux juifs

le-mossadManifestations d'hostilité aux juifs

Au mois de mars 1962, suite à l'ambiance créée par la presse, nous sommes témoins  d'actes d'hostilité de la part de jeunes Marocains contre les juifs. Le journal Itihad : -publie un article intitulé "La sortie des juifs continue" et rapporte que le 8 du mois, un bateau avait quitté Tanger avec à bord de centaines de juifs qui se dirigent vers la Palestine et non comme le prétendent les autorités vers d'autres destinations. Ces juifs vont coloniser le Néguev et prendre la place de réfugiés palestiniens. Les dockers du port sont au courant du "scandale" et en sont choqués. Le journal rapportait qu'un groupe de jeunes de Tanger avaient envahi une librairie et menacé de la détruire si les ouvrages sionistes n'en étaient pas retirés de la vitrine. C'était une des séquelles du choc de la sortie de ce bateau, un incident sans précédent dans la ville.

Fin mars, c'es le viol par 4 musulmans de l'épouse du rabbin de Marrakech, Mme Habiba Arzouane, 64 ans. Ils avaient d'abord commencé par lui promettre la vie de palais si elle acceptait de les suivre et de se convertir à l'islam. Le viol fut accompagné par des blessures corporelles. La police alertée, ouvre une enquête. A Casablanca le même mois, un voyou musulman attaque une femme bien connue dans la communauté. Un instituteur juif reçoit une lettre d'injures et de menace de mort.

Le 24.3.62 on découvre sur les murs de maisons juives des inscriptions formées des lettres S.X. dont on ignorait les auteurs. Le président de la communauté Meir Obadia demande une audience au gouverneur pour l'informer de l'incident. Le colonel Driss est convaincu que c'est l'initiative de jeunes voyous. Le journal Le Jeune Maghrébin, autorisé à reparaître après une longue interruption, accuse les juifs de ne pas avoir pavoisé et décoré leur maisons de drapeaux nationaux à l'occasion des fêtes de l'Indépendance, ce qui était totalement faux. Il y a eu certainement quelques magasins qui n'ont pas pavoisé, mais ils appartenaient sans doute à des Européens.

Malgré cette campagne dans la presse en arabe et la politique des autorités il est difficile de dire que cela ait entraîné des manifestations d'hostilité dans des cercles marocains bien définis.

L'attitude des partis politique fut diverse. Quant au public Marocain en général, il a eu trois attitudes: la première: l'apathie, la seconde: l'opposition aux départs, la troisième: favorable à la liberté de circulation pour les juifs. De nombreux cercles ont assisté dans le calme aux événements. Au début, il y eut un certain émoi, soit en raison des préparatifs des juifs, soit par les dettes laissées par les partants, en particulier les loyers impayés. Dans la suite, le public marocain s'est habitué à la délivrance de passeports. Comme la majorité des partants venaient des couches pauvres et moyennes, la vie commerciale ne s'en est pas trop ressentie

et le grand public ne suivait pas avec une attention particulière la progression des . chiffres des départs. L'opposition à la sortie des juifs était particulièrement forte dans les cercles dirigeants de la gauche et de l'Istiqlal. Principalement en raison de leur sensibilité à la solidarité arabe et de la conviction que le Maroc pouvait tirer profit de la présence juive.

I est difficile de définir le cercle des partisans de la liberté de circulation. Il convient de rappeler la déclaration d'Allal Elfassi qui y a vu une partie intégrante des droits de l'homme.

1l convient de souligner que nombre de musulmans ont pris congé amicalement de leurs connaissances juives avant leur départ. Citons le cas particulier du village Amizmiz où les habitants ont accompagné leurs juifs avant le grand départ.

Libéralisation sans proclamations

Le gouvernement marocain n'a pas annoncé un revirement de sa politique même lorsque la pression de la presse en arabe ait amené un arrêt provisoire des départs, ni accepté d'ouvrir un débat sur la question. Il a préfère voir le calme revenu pour reprendre la libéralisation dans l'attribution de passeports. En politique étrangère, le Maroc a continué à prétendre qu'il n'y avait aucun changement au-delà des déclarations passées sur la liberté de circulation. Dans une déclaration du 25 mars 1962, le ministre des Affaires Étrangères, Ahmed Balafredj à la Commission Arabe Supérieure, affirme que le Maroc reste et restera toujours fidèle à ses principes, jusqu'au retour des réfugiés palestiniens dans leurs foyers.

Le régime démocratique est basé sur la liberté de circulation et rejette toute distinction entre ses citoyens, qui sont tous des Marocains à ses yeux, les juifs ont les mêmes droits que les citoyens musulmans et c'est à ce titre que les juifs reçoivent des titres de voyage pour les besoins de leurs affaires. Le Maroc est opposé à l'émigration de ses citoyens vers la Palestine, et interdira l'activité de toute organisation encourageant l'émigration hors du Maroc. Une réponse analogue fut donnée à une demande d'information du gouvernement libanais. La situation était en fait que d'un côté, les responsables des services de sécurité étaient au courant de la sortie des juifs du pays, et de l'autre côté les autorités continuaient à veiller à ce qu'aucune activité sioniste n'y soit menée. Il est possible que nombre d'officiers de police aient été influencés par les articles de presse.

Le 25 mars, il y eut une vague d'arrestations à Casablanca. Des femmes et des jeunes filles juives ont été arrêtées et menées au commissariat. La police prétendait qu'il s'agissait de coupables d'incitation à la prostitution. En fait les arrestations ont été opérées sur la Place de Verdun au centre du quartier juif. Il s'avère que 20 des femmes arrêtées revenaient de leur travail ou avaient accompagné leurs jeunes frères a l'école.

Le Président du Comité de la Communauté, Méir Ovadia, est intervenu pour certifier les bonnes mœurs des détenues, mais la police s'était acharnée à les garder en détention et elles passèrent la nuit au commissariat.

Il est difficile de comprendre cette conduite de la police qui connaissait la vérité, à savoir que ces jeunes filles ne se livraient nullement à la prostitution. On apprit également que le directeur de l'école de l'Alliance à Marrakech, René Camille, de nationalité françâise, avait été arrêté pour activité sioniste. Il devait rester détenu en secret pendant deux mois sans être déféré devant aucun juge avant d'être libéré fin mars.

La libéralisation dans l'octroi des passeports était sensible principalement à Casablanca et a Fès et un peu â Tanger.

A Casablanca, les chiffres étaient très élevés, se montant à plusieurs milliers par mois grâce à la bonne volonté manifestée par son gouverneur, le colonel Driss Ben Omar.

Des soupçons de corruption dans l'octroi de passeports devaient amener le limogeage d'un des responsables et à la réorganisation du service des passeports, desormais divisé en quatre départements distincts. Soit dit en passant, un grand nombre d’employés juifs ont été recrutés dans ce cadre. A la tête de chaque département fut placé un directeur. Le premier était chargé de recevoir la demande le passeport, accompagné des documents nécessaires.

Le demandeur reçoit un récépissé avec un numéro et la date de l'ouverture du dossier. Le second service préparait les passeports, le troisième y apposait les tampons et le quatrième préparait les listes. Cette réforme était entrée en vigueur à la mi-mars.

Le Mossad – Michel knafo

le-mossad

Il semble que la politique de libéralisation soit entrée dans la routine après que le parti de l'Union des Forces Populaires n'ait pas réussi à la faire annuler. Plus encore, le public marocain s'est habitué à la sortie des juifs en vertu du principe de la liberté de circulation. Mais d'un autre côté, il ne faut pas perdre de vue la campagne anti-sioniste dans la presse, qui servait en fait également de paravent à une attaque contre le régime lui-même, prenant des aspects dangereux. A sa suite nombre de cercles musulmans ont redoublé d'attention, cherchant partout une empreinte de l'influence sioniste subversive, développant de vains soupçons contre les juifs. L'illustration: les articles sur les Protocoles des Sages de Sion et l'attitude hostile de nombre de jeunes Marocains.

Les positions des partis politiques envers les juifs étaient d'une grande importance pour le statut des juifs dans la nation marocaine. Jusqu'en 1959, c'était le parti de l'Istiqlal qui fixait la politique du pays dans tous les domaines, y compris dans le domaine juif.

Le parti avait une position dominante et voulait contrôler tout l'appareil administratif du pays, ce qui provoquait des frictions entre le pouvoir central et la population berbère. Le parti voulait aussi contrôler l'activité dans le secteur juif. Il faut rappeler que peu de temps après l'Indépendance, le parti hésitait encore à accepter dans ses rangs des militants juifs – invités à rejoindre le Wifaq. En plus du Wifaq, il y eut quelques autres tentatives éphémères dans le sens de l'intégration. C'est ainsi, que Jo Ohana devait fonder le "Mouvement National Marocain" et le "Groupe d'études judéo-musulman pour l'unité nationale".

En janvier 1956, le prince héritier Moulay Hassan avait déclaré devant un auditoire juif qu"il est naturel qu'un musulman soit attiré par Le Caire et un juif par Jérusalem, mais cela ne saurait justifier que nous nous séparions". Ce à quoi un porte-parole juif lui a répondu "les juifs marocains doivent s'intégrer au Maroc et non penser à partir vers Israël."

Fin 1956, l'Istiqlal acceptait enfin d'ouvrir ses rangs aux juifs, dans certaines conditions. Dans les réunions communes, les juifs devaient le plus souvent exprimer leurs plaintes contre la discrimination dans la délivrance des passeports et dans l'accès à la fonction publique. De leur coté, les musulmans leur faisaient comprendre que ces problèmes n'étaient pas en tête des soucis prioritaire du pays – source d'un nouveau malentendu. En 1960, la vie politique du pays connut un réveil avec les élections municipales et aux Chambres de Commerce, les partis politiques retrouvant parallèlement un intérêt dans les voix des électeurs juifs. Les dirigeants de la gauche qui avaient fondé en septembre 1959 leur nouveau parti, l'Union Nationale des Forces Populaires, devaient être les premiers à apprécier à sa juste valeur le potentiel des voies juives dans les grandes villes. Depuis le début de 1960 le leader de la gauche, Mehdi Ben-Barka avait commencé à mener une propagande électorale adaptée au secteur juif, promettant un allégement dans la délivrance des passeports.

La propagande dans la rue juive était menée par l'avocat Méir Tolédano par le biais du "Centre d'Etudes Juives" et par David Azoulay, le secrétaire général de la Communauté Israélite de Casablanca.

Les élections municipales se sont déroulées le 29 mai 1960. Dans ces élections les partis étaient comme nous l'avons dit intéressés par les voix juives. L'affrontement le plus serré eut lieu à Casablanca où les juifs étaient majoritaires dans deux des trente circonscriptions.

La campagne électorale fut très animée. Un candidat musulman, Abdelkader Benjelloun, futur ministre du Travail, présenta sa candidature dans une circonscription juive, se prévalant d'avoir été l'avocat des émigrants clandestins arrêtés. En fin de compte furent élus Méir Tolédano et Max Loeb, tous deux candidats de la gauche. Tolédano devait être élu Vice président du conseil municipal. Méir Ovadia, le président de la communauté et candidat de l'Istiqlal ne fut pas élu.

Au total dans tout le pays 17 candidats juifs avaient été élus. Il convient de souligner la discipline des candidats de la gauche: le parti avait menacé d'exclusion David Azoulay s'il se présentait contre Méir Tolédano et il avait renoncé à se présenter. A Rabat, deux juifs furent élus au Conseil Municipal, dont l'un d'eux Albert Chichportich devait émigrer en Israël. A Tanger, l'écrivain Carlos de Nesry avait présenté un plan pour le développement de la ville. Comme militant actif du Parti Démocratique pour l'Indépendance, il avait œuvré pour l'intégration des juifs dans le Maroc nouveau. Cela ne devait pas l'aider à se faire élire, battu seulement de quelques voix.

La vie économique et sociale des juifs du Maroc-Le Mossad-MIchel Knafo

La vie économique et sociale des juifs du Maroc

Pendant des siècles, la vie économique du pays s'est caractérisée par la coopération entre juifs et musulmans, les juifs jouant par ailleurs un rôle important dans la cour des sultans.

Le régime du protectorat avait entraîné un changement radical dans le statut des, juifs: la modernisation du commerce et de l'industrie avait besoin du capital et de l'initiative des juifs. Si l'ancienne génération avait eu des difficultés à s'adapter aux nouvelles techniques commerciales, la nouvelle, éduquée sur les bancs des écoles de l'Alliance, avait réussi à prendre sa place dans la nouvelle économie. Un grand nombre de juifs avaient quitté les villes de l'intérieur pour Casablanca, devenue la grande métropole économique et pour Rabat, la capitale administrative. Plusieurs branches du commerce, comme le thé, la farine, le sucre et le textile, sont devenues des branches essentiellement juives. Malgré l'ouverture des carrières universitaire, la majorité a continué à s'occuper de commerce et d'artisanat, trouvant aussi des débouchés dans la banque et le secteur privé. L'avènement de l'Indépendance ne devait pas affaiblir la position économique des juifs, car les autorités avaient besoin de nouveaux employés et fonctionnaires et des centaines de jeunes juifs furent accueillis dans la fonction publique, essentiellement au Trésor et aux P.T.T. Un certain nombre accéda également aux plus hautes fonctions. Même après le départ du ministre juif, quelques fonctionnaires ont continué à occuper des postes de haut rang.

En général, les juifs ont été appelés à des postes relativement subalternes, les musulmans accédant aux postes de commande. Il n'était pas fréquent de voir un juif préposé sur des fonctionnaires musulmans. Peu de juifs furent admis au ministère des Affaires Etrangères et ils devaient rester totalement exclus de la police et de l'armée. Officiellement, les juifs étaient égaux en droit, mais des consignes orales donnaient priorité dans l’emploi aux jeunes musulmans en particulier dans les banques. Le Maroc menant avant tout un combat contre le chômage dans les campagnes et parmi la main-d'œuvre non qualifiée, les musulmans instruits, eux, trouvaient facilement du travail.

Le fait essentiel dans la vie économique juive était la migration permanente des villages vers les grandes villes. Cette migration a de nombreuses causes, essentiellement la situation économique précaire dans les villages et la volonté de donner une meilleure éducation aux enfants. Les œuvres de bienfaisance des communautés permettaient de surmonter la première crise d'intégration des nouveaux venus, les enfants étant scolarisés dans le réseau de l'Alliance et l'école professionnelle de L'ORT. Les services sociaux des communautés aidaient également les nouveaux venus à trouver un emploi, des familles riches prenant parfois sous leurs ailes les familles pauvres.

La société juive était divisée en diverses classes. Les associations d'affaires avec des musulmans n'étaient pas rares, entretenant avec leurs associés des liens d'amitié. La vie commune au sein du mellah, comme à Casablanca, contribuait au rapprochement entre les deux communautés.

A la suite de l'Indépendance et des déclarations sur l'égalité des droits, les musulmans ne voyaient plus dans la communauté juive une entité séparée, distincte, et dans les grandes villes nombre de jeunes musulmans voulaient épouser des jeunes filles juives. Ce phénomène était fréquent dans le mellah de Casablanca où cohabitaient juifs et musulmans et à Séfrou où le nombre de femmes était supérieur à celui des hommes. Le phénomène existait aussi à Rabat. Les fonctionnaires musulmans voulaient en priorité épouser des juives – en raison de leur éducation européenne et de leur émancipation. Ils ne voulaient pas que leurs femmes portent le voile. Ces années furent caractérisées non seulement par les mariages mixtes certes rares – mais plus grave par les enlèvements de jeunes juives et leur conversion à l'islam, conversion qui soustrait la jeune fille mineure à la compétence de sa communauté et de ses tuteurs. Quant aux relations d'amitié entre juifs et musulmans de la classe bourgeoise, leur base était la relation d'affaires. En général les juifs hésitaient à inviter chez eux les musulmans et se rendaient peu chez eux en raison des règles de la cacherout. Ils ne le faisaient qu'en cas de nécessité. Naturellement dans ces cercles la conscience politique était plus développée, les deux parties connaissant les sujets de désaccords, en particulier en relation avec Israël. Les relations entre juifs et musulmans dans les milieux intellectuels étaient encore plus approfondies qu'au sein de la bourgeoisie.

Dans le domaine de la culture traditionnelle, il n'y avait pas de relation possible en raison des différences trop marquées de religion. On était loin du temps de Maimonide, de la symbiose dans la philosophie judéo-musulmane. Dans le domaine des loisirs, l'amour de la musique andalouse était commun. Des musiciens juifs s'y distinguaient, très appréciés par les connaisseurs musulmans. Avec la modernisation, les artistes juifs se sont partiellement intégrés dans la culture française, comme d'ailleurs une partie de leurs collègues musulmans.

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