Les juifs de Colomb-Bechar-J.Ouliel.. – Les villages d'origine des nouveaux venus
Les juifs de Colomb-Bechar-J.Ouliel
Et des villages de la Saoura
1903-1962
Jacob Oliel
– Les villages d'origine des nouveaux venus
Je n'ai jamais revu Monsieur Mouleyre, ce modele d'instituteur-missionnaire, qui, comme messieurs Pion, Griffe, Jaraudias, Cliaix ou Mesdames Bonnefoy, Lesprit, Pelse, Velle, Mademoiselle Courtois et bien d'autres ont donne le meilleur d'eux-memes pour nous for- mer ; je regrette de n'avoir pu exprimer ma reconnaissance et mon affection a mon vieux maxtre Monsieur Mouleyre, aujourd'hui disparu.
A l'autre bout du batiment, j'ai aussi retrouve la salle de Monsieur Sanchez, notre profes- seur d'anglais, de geographie, de dessin… Ses cours etaient un regal pour tous les eleves, tant il savait, en veritable pince-sans-rire, les agrementer de son humour irresistible. La derniere surprise : Khelifa me remit un vieil ouvrage entre les mains, un de ces vieux livres, relies en peau de mouton par un artisan becharien, comme nous en avions dans notre jeunesse, soit a la synagogue, soit a la mosquee. Celui-la, imprime en hebreu, etait magnifique : son proprietaire avait pris soin d'ecrire son nom, David Abehssera, sur la page de garde, en caracteres hebrai'ques et latins.
Je suppliai Khelifa de me le confier le temps de faire photocopier quelques pages, de recueillir des renseignements et de le montrer a d'anciens Bechariens capables de m'aider. «Il est a toi», me repondit-il, simplement.
C'est ainsi que j'ai aujourd'hui le privilege de detenir un ouvrage ayant appartenu a RabbiDavid, un rabbin de la lignee fameuse des Abehssera, dont j'evoquerai la fin atroce.
Ainsi, malgre l'amertume de certains souvenirs, notre jeunesse becharienne, et en particu- lier, notre scolarite, fut une periode benie de notre vie : parce que nos maitres, competents et devoues, n'ont pas cherche a nous humilier, comme il est arrive, parfois, avec certains ; parce que ce fut la naissance d'amities qui durent encore aujourd'hui, malgre 1'espace et le temps qui nous ont separes. Ce fut aussi la periode ou les grandes vacances meritaient leur nom, puisqu'elles allaient du 30 mai au ler octobre, et celle enfin ou, trop heureux de beneficier de journees chomees que nous procuraient les fetes musulmanes, chretiennes et juives, nous options spontanement pour la tolerance, en respectant les trois religions mon theistes.
Une fois l'an, nous recevions dans nos classes la visite des responsables des communautes (le Bachagha, un Pere Blanc et M. Simon Benitah) : a l'appel de notre nom, nous nous levions afin que chacun put designer ceux de sa communaute dont les families trop indigentes ne pouvaient acheter les fournitures scolaires.