Boycott des produits allemands

epreuves-et-liberationJoseph Toledano

Epreuves et liberation

Les juifs du Maroc pendant la seconde guerre mondiale

Boycott des produits allemands

L'arrivée au pouvoir d'Hitler en Allemagne souleva consternation et indignation dans l'ensemble de la communauté juive marocaine. Même parmi les couches les moins politisées, les moins ouvertes à l'influence occidentale, la montée effrayante d'une forme d'antisémitisme qui leur était inconnue, sema l'inquiétude et un sentiment spontané de solidarité avec les frères persécutés. Les milieux populaires et traditionnalistes réagirent comme par le passé, par des prières et des jeûnes, dans l'attente d'un miracle. Ils voyaient en Hitler le Haman des temps modernes. Quant aux nouvelles élites occidentalisées des grandes villes et, plus particulièrement, de la grande métropole économique, Casablanca, elles eurent aussi recours aux armes plus modernes de la protestation politique et du boycott économique. Elles se joignaient ainsi au mouvement mondial de condamnation idéologique et de boycott économique de l'Allemagne nazie.

Mais dès le départ, les chances de succès d'un tel mouvement étaient limitées par le caractère particulier des relations que la France et l'Allemagne entretenaient au Maroc.

Redoutant le dynamisme de l'Allemagne qui avait été, longtemps avant le Protectorat, son plus redoutable concurrent à la prédominance sur le Maroc, Paris avait profité de la défaite de l'Allemagne pour inclure dans le chapitre V du traité de Versailles, des limitations draconiennes au commerce de l'Allemagne avec le Maroc. Mais, depuis l'arrivée du pacifiste Aristide Briand à la tête du ministère des Affaires Étrangères, en 1925, la tendance à la conciliation avait progressivement réduit la rigueur de ces limitations. Les nouvelles dispositions adoptées en 1933, sans aller jusqu'à accorder aux citoyens du Reich les mêmes droits qu'à ceux des autres puissances signataires du traité d'Algésiras, permirent l'octroi de visas de séjour au Maroc de six mois pour les représentants de commerce allemands. Ainsi le boycott juif risquait-il de contrarier ce processus de détente et de retour convenu de l'Allemagne sur la scène économique marocaine, ce qui explique l'opposition, d'abord ambigüe puis ferme, des autorités du Protectorat aux initiatives de boycott juif. Un Comité de boycott fut formé, dès avril 1933, présidé par l'homme de toutes les causes juives, Samuel David Lévy, avec pour secrétaire, l'homme d'affaires originaire de Tanger, Joseph Raphaël Tolédano et pour trésorier, le grand négociant de thé, Raphaël Benazéraf, protégé américain, l'un des fondateurs et des rédacteurs de l'hebdomadaire L'Avenir Illustré. Ses membres en étaient : Zédé Shulman, le plus célèbre fabricant de meubles du Maroc, fondateur du " Palais du Mobilier ", Léon Benaceraf, Mr Ettedgui, David Azanacot, Louis Taourel, J. Lévy Soussan et Maître Kagan. Ce Comité se réunissait, tous les samedis, au Cercle de l'Union de Casablanca. Il se mit en rapport avec les grandes organisations juives de Paris, Londres et New York qui participaient au boycottage des produits allemands. Il chercha à se documenter sur leurs méthodes de travail et à envisager avec elles les mesures susceptibles de développer son action. Il créa une sous-commission pour trouver en Europe et en Amérique des fabricants alternatifs des produits généralement importés d'Allemagne et dont les adresses furent communiquées à tous les importateurs ou commerçants marocains intéressés.

Ce Comité adressa une circulaire, en français et en judéo-arabe, à tous les commerçants juifs de la ville, qui fut également lue dans les synagogues de tout le pays :

Monsieur et cher Coreligionnaire,

Vous avez certainement souffert en apprenant les actes de violence et de terreur que les hitlériens ont organisés contre nos frères d'Allemagne.

Vous n'ignorez pas que les Juifs du monde entier, ainsi que toutes les démocraties, ont élevé des protestations véhémentes contre de pareils procédés et ont décidé en signe de défense, de boycotter toutes les marchandises allemandes… Le boycottage -est la seule arme que le judaïsme peut employer. Elle a prouvé son extrême efficacité. Aussi comptons-nous nous en servir, sans relâche, sans défaillance, tant que les méthodes d'Hitler, barbares et inhumaines, n'auront pas cessé. Nous adressons donc le plus pressant appel à la population marocaine, sans distinction de race ou de nationalité. Tous ceux qui veulent la paix et la tranquillité, tous ceux qui luttent pour les droits de l'homme, si chèrement acquis depuis quelques siècles, se doivent de boycotter systématiquement toutes les marchandises allemandes — même au prix de sacrifices pécuniaires. Notre salut à tous en dépend…

Les entreprises et les magasins sont encouragés à afficher sur leurs devantures des pancartes, qui seront fournies par notre Comité, proclamant ? " Nous ne vendons pas de marchandises allemandes ! ", " Nous ne recevons pas de représentants ni de voyageurs de firmes allemandes !  " Si tu achètes allemand, tu prépares ta mort ! Achète français, tu rendras plus forte la nation qui te protège et te défend ! " »

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