Histoire des Juifs de Foum Jemaa au Maroc en 1943

Histoire des Juifs de  Foum Jemaa au Maroc en 1943 .

Publié le 14/08/2017 à 09:31 par rol-benzaken 

Plainte à Foum Jmaa – 1943.

Cette lettre, datant de 1943, considérée comme l'année de l'acte de naissance du Maroc libre. Ce courrier fait état d'une mésaventure, subie par une certaine communauté juive dans un Maroc sous protectorat Français. Cette plainte, parmi tant d'autres que nous avons choisi, fut adressée aux autorités du moment, par un ensemble de notables de la communauté de Foum Jmaa, proche de Beni Mellal. On y remarque surtout le parti pris par un certain lieutenant à l'encontre de la communauté juive.

Il est important de raconter et connaitre de telles histoires vécues. La vie juive au Maroc a eu et aura de bons moments, certes, mais il ne faut pas cacher et oublier les mauvais aussi. Il faut savoir qu'en 1943 encore, beaucoup de chefs de régions du Maroc furent des militaires, encore sous l'esprit et l'idéologie de "Vichy".

Casablanca, le 4 août I943

Monsieur le Directeur

des Affaires Politiques

Rabat

 

Monsieur le Directeur,

Les soussignés, membres de la Colonie Juive de Foum Ejemaa, Tribu de ENTIFA, Poste de Tannant, Bureau d’Azilal, ont l'honneur d'attirer respectueusement votre haute et bienveillante attention sur les vexations et injustices dont ils sont l'objet depuis deux ans et jusqu'à la date de ce jour

La plupart des Israélites de Foum Ejemaa ont été victimes des agissements du Lieutenant CHEMIER qui a heureusement quitté notre région. Dès sa nomination en juillet 1941, il a déclaré qu'il ne pouvait pas voir les Juifs et qu'il ne serait tranquille que lorsqu'il nous aurait tous ruinés et exterminés. Il a mis à exécution ce projet et nous a injustement condamnés à des peines de prison allant de 4 à 6 mois et à des amendes variant entre 5.000 et 200.000 francs. C'est ainsi qu'un de nos coreligionnaires, David ELGRABLI, âgé de 90 ans, a été condamné à 9 mois de prison, malgré son âge, et à 200.000 francs d'amende. Nous ne pourrions dans ce mémoire, vous développer toutes les souffrances passées et nous rendons grâce au ciel que le Lieutenant CHEMIER, qui avait plaisir à nous martyriser, ait quitté notre région. Mais l'objet de notre requête est de vous signaler les faits dont nous sommes encore les victimes, et de solliciter que justice nous soit rendue et que nous puissions vivre en paix ainsi que nos coreligionnaires.

Le Lieutenant CHEMIER a laissé des instructions pour que nous soyons tous condamnés à des travaux forcés pendant huit jours, et nous avons quitté notre ville et nous nous sommes rendus à Casablanca, le nouveau chef du Bureau n'étant pas encore arrivé. Nous voulons retourner à Foum Ejemaa, et nous avons peur d'être incarcérés comme nos coreligionnaires alors que nous n'avons commis d'autre crime que celui d'avoir déplu au Lieutenant CHEMIER, parce que nous sommes nés juifs.

Voici les agissements dont nous sommes encore victimes :

Nos femmes légitimes, pour la plupart ayant des enfants en bas âge, ont été arrachées de force de nos foyers et dirigées sur Azizal pour effectuer des travaux de couture pour les besoins du Makhzen. Cette absence dure souvent plus de huit jours. Nous n'avons pas connaissance que dans d'autres villes du Maroc pareilles réquisitions aient eu lien. Nos mœurs et la morale interdisent cet enlèvement forcé de nos épouses, cet abandon des enfants et du foyer.

Depuis deux ans nous ne percevons pas nos rations d'huile et de savon, aucune ration de sucre ne nous à été distribuée depuis près de trois mois. Pour les tissus, nous avons, depuis la guerre, eu une seule distribution, en avril 1943

Toutes les familles juives ont été obligées à décortiquer les amandes de la récolte du Caïd évaluée à dix tonnes. Une telle opération ne peut bien se faire qu'avec les dents. Chaque famille est tenue, une fois la corvée accomplie, de rapporter amandes et écorces et d'assister au pesage de contrôle. S'il est constaté une différence de poids, si minime soit-elle, due au séchage de la pulpe ou à la perte de quelque épluchure, chaque famille est condamnée à une amende variant entre 50 et 100 francs. Le Caïd n'ayant pu vendre sa récolte tout venant a trouvé ainsi, sans payer de main d’œuvre, le moyen de la conserver ou de l'écouler plus facilement.

Dans la région, le seul moyen de communication est le mulet. Notre mellah dispose de 25 mulets appartenant à des particuliers. Ces bêtes servent à notre travail et à nos déplacements. Le Caïd et le Khalifa s’emparent de nos mulets sans même nous consulter et les gardent deux et trois jours, nous réduisant ainsi à l'inactivité et souvent même le jour de marché. Nous avons cherché à nous dérober à cette réquisition et nous nous sommes presque vus obligés d'acheter la liberté de nos bêtes, moyennant une rétribution allant de 100 à 150 francs par semaine et par bête. Cette rétribution est devenue pour le Caïd une excellente raison d'avoir continuellement besoin de nos mulets pour nous contraindre à payer des indemnités ou pénalités, qui dans l'ensemble représentent pour lui une petite source de revenus.

La région a deux sources, l'une fraîche et l'autre chaude. On nous empêche de nous ravitailler en eau fraiche et l'on nous fait toutes les misères pour nous ravitailler en eau chaude ; casse de récipients lorsqu'on ne nous les remplit pas de sable.

Une jeune fille de notre région, Habiba CHLOM, a été poursuivie pour vente de Mahia et reconnue coupable, a été arrêtée et condamnée à trois mois de prison.

Or, le 17 juillet 1943, le Khalifa, frère du Caïd, accompagné de l'interprète du bureau de Tannant, nommé EL BAROUDI, a rassemblé tous les Juifs du mellah de Foum Ejemaa pour leur signaler que tous les hommes juifs âgés de 13 ans et plus, étaient condamnés à huit jours de travaux forcés, et qu'à partir du dimanche 18 juillet 1943, une équipe de 20 juifs devaient commencer (construction au souk ou au chantier) et que toutes les semaines une nouvelle équipe de 20 juifs devait suivre jusqu’à ce que tous les hommes aient purgé leur peine. L'un de nous, David ASSOULINE, a demandé à l'interprète si cette condamnation venait de Rabat et concernait tous les Juifs du Maroc, dans ce cas, toute la colonie de Foum Ejemaa se plierait volontiers devant une telle décision, mais si par contre elle ne touchait que les juifs de la région, il ne s'explique pas la cause.

Le Khalifa, pour notre information, nous a déclaré que le Lieutenant CHAMIER avant de partir, avait laissé l'ordre de condamner tous les juifs du mellah de Foum Ejemaa à huit jours de travaux forcés, pour une affaire de mahia:

Notre représentant ASSOULINE a protesté en faisant remarquer, que du fait que la fautive Habiba CHALOM avait été arrêtée, reconnue coupable et condamnée à trois mois de prison, nous n'avions pas à supporter solidairement cette faute. Menacé de quinze jours de prison pour cette intervention, David ASSOULINE, l'un des soussignés, a dû quitter Foum Ejemaa pour Casablanca.

Notre population israélite a été depuis Moulay Hassan et jusqu’en 1941, estimée et respectée par les autorités du Maghzen et des Contrôles. Nous joignons à la présente trois traductions des dahirs de respect rendus en faveur des Israélites de Foum Ejemaa, par Sa Majesté MOULAY HASSAN, le II Ramadan 1304 (3 juin 1887) renouvelé par S.M. Si MOHAMED, le 7 Hija 1309 (3 juillet 1892) et par S.M. SI ABDELAZIZ BEN HASSAN BEN MOHAMED, le 26 Hija 1313 (8 juin 1896).

Dans tous ces actes leurs Majestés ont bien voulu assurer de leur haute et puissante protection les Israélites de Foum Ejemaa et ordonnent qu'ils fussent traités avec respect et considération afin que leurs communauté ne fut pas l'objet de sévices, ni trouble dans ses coutumes ni être l'objet de brimades ni de vexations sous quelque forme que ce fut.

Nous avons pleinement confiance dans votre esprit de justice et d'équité. Nous savons que nous pouvons placer notre vie entre vos mains et, grâce à votre très haute protection, la population de Foum Ejemaa verra cesser le martyre que, depuis deux ans, elle endure, et que la paix reviendra dans ses foyers. Nous tenons, de notre côté, à vous assurer que nous ferons tout ce qui est possible pour que rien ne puisse nous être reproché, tant dans la conduite de notre vie privée que dans celle des affaires.

Recevez, Monsieur le Directeur, l'assurance ce notre plus complet dévouement.

 

David ASSOULINE                                                                          Chimmoune David BENISTI

Mouchi FEDIDA                                                                               Yahia PINTO

Youssif TORDJMAN                                                                       Chemaoun IFRAH

Lieutenant Chemier, 1er Cuirassiers sur Pancrace, Championnat du cheval d'armée 1908 : [photographie de presse] / [Agence Rol]

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