Recherches


Recherches sur la culture des Juifs d'Afrique du Nord-Edite par Issachar Ben-Ami

La transmission du savoir

C'est à la formation du lettré, à son itinéraire intellectuel, à la transmission du savoir, l'écrit et l'oral, à l'acquisition d'une culture substantielle et à l'apprentissage de la science traditionnelle et des humanités juives en général, qu'ont été dédiés nos premiers travaux. Ces questions ont fait l'objet de notre enquête sur l'enseignement de l'hébreu et du judaïsme au Maroc.

Langues et littératures dialectales et populaires

Notre effort a porté, au même moment, sur l'étude des langues juives et des littératures orales en judéo-arabe et judéo-berbère, donnant naissance à un grand nombre de publications dans des revues spécialisées et à nos deux livres: Littéra­tures dialectales et populaires juives en Occident Musulman et une Version berbère de la Hag-gadah de Pesah, Texte de Tinrhir du Todrha (Maroc)?

Pensée juridique

Nos travaux se sont poursuivis par une vaste entreprise englobant l'ensemble de la vie intellectuelle et du paysage socio-culturel. Nous en avons dressé l'inventaire et abordé l'examen métho­dique des oeuvres.

La pensée juridique, plus particulièrement celle représentée par les Taqqanot et les Responsa, la poésie religieuse ou profane, les écrits exégétiques, homilétiques, mystiques et kabbalistiques, etc… tous ces champs de la production intellec­tuelle ont été, pour nous (il en existe d'autres), les bases fondamentales de toute approche globale de l'existence juive, à tous les niveaux d'analyse.

La priorité de traitement revient au domaine de la pensée juridique. Le primat qui lui est ainsi accordé s'explique par son contenu idéologique et par les réalités sociales, économiques et légalo-ritualistes qu'elle recouvre. Nos études et recherches en ce domaine nous ont permis de restituer, en quelque sorte, la vie de la diaspora marocaine pour la période qui nous sépare de l'exil espagnol de 1492. Elles ont été réunies dans notre livre intitulé Les Juifs du Maroc… Etudes de Taqqanot et Responsa.

L'étude que nous avons consacrée à la noésie d'expression hébraïque s'intitule Poésie juive en Occident Musulman. Elle fait apparaître l'exis­tence, au sein de la société lettrée, comme parmi les masses populaires, d'une conscience poétique qui se situe à divers niveaux dont le premier, fondamental à nos yeux, est la conscience d'une tradition poétique, le sentiment du devoir de sauvegarder un patrimoine, voire de le féconder et de l'actualiser, la nécessité de transmettre un message.

Histoire et culture, religion et magie

Tels sont les grands thèmes de notre livre inti­tulé Mille ans de vie juive au Maroc, développés en huit chapitres racontant le judaïsme marocain et son destin, déroulant le cours de l'existence des gens, la naissance, l'enfance et l'adolescence, le mariage et la mort, les rites d'initiation, les cou­tumes et les usages, décrivant la société, ses struc­tures communautaires, la vie économique, intel­lectuelle, culturelle et religieuse, épiloguant sur son éclatement après deux millénaires d'existence et la double fidélité de la mémoire judéo- maghrébine.

Kabbale, vie mystique et magie

Venons-en au propos de notre dernier ouvrage, à cet autre mode d'expression de la pensée qui constitue la littérature kabbalistique et son envi­ronnement mystique et magique, à l'irruption du divin, du sacré et de l'irrationnel dans la vie des gens.

Voilà, pour nous, l'ouvrage qui a été le plus long à concevoir, à méditer, à élaborer et à réaliser puisqu'il a fallu plus de quinze ans pour le sortir au jour; le plus difficile à écrire. Le sujet est immensément vaste, couvrant les grands espaces de la spiritualité et de la mystique. Il est extrême­ment délicat, glissant, dérapant, conduisant sur les chemins suspects de la kabbale pratique, sur les pistes dangereuses de la magie et les terrains périlleux de l'imaginaire. La tâche a été redouta­ble. Le lecteur nous jugera sur les pièces versées au dossier.

Dans ce livre, dédié par son sous-titre au judaïsme d'Occident musulman mais qui concer­ne le monde juif méditerranéen et dans une cer­taine mesure nos civilisations d'Orient et d'Occi­dent, j'ai voulu, tout d'abord, témoigner de la présence du judaïsme d'Occident musulman maghrébin et marocain, d'origine et d'adoption, sur la scène de la mystique juive et de la création littéraire kabbalistique, à une place privilégiée, voire de premier ordre.

Les grands moments de cet itinéraire mystique du judaïsme magrébin sont marqués du sceau de la création des kabbalistes du Drâa (Sud Maro­cain), de l'héritage espagnol des megorashim, les Kabbalistes "émigrés" de la péninsule ibérique, de la kabbale des toshabim, les auteurs autochtones de Fès, Marrakech et le Tafilalet (16e/ 19e siècles), celle des compagnons et disciples maghrébins d'isaac Luria, les émules et rivaux de Hayyim Vital, à Safed, Tibériade, Hébron et Jérusalem, en Terre Sainte.

On a retenu quelques écrits significatifs et quelques figures représentatives de la vie mys­tique et de la production kabbalistique, discer­nant les liens qui les rattachent à la conscience, à la chaîne et aux traditions mystiques juives, sou­lignant l'intimité des auteurs maghrébins avec le Zohar, les oeuvres des grands maîtres de l'ésotérisme médiéval pré et post-zoharique et la littéra­ture kabbalistique universelle, examinant la ques­tion des contacts de la mystique juive et de la mystique musulmane, une approche indispen­sable à la connaissance d'un mode de pensée et de vie que privilégie spirituellement le judaïsme d'Occident musulman, s'agissant ici d'un espace de convergence socio-culturel fécond en tant que phénomène spirituel et dans ses dérapages sur la kabbale pratique et la magie, reprenant les textes, les analysant à l'occasion pour témoigner de la contribution de cette littérature au patrimoine intellectuel du judaïsme universel d'une part, de sa participation du paysage culturel maghrébin et méditerranéen, d'autre part.

On a conduit cette analyse en fonction d'axes privilégiés, le plus éminent étant la cons­cience d'une tradition mystique millénaire, et la pratique de son insertion, de son intégration, dans l'existence, dans la vie culturelle et spirituelle des gens, participant à des fins pédagogiques, halak- hiques, liturgiques, poétiques et musicales, comme à celles qui relèvent de l'imaginaire (social) et de la magie. Ces axes croisent sans cesse, et c'est là l'essentiel, la. fonction dominante de ces activités, le grand axe de la foi, de la religion et de l'éthique, le sacré et le divin faisant con­stamment irruption dans la vie quotidienne.

Insérer la mystique, l'ésotérisme et ses avatars dans la vie quotidienne, donner une dimension symbolique, cosmologique, aux plus quotidiens des gestes, aux plus humbles objets, sont des préoccupations majeures dans les couches et les cercles les plus divers de la société.

Pour finir, il convient de noter l'importance de cette littérature spécifique et de l'ensemble de la création littéraire juive pour une meilleure con­naissance des communautés, de leur histoire, de la vie des gens et de leur imaginaire social.

Toute cette littérature, il importe de la sortir de l'ombre; la tâche est difficile, voire ingrate. Nous l'avons entreprise parce qu'il nous semble y avoir été préparé par notre formation, notre expérience et la pratique que nous avons des sociétés magrébines.

Notre plus vive satisfaction, disons notre fierté est d'avoir pu restituer sa dignité au judaïsme maghrébin, de "rendre la couronne de sa gloire" au patrimoine culturel qu'il a élaboré au cours des cinq derniers siècles, de témoigner de l'effer­vescence intellectuelle et mystique, de l'atmos­phère de spiritualité optimiste qui ont régné au coeur des élites lettrés, comme au sein de la masse de leurs fidèles, engendrant une culture originale qui est une part importante du patrimoine intel­lectuel de leurs pays d'origine ou d'adoption et du judaïsme universel tout entier.

La Torah et son etude dans le Hessed le-Abraham de Abraham Azulai Roland Goetschel

  1. Azulaï reproduit ensuite presque mot à mot la première des dix considérations sur la nature de la Torah que R. Moïse Cordovero avait introduit dans son commentaire sur le Ra'ya Mehemna sous le titre de Heleq Simhat ha-Qatsir et dont Berakha Sack a fourni une édition critique. Il y est avancé que la sainteté se revêt de dix vêtements qui sont les dix écorces extérieures lesquelles sont à la sainteté ce que le singe est à l'homme. De même que ces dix degrés sont récapitulés dans les quatre lettres du tétragramme qui expriment les quatre modalités du régime: Hesed, Dîn, Raha mim et le Klal, de même les forces extérieures, celles du mal, se subdivisent en quatre qui sont 'Awôn, Mashhît, 'Aph et Hîmah d'après Ps. 78, 38, lesquelles se trouvent placées en antagonistes de Mikhaël, Gabriel, 'Ouriel et Raphaël dont la place est pour Cordovero dans le monde de Yetsirah au niveau du Heykhal Raison. Ce rapport de type quartenaire entre la sainteté et l'impureté trouve son symbole dans la contemplation de la noix induite par le verset (Cant. 6, 11): "Je suis descendu au verger des noix" Les quatre parties de l'amande correspondent aux quatre principes de la sainteté qui se trouvent revêtus des quatre enveloppes. Chaque qelipah est différente: la première est tendre mais la seconde est dure comme la pierre; la troisième est aussi mince que subtile cependant que la quatrième correspond à l'éther subtil entre les trois écorces et l'amande, elle est ténébreuse et allongée et se trouve à l'ori­gine de notre exil amer et qui se rallonge. Même Moïse craignait la dernière des écorces. En consé­quence de quoi tous ceux qui sont advenus dans le monde inférieur se revêtent de matière, conformé­ment à la faute du premier homme car ils sont asservis et sont réellement recouverts par les qua­tre écorces mentionnées, par la peau du serpent, entendons l’emprise de la matière. Les trente-neuf malédictions les dominent, infligées à Adam et Eve, au serpent et à la terre eux aussi homologues des quatre écorces.

Le monde restera asservi à elles jusqu'aux temps bénis où elles seront abolies. C'est la raison pour laquelle la sagesse divine a décrété qu'elle se répanderait jusqu'aux êtres d'en-bas et que sa Torah se revêtirait également de ces quatre écor­ces. Car si la Torah ne s'était pas revêtue de ces vêtements, il n'eut pas été possible que l'homme descendit vers le monde inférieur car ce monde est plongé dans l'abîme des qelipôt. Comment une réalité spirituelle descenderait-elle en bas sans ces quatre vêtements là? C'est pourquoi la Torah des­cend revêtue de ces quatre vêtements. Et de même que l'homme se trouve plongé et revêtu d'elles et qu'il brise les écorces par la substance de son âme pour s'élever de la fange vers la lumière resplen­dissante qui était sienne avant sa faute et c'est là le but du service d'adhérer à la divinité et de se dévêtir de ces vêtements sales, de même l'homme a vocation de permettre à la Torah de se déba- rasser de ses vêtements et de briser ses qelipôt et de méditer sa profondeur et sa spiritualité cachée. C'est ainsi que s'opère le retrait de l'âme. La pre­mière écorce se conquiert et se brise aisément mais on ne le peut pas pour la seconde et à plus forte raison pour la troisième et la quatrième. Briser la seconde écorce, celle représentée par l'intelligibi­lité de la halakhah, se présente comme une tâche infinie qui ne pourra être consommée qu'avec l'achèvement de l'exil, comme l'indique Isaïe 29, 14: "C'est pourquoi je vais continuer à lui prodi­guer des prodiges si bien que la sagesse des sages s'y perdra et que l'intelligence des intelligents se dérobera", que les Sages entendent comme signifi­ant qu'il n'y aura plus un seul lieu où la halakhah se trouvera tranchée de manière claire. Ce ne sera que lorsque le monde sera sorti de son asservisse­ment que Dieu brisera et abolira entièrement les écorces. Alors on entendra la Torah sans aucun revêtement extérieur. C'est là le mystère de la Torah que Dieu va renouveller dans le futur, non pas que Dieu aille changer sa Torah contre une autre Torah, fût-ce-même à un fil de cheveu près. Comme pour écarter à l'avance toute ten­tation d'antinomisme, il est répété que la Torah ne sera pas changée, que ce ne seront que ses écorces qui seront brisées et que l'on goûtera la Torah en son amande, en un mode de compréhension d'une douceur et d'une suavité infinie.

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