Com.juives saha..M. Abitbol


Communautes juives des marges sahariennes du Maghreb-Abitbol

A l'évidence, l'étanchéité des cloisons physiques et morales qui sé­paraient les groupes ethno-communautes-juivesreligieux du Mzab, exclue toute possibilité d'acculturation réciproque. Certes, il existe bien des ressemblances entre ces groupes : rôle primordial de la religion dans la vie quoti­dienne, stricte observance de la Loi et des rites, l'excommunication du groupe comme sanction; cohésion sociale et entr'aide clanique, division du groupe en deux partis rivaux, soff; système patriarcal et patrilinéaire; infériorité et sujétion de la femme; choix de l'époux et mariage décidé par le père; précocité du mariage avec taux élevé de mortalité infantile; monogamie et endogamie; fréquence des divorces; attention particulière à la consommation du mariage et à la pureté rituelle; longue durée de l'allaitement; mode vestimentaire, techniques de l'habitat; croyance aux jnoun et autres influences maléfiques; pratique courante de la prophylaxie magique (cas d'espèce: rite de la chevelure et des ongles coupés); vénération des ancêtres et culte des morts; organisation des laveuses des morts.

On notera cependant que la plupart des points énumérés se retrouvent à des degrés diverts tant chez les Mâlikites que chez les communautés juives du Maghreb, surtout en milieu berbère. Cette concordance pour­rait s'expliquer en partie par le substrat commun de l'Islam et du Ju­daïsme nord-africain.

Néanmoins, cette similarité entre Juifs et Ibàdites ne devrait pas nous faire perdre de vue les différences qui existent entre eux. On laissera de côté celles qui ont trait aux sources religieuses des deux groupes.

Ainsi, la primauté de la religion se traduit chez les Ibàdites, à la dif­férence des Juifs, par un régime théocratique développé et solidement établi, incarné dans chaque ville du Mzab, par le Cercle (ou Collège) des Douze Reclus, halqat al-'azzâba présidé par le Cheikh.

Ces clercs se tiennent toutefois à l'écart des affaires courantes en abandonnant à l'assemblée des lai'cs jama'at al-'awàmm, la gestion des affaires temporelles et l'élaboration d'accords, ittifâqàt, sur l'or­ganisation de la cité. Les Juifs sont exclus de cette assemblée qui comprend, par contre, des représentants de la population arabe agré­gée. En cas de conflit entre les deux instances, le dernier mot est dévolu à l'assemblée des clercs qui dispose d'une arme redoutable, l'excommunication, tebri'a utilisée plus fréquemment que le niddüy chez les Juifs, Chez ces derniers, la personne excommuniée peut tou­jours assister à la prière dans la Synagogue alors que chez les Ibadites, elle reste exclue de la mosquée jusqu'à la levée de l'anathème: si elle est mourante, on lui refuse de faire pénitence et d'être inhumée conformément aux rites.

De la même façon, le rôle des laveuses de mortes juives, habirat, n'est en rien comparable avec celui du puissant collège féminin des ghassälät qui, outre la préparation de la morte ibâdite à la sépulture, dirige l'éducation et surveille la conduite morale de la femme ibâdite pendant toute sa vie, inspecte fréquemment sa maison pour s'assurer de sa bonne tenue et ne se prive par d'infliger la tebri'a pour les moin­dres écarts du code du Kitäb al-Ahkäm.

A la différence des Juifs du Mzab et des Arabes, l'entr'aide et la coopération chez les Mzabites sont fortement institutionnalisées et diversifiées. Les travaux d'utilité publique tels que le nettoyage des rues, la garde de nuit, la réparation des bâtiments publics, l'élévation de digues etc. sont imposés à tous les hommes valides. La corporation des Jeunes Gens, imessurda, veille sur le maintien de la religion et des bonnes mœurs. Les revenus des fondations pieuses, habous, et de la tnüba (contribution bénévole annuelle en nature), les collectes périodiques et la solidarité du clan sont mis en œuvre pour l'assistance sociale, l'entretien de la mosquée et des écoles coraniques, les fêtes commémoratives et les rites saisonniers que l'on fait accompa­gner de repas communiels et de distribution d'aliments, ma'rüf.

[1]      Briggs, p. 39. Selon le Grand Rabbin Abraham El Baz. une personne frappée de niddüy restait dans un état d'incommunicabilité pendant 1 à 2 mois et même plus. Il n'est pas certain que la vraie excommunication hérem, ait jamais été prononcée contre un Juif du Mzab à l'époque con­temporaine (sauf, peut-être, dans le cas d'un mariage mixte, v. Briggs ibid., et F. Raphaël, 'Les Juifs du Mzab dans l'Est de la France', in Les relations entre Juifs et Musulmans en Afrique du Nord, XIX-XXe siècles. Colloque de Sénanqua, Oct. 1978, pp. 212-13.

Cette entr'aide se prolonge jusque dans le Tell où elle prend sou­vent l'aspect d' "entente commerciale" entre émigrés mzabites de même clan et de même famille, le fonds de commerce restant pro­priété du groupe tandis que les bénéfices acquis sont destinés à la famille demeurée dans le pays.

De même, les querelles entre "soff" juifs — clans Sullam et Balouka (qui en 1893 érigèrent leur propre synagogue) n'étaient qu'un pâle reflet des disputes, souvent meurtrières, entre les partis 'Ammï 'isâ et Üläd Bä Slimän à Ghardaïa et leurs alliés respectifs dans les autres villes du Mzab, ainsi qu'entre ces villes elles-mêmes.

En ce qui concerne la condition de la femme, la Mzabite qui est soumise à un régime de claustration et voilage poussé à l'extrême, passe toutefois la moitié de l'année dans la palmeraie de l'oasis, où la plupart des familles possèdent une maison de campagne. C'est pour agrémenter l'existence monotone des femmes, veiller à leur santé et aussi leur ôter toute vélléité d'émigrer — assurent les hommes — que les Mzabites continuent à entretenir leurs jardins, en dépit du coût et du peu de rentabilité de l'entreprise. La Juive, par contre, n'est ni cloîtrée ni obligatoirement voilée; sa maison est ouverte et ne connaît pas de dichotomie fonctionnelle visant à la séparation des sexes, ni de restrictions relatives à l'aménagement des portes et fenê­tres. Néanmoins, son univers se limite au melläh et au cimetière, cependant que son monde spirituel et sa vie sociale sont tenus séparés de ceux des hommes.

[1]      Sur les différents aspects de l'entr'aide mzabite: H. Parmentier, 'L'entr'aide chez les Berbères ibadhites du Mzab' in IBLA, 1er trim. 1946, pp. 41-49 (englobe charité publique à l'occasion des fêtes religieuses et familiales, habous et corvées). Sur le ma'rüf v. Suter, 'Sitten und Bräuche im Mzab', in Geographica Helvetica, n° 3, 1964, pp. 167-70; Id., 'Über Wesen und Sinn des Habous . . im Mzab', in Asiatische Studien, vol. XI (après 1955), 1-28; sur la tnüha ibid., pp. 10-20; sur la garde de nuit, M. Vigourous, 'La garde de nuit à Ghardaïa', in Bull, de Liaison Saharienne (Alger), cah. 9 (1952), pp. 9-16.

[1]      Sur la signification de cette dichotomie politique au Mzab, cf. Huguet, 'Les Sofs chez les Abadhites et notamment chez les Beni Mzab', in L'Anthro­pologie 21 (1910), 151-84, 313i-20; N.-J. Robin: Le Mzab et son annexion à la France (Alger, 1884), pp. 41-47 (luttes intestines); Suter, 'Die Bedeu­tung der Sippen im Mzab', in Paideuma 6/8 (Nov. 1958), 513sq.

La symbiose judeo-ibadite-Pessah Shinar

Dans le domaine de l'instruction, la Mzabite, surtout celle des Beni Isguen, reçoit une culture religieuse, apprenant à réciter le Coran (avec explication de texte) et à écrire l'arabe bien que sa langue maternelle fût un dialecte berbère apparenté au kabyle — tout cela en vertu d'une tradition millénaire et du principe khärijite affir­mant que la prière est nulle sans compréhension de son contenu. La Juive, par contre, au début du siècle du moins, était illettrée et même plus tard sa scolarisation était totalement négligée, exception faite des aspects pratiques de la religion qu'elle apprenait de sa mère. Elle pariait un dialecte arabe, auquel s'ajoute, après l'annexion du Mzab, la langue française.

Précocement mariée, la Mzabite, même impubère, pouvait, selon la loi ibâdite, être déflorée, mais en pratique les 'garçons d'honneur', les vizirs, avaient, entre autres devoirs, celui d'inciter le jeune marié à la douceur tandis qu'une négresse couchait devant la porte de la chambre nuptiale pendant sept nuits. Chez les Juifs, affirme le Dr. Huguet,  la jeune mariée, récalcitrante, était ligotée et maintenue de force par une personne privilégiée jusqu'à ce que le mariage fût consommé. Cette pratique a été également observée chez les Mâlikites du Maroc et de la Tunisie. Comme ces derniers, les Juifs du Mzab pratiquaient (de nos jours de façon plus discrète) l'exhibition de la chemise nuptiale maculée alors que chez les, Mzabites, cette coutume était sévèrement condamnée.

Chez ceux-ci, la mère de la jeune mariée apportait à sa fille sa nourriture quotidienne pendant un an; chez les Juifs, pendant quinze ans au moins. La naissance d'un fils libérait la femme juive de toute occupation pendant un an, celle d'une fille lui accordait 2 à 3 mois de repos seulement. Chez la Mzabite, rien de pareil, bien que la naissance d'un fils ne fût pas moins prisée.. Bien de familles mzabites disposaient de négresses ou domestiques arabes pour certaines besognes de ménage, sauf le tissage, qui revêtait chez la Mzabite une importance comparable à celle de l'art culinaire chez la Juive. La Mzabite et la Juive ne mangeaient pas habituellement avec leur mari, mais le Kitàb al-Nil laisse entendre que la Mzabite n'était pas nécessairement exclue de la table de son mari et, semble-t-il, ils prenaient généralement leur repas ensemble lorsqu'il n'y avait pas d'autres femmes dans la mai­son. Chez les Juifs, cela se faisait le Shabbat et les jours de fête seulement.

Toutes les deux devaient se contenter de l'orge, le blé étant réservé au père et au mari. En l'absence du mari, l'austérité était de règle aussi bien chez la Mzabite que chez la Juive: cette der­nière ne changeait plus de vêtements et ne se lavait plus, mais le jour où le mari revenait, elle devait passer au bain ritud, makoui (= mikveh) pour l'ablution, tebella (= tebllah). Dans cette piscine — nous dit le Dr. Huguet — plongeaient 200 femmes par mois et l'eau n'était changée que tous les six mois. Selon cet auteur, dès que la Juive était assez vieille, le mari cherchait un prétexte pour la répudier. Il n'y avait pas d'homme fait qui n'ait épousé 2 ou 3 femmes, voire 5 ou 6 femmes. Si la divorcée s'avérait enceinte, elle ne devenait libre qu'après le sevrage de l'enfant, soit environ 2 ans après sa naissance. A noter toutefois que la Juive avait le même droit au divorce et en faisait un usage assez fréquent, tandis que la Mzabite ne pouvait exercer ce droit que dans certains cas stipulés dans le contrat de ma­riage. Les divorcées juives étaient fréquemment obligées de s'a­dresser à l'autorité française pour obtenir le versement de leur pension alimentaire, plus souvent encore les veuves qui étaient gravement défavorisées par les règles de successions en vigueur.

De surcroît, la pratique du testament n'était pas très courante parmi les Juifs du Mzab, alors que les Ibàdites la considéraient, conformément au Coran  et, en faveur de la veuve, comme un devoir religieux et moral primordial et de ce fait, prenaient soin d'établir un testament en faveur du fils et de la fille, dès leur pu­berté. Aussi avaient-ils l'habitude de porter sur eux leur testament pour exécution immédiate en cas de fin subite.

En dépit des nombreuses inégalités que comporte le statut de la femme ibàdite et de la Juive, il ne fait pas de doute qu'en assurant la permanence pendant les longues absences des hommes dans le Tell, comme maîtresse du logis et gardienne de la tradition, la femme jouissait d'une grande autorité de fait au sein de sa famille et remplissait une fonction fondamentale et absolument indispensable pour la survie de chacune des deux communautés.

L'ibadisme (arabe : الاباضية al-ibaḍīya) est l'école la plus ancienne en islam, elle a été fondée moins de 50 ans après la mort du prophète Mahomet.

L’ibadisme a été chassé par d'autres courants musulmans pour ses pensées politiques : selon les ibadites, le commandeur des croyants ne doit pas être nécessairement de la lignée de Mahomet, ni d'une certaine race ou couleur.

Le nom de l'école dérive du nom : Abdullah ibn-Ibad at-Tamimi. Cependant, les disciples de cette école revendiquent que Jabir ibn Zaid al-Azdi, originaire d'Oman, était leur vrai fondateur. Il fut parmi les meilleurs élèves d'Aïcha, la femme du prophète et d'Abdullah Ibn Abbas, le cousin du prophète (et l'un des grands connaisseurs des principes islamiques après lui). L’école ibadite représente la vue islamique de la vie : principes, travail, égalité… Les ibadites, pendant toute leur histoire, ont développé les études islamiques et celles de la langue arabe. L'ibadisme est le courant dominant du sultanat d'Oman, dans la région du Mzab en Algérie1 avec le Kharidjisme (dont est issu l'ibadisme), mais aussi dans l'ile de Djerba en Tunisie, à Zanzibar et en Libye, dans lDjebel Nefoussa.

 

La symbiose judeo-ibadite -Pessah Shinar

Reste à considérer une différence de degré entre Ibàdites et Juifs du Mzab, ainsi que trois rites particuliers à ces derniers. La différence touche à leur attitude à l'égard des cimetières et des morts. L'atta­chement des Juifs à leurs ancêtres, considérés comme une sorte de corporation céleste d'êtres semi-mythiques, était, certes, empreint d'une profonde révérence mêlée de crainte superstitieuse; mais cela n'est en rien comparable à la place extraordinaire qu'occupent les morts chez les Mzabites. Dans leurs immenses nécropoles où tout Mzabite tient à être enterré, se réunissent périodiquement des clans en­tiers autour de leurs clercs pour commémorer leur ancêtre éponyme ou leurs cheikhs, prendre des repas communiels et distribuer des  aliments (marüf); là, se rencontrent les délégations des sept qsür pour délibérer sur les problèmes intéressant l’ensemble du Mzab; c’est à cet endroit aussi que se tiennent des assises judiciaires et que les propriétaires s’acquittent de leur contribution annuelle, la tnüba. Naguère, au marché de Ghardaïa, le conseil municipal laïque avait la coutume, lors de ses délibérations, de siéger sur des pierres pro­venant de tombeaux, pour associer à ces délibérations le conseil des Mânes invisibles.

Nous avons un témoignage authentique sur cet état d’esprit dans une lettre adressée probablement par le Conseil des Douze au Chef d’annexe de Ghardaïa, en réponse aux admonestations dudit fonc­tionnaire au caïd qui avait omis de prendre les mesures qui s’impo­saient lors d’une épidémie de typhus: “A Monsieur le Commandant Supérieur… Sachez que le médecin ne doit pas voir ni morts ni ma­lades mzabites; vous avez fait là une chose mauvaise. Et vous n’avez pas à prendre des Mzabites comme soldats. Vous n’avez pas à changer les lois de nos ancêtres… Vous dites ô Français, que vos aïeux sont morts, que vous ne communiquez plus avec eux. Nous, Musulmans, disons que, alors même que leur chair et os sont décomposés dans la terre, nos ancêtres vivent et veillent sur leurs enfants. (ils) sont comme un lion dans la forêt… il mange quiconque veut le faire périr … Nos ancêtres vous disent : le gouvernement qui prendra un seul Mzabite comme soldat périra”.

Paradoxalement, l’aspect désolant des cimetières mzabites, parse­més de poteries crevées ou écornées, semble suggérer une attitude peu respectueuse envers les morts. Cette impression d’abandon n’est qu’ap­parente: la pratique des inscriptions funéraires étant bannie par les Ibàdites, les vases mutilés de façons diverses servent de repères aux familles pour reconnaître l’emplacement des tombes. Mais pourquoi l’usage de vaisselles? Serait-il une survivance d’un mobilier funéraire, comme en présentent beaucoup de sépultures primitives — et d’une croyance en la continuation des besoins terrestres du défunt dans sa tombe? De toutes façons, sur ce point encore, les Mzabites diffèrent des Juifs dont les tombes portent des inscriptions hébraïques indiquant nom et âge du défunt, date de décès, mots d’éloge funèbre, et par­fois aussi, des graffiti représentant une bouteille et un verre. Seules les tombes dépourvues d’inscriptions sont garnies, à l’instar des tom­bes mzabites, de poteries mutilées — une bouteille (de vin) désignant un homme et un bol (de café) désignant une femme. Autre diffé­rence: les cimetières mzabites se distinguent de ceux des Juifs par nombre de constructions: qubba-s de forme carrée, conique et pyra­midale, autels, stèles et oratoires. Chez les Juifs il existe un rite qui leur est propre: lors des obsèques d’hommes on jette sur le par­cours du cortège funèbre un mélange de poudre d’or ou d’argent avec “du sol de la Palestine”.

On notera, enfin, trois autres rites pratiqués par les Juifs de Ghardaïa, auxquels les Ibàdites, paraît-il, sont également restés étrangers. L’un s’appelle Kittab et désigne les cérémonies marquant l’entrée de l’enfant juif à l’école religieuse à l’âge de cinq ans; un rite pré­liminaire s’appelant le “petit Kittab" a lieu à l’âge de quatre ans.

Selon Huguet (ibid.), cette cérémonie avait lieu à l’âge de 3 ans de l’enfant. Cette divergence pourrait peut-être s’expliquer par le fait qu’il y a un décalage de 60 ans entre les textes cités. Pour une description du kittàb v. Briggs, pp. 28-31

 Chez les Mzabites on célèbre la fin des études coraniques, khatmet al-Qur'an et cette fête ne dure qu’un jour. L’autre rite particulier aux Juifs consiste en l’aspersion mutuelle, lors du premier jour de la fête de Shavuot, la Pentecôte juive, pratiquée par des groupes de jeunes gens appartenant aux deux soff de la Communauté. Cette coutume se retrouve aussi au Maroc, où elle était pratiquée, vers la même époque et de la même façon, par les Musulmans adultes et enfants, de certaines villes (Fès, Meknès, Rabat-Salé, Mazagan) et par certains tribus berbères (Ait Sadden, Ait Yüsi, Ait Warâïn). Westermarck pense qu’il s’agit là d’un vieux rite purificatoire berbère qui fut plus tard interprété comme un charme de pluie. Le nom arabe de la Pentecôte, ‘ansara, étant souvent représenté aux Maroc comme le nom d’une femme juive, pourrait indiquer une origine juive de ce rite berbère qui est d’ailleurs condamné par les toiba du pays. Une telle hypothèse s’accorde avec l’explication fournie par le Dr. Huguet selon lequel cette coutume commémorerait le miracle de Moïse faisant jaillir l’eau du rocher.

 A noter la racine commune du mot ‘ansara avec l’héb­reu 'asàrâ, assemblée de fête. A l’époque de losephus Flavius et du Tal- mud, ce dernier mot désignait la pentecôte, Shavuot, Cf. M. Jastrow, A Dictionary of the Targumim etc. (1926), p. 1103.

Communautes juives des marges sahariennes du Maghreb-edite par M.Abitbol-1982

Le troisième rite relevé exclusivement chez les Juifs du Mzab a lieu 22 jours après la naissance d’un garçon et s’appelle sherot. Ce vocable désigne la légère incision verticale opérée par l’accoucheuse entre les sourcils du bébé avec le même rasoir dont elle s’était servie pour couper son cordon ombilical. Une autre incision lui est pratiquée sur la fesse gauche tandis que la mère reçoit une goutte de sang au-des­sous de la langue en vue de récupérer le sang qu’elle avait perdu lors de la naissance. La signification de ces gestes n’est pas très claire, mais il est permis de les rapprocher de la cherta — dont le sherot sus­nommé ne semble être qu’une variante — pratiquée par la confrérie marocaine des Nàsiriyyin à Tàmgrüt (W. Dra‘).Celle-ci consiste à marquer les descendants du fondateur, ainsi que les adeptes parvenus à un certain degré d’initiation, de 3 petites incisions verticales sur chaque tempe et de 4 autres sur le front, entre les sourcils. Afin de justifier cette innovation, considérée par les orthodoxes comme blâ­mable, son auteur prétendit qu’il l’avait instituée à l’imitation du Prophète qui avait donné à ses compagnons une marque spéciale pour les reconnaître au jour de la Résurrection. Quoiqu’il en soit, un rite analogue mais ne comportant pas l’incision, a été observé chez les femmes tangéroises: à l’occasion de la Nativité du Prophète, le Mawlid, elles tracent une raie bleue entre les sourcils de leurs petits enfants.

Cependant, l’essentiel de l’altérité mzabite, par rapport aux Juifs du Mzab aussi bien que face à l’orthodoxie mâlikite, ne nous semble pas tant résider dans telle ou telle particularité que dans la vision d’ensemble, englobant la foi, la morale, la finalité de l’homme et le rôle du Mzab dans les destinées de la secte ibàdite qui détermine le comportement du Mzabite tout au long de sa vie. On essaiera de la résumer par les quatre points suivants :

Religiosité: Dans la doctrine ibàdite, marquée de transcendance et de rationalisme mu’tazilite, il n’y a pas de place, ni pour le sufisme oriental, ni pour le maraboutisme maghrébin, ni pour le mes­sianisme.

L'ibadisme (arabe : الاباضية al-ibaḍīya) est l'école la plus ancienne en islam, elle a été fondée moins de 50 ans après la mort du prophète Mahomet.

L’ibadisme a été chassé par d'autres courants musulmans pour ses pensées politiques : selon les ibadites, le commandeur des croyants ne doit pas être nécessairement de la lignée de Mahomet, ni d'une certaine ethnie ou couleur.

Le nom de l'école dérive du nom : Abdullah ibn Abbas al-Tamimi. Cependant, les disciples de cette école revendiquent que Jabir ibn Zaid al-Azdi, originaire d'Oman, était leur vrai fondateur. Il fut parmi les meilleurs élèves d'Aïcha, la femme du prophète et d'Abdullah ibn Abbas, le cousin du prophète (et l'un des grands connaisseurs des principes islamiques après lui). L’école ibadite représente la vue islamique de la vie : principes, travail, égalité… Les ibadites, pendant toute leur histoire, ont développé les études islamiques et celles de la langue arabe. L'ibadisme est le courant dominant du sultanat d'Oman. Il est aussi présent dans certaines régions du Maghreb, notamment dans la région du Mzab en Algérie1 avec le Kharidjisme (dont est issu l'ibadisme), dans l'ile de Djerba en Tunisie, dans le Djebel Nefoussa en Libye , mais aussi en Afrique de l'Est, en Tanzanie à Zanzibar et au Kenya. 

 En conséquence, il n’y a au Mzab ni confréries, ni zàwiyas, ni tombeaux de saints de type mâlikite, sauf chez les Arabes agrégés. La vénération des ׳ancêtres se situe sur un autre plan.

Hamet, op. du, (v. n. 7), p. 289). A noter cependant un rite de mariage ibâdite qui sent le culte des saints: c’est le pèlerinage à la qubba du saint Sïdï Bü-Gedma au Mzab, où le jeune marié fait 7 fois le circuit de cet édi­fice en courant à toutes jambes.

Ces derniers — et cela vaut aussi bien pour les ‘azzâba vivants — ne sont pas censés être des intermédiaires entre Dieu et l’homme, ni des faiseurs de mi­racles; les réunions placées sous leur signe visent à honorer leur mé­moire plutôt qu’à solliciter leurs faveurs, tandis que les offrandes que l’on y apporte ne sont pas destinées à de prétendus détenteurs de baraka, mais aux participants et aux nécessiteux, afin de renforcer la solidarité du groupe et d’augmenter le crédit du donateur auprès de Dieu, parce que “Dieu aimes les bienfaiteurs” (Cor. II. 195). De même, l'ibàdite n’aspire pas à pénétrer l’ultime mystère divin, ni à substituer l’union extatique avec L’Unique Bien-aimé, aux délices du Paradis promis par le Coran. La foi du Juif maghrébin, par contre, y compris dans une certaine mesure, celle des Juifs du Mzab, comporte un im­portant élément mystique. Le Juif voue à ses saints un culte tout aussi fervent que les Mâlikites aux leurs, célèbre la H'îîloula de Rabbi Siméon bar Yohaï, ' vénère le livre du Zohar presqu’à l’égal de la Bible et du Talmud, fait précéder de lectures cabbalistiques sa liturgie quotidienne, croit à leur pouvoir prophylactique contre les forces démoniaques cherchant à le perdre; son âme est toujours confrontée au drame cosmique de la lutte entre les forces du Bien et du Mal, tandis que les destinées du monde se confondent pour lui avec celles du peuple juif, l’aliénation de Dieu signifiant L'Exil, et l’accession à l’Infini (,Ain-Sof) — la Rédemption messianique.     

            Appelé à Ghardaïa Bishemaoon. Briggs, p. 73, qui l’explique comme une contraction des mots Rabbi Shemaoon, c’est-à-dire ‘Simon’. Le contexte ne laisse pas de doute qu’il s’agit d’une forme locale bien modeste, voire pique-niquesque, de la fameuse Hilloula du sage et thaumaturge Shimeon bar Yohaï, puisque selon l’auteur elle a eu lieu le 22 Mai 1962, c’est-à- dire, le 18 Iyyar du calendrier juif, date traditionnelle de la fête de Lag Ba‘omer et dudit pèlerinage.

            Un exemplaire du Zohar était placé dans l’arche de la synagogue de Ghar­daïa, à côté des rouleaux de la Torah et de la Megillat Esther, et fut déroulé devant Chevrillon (op. dt., p. 119) lors de sa visite au mellâh.

Communautes juives des marges sahariennes du Maghreb-edite par M.Abitbol-1982-page107-110

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