Contes popu.-Juifs du Maroc


"Ne te fie pas a un goy "- Contes populaires-Juifs du Maroc – Dov Noy

"NE TE FIE PAS A UN GOY"

Le proverbe dit: "Ne te fie pas à un Goy, même s'il est dans sa tombe depuis 40 ans". Tout le monde connaît ce proverbe au­jourd'hui. Mais qui connaît son origine? Si vous voulez bien écouter, je vous en raconterai l'histoire.

Au Maroc, il y avait un rabbin célèbre, qui allait de village en village pour enseigner la Tora. Un jour, il était attendu dans un village et il n'arriva pas à l'heure prévue. C'était la veille du Sabbat et le rabbin avait dans sa valise de l'argent. Il se de­manda alors que faire pour ne pas profaner le Sabbat. Il con­tinua à marcher et s'approcha du village. Il passa devant un cimetière arabe. Il alla vers une tombe, creusa une petite ou­verture et y mit son argent. Le coeur joyeux, le rabbin se rendit au village, où il fut reçu avec beaucoup d'honneur par les Juifs de l'endroit.

La nuit, un Musulman du village rêva que son père lui de­manda de venir visiter sa tombe. "Car, lui dit-il, une grande somme d'argent s'y trouve". L'homme se dit que ce rêve était dénué de sens, mais la même nuit son père lui apparut encore deux fois en rêve et alors l'homme était persuadé qu'une vérité lui avait été communiquée. Il s’empara d'une pelle et se rendit sur la tombe de son père. Là, il se mit à creuser jusqu'à ce qu'il découvrît l'argent. Il s'en empara et rentra chez lui.

Dimanche, de grand matin, le rabbin prit congé de la commu­nauté et se mit en route. Il alla à l'endroit où il avait caché son argent et s'aperçut que celui-ci n'y était plus.

Depuis ce jour, le rabbin, chaque fois qu'il arriva dans une communauté juive, avait l'habitude de dire: "Ne te fie pas à un Goy, même s'il est dans sa tombe depuis 40 ans".

Avraham (Albert) Allouche (narrateur; textes Nos. 1 à 12): Est né à Mogador, ville portuaire, en 1918. Sa mère était la fille d'un cordon­nier qui avait sa boutique au marché arabe. Son père était mar­chand de fruits.

Yaacov Avitsouc (enregisteur; textes Nos. 1 à 23) : est né en 1924, à Vasloui (Roumanie), sixième enfant de David et Rahel Itzkovits, qui eurent, en tout, neuf enfants. Le père de Yaacov était tapissier. L'enfant fut élevé au Hêder et dans une école juive dont le programme accordait une place modeste à l'enseignement de l'hébreu. La famille Itzkovits était pratiquante et Yaacov fut membre des mouvements sionistes Gordonia et Bousliya; il fit sa hakhchara avant de venir en Erets-Israël. Durant la Deuxième Guerre, il travailla dans des camps de travaux.

Contes populaires-Juifs du Marocl- Dr Dov Noy -DJOUHA OUVRE UN MAGASIN

contes populaires


DJOUHA OUVRE UN MAGASIN

Lorsque Djouha atteignit l'âge mûr, il voulut prendre femme. Un jour, il dit à ses parents: "Je veux me marier".

Ils lui répondirent: "Ouvre un magasin et si tu nous prouves que tu es capable de gagner de l'argent, nous te trouverons une femme".

Djouha alla au marché des bouchers et y chercha un magasin vide. Avec beaucoup de peine, il découvrit un dépôt vide et en mauvais état. A l'entrée du dépôt, il écrivit en lettres immenses:

"Vente de viande".

Plusieurs jours passèrent et Djouha n'a pas de viande à vendre, car il est sans le sou. Mais un jour, un Arabe lui offrit une vache qui avait de la peine à se tenir debout. Il l'acheta, la fit abattre et étala la viande dans son dépôt. Djouha attend l'arrivée des clients, mais personne ne vient.

Toute la semaine durant, Djouha voit ses voisins, propriétaires de boucherie vendre de la viande belle et bonne. Lui seul ne vend rien. Vient jeudi, vient vendredi et tous vendent presque toute la viande qu'ils ont. Mais dans son magasin, à lui, personne n'entre pour acheter de la viande.

Et voici venir vendredi et le Sabbat approche à grands pas. Tous les marchands ont déjà fermé leurs boutiques. Seul Djouha est toujours là à attendre des clients. Soudain, il voit une meute de chiens devant son magasin. Il s'adresse à eux et leur demande : "Que désirez-vous?" Tous les chiens se mettent à aboyer et Djouha comprend qu'ils veulent de la viande. "Est-ce que vous me payerez le prix?"

"Hao, hao", aboient les chiens. Djouha croit que les chiens lui répondent: "Oui, oui", et il coupe des morceaux de viande et les jette aux chiens.

En voulez-vous encore? Hao, Hao.

Djouha jette aux chiens des morceaux de viande, jusqu'à ce qu'il ne lui en reste plus, jusqu'à ce que toute la vache ait dis­paru.

A la maison, ses parents l'attendent. Us lui demandent: "As- tu tout vendu?"

  • Oui, répond Djouha joyeusement.
  • Et où est l'argent?
  • On me payera une autre fois. Et il se mit à raconter à ses parents comment il a distribué la viande aux chiens. Et il ajoute: "Il y en a un qui n'a qu'un oeil. C'est lui qui payera pour tous les autres car il a aboyé plus fort que les autres".

La semaine suivante, Djouha est de nouveau dans sa boutique à attendre des clients, mais personne ne passa le seuil de son magasin. Par contre les chiens font leur apparition et, à leur tête se trouve celui qui n'a qu'un oeil. Toute la meute s'installe devant la boutique de Djouha et, ensemble, les chiens se mettent à aboyer sur un ton plaintif: "Hao, hao".

  • Où est l'argent? demande Djouha.

En guise de réponse, les chiens se mettent à aboyer en choeur: "Hao, hao, hao!"

Mais moi, je veux de l'argent! crie Djouha, qui est très fâché. Quand les chiens s'aperçurent que l'homme est fâché contre eux, ils déguerpirent. Djouha se met à courir après eux. Les chiens s'enfuient et lui, se lance à leur poursuite. Ou plutôt, il court après le chien qui n'a qu'un oeil. Celui-ci entre dans une cour et disparaît. Djouha entre à son tour dans la cour. Là, il voit, installé devant la porte de la maison, un Arabe costaud et de haute taille qui, lui aussi, n'a qu'un oeil.

"Qu'est-ce que tu veux?" demande le borgne à Djouha.

"Je veux que tu me paies le prix de la viande!"

"Quelle viande?"

"Celle que tu as prise chez moi, toi et tous les chiens!"

"Moi, j'ai pris ta viande? Moi et les chiens?" L'Arabe se met en colère et administre des coups à Djouha qui s'enfuit, heureux d'avoir la vie sauve.

Djouha rentre chez lui où ses parents l'attendent dans l'espoir qu'il leur remettrait l'argent nécessaire pour payer les frais du mariage. Ils lui demandent: "Où est l'argent?"

"Je n'en ai point reçu". "Où est la viande?" "On l'a mangée." "Où as-tu été?"

"Recevoir des coups parce que j'ai donné la viande sans argent". Lorqu'il eut prononcé ces paroles, Djouha tomba par terre et resta étalé, inconscient.

COMMENT DJOUHA A TROUVE UN HEROS JUIF

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COMMENT DJOUHA A TROUVE UN HEROS JUIF

Dans une ville vivait un Arabe très fort du nom de Djouha et personne ne pouvait le vaincre. Un jour, on lui dit: "A Marra­kech il y a un Juif plus fort que toi".

L'Arabe était hors de lui et il décida d'aller à Marrakech. Là, il rencontra un Juif et il lui demanda: "Dis-moi, sais-tu où habite le Juif qui est tellement fort?"

Le Juif lui répondit: "Oui, je le sais."

Djouha lui demanda: "Si je te donne de l'argent, me condui­ras-tu chez cet homme fort?"

Le Juif répondit: "D'accord, je t'y conduirai. Mais je ne peux pas quitter ce mur. Si je m'en vais, il tombera. Appuie-toi contre le mur jusqu'à ce que je revienne avec l'homme fort que tu veux voir."

Le Juif s'en alla et ne revint plus. Djouha ne quitta pas l'en­droit. Il attend et attend jusqu'à ce qu'un Arabe passât par là, par hasard. Djouha lui demande: "Sais-tu où habite le Juif qui est tellement fort?"

L'Arabe répondit: "Oui, je sais, mais pourquoi t'appuies-tu contre le mur?"

"Un Juif m'a dit de le soutenir, pour qu'il ne tombe pas."

L'Arabe se mit à rire et dit à Djouha: "Ce Juif s'est moqué de toi. L'homme fort, c'est lui en personne."

Djouha s'en alla, furieux. Il arriva au soukh et là il demanda à tous ceux qu'il rencontra: "Avez-vous vu l'homme fort juif?"

Un Juif qui se trouvait là par hasard lui dit: "Viens que je t'explique où il habite. Prends la pelote de ficelle que voici. Moi, je me mettrai en route avec le bout de la ficelle et toi tu tiendras la pelote. Lorsqu'elle sera complètement déroulée, tu sauras que je me trouve à l'endroit où habite le Juif que tu cherches."

Djouha prit la pelote entre ses mains et le Juif se mit en route. Il avança et avança jusqu'à ce qu'il eût disparu tandis que Djouha resta immobile sur place.

Un Arabe qui passait par là demanda à Djouha: "Pourquoi restes-tu là, debout et immobile?"

"Je cherche le Juif fort pour le rosser, car il s'est moqué de moi ce matin."

"Et que tiens-tu dans les mains?"

"Le reste de la pelote", répondit Djouha. "Lorsqu'elle sera complètement déroulée je saurai où habite le Juif. Qu'est-ce qu'il va prendre, le pauvre".

L'Arabe se mit à rire et dit: "Celui qui t'a donné la pelote n'était autre que l'homme fort que tu cherches. Il s'est encore moqué de toi."

  • Les deux se mirent en route et suivirent le fil; finalement ils arrivèrent près du Juif, qui était effectivement l'homme fort que Djouha avait tant cherché. Celui-ci n'avait plus aucune envie de se battre avec le Juif et il se réconcilia avec lui. Les deux hommes forts, l'Arabe et le Juif, devinrent de bons amis et en­semble, ils donnèrent des représentations et amusèrent les foules.
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  • Yaacov Avitsouc (enregisteur; textes Nos. 1 à 23) : est né en 1924, à Vasloui (Roumanie), sixième enfant de David et Rahel Itzkovits, qui eurent, en tout, neuf enfants. Le père de Yaacov était tapissier. L'enfant fut élevé au Hêder et dans une école juive dont le programme accordait une place modeste à l'enseignement de l'hébreu. La famille Itzkovits était pratiquante et Yaacov fut membre des mouvements sionistes Gordonia et Bousliya; il fit sa hakhchara avant de venir en Erets-Israël. Durant la Deuxième Guerre, il travailla dans des camps de travaux forcés hitlériens.
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Avraham (Albert) Allouche (narrateur; textes Nos. 1 à 12): Est né à Mogador, ville portuaire, en 1918. Sa mère était la fille d'un cordon­nier qui avait sa boutique au marché arabe. Son père était mar­chand de fruits

 

Histoire de la fille du Roi qui voulait tout savoir

contes populaires

12.

Comment Djouha acheta de l'huile

Un jour, la mère de Djouha demanda à celui-ci d'acheter de l'huile et elle lui remit une bouteille.

Djouha entra dans le magasin et le vendeur lui remplit la bouteille d'huile׳. Et il resta un peu d'huile car la bouteille était trop petite pour contenir toute la mesure. "Que feras-tu avec le reste ?" demanda le vendeur à Djouha.

"Verse ici", répondit Djouha et il renversa la bouteille de sorte que le fond fût en haut. Dans le fond de la bouteille il y avait un évidement et c'est là que Djouha demanda au vendeur de verser le reste. En tenant la bouteille dans la position renversée, Djouha prit le chemin du retour. En route, l'huile s'écoula et il ne resta plus rien dans la bouteille. Lorsque Djouha fut de retour, sa mère lui demanda: "C'est là toute l'huile que tu m'apportes?"

"Non", répondit Djouha, "de ce côté aussi il y en a". Et il remit la bouteille dans sa position normale. Et c'est ainsi que toute l'huile fut perdue.

13.

Histoire de la fille du Roi qui voulait tout savoir

Il était une fois un roi très riche — l'homme le plus riche du monde. Il avait une fille qui voulait tout savoir, tout ce qu'il était possible d'apprendre par l'étude. Elle s'imaginait que per­sonne dans le monde entier n'était aussi intelligent qu'elle. Un jour elle apprit qu'il y avait un vieux, qui savait lire dans les étoiles. Cela la déprima et elle se mit à pleurer. Son père, alarmé par ses sanglots, entra dans sa chambre et lui demanda: "Qu'as tu, ma fille, pour pleurer ainsi?"

"Il est un homme qui sait des choses que j'ignore. Je veux qu'il vienne pour m'enseigner son savoir".

On attela le carrosse d'or du roi et des émissaires se mirent en route pour chercher le vieux qui savait lire dans les étoiles. Le vieux les vit venir de loin et il se demanda: "Pourquoi viennent- ils chez moi?"

"Ne crains rien, le roi ne te fera aucun mal", dirent les émis­saires au vieux lorsqu'ils arrivèrent chez lui.

Le vieux arriva au château où on lui dit: "Nous avons appris que tu sais lire dans les étoiles. Nous voulons que tu enseignes ton art à la fille du roi et en récompense, tu recevras le tiers du royaume".

Le vieux était d'accord, mais posa une condition: "J'enseigne­rai tout ce que je sais à la fille du roi, à condition que personne ne vienne dans la chambre quand je lui donnerai des leçons".

Cette condition fut acceptée et le vieux s'isola avec la fille du roi dans une chambre et lui enseigna tout ce qu'il savait sur les étoiles. La fille du roi était contente et heureuse d'avoir acquis de nouvelles connaissances. Le vieux reçut le tiers du royaume et une grande somme d'argent et rentra dans sa ville. Après un certain temps, la fille du roi apprit que son vieux professeur connaissait l'endroit où se trouvait la montagne d'or. A part cela, on lui annonça que le vieux savait comment ouvrir et fermer la montagne et qu'il était en son pouvoir de disposer à sa guise de l'or qui s'y trouvait. Cela aussi déprima la fille du roi et elle se mit à pleurer. Et le roi alarmé par les soupirs de sa fille, entra dans sa chambre et lui demanda: "Que t'arrive-t-il, ma fille, pour pleurer ainsi?"

"Le vieux, qui était mon professeur, sait où se trouve la mon­tagne d'or et il sait aussi comment l'ouvrir et comment la fermer. Je veux qu'il m'enseigne cela", répondit la fille du roi.

Et de nouveau on attela le carrosse d'or du roi et on amena le vieux au château.

"Montre à ma fille l'endroit où se trouve la montagne d'or et apprends-lui comment faire pour l'ouvrir et pour la fermer!", or­donna le roi. Et il ajouta: "Comme salaire, tu recevras un tiers du royaume".

Le vieux se déclara d'accord, mais comme la première fois il posa une condition: "J'enseignerai à ta fille ce qu'elle désire savoir, à condition que personne ne se trouve avec nous dans la chambre, a l'heure où je lui donne une leçon".

Le roi accepta la condition et de nouveau le vieux et la jeune fille restèrent seuls dans la chambre. Au milieu de la nuit, exacte­ment minuit, le vieux dit la jeune fille: "Viens, je vais te conduire à la montagne".

Les deux se mirent en route dans l'obscurité et arrivèrent au but, à l'heure fixée. Le vieux prononça la formule qui ouvre la montagne à minuit et la referme à minuit et demi. La montagne s'ouvrit et les deux pénétrèrent à l'intérieur. Le vieux montra à la fille du roi l'or qui s'y trouvait et l'avertit: "A minuit et demi exactement, tu dois sortir d'ici. Si tu restes, la montagne se refermera sur toi".

Au bout d'une demi-heure, les deux sortirent de l'intérieur de la montagne et rentrèrent au château. Le vieux reçut le deuxième tiers du royaume et des pierres précieuses et rentra chez lui.

La nuit d'après, à minuit, la fille du roi se rendit seule à la montagne. Elle répéta la formule que le vieux lui avait apprise et entra à l'intérieur et elle revit tous les trésors qu'elle avait aperçus la nuit d'avant. Enivrée par la vue de toutes ces richesses, la fille du roi perdit la notion du temps. A minuit et demi elle se rappela qu'elle devait sortir, mais déjà la montagne se referma sur elle.

Le lendemain matin on entendit, venant de l'intérieur de la montagne, des cris: "Sauvez-moi, sauvez-moi!" Le roi se rendit à l'endroit et constata que la voix était celle de sa fille. Il donna ordre d'armer tous ses soldats de pelles et de pioches pour qu'ils creusent une ouverture dans la montagne de manière à ce que sa fille puisse être sauvée. Les soldats se mirent immédiatement au travail mais ils n'avancèrent pas car leurs outils se brisèrent entre leurs mains. Le roi les exhorta à redoubler d'efforts: "En avant: délivrez ma fille!" s'écria-t-il. Mais il se rendit bientôt compte que tous les efforts de ses soldats étaient vains. Les outils se cassèrent, car la montagne était faite de pierre, d'une pierre très dure.

Soudain, le roi se rappela l'existence du vieux et il fit immédiatement atteler le carrosse d'or pour l'amener. Les émissaires arivèrent à la maison du vieux et là, ils apprirent qu'il était mort. Les émissaires rentrèrent immédiatement et annoncèrent au roi: "Le vieux est mort".

Très ému, le roi se mit à pleurer et s'écria: "J'ai donné deux tiers de mon royaume pour que ma fille trouve la mort dans cette montagne".

Pendant de longs mois le roi porta le deuil de sa fille.

Et les vieux disent que tous les cent ans, on entend, la nuit, l'âme de la fille du roi qui s'écrie de l'intérieur de la montagne: "Sauvez-moi! Sauvez-moi!".

Contes populaires- Dr Dov Noy-L'enfant au nom bizarre et le Roi Salomon

contes populaires

 

L'ENFANT AU NOM BIZARRE ET LE ROI SALOMON

Il était une fois deux marchands très riches qui achetaient et vendaient de la marchandise l'un à l'autre, mais qui ne s'étaient jamais rencontrés. Un jour, l'un d'eux décida de rendre visite à l'homme avec lequel il entretenait des relations commerciales afin de faire sa connaissance. Il prit congé de sa famille et s’em­barqua sur un grand bateau.

Lorsqu'il arriva chez le marchand, il lui dit: "Depuis long­temps je fais des affaires avec toi, mais je n'ai jamais vu ton visage et tu ne me connais pas. J'ai donc décidé de venir chez toi pour faire ta connaissance".

Le deuxième marchand était très content et lui fit cette pro­position: "Pourquoi acheter de temps en temps de petites quan­tités de marchandises? Maintenant, tu as l'occasion de prendre avec toi une grande quantité de marchandises. Gela m'évitera de te faire périodiquement des expéditions selon tes commandes". Ceci dit, le marchand invita son hôte à passer quelques jours dans sa maison.

Le visiteur tomba amoureux de la fenune du marchand et se dit: "Que puis je faire pour obtenir ses faveurs?" Un jour, il proposa a l'homme qui l'avait recu dans sa maison à rentrer avec lui et à être son hote. L'autre était d'accord et les deux mar­chands .s’embarquèrent sur le même bateau. Au milieu du voyage, le marchand qui renlrait chez lui dit a son ami: "Ta dernière heure a sonné; je te jetterai à la mer pour quetu périsses". L'autre le supplia de le laisser en vie, mais en vain. Lorsqu'il se rendit compte que l'autre était décidé de le tuer, il dit: "Si je ne puis échapper à la mort, je te prie de m'accorder une faveur: Dis a ma femme qu'elle donne à l'enfant qu'elle va mettre au monde le nom de 'Serviteur de la vérité'."

Le marchand jeta son ami à la mer et retourna dans la maison de celui-ci.

"Où est mon mari?" demanda la maîtresse de la maison. "Où est-il allé et pourquoi n'est-il pas revenu?"

"Il a pris un bateau et n'est pas encore revenu".

"Peut-être s'est-il noyé en mer", dit la femme.

Pendant plusieurs semaines, elle attendait le retour de son mari, mais celui-ci ne revint pas. Un jour, le marchand se rendit chez elle et lui dit: "Ton mari n'est pas revenu. Viens avec moi. Nous vivrons ensemble et tu auras beaucoup d'argent."

La femme accepta la proposition du marchand et lorsqu'elle allait donner naissance à son enfant, l'homme lui dit: "Donne à ton enfant le nom de 'Serviteur de la Vérité'. Ton mari défunt m'a dit un jour qu'il voudrait que son fils porte ce nom". Et elle donna effectivement ce nom à l'enfant.

Lorsque l'enfant avait dix ans, ses camarades l'appelèrent de son nom pendant qu'il jouait dans la rue, et par hasard le roi Salomon vint à passer. Lorsqu'il entendit ce nom étrange, il ap­pela l'enfant et lui demanda: "Pourquoi portes-tu ce nom?"

L'enfant répondit: "Demande à ma mère, c'est elle qui me l'a donné".

Le roi Salomon prit l'enfant par la main et alla avec lui chez la mère. Il lui demanda: "Pourquoi as-tu donné à ton fils le nom de 'Serviteur de la Vérité'?"

La femme répondit: "C'est mon premier mari qui a donné ce nom à notre fils. L'homme avec lequel je vis maintenant, m'a transmis ce désir de mon premier mari. Lui et mon mari actuel étaient de bons amis".

Le roi Salomon se rendit compte que le premier mari de la femme avait fait preuve de beaucoup de sagesse et d'intelligence et que ce nom trahissait un secret et il comprit que le mari actuel de la femme avait tué son premier mari. Il fit venir l'homme dans son château et lui ordonna de lui raconter toute la vérité. Le roi lui dit: "Si tu ne racontes pas toute la vérité, je donnerai ordre de t'exécuter, mais si tu dis la vérité, je te permettrai de continuer à vivre avec ta femme".

L'homme avoua son crime et dit au roi qu'il avait tué son ami, parce qu'il était tombé amoureux de la femme de celui-ci. Le roi dit à l'homme. "Apporte ici tout l'or et tout l'argent que tu possèdes".

L'homme apporta toutes ses richesses et les remit au roi qui les donna à la femme du marchand assassin et à son fils. Après, il fit exécuter l'assassin, car il n'y a pas de pitié pour les meur­triers et pour leur donner la punition qu'ils méritent il est même permis de ne pas tenir une promesse.

La femme et son fils, 'Serviteur de la Vérité', connurent encore de nombreuses années de paix et de bonheur.

Narrateur Chlomo Allouche

Chlomo Allouche (narrateur; textes Nos 13 à 15) : Né en 1945, à Fez où il était élève d'un Héder. Sa famille s'est établie en Israël en 1955 à Kiryath Malahi. C'est là que Chlomo a fréquenté l'école primaire, puis il a continué ses études au Centre de jeunes de Kiryath Gath. Il exerce aujourd'hui la profession de conducteur de tracteur et puis­qu'il est le fils aîné, Chlomo contribue une partie de son salaire au budget familial. La famille Allouche comprend neuf âmes, dont la grand-mère de Chlomo, âgée d'environ 100 ans. C'est cette grand- mère, Sara, qui a raconté à Chlomo la grande majorité des his­toires qu'il connaît. Ses nombreux petits-enfants, viennent la visi­ter souvent pour lui demander de leur raconter les histoires qu'ils aiment tant. Grand-mère Sara ne sait ni lire, ni écrire, et c'est pendant son enfance, à Fez, qu'elle a entendu tous les contes et lé­gendes qu'elle connaît. A la maison, la famille Allouche parle l'hé­breu (et c'est en hébreu que Chlomo a raconté ses histoires à Yaacov Avitsouc), mais avec leur mère et leur grand-mère, les enfants parlent l'arabe marocain.

 

Contes populaires racontes par ls juifd du Maroc-Dr Dov Noy-Histoire de trois enfants

contes-populairesHistoire de trois enfants

David Assouline -narrateur

Il était une fois un roi riche et prestigieux. Un jour, on lui rapporta qu'une femme, qui vivait dans son pays, avait mis au monde des trumeaux. Il se mit dans une colère terrible et s'écria: "Je ne veux pas de trumeaux dans mon pays!"

Il fit appeler l'un de ses esclaves et lui dit: "Prends un cou­teau bien aiguisé et tue les trois enfants. Tu mettras les trois cadavres dans un drap, puis tu déposeras le tout dans une tombe ouverte. Là, tu attendras ma venue. Puis tu fermeras la tombe"

L'esclave, qui avait bon coeur, se rendit chez la mère des enfants et lui dit: "Sache. que le roi a ordonné de tuer tes enfants".

La mère le supplia: "Prends trois de mes moutons et mets-les dans un drap blanc près de la tombe et si le roi te donne l'ordre de les enterrer, exécute son ordre en sa présence."

L'esclave liésita: "Et que ferai-je, si le roi découvre que je l'ai trompé? Il donnera immédiatement l'ordre de me couper la tête". Mais la mère réussit A le convaincre et il fit ce qu'elle lui avait demandé.

Lorsque l'esclave informa le roi qu'il avait exécuté son ordre, celui-ci le crut et lui dit: "Va enterrer les cadavres".

L'esclave enterra les trois moutons et, heureux, alla informer la mère des trois enfants que le stratagème avait réussi. La femme se rendit immédiatement chez le menuisier et lui dit: "Fais-moi une caisse qui puisse contenir trois années de nourriture pour trois enfants. Je veux mettre cette caisse à la mer; elle doit donc être forte et imperméable à l'eau. J'ai grand besoin de cette caisse. Si tu la fais de suite, tu auras double salaire".

Le menuisier accepta la commande et pour terminer son travail plus vite, il fit appel au concours de plusieurs autres menuisiers.

Quand la caisse fut terminée, la femme y mit les enfants et la nourriture et la confia à la mer. Les vagues emportèrent la caisse et les enfants se mirent à manger la nourriture et gran­dirent.

Quand les enfants eurent atteint l'âge de trois ans, ils consta­tèrent que les réserves de vivres étaient épuisées. Ils décidèrent de se frayer un chemin vers l'extérieur. Heureusement, la caisse se trouvait tout près de la côte au moment où ils gagnèrent leur liberté. Ils coururent donc tout droit vers la plage et se chauffè­rent au soleil. L'un des enfants se leva et dit: "Je vais voir si je peux trouver quelque chose à manger". L'enfant se mit en route et après un certain temps, il vit une jeune fille assise dans une grotte. Il lui demanda: "Pourquoi es-tu assise à cet endroit som­bre? Va et sors vers la lumière du monde".

La jeune fille répondit: "Je suis assise ici parce qu'il n'y a pas de jeune fille qui veuille me remplacer. Chaque année, mon père, le roi, doit sacrifier une jeune fille au lion et s'il ne le fait pas, le lion dévorera tous les habitants de la ville. Cette année le choix est tombé sur moi".

Lorsque l'enfant entendit cela, il fut très étonné. Il demanda à la jeune fille: "Pour quelle raison devez-vous chaque année faire le sacrifice d'êtres humains? J'essayerai de faire quelque chose". Puis il demanda: "Quand viendra le lion?"

"A minuit", répondit la jeune fille.

L'enfant retourna chez ses deux frères et en route, il cueillit des figues et des dattes. Il les partagea avec ses frères, mais ne leur dit rien au sujet de la jeune fille et de ce qu'elle lui avait dit.

Le soleil se coucha et la nuit vint. Les enfants n'ont pas de couverture. Comment les protéger du froid de la nuit? L'enfant qui avait vu la jeune fille leur dit: "Je vais chercher quelque chose pour nous couvrir. Peut-ctre trouverai-je une maison où nous pourrons habiter tous les trois".

Les deux frères étaient d'accord: "Va et essaye de faire quelque chose. Peut-être réussiras-tu, comme tu as déjà réussi à nous trou­ver à manger".

L'enfant alla tout droit vers la jeune fille et lui dit: "Cette nuit, je vais tuer cette bête sauvage". Puis il prit son couteau, l'enfonça dans son pouce gauche, mit du sel sur la blessure pour qu'il ne s'endorme pas et reste éveillé toute la nuit. Et tout le temps, il rassure la jeune fille en disant: "Quand viendra le lion, je le tuerai avec l'aide de Dieu".

A minuit, l'enfant entendit le rugissement du lion. Lorsque la bête sauvage s'approcha, l'enfant lui barra la route: "Pourquoi veux-tu dévorer cette jeune fille?"

En entendant la question, la bête sortit immédiatement l'épée du fourreau pour en transpercer l'enfant. Mais celui-ci esquiva le coup et le lion trébucha et tomba. L'enfant s’empara de l'épée et l'enfonça dans le coeur du lion.

En voyant cela, la jeune fille, au comble de la joie, rentra chez elle au château du roi. Lorsque celui-ci vit sa fille, vivante et en bonne santé, il fut très étonné. "Par quel miracle es-tu parvenue à rentrer à la maison?"

Et la jeune fille raconta à son père ce qui était arrivé.

"Où est ce garçon, qui a fait preuve de tant de courage?" de­manda le roi.

"Je n'ai même pas eu le temps de lui demander où il habitait", répondit la jeune fille.

Le roi fit alors transmettre à tous les habitants de son pays ce message: "Celui qui a fait preuve de courage extraordinaire et a tué la bête sauvage, obtiendra la main de ma fille et sera l'héritier du trône".

De nombreux hommes se présentèrent et déclarèrent qu'ils avaient sauvé la jeune ,fille. Mais le roi les présenta à sa fille et celle-ci déclara: "Non, ce n'est pas celui-ci, ni celui-là. Aucun de ces hommes n'a tué le lion."

Le roi fit alors défiler tous les habitants de sa ville devant sa fille, mais celle-ci les renvoya tous. Le roi demanda alors: "Est-ce qu'il n'y a plus d'hommes dans notre ville?"

On lui répondit: "Non, il ne reste plus que trois enfants, aban­donnés au bord de la mer."

La jeune fille dit alors à son père, le roi: "Fais les venir. Peut- être l'un d'eux a tué le lion."

On amena les trois enfants devant le roi. La jeune fille re­connut immédiatement le petit héros: "C'est lui, s'écria-t-elle, c'est lui!"

Le roi ordonna de donner aux enfants à boire et à manger. Il nomma l'un d'eux Ministre des Finances, au deuxième il con­féra le titre de prince et l'enfant qui avait tué le lion, il le mit sur le trône de son empire.

De nombreuses années passèrent. Un jour, une femme âgée vint trouver le roi et lui dit: "J'avais trois enfants et je les ai confiés aux vagues de la mer, parce que le roi qui t'a précédé, avait donné l'ordre à l'un de ses serviteurs de les tuer tous. J'ai imploré le serviteur d'avoir pitié d'eux et de moi et de tuer trois moutons à la place des enfants. Aujourd'hui, mes filles ne veu­lent pas travailler et leurs maris les ont renvoyées et moi, je suis sans revenus."

Les enfants reconnurent immédiatement leur mère, mais ils ne le lui dirent point, de peur que le bonheur subit ne lui cause une émotion trop forte et entraîne sa mort. Ils lui dirent: "Dans neuf jours, nous ferons un procès à tes filles et à leurs maris. En atten­dant, installe-toi au château comme si c'était ta maison."

Les trois frères profitèrent de chaque occasion pour s'entretenir avec leur mère et lui demandèrent des détails sur ses trois enfants disparus. C'est ainsi qu'ils apprirent que chacun des trois enfants portait une marque sur son corps — l'un en avait une sur le front, l'autre sur la poitrine et le troisième sur le cou. Les trois frères se firent alors connaître à leur mère et lui montrèrent les marques.

La joie de la mère fut immense. Elle n'avait pas seulement retrouvé ses enfants, mais elle était aussi une femme honorée, à présent que ses trois fils remplissaient de hautes fonctions et que l'un d'eux était installé sur le trône.

Les trois frères firent alors installer leur mère, leur père et leurs soeurs dans une magnifique maison située dans la cour du châ­teau et tous vécurent heureux jusqu'à leur mort.

L'avare mechant et l’emissaire d'Erets-Israel -Contes populaires Racontes par des juifs du Maroc

Dispertion et unite – בתפוצות הגולה

Contes populaires

Racontes par des juifs du Maroc

Publie et annotes par

Dr Dov Noy

Jerusalem 1965

L'AVARE MECHANT ET L'EMISSAIRE D'ERETS-ISRAEL

Chlomo Weizmann  narrateur

Dans une ville du Maroc vivait un Juif très riche et très méchant. Il ne permettait pas aux mendiants et aux pauvres de venir dans sa maison et pour être sûr de ne pas être dérangé, il se fit cons­truire une maison en dehors de la ville. Mais il n'était point satisfait de cela. Il fit entourer sa maison d'un mur élevé et l'uni­que porte qui donnait accès à son domaine était gardée par des chiens, méchants comme leur maître, qui mordaient sans pitié tous ceux qui s'approchaient de la maison. A part cela, il fit pla­cer devant le mur deux esclaves noirs, qui ne laissaient entrer dans la maison que les personnes que leur maître désirait voir. Les Juifs de l'endroit disaient, à propos de cet homme riche: "Depuis Aman, le méchant, il n'y a pas eu d'homme aussi mau­vais que celui-ci; mais Aman n'était pas Juif, tandis que cet hom­me fait partie de notre communauté …"

Un jour, un grand sage arriva dans la ville, un émissaire qui allait de ville en ville pour ramasser de l'argent pour les érudits qui, en Erets-Israël, consacrent toute leur vie à l'étude de la Tora. Le sage avait appris que dans cette ville vivait un Juif très riche, mais la somme d'argent qu'il parvint à réunir était petite et lors­qu'il s'en étonna, les habitants de la ville lui dirent: "Il y a parmi nous, en effet, un Juif très riche, mais sa maison est entourée d'un mur et des chiens et des esclaves noirs en défendent l'accès pour que leur maître ne soit pas obligé de contribuer aux bonnes oeuvres."

Le sage demanda: "Quel est le nom de cet homme?" Et lors­qu'on lui communiqua le nom, une voix du ciel lui dit que ce Juif était condamné à mourir bientôt et que seul lui, le sage, avait le pouvoir de le sauver.

Le sage ne communiqua rien de tout cela aux gens de la ville et se mit en route vers la maison du méchant homme. Avec l'aide de son pouvoir magique, le sage arriva en quelques secondes à l'endroit voulu, mais il s'aperçut, qu'à côté de lui, un serpent géant avançait, lui aussi, en direction de la maison et il se rendit même compte que l'animal faisait de grands efforts pour arriver avant lui.

Que fait le sage? Il prononce une formule sacrée et le serpent s'étale dans l'oued comme s'il était mort, incapable de faire le moindre mouvement.

L'émissaire d'Israël arrive devant l'entrée de la maison de l'hom­me méchant et les esclaves noirs essayent de le renvoyer. Le sage leur dit: "Je ne veux poser qu'une seule question au propriétaire de cette maison." Mais les gardiens ne veulent rien entendre. Le sage prononce de nouveau la formule sacrée et, en un clin d'oeil, il se trouve à l'intérieur de la maison sans que les chiens s'en soient aperçus.

L'homme riche voit subitement le sage planté devant lui, au milieu de la chambre, et il s'écrie: "Comment as-tu réussi à par­venir jusqu'ici, avec tes habits usés et sales?" Et il appelle ses chiens pour qu'ils le débarrassent de son hôte. Mais le vieillard s'asseoit sur le parquet de la chambre et ne bouge pas. Il est indifférent à ce qui se passe autour de lui et les chiens n'entendent pas l'appel de leur maitre et restent où ils sont. Le richard se rend compte de son impuissance. Fatigué de crier, il laisse son hôte dans la chambre sans lui accorder aucune attention.

Vers la fin de l'après-midi le sage sortit de sa poche un livre de prières et se mit à réciter la prière de Minha, tandis que les serviteurs de l'homme riche se mirent à dresser la table pour le dîner. Puis le maître de la maison, sa femme et ses enfants s'ins­tallèrent autour de la table. Le sage demanda un morceau de pain sec (il feignait d'avoir faim, car cet homme saint ne souffrait pas de la faim même s'il ne mangeait pas). Il supplia les maîtres des lieux de lui accorder au moins l'un des morceaux qu'ils avaient l'habitude de jeter aux chiens, mais, dans sa cruauté, l'homme riche refusa. La famille termina son repas et le sage ne bougea pas de sa place et tout le temps sa main était tendue vers la table, implorant un peu de nourriture. L'homme riche interdit même à sa femme et à ses enfants de donner quoi que ce soit au sage.

Lorsque les serviteurs se mirent à débarrasser la table, le sage, une fois de plus, demanda un morceau de pain et l'homme mé­chant jeta quelques miettes sur le parquet et dit sur un ton mé­prisant: "Attrape cela, avant que ne viennent les chiens!"

Mais le sage lui dit: "Je n'accepterai que ce que tu me donneras de ta main."

La femme et les enfants demandèrent alors à l'homme méchant d'avoir pitié du sage et, en fin de compte, il se laissa attendrir au point de donner un morceau de pain à son hôte.

Le sage se leva, se lava les mains, prononça la bénédiction sur le pain, en mangea une bouchée, puis dit à l'homme riche: "Je voudrais t'informer d'une chose que tu ignores."

Le riche s'effraya, mais le sage lui dit: "Envoie de suite ta fem­me et tes enfants loin d'ici, car cette nuit un grand danger les menace. Quant à toi, ne dors pas cette nuit. Reste éveillé et sache qu'il t'est interdit d'ouvrir la porte."

Pris de panique, l'homme riche fit ce que lui avait dit l'émissaire d'Erets-Israël, qui s'installa sur le parquet et récita des psaumes.

Et le serpent se mit à ramper et avança en direction de la maison.

Tout d'un coup l'homme riche se précipita vers le sage et lui dit: "Dehors, ma femme pousse des cris et demande que je lui ouvre la porte, car on veut l'assassiner".

"Retourne dans ta chambre et n'ouvre pas!", ordonna le sage.

L'homme riche fit ce qu'on lui avait dit, mais quelques minutes plus tard, il revint et dit: "Cette fois-ci les enfants, eux aussi, se sont mis crier: 'Aie pitié de nous et ouvre-nous la porte car des brigands veulent nous tuer'. Je cours ouvrir la porte, pour les protéger".

"N'ouvre pas et tiens-toi tranquille!" ordonna le sage et l'hom­me fit ce qu'on lui avait dit. Mais après un certain temps il revint: "Ma mère et tous les membres de ma famille m'implorent de sau­ver leur vie. Je cours ouvrir la porte".

Le sage poussa un cri terrible et l'homme riche s'excusa et se mit à pleurer, implorant la permission d'ouvrir la porte: "Si je n'ouvre pas, ils seront tous assassinés".

Et toute la nuit l'homme riche revint chez le sage pour lui demander la permission d'ouvrir la porte.

La nuit semblait interminable à l'homme méchant, mais le jour se leva enfin. Le sage lui dit alors: "Viens voir ce qui t'at­tendait devant la porte".

Il y aperçut un serpent géant, dont la tête avait la taille d'un tonneau et dont le corps était aussi long que le mur, qui en­tourait la maison; et le serpent était coupé en morceaux. Le sage se mit à expliquer: "Sache que les voix que tu as entendues étaient celles du serpent. C'est lui qui t'a parlé en imitant la voix de ta femme et de tes enfants, car il est venu pour vous tuer tous. Je savais cela et je suis venu pour te sauver. Si tu ne m'avais pas donné de ta propre main une tranche de pain, alors ton sort et celui de toute ta famille auraient été amers."

L'homme riche envoya ses serviteurs pour ramener sa femme et ses enfants et il leur montra le serpent coupé en morceaux et leur raconta à tous ce qui s'était passé durant la nuit. Bien sûr, pendant qu'ils étaient loin, la femme et les enfants ne pouvaient pas savoir ce qui s'était passé à la maison.

Ils étaient terrifiés en entendant le récit des événements de cette nuit terrible. Mais quand ils réalisèrent qu'aucun danger ne les menaçait plus, ils remercièrent Dieu de les avoir sauvés.

Apres cette aventure terrible, l'homme riche se transforma en un homme

charitable. Il donna de grandes sommes pour les bonnes oeuvres

et fit des dons importants pour Erets-Israël et pour les erudits qui y étudiaient la Tora.

Contes populaires racontes par des juifs du Maroc-Dr Dov Noy-La mere cruelle

LA MERE CRUELLE

Yitsak Massas-narrateur

Il y a longtemps, longtemps, à une époque très reculée, il y avait une famille qui vivait, heureuse, dans son village. Avant de mou­rir, le chef de cette famille appela ses fils et leur dit: "Après ma mort, ne versez jamais de l'eau chaude sur le seuil de la porte."

Plusieurs jours passèrent et après la mort de leur père, les jeu­nes gens durent faire de grands efforts pour subvenir à leurs be­soins. Très tôt, le matin, ils sortaient au travail et ils rentraient chez eux, peu de temps avant le coucher du soleil.

Il arriva que la mère oublia ce que son époux défunt avait ordonné avant de mourir et elle versa de l'eau chaude sur le seuil de la porte. Un lion apparut devant elle et lui dit: "Depuis long­temps j'attends l'arrivée de ce moment. A toi de décider de suite: Ou tu m'épouses ou je te dévore".

La femme répondit: "Ta proposition me plaît beaucoup. De­puis longtemps j'attends qu'on me propose cela, car mon mari est mort et j'ai l'intention de me remarier".

Ils se marièrent sans faire de bruit, de sorte que même le fils aîné ne s'en aperçut pas.

Après un certain temps, la femme mit au monde un fils et elle demanda au lion ce qu'elle devait faire du bébé. Le lion proposa: "Dépose le bébé à un endroit abrité sur le chemin que ton fils aîné emprunte pour rentrer du travail. S'il voit l'enfant, il le prendra sans doute et l'apportera à la maison."

Et c'est effectivement ce qui se passa — le fils revint du travail et dans ses bras il tenait un bébé qui criait. Et le fils demanda à sa mère de l'allaiter.

La mère fit comme si cette idée l'effrayait: "Non, dit-elle, je ne veux pas". Mais le fils insista et elle fit ce qu'il lui demandait.

L'enfant grandissait et le fils aîné (il s'appelait Salomon) l'ai­mait beaucoup, jouait avec, lui chaque fois qu'il revenait du travail et Ici gâtait.

Un jour, lorsque le fils aîné était sorti, le lion et la mère tinrent conseil: "Qu'airivera-t-il quand Salomon apprendra la vérité? Sans doute, nous tuera-t-il tous les deux . . ."

Le lion proposa: "Je suis prêt à le tuer".

La mère lui demanda: "Comment feras-tu?"

"J'ai trois têtes. Je donnerai un coup sur l'une d'elles et un scorpion en sortira que je mettrai dans une savate de Salomon et lorsqu'il rentrera du travail et mettra la savate, le scorpion le piquera et il mourra".

Le petit enfant, dont le nom était Abraham, avait entendu la conversation et attendait avec impatience le retour de Salomon. Il le vit rentrer, changer de vêtements et lorsqu'il s'apprêta à mettre ses savates, le petit Abraham lui dit: "Non, ne mets pas tes savates".

— Pourquoi pas?

—Retourne-les avant de les mettre.

Salomon fit ce que le petit lui avait dit et voici, un scorpion sortit d'une savate. Salomon n'hésita pas à le tuer, puis il de­manda à Abraham: "Comment savais-tu?" Mais Abraham ne dit rien.

Un peu plus tard, la mère dit au lion: "Tu vois, ton plan n'a pas réussi".

Le lion répondit: "Il n'y a aucune raison de s'inquiéter. Il me reste encore deux têtes. Je frapperai sur l'une d'elles et un ser­pent en sortira qui se cachera près de la fenêtre. Lorsque Salo­mon aura fait sa toilette et s'approchera de la fenêtre pour respirer l'air pur, le serpent le mordra et il mourra".

Le lion se frappa la tête et un serpent en sortit et grimpa sur l'arbre qui se trouvait près de la fenêtre. Là, il attendait la venue de Salomon.

Mais le petit Abraham avait tout entendu. Il s’empara d'un grand bâton et, lui aussi, attendait le retour de Salomon.

Celui-ci revint du travail, se lava comme d’habitude et alla vers la fenêtre pour l’ouvrir. Mais Abraham l’arrêta et lui dit: “N’ouvre pas la fenêtre!”

“Qu’y a-t-il?”

Le petit Abraham conduisit Salomon devant la maison jusqu’à l’arbre, lui remit le bâton et lui dit: “Regarde ce qui se passe sur cet arbre”. Salomon leva la tête et aperçut le serpent. Il le frappa de toutes ses forces jusqu’à ce qu’il fût mort.

Le soir, quand Salomon eut quitté la maison, le lion entra dans la chambre et la mère lui dit: “Que ferons-nous mainte­nant? Tu avais trois têtes, la première s’est transformée en scor­pion et la deuxième en serpent. A présent, il ne t’en reste plus qu’une seule, ta vraie tête …”

Le lion répondit: “Ne t’en fais pas, j’ai une soeur qui a sept têtes. Envoie ton fils chez elle et elle s’en occupera.”

Ainsi fut fait. Lorsque Salomon revint du travail, il trouva sa mère malade. 11 lui demanda: “Qu’as-tu, mère?”

“Je suis malade”.

“As-tu vu le docteur?”

“Oui, il m’a dit que le médicament qu’il me faut est introuvable ici. Pour l’acquérir, je dois aller dans une ville éloignée.”

Le fils dit à sa mère: “Je suis prêt à y aller pour t’apporter le médicament”.

Et Salomon prit son épée et sella son cheval, se prépara une ration de nourriture pour le chemin et se mit en route pour la ville où l’on pouvait obtenir le médicament. Il devait passer par un dé­sert et là il rencontra la soeur du lion qui avait sept têtes. Elle lui demanda: “D’où viens-tu?”

Il lui nomma l’endroit où il habitait.

“Es-tu venu pour chercher un médicament?” lui demanda la lionne et elle poursuivit: “Ta mère t’a sans doute raconté qu’elle est malade et que dans une certaine ville seulement, on peut ob­tenir le médicament dont clic a besoin.”

Très étonné, Salomon lui demanda: “C’est exactement comme tu le dis, mais d’où sais-tu tout cela?”

Elle lui raconta alors que son frère, le lion, était marié avec la mère de Salomon: “Ta mère a demandé au lion de te tuer.

C’est le lion, qui a mis le scorpion dans ta savate et qui a fait en sorte que le serpent te guette dans l’arbre. Et maintenant, il t’envoie ici pour que je te tue. Mais j’ai adopté l’usage d’avertir mes ennemis et de ne jamais tuer personne sans qu’il ait une chance de  se défendre. Viens chez moi, bois et mange et demain, nous nous battrons l’un contre l’autre, toi avec ton épée et moi avec mes sept têtes”.

Et ainsi fut fait. Le lendemain de leur rencontre, Salomon et la lionne se battirent durant toute la journée, mais aucun des deux combattants ne parvint à vaincre l’autre. Le soir, la lionne dit: “Assez, viens te reposer, nous boirons, nous mangerons et nous nous reposerons et demain matin, la bataille continuera.”

Et ainsi fut fait. Ils se mirent à boire, à manger, puis ils allèrent dormir. Au milieu de la nuit, Salomon se réveilla. Il mit les habits de la lionne, tandis que ses vêtements à lui, il les ajusta au corps de la lionne.

Le matin, les deux se réveillèrent et la lionne voyant qu’elle était habillée comme un homme demanda: “Qui a fait cela?”

“C’est moi,” répondit Salomon.

La lionne fit rassembler toutes les lionnes de la région et leur dit: “Prenez cet homme, jetez-le dans le puits et arrachez-lui les yeux.” Ainsi fut fait.

Salomon fut jeté dans le puits et les lionnes lui arrachèrent les yeux.

A cette époque, il y avait la guerre et un régiment de soldats passa près du puits. Entendant les cris d’un homme les soldats s’approchèrent du puits et crièrent à leur tour: “Qui es-tu? Es-tu un esprit ou fais-tu partie du genre humain?”

— Je suis un homme, se fit entendre Salomon.

Les soldats firent descendre une longue corde dans le puits et en sortirent Salomon. Celui-ci leur raconta tout ce qui lui était arrivé et les soldats lui dirent: “Nous ne pouvons pas te recon­duire chez toi, mais nous te prendrons avec nous au château du roi, si tu es d’accord.”

Salomon n’était que trop heureux de donner son accord.

Les soldats conduisirent Salomon jusqu’à l’entrée du château et l’abandonnèrent là. Le matin, la fille du roi regarda par sa fenêtre et l’aperçut. Elle donna immédiatement ordre à sa ser­vante de faire entrer l’aveugle dans le château, et quand il se trouva devant elle, elle lui demanda: “Comment t’appelles-tu?״

  • Et moi, je m’appelle Miriam, dit la fille du roi.

Salomon raconta à Miriam tout ce qui lui était arrivé et finale­ment, il confia à la fille du roi: “Mes yeux se trouvent dans le village où j’habite, en possession de ma mère, car la soeur du lion qui est marié avec ma mère, a dit aux autres lionnes qu’elle enverrait mes yeux à ma mère pour que celle-ci soit tout à fait sûre que j’ai été tué.”

Miriam ordonna alors a l’une de ses servantes de se rendre immédiatemenl au village de Salomon et de ramener les yeux du jeume homme, coûte que coûte.

Arrivée dans la maison de Salomon, la servante proposa à la mère de celui-ci: “Laisse-moi travailler chez toi. Comme salaire je ne demande que de l’eau et du pain sec.” La mère de Salomon accepta la jeune femme comme servante et au bout d’un mois, celle-ci connaissait tous les secrets de la maison.

Un jour, elle raconta à la mère de Salomon qu’elle avait un fils aveugle: “Si tu avais la bonté de me donner les yeux que tu possèdes, je les donnerais à mon fils pour qu’il voie.”

La mère remit les yeux à sa servante et, bien entendu, celle-ci les apporta au château du roi et les donna à sa maîtresse. Celle-ci fit entrer Salomon dans sa chambre, appela le docteur et lui raconta tout ce qui était arrivé. Puis, elle lui donna les yeux et lui dit: “Fixe lui les yeux à l’endroit qu’il faut pour qu’il voie.”

L’opération dura plusieurs heures et réussit pleinement.

Lorsque Salomon eut recouvré sa vue, la fille du roi demanda à l’épouser. Salomon n’en était que trop heureux, mais il de­manda à la princesse (le lui permettre de faire une visite dans sa ville, avant le mariage.

Miriam lui demanda: “Pourquoi veux-tu retourner chez toi?”

Il y a des gens là-bas que je dois visiter.

Miriam lui remit une épée, un cheval et des provisions pour le chemin. Arrivé dans son village, Salomon entre dans sa maison où il surprit le lion et sa mère et les tua.

Avec son frère Abraham, il rentra au château et épousa la fille du roi.

Le couple mena pendant de longues années une vie heureuse.

contes populaires racontes par des juifs du Maroc-Dr DOV noy –jerusalem 1965 – page 65-69

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965- Le veinard et le malchanceux

LE VEINARD ET LE MALCHANCEUX

Yitshak Massas-Narrateur

Il était une fois un veuf qui avait deux fils. Ceux-ci étaient malheureux de grandir sans mère mais ils se réconcilièrent avec, leur sort. Lorsque l’aîné avait 22 ans et le cadet 18, leur père fit un rêve au cours duquel on l’informa qu’il mourrait dans sept jours. Le père fit appeler ses fils et leur dit: “Dans quelques jours je mourrai. Lorsque je serai mort, mettez-moi sur une jument et laissez־la aller où elle veut. Suivez cette jument et à l’endroit où elle s’arrêtera, vous m’enterrerez.”

L’aîné ne croyait pas que la mort de son père fût si proche et ne prêta aucune attention à ce que celui-ci lui disait. Mais son frère, très ému, se mit à pleurer amèrement. Le père lui dit alors: “Rappelle-toi mon fils: lorsque, après ma mort, tu auras exécuté mes ordres, fais attention à ce que te dira ton grand frère. Tout ce qu’il te dira de faire, fais-le, car toi tu as meilleur caractère que lui. En aucune façon tu ne dois refuser de faire ce qu’il te dira.”

Quelques jours après la mort du père, le fils aîné dit à son frère: “Papa est mort. A présent donne-moi tout l’argent qui se trouve dans la maison. Tout ce qui s’y trouve, c’est pour moi.” Le cadet ne s’opposa pas à la volonté de son frère et dit: “Tout l’argent qui se trouve dans la maison t’appartient.”

Quelques jours plus tard, l’aîné dit: “Cette maison m’appar­tient; je veux la vendre et faire un grand voyage.”

“Pour l’amour de Dieu, dit le cadet, je ne peux pas vivre sans qu’il me reste au moins un endroit pour dormir. Je t’en supplie, ne vends pas cette maison.”

Mais l’aîné lui répondit: “Il y a devant ma maison un endroit où tu poux t’installer et dormir et je te prie de ne pas me con­tredire.”

Le cadet dit alors: “Il faut croire que ta volonté est la volonté de Dieu; fais donc comme il te plaît.” Et il quitta la maison pour que l’aîné puisse la vendre.

Après un certain temps, l’aîné revint à la ville et tous les habi­tants s’inclinèrent devant lui car il était très riche et tout le monde le craignait. Mais au fond de leur coeur tous le haïssent.

L’aîné alla trouver son frère, à l’endroit où il lui avait proposé de s’installer et lui dit: “Comment vas-tu, mon frère? Il y a entre nous un secret. Il y a longtemps, tu m’as dit: ‘Pour l’amour de Dieu’. Quelle est au fond la volonté de Dieu? Qui aime-t-Il, toi ou moi? Le bien ou le mal?”

Le cadet, qui se sentait tout petit devant son frère, répondit: “Dieu veut le mal.”

L’aîné dit alors: “Je dois demander l’opinion des gens à ce sujet.” Et, s’adressant à l’un des passants, il lui demanda: “Est-ce que Dieu aime le bien ou le mal?”

Le passant qui craignait, lui aussi, cet homme riche, répondit: “Dieu aime le mal”. L’aîné dit alors: “La victoire m’appartient et puisque Dieu m’aime, je crèverai les yeux de mon frère.” Il tra­duisit immédiatement ces paroles en acte et, après avoir crevé les yeux de son frère, il les arracha et les jeta.

Le cadet, devenu aveugle, erra à travers les champs, dans le désert, tout en répétant tout le temps: “Dieu est dans le ciel, Dieu est dans le ciel.”

Un jour, il pénétra dans une forêt et se heurta contre un arbre. Dans cette forêt, il y avait beaucoup de bêtes sauvages et de serpents vénéneux, mais il ne lui arriva rien de mal, car un nuage le précédait et un autre le suivait de sorte qu’aucun mal ne pouvait lui arriver. Le jeune homme posa sa tête entre ses deux mains et subitement il se trouva au sommet de l’arbre qu’il avait heurté.

Et là se trouvaient deux soeurs pigeonnes dont l’une était aveu­gle, tandis que l’autre avait de bons yeux. Le jeune homme prêta l’oreille et comprit ce qu’elles disaient. La pigeonne qui voyait dit à l’autre: “Prends une feuille de cet arbre et pose la sur tes yeux, pour qu’ils revoient la lumière du jour.”

Après un certain temps, le jeune homme entendit le battement d’ailes du deuxième pigeon, preuve qu’il avait recouvré la vue. Il prit donc, lui aussi, une feuille de l’arbre et s’en frotta les yeux en disant trois fois: “Dieu est dans le ciel! Dieu est dans le ciel! Dieu est dans le ciel!” Puis il leva ses paupières et constata qu’il avait recouvré la vue. Il enleva alors son veston et y mit une grande quantité de feuilles de l’arbre miraculeux. Puis il sauta de l’arbre et se dit: “Si je reprends la même route, je viendrai finalement dans la ville où se trouve mon frère. Je prendrai donc l’autre direction pour arriver à des endroits, où personne ne me connaît.”

Il arriva dans une ville et il apprit que le roi qui y habitait, avait une fille, jeune et très belle, qui était aveugle. Le roi avait proclamé que celui qui la guérirait obtiendrait non seulement la main de la princesse, mais aussi la moitié de l’empire. Mais ceux qui se présenteront et ne réussiront pas à lui rendre la vue, auront la tête coupée. Quand le jeune homme entendit cela, il dit à l’homme qui l’avait informé: “Dieu et moi, nous guérirons la fille du roi.”

L’homme se mit à rire et dit: “Tu n’as même pas de veston. Gomment feras-tu pour la guérir?”

Le jeune homme sourit et se tut. Il se rendit directement au château du roi, mais les gardiens noirs ne le laissèrent pas entrer. Il dit alors: “Dieu m’a envoyé ici, pour qu’avec son aide, je guérisse la fille du roi.”

Mais les gardiens s’obstinèrent à ne pas le laisser entrer. Or le roi vint à passer par là et il entendit les paroles du jeune homme. Il dit alors aux gardiens: “Faites-le entrer.”

Et le jeune homme dit au roi: “Dieu m’a envoyé chez toi, pour que ta fille soit guérie. Si je ne réussis pas à lui rendre la vue, tu pourras me couper la tête.”

“Et que te faut-il pour la guérir?”, lui demanda le roi.

— “Une chambre où je me trouverai seul avec ta fille, un pot rempli d’eau chaude et une robe neuve. Je n’ai besoin de rien d’autre.”

Lorsque le jeune homme entra dans la chambre qu’on lui avait réservée il y trouva la fille du roi, qui ne connaissait personne. Elle ignorait même les traits du visage de son père, car elle était devenue aveugle dans sa plus tendre enfance. Le jeune homme ferma la porte de la chambre. Le roi, la reine et de nombreuses personnalités attendaient dans la cour, sans savoir ce qui se passait dans la chambre.

Le jeune homme dit à la fille du roi: “Dieu m’a envoyé près de toi pour que je te guérisse et Abraham, Isaac et Jacob m’ac­compagnent.” Il trempa les feuilles qu’il avait apportées, dans l’eau chaude et dit à la jeune fille: “Répète ces paroles après moi: “Dieu! Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob!” Quand elle eut répété ces paroles, il plongea la tête de la prin­cesse dans l’eau. Celle-ci ouvrit les yeux et vit le jeune homme, rien que le jeune homme, qui la vêtit de la robe neuve et garda les feuilles qui restèrent. Les deux sortirent dans la cour et le roi et la reine, en voyant leur fille guérie, étaient fous de joie. “Mon fils, ma fille”, s’écrièrent-ils et ils organisèrent une grande fête suivie d’un mariage féérique. Puis le jeune homme fut nommé prince héritier.

Après un temps, la fille du roi dit à son mari: “Je veux de­mander à mon père la permission de me promener en ville, pour que je la connaisse et pour voir, en ta compagnie, toutes ses splendeurs.”

La jeune femme présenta sa requête au roi, qui s’exclama: “Voici une fort belle idée.” Et il mit à la disposition du jeune couple un carrosse, deux chevaux et deux serviteurs noirs. Le mari et sa femme se promenèrent en ville, puis visitèrent ses alentours où ils virent un homme qui escaladait une montagne. Et le jeune prince se rendit compte que cet homme n’était autre que son frère aîné. Il dit alors à sa femme: “Prends le carrosse, un cheval et un serviteur noir et rentre à la maison. Moi je reste ici avec un cheval.”

La jeune femme se mit à pleurer, car elle avait très peur. “Non, non! protesta-t-elle, je crains que tu ne me quittes, que tu ailles loin de moi.”

Son mari lui promit: “Non, je ne te quitterai jamais. Tu es ma femme, mais je dois aller là-bas.”

La jeune femme rentra chez elle tandis que son mari, avec son cheval et son serviteur, avançaient en direction de son frère. Le serviteur voulait attaquer l’homme qui escaladait la montagne, mais son maître lui dit: “Ne le touche pas!”

L’aîné des deux frères avait contracté une terrible maladie contagieuse et le moindre contact avec lui pouvait provoquer la mort. A part cela, il était complètement aveugle. Le serviteur ne fit pas attention à l’avertissement de son maître et installa l’aveu­gle dans la selle du cheval. Après quelques pas, le serviteur tomba raide mort.

Le prince s’empara alors des rênes de l’animal et retourna en ville avec son frère. Bien entendu, l’aîné n’avait pas reconnu son frère, puisqu’il était complètement aveugle.

Revenu au château, le cadet conduisit son frère dans la cham­bre où il avait rencontré sa femme quand elle était encore aveu­gle. Puis il ordonna à son serviteur: “Apporte-moi de l’eau chaude et un costume neuf et ne laisse pénétrer personne dans cette chambre.” Et à son frère il dit: “Répète, après moi, ces mots: “Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob”; et l’aîné fit ce qu’on lui avait demandé tandis que son frère lui fit subir le même traitement qu’à la fille du roi.

Les yeux de l’aveugle guérirent et il recouvra la vue. Puis le cadet appela l’un de ses serviteurs et lui ordonna d’habiller l’homme d’un costume neuf. Et il ajouta: “Ce soir, tu conduiras cet homme dans la salle où le roi confère avec ses ministres.”

Le frère aîné s’effraya, car il ne savait pas ce qu’on voulait lui faire. Il était persuadé qu’on voulait le tuer.

Pendant ce temps, le frère cadet se rendit chez sa femme et lui dit: “Demande à ton père qu’il invite ce soir tous les ministres à venir boire avec nous.”

Le même soir tous les invités étaient réunis dans la grande salle. Ils mangent, boivent, s’amusent et voici, le prince héritier se lève et dit au roi: “Ecoutez donc, vous, le roi de cet empire et toutes les personnes présentes ici, ce que j’ai à dire à un certain homme.” Et il donna l’ordre de faire venir son frère aîné.

Les serviteurs conduisirent le frère aîné dans la salle. Il portait un costume neuf mais tremblait de tous ses membres car il était certain, à présent, que sa dernière heure avait sonné.

Le frère cadet lui dit alors: “Viens ici!”

Puis il lui demanda: “Qui es-tu? Quel est ton nom? D’où viens-tu? As-tu un père, as-tu un frère?”

L’aîné donna tous les renseignements demandés et à la der­nière question, il répondit: “J’avais un frère plus jeune, mais il est mort.”

“C’est faux! Tu es un menteur” s’écria le cadet d’une voix très forte pour que tous puissent l’entendre, puis poursuivit: “Regarde-moi! Regarde-moi bien, ne me reconnais-tu pas? Je suis ton frère cadet.”

L’aîné se mit à trembler encore plus fort, mais son frère cadet lui dit: “N’aie pas peur. Nous ne te traiterons pas comme tu as traité d’autres personnes. Tout ce que je te demande, c’est de me répondre à cette question: Dieu aime-t-il mieux le juste ou le méchant?”

“Dieu préfère le juste, répondit l’homme, et je te supplie de me pardonner.”

Le cadet dit: “Je ne te ferai aucun mal, car nous sommes frères et descendons de la même mère et du même père. Ne crains rien.”

L’aîné s’inclina devant son frère et celui-ci dit: “Je ne te ferai aucun mal car notre père, que sa mémoire soit bénie, m’a de­mandé de ne pas me disputer avec toi.”

Il appela l’un de ses serviteurs et lui demanda de combler son frère d’argent et d’or et de lui donner une maison, dans un faubourg de la capitale.

Mais le frère cadet resta au château avec sa femme et les deux vécurent heureux, de nombreuses années durant.

Yitshac Massas (narrateur; textes Nos 18 et 19); né en 1916 à Tanger; son père, qui appartient à la communauté locale de langue arabe, est né à Meknès, mais sa famille s'est fixée à Tanger pendant qu'il était en­core enfant. Les parents de Yitshac ont dû quitter Tanger en raison d'une dispute avec des Arabes de la ville et Yitshac a grandi à La- rach (El Araich) au Maroc espagnol. Quand Yitshac eut 16 ans, son père mourut et le jeune homme dut subvenir aux besoins de la fa­mille. Marié à 17 ans, il travailla durant la guerre civile en Espagne comme chauffeur de taxi mais à la suite d'une dispute avec des of­ficiers de Franco, il dut quitter Larach pour s'établir à Tanger. En 1954, il s'établit en Israël avec sa famille et, aujourd'hui, il habite Kiryath Malahi, où il travaille comme peintre. Yitshac a entendu les histoires qu'il connaît, de son père qui, lui, les avait entendues, dans sa jeunesse, dans la maison paternelle. Six histoires de Yitshac sont conservées aux "Archives", toutes enregistrées par Yaacov Avitsouc.

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965- LE VEINARD ET LE MALCHANCEUX

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965

LE RABBIN QUI REFUSA DE PORTER LE DEUIL LE SABBAT

Yitsak Massas-narrateur

Il était une fois un rabbin qui priait et étudiait la Loi du matin au soir. Chaque jour, sa femme le suppliait: “Va en ville et tâche de gagner un peu d’argent. Il faut acheter des vêtements pour les enfants et leur donner à manger. Nous manquons de tout.”

Mais à chaque fois, le rabbin lui répondit: “Dieu nous aidera.” Et il continua à mener sa vie habituelle. S’il quittait la maison, c’était pour aller à la synagogue.

Un jour, sa femme lui dit: “Les enfants sont affamés. Prends- les avec toi à la synagogue, car je ne supporte plus de les voir souffrir et de les entendre pleurer.”

Le rabbin se tut — pas un mot ne sortit de sa bouche.

Un jour, c’était vendredi, la femme du rabbin n’avait pas un sou pour acheter les provisions nécessaires pour le Sabbat. Elle dit à son mari: “Prends aujourd’hui les enfants à la synagogue.”

Le rabbin ne pouvait pas refuser et il emmena ses deux fils, dont l’un était âgé de dix ans et l’autre de huit. Pour se rendre à la synagogue ils devaient passer devant une vieille maison. Lorsque le rabbin passa avec ses enfants devant cette maison, elle s’effondra subitement et les enfants disparurent sous les dé­combres. Au bout de quelques minutes, le rabbin se rendit compte qu’ils étaient morts. Mais il fit comme si rien n’était arrivé, se rendit à la synagogue et rentra chez lui dans l’après-midi à l’approche du Sabbat.

Sa femme lui demanda: “Où sont les enfants?”

“Chez leur tante”, répondit le rabbin.

Le lendemain matin, le jour du Sabbat, la femme demanda encore: “Où sont les enfants?”

“Ils jouent dehors avec les autres enfants. Ils ne rentreront qu’après la tombée de la nuit.”

Vint le soir et le rabbin quitte la maison pour réciter les

prieres de Minha et de Maariv à la synagogue. Et tout à coup i1 aperçoit ses deux enfants: ils sont en bonne santé, et jouent devant la maison qui s’est effondrée. Il récita une prière et rentra à la maison avec les deux enfants.

En les voyant, la femme leur demanda: “Où avez-vous été pendant toute la journée du Sabbat?”

Les enfants s’apprêtaient à répondre mais leur père se mit à raconter à sa femme tout ce qui s’était passé.

Tous se rendirent compte que les deux enfants étaient revenus à la vie parce que leur père, le rabbin, ne voulait pas porter le deuil le Sabbat.

 

UN JUGEMENT EQUITABLE

Massoud Abdoulhak-narrateur

Les premiers rois aimaient parfois se déguiser -— ils mettaient des vêtements simples, sales et usés et c’est dans cet accoutrement qu’ils parcouraient le pays.

Un jour le roi du Maroc et son premier ministre, habillés de vêtements déchirés et sales se rendirent, la nuit, au marché, et, tendant la main, ils demandaient l’aumône aux passants. Mais personne ne leur donna rien. Ils aperçurent un Juif, un colpor­teur de vêtements usés et de vieilles bouteilles; il s’arrêta et leur donna une pièce d’argent. Les deux eurent à peine le temps de le remercier quand ils entendirent une femme arabe s’écrier: “Juif, viens dans ma maison! J’ai quelque chose à te vendre.”

Le Juif entra et la femme essaya de le convaincre à conclure un marché malhonnête. Le Juif lui dit: “Notre Tora nous interdit d’agir ainsi” et il s’en alla.

La femme se mit à crier et à insulter le Juif: “Ce Juif a porté atteinte à mon honneur. Il s’est moqué de moi et m’a blessée dans mes sentiments.”

Puis, le roi et son ministre l’entendirent crier: “Aidez-moi, Musulmans! Regardez ce que font les Juifs.”

Les passants s’emparèrent du Juif et le maltraitèrent et qui sait ce qui lui serait arrivé, si le roi et son compagnon n’étaient pas intervenus: Laissez-le, s’écrièrent-ils, ne le tuez pas! Ce Juif criminel mérite qu’on le brûle en public, amenez-le devant le juge, devant le roi! Que tous les Juifs voient comment il est brûlé et qu’ils en tirent les enseignements qu’il faut.”

La foule se laissa convaincre et conduisit le Juif au château du roi, puis ils le firent jeter en prison.

Le jour du jugement, une grande foule s’assembla autour du tribunal -— hommes, femmes et enfants — afin d’apprendre quelle punition serait infligée au coupable qui avait déshonoré une femme arabe.

Au début du procès, le roi demanda aux témoins: “Racontez- moi toute l’affaire, mais dites la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.”

La femme raconta que le colporteur juif l’avait attaquée et voulait porter atteinte à son honneur.

Le roi demanda: “As-tu des témoins?”

Toute la foule assemblée répondit en choeur: “Nous avons tout vu. Tout ce que la femme a dit, c’est la vérité.”

Le roi dit: “Je veux bien vous croire, mais dites-moi — ce que mes yeux voient en ce moment, est-ce bien la réalité? Ils aper­çoivent dans le ciel une caravane de chameaux chargés de mar­chandises. Y-a-t-il vraiment des chameaux dans le ciel?”

La foule leva les yeux et jeta un long regard vers le ciel et tous s’écrièrent: “C’est juste ce que vous voyez, Votre Majesté. Il y a des chameaux chargés de marchandises dans le ciel.”

—- Comptez-donc les chameaux, dit le roi.

Tous regardaient vers le ciel et chacun fit un autre compte. L’un dit cinq chameaux, l’autre sept, un troisième dix. Chacun voyait autre chose. Le roi dit: “Ce que vous dites est la vérité même”. Puis il s’adressa au Juif: “Jette, toi aussi, un regard vers le ciel, et dis-moi combien de chameaux tu y vois.”

Le Juif jeta un regard vers le ciel, mais il ne vit que le ciel et pas de chameaux. Et il dit au roi: “Votre Majesté, je crois que vous avez vu des chameaux chargés de marchandises, mais moi je ne vois rien.”

Puis le roi s’adressa aux Arabes: “Jetez maintenant encore un regard vers le ciel et dites-moi s’il y a des étoiles car moi, j’y aperçois maintenant, en plein jour, des étoiles. Ayez donc la gentillesse de les compter.”

Tous regardèrent le ciel et s’écrièrent: “C’est vrai! il y a des étoiles!” Et l’un en compta cinq, l’autre sept, un troisième dix. Chacun fit un autre compte.

Puis le roi s’adressa au Juif: “Et toi, combien d’étoiles vois-tu en ce moment au ciel?”

Le Juif leva les yeux vers le ciel et répondit: “Votre Majesté, je ne doute pas de ce que vous dites, mais moi, je suis incapable d’apercevoir même une seule étoile.”

Le roi sortit de sa poche la pièce de monnaie que le Juif lui avait donnée lorsqu’il avait demandé l’aumône au marché, et dit au Juif: “Regarde cette pièce, est-elle faite d’argent ou de cui­vre?” Le Juif répondit: “Cette pièce est faite d’argent, j’en suis sûr, je crois qu’elle était une fois en ma possession, mais je l’ai dépensée.”

Le roi dit alors: “Ce que tu dis est vrai. Tu as donné cette pièce en aumône à deux pauvres, avant que ne t’arrive ce qui t’amène aujourd’hui ici.”

Puis le roi et son ministre délibérèrent et infligèrent une puni­tion à ceux qui avaient déposé de faux témoignages. Ils les con­damnèrent à plusieurs années de prison. Et la femme qui avait accusé le Juif de crimes qu’il n’avait jamais commis fut con­damnée à être brûlée vive.

Le colporteur juif fut, bien entendu, acquitté.

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965 page 75-78

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965

LA VERITE FINIT TOUJOURS PAR TRIOMPHER

Le sage Rabbin Salomon Tamsouth. que sa mémoire soit bénie, était aussi marchand de parfums. Un commerçant arabe était l’un de ses fidèles clients et ses commandes, il les payait parfois au comptant, mais la plupart du temps il achetait à crédit jus­qu’à ce que sa dette atteignît une grosse somme. Voyant que le rabbin n’avait pas beaucoup de clients, l’Arabe lui dit: “Si tu as besoin d’argent, viens dans ma maison et je te paierai tout ce que je te dois.”

Le rabbin avait vraiment besoin d’argent et il se rendit chez l’Arabe. Celui-ci l’invita à entrer dans sa maison. Quand le Rabbin Salomon eut passé le seuil de la porte, l’Arabe se jeta sur lui et le tua. Il enterra le cadavre dans un domaine près de sa maison.

La mère et la femme du sage attendent son retour mais le Rabbin ne revient pas. Le lendemain, toute la famille attend son retour, mais en vain. Finalement, la mère du Rabbin éclate en sanglots et s’écrie: “Où te trouves-tu, Salomon, mon fils? Où te trouves-tu?” et elle est inconsolable dans sa douleur.

La nuit, dans son sommeil, elle voit en rêve le sage et celui-ci lui dit: “Le marchand arabe m’a tué et m’a enterré dans son domaine. Là, tu me trouveras dans ma tombe.”

Le lendemain, la mère du Rabbin Salomon se rendit avec des policiers dans la maison du marchand arabe et lui demanda: “Où est mon fils?”

“Je ne l’ai pas vu”, répondit l’Arabe.

La mère cria alors de toutes ses forces: “Salomon, mon fils, où es-tu?”

On entendit alors un faible soupir, mais on ne savait pas d’où venait la voix. Que fit la mère? Elle se mit à crier une deuxième fois de toutes ses forces: “Fais-moi signe Salomon, pour que je sache où tu te trouves.”

Que fit le sage, bénie soit sa mémoire? Il sortit sa main de la terre et les policiers et tous ceux qui se trouvaient là virent le signal. Ils se mirent à creuser la terre et finirent par trouver le corps de l'homme saint. Ils exhumèrent le mort et l’Arabe fut jeté en prison. Le roi condamna le malfaiteur à être empri­sonné à perpétuité et ordonna par ailleurs que tout ce qui se trouvait dans sa maison, soit remis à la mère du sage.

Jusqu’à ce jour, de nombreux malades, surtout ceux qui souf­frent de paludisme, visitent la tombe du Rabbin Salomon Tamsouth. Ils se prosternent sur la tombe, récitent des prières et gué­rissent, car même après sa mort, ce juste a encore un grand pouvoir sur les hommes.

LA CHAMBRE DE LA JUIVE DE MARRAKECH

En l’an 1557, le roi du Maroc dit à son Grand Vizir: “Trouve- moi dans la ville de Marrakech un endroit convenable pour la construction d’un nouveau quartier juif.”

Le Vizir lui dit: “Votre Majesté, près de Touznan el-Afiya, non loin du château du roi, il y a un endroit qui conviendrait à ce projet.”

Ainsi fut fait: les Juifs de Marrakech changèrent de quartier et le roi qui s’efforçait toujours d’être juste fit en sorte que les Juifs ne perdent pas au change. Ceux qui voulaient échanger leur maison contre une autre étaient autorisés à le faire et ceux qui préféraient recevoir de l’argent obtinrent la contre-valeur en espèces. Chacun était libre d’arranger les choses selon ses intérêts et sa volonté.

A cette époque vivait à Marrakech une veuve, qui ne voulait à aucun prix quitter sa maison et aller habiter dans un autre Mellah. “Jamais, dit-elle, je ne quitterai l’endroit où ont habité mes pères;

Le roi donna ordre d’amener la femme rebelle devant lui et il lui dit: “Femme, quitte l’endroit où tu habites et va t’installer dans le nouveau quartier.”

La femme répondit: “Votre Majesté, je ne quitterai jamais l’endroit où j’habite et où ont habité mes parents, mes grands-parents et mes arrières grands-parents, et si on m’évacue de force, le péché pèsera sur le roi.”

Le roi ordonna à ses soldats: “Laissez-là où elle est, mais le jour où cette femme mourra, faites-le moi savoir.”

Un jour, la vieille mourut et les Juifs l’enterrèrent au cime­tière et les Musulmans allèrent chez le roi pour lui raconter ce qui s’était passé. Le roi donna alors cet ordre: “Que la chambre de cette Juive reste fermée et qu’on ne l’ouvre jamais.”

Et ainsi fut fait: la chambre fut fermée et sur la tombe on fit construire un mur qui s’y trouve encore aujourd’hui. Et au­jourd’hui encore on appelle cet endroit: “La chambre de la Juive”.

LE HEROS EST CELUI QUI DOMINE SES INSTINCTS

Un jour, le roi convoqua chez lui les représentants des diffé­rentes religions — un Musulman, un Chrétien et un Juif. Aux dignitaires de chaque religion, il dit: “Désignez vos héros pour qu’ils participent aux compétitions et celui qui vaincra obtiendra un prix.” Le roi n’avait pas précisé de quel genre de compétition il s’agissait.

Dans les communautés musulmane et chrétienne de nombreux candidats se présentèrent, mais aucun Juif n’osa présenter sa candidature car aucun membre de la communauté ne se con­sidérait comme un héros. Mais au dernier moment, un pauvre petit Juif, qui avait à peine la force de traîner son corps misérable, se présenta. Ce fut un éclat de rire général et on se moqua du malheureux. Mais celui-ci croyait en Dieu et il se fit, à lui-même, cette réflexion: “Ou bien j’obtiendrai le prix ou bien une fin sera mise à ma vie malheureuse. Dans les deux cas je serai ré­compensé de mes efforts.”

Le roi appela le Musulman et lui dit: “Mange ce cornichon épicé, mais sans dire: ‘akh!’.”

Le Musulman se mit à manger le cornichon qui était très épicé. Au début il se tut, mais après un certain temps il ne pouvait plus se retenir car le cornichon lui brûlait la langue et le palais et il cria: “akh!” Le roi le renvoya en se moquant de lui…

Le Chrétien subit le même sort que son prédécesseur.

Arriva le tour du Juif. En mangeant le cornichon, il avait l'impression que les épices brûlaient sa bouche et ses intestins. Mais il se mit à chanter en tirant en longueur la dernière syllabe de chaque vers: “Mon nom est Zemakh, et j’habite au Mellakh. Je suis connu au Mellakh car je m’appelle Zemakh…” Le roi s’aperçut que le Juif chantait et ne criait pas “akh” comme ses prédécesseurs et il lui donna de nombreux cadeaux. Il déclara également que le Juif avait fait preuve d’héroïsme en dominant ses instincts. Dans sa générosité, le roi n’accorda aucune attention au fait que le dernier mot de chaque vers que le Juif chantait se terminait par la syllabe “akh”.

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965-page 79-82

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965

24.

LA JEUNE FILLE OUI DEVINT PRINCESSE

Il était une fois une famille très pauvre. Le père était rabbin, mais il n’avait pas d’emploi. Toute la famille souffrait de la faim, d’une faim tellement horrible que tous les membres de la famille avait le ventre gonflé. Le fils proposa alors de vendre la seule fille de la famille, qui était fort belle et que les hommes désiraient. Les parents se déclarèrent d’accord.

Le lendemain tous les membres de la famille se levèrent très tôt, prirent congé de la fille et le père la prit avec lui pour la vendre au marché.

Et au marché il y avait grand monde. De nombreux princes passèrent devant la jeune fille et l’un d’eux, un homme jeune et beau, s’approcha d’elle et lui demanda: “Belle fille, que fais- tu ici?”

“On m’a amenée ici pour me vendre”, répondit la jeune fille. “Si tu veux de moi, achète-moi des mains de mon père.”

“Je t’achèterai,” répondit le prince. Et dans son carrosse, il con­duisit la jeune fille et son père dans son château et là il donna ordre de lui préparer un bain et de lui donner de beaux vête­ments neufs. Puis il invita la jeune fille et son père à boire et à manger et à s’installer au château comme chez eux.

La jeune fille devint princesse et sept servantes s’occupaient d’elle. Le prince paya une forte somme au père qui, avant de s’en aller, demanda l’autorisation de venir visiter sa fille. Le prince lui accorda cette faveur de grand coeur.

Un jour, le prince décida d’entreprendre un grand voyage et il dit à ses adjudants et à ses serviteurs : “Personne d’entre vous ne connaît la chambre de ma femme et ne sait ce qui s’y trouve. Celui qui obtiendra des renseignements exacts sur la chambre de mon épouse recevra en récompense l’une de mes usines.”

L’un des adjudants du roi était fort débrouillard. Il alla trouver une sorcière et lui proposa une grande somme d’argent à condi­tion qu’elle aille s’informer de ce qui se passe dans la chambre de la princesse et lui raconte tout ce qu’elle y aura vu.

Le lendemain, la sorcière se rendit dans la maison de la prin­cesse, frappa à la porte et se présenta comme la tante de la prin­cesse. Celle-ci l’invita à entrer. La sorcière raconta à la princesse toutes sortes d’histoires et finit par l’endormir. Pendant que la princesse dormait, la sorcière nota tout ce qui se trouvait dans la chambre et le même jour elle remit une liste complète à l’ad­judant qui lui paya la somme promise.

Lorsque le prince revint de son voyage, l’adjudant lui remit la liste de tous les objets qui se trouvaient dans la chambre de la princesse. Le prince était furieux, mais il ne pouvait se rétracter et il remit à son adjudant l’usine qu’il avait promise. Puis il se rendit chez sa femme et lui ordonna de quitter la maison et de prendre avec elle ce qu’elle voulait.

La femme demanda au prince de lui dire pourquoi il la chas­sait, mais elle n’obtint point de réponse. Il lui dit simplement: “Va-t’en d’ici!”

La femme prit son alliance et quitta la maison. Elle se rendit dans un magasin et acheta des vêtements d’homme, les mit, et ainsi déguisée, elle se mit en route. Elle arriva dans une ville où vivait un roi, qui ne se mettait jamais au lit avant d’avoir entendu une histoire intéressante. Ce roi avait des employés spé­ciaux qui étaient bien payés pour lui raconter des histoires.

Ce jour-là, l’un de ces employés tomba malade et la jeune femme, déguisée en homme, obtint la permission de raconter des histoires au roi à la place de l’homme malade. Elle raconta au roi l’histoire de sa vie à la troisième personne de sorte que le roi ne s’aperçut pas que toutes ces choses lui étaient arrivées à elle.

Le roi se montra très satisfait de l’histoire et vanta les qualités du nouveau narrateur. Celui-ci avait beaucoup de succès et fit une belle carrière. Finalement, il fut nommé Juge suprême du pays, et obtint le privilège de s’asseoir à la droite du roi. Chaque fois que le roi quittait la ville ou allait en vacances, il confiait tous ses pouvoirs au Juge.

Entre-temps, le père de la jeune fille décida de visiter son en­fant, qui vivait dans la maison du prince. Il ne l’y trouva pas et le prince lui raconta ce qui s’était passé et lui dit: “Je ne sais pas où est ta fille.”

Le père porta plainte contre le prince devant le roi et ainsi les deux hommes, le père et le prince, devaient se rendre dans la ville où la jeune femme déguisée en homme, régnait sur le pays durant l’absence du roi.

Les deux hommes entrèrent au tribunal. Le père ne reconnut pas sa fille mais celle-ci n’eut aucune peine à le reconnaître. Entre-temps le roi était revenu dans sa capitale et le juge invita tout le peuple à assister à ce procès intéressant.

Le père raconta au roi et au juge comment il avait vendu sa fille. Et le prince dit qu’il l’avait chassée de sa maison après que son adjudant eut appris tous les secrets de la chambre de la jeune femme.

Le juge demanda à l'adjudant et à la sorcière de paraître comme témoins et après avoir démontré qu'ils avaient mal agi il leur infligea une sévère punition.

Puis le juge se débarrassa ce ses vêtements d'homme et mit ses vêtements de princesse. Le père reconnut sa fille et l’embrassa chaleureusement. Le prince était heureux, lui aussi, d’avoir enfin appris la vérité et reprit sa femme dans son château en lui témoignant tous les honneurs.

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965-page82-85

Contes Judeo-Arabe Ekswa zdida di Isso . Le costume neuf d'Isso David Bensoussan

Contes Judeo-Arabe

ELKSWA ZDIDA DI ISSO Tb.

LE COSTUME NEUF D’ISSO Dr David Bensoussan

Dawid Bnseussan

Wahd elnhar, mrat Isso hbto bass isri kswa zdida el'id dizaye.
Isso dzbad, ofbalo bass imsi elSok zdid ysri jelabiya ofSmata bas isri serbil.
Ftrik, tselam 'ala shabo del Mellah ora bass wahdine menheum labsine kswa romiya m'a kmiza mhleula, serwal khel osbat. Kal f'aklo :
«'Alass hta ana mane keuns nelbess fhalheum ? ».
Kdam odaz elhaneuth delbisclyta di Baba l'Algérien okra bisclyta bass ira kif 'amel elbass denass felblad.

LE COSTUME NEUF D’ISSO Dr David Bensoussan 
Un jour, la femme d’Isso voulut qu’il aille s’acheter un nouveau costume à l’occasion de la fête qui s’en venait. Isso sortit avec l’idée de se rendre au Souk El Jdid pour acquérir une djelabah et à la Smata pour des babouches. En chemin, il salua ses amis du Mellah et nota que certains d’entre-eux portaient le costume à l’européenne avec une chemise ouverte, un pantalon noir et des chaussures. Il pensa : « Pourquoi ne ferais-je pas comme eux » ? Il passa devant le magasin de bicyclettes de Baba l’Algérien, loua une bécane afin de se balader et voir comment les gens de la ville étaient vêtus
 

Dar 'al limyne fel Plassa delmarché 'amra benasss ofein maline elhwane kane yberho 'ala sel'a dyalheum. Daj Souk elheuth di riha dyalo mtleuka, ba'ad oossol fSok zdid. Tema kano shabo mzmeu'ine fbab el haneut, taï hdro 'ala lma'ala diataï bena'na', sgoula delwiza otyab di aflayo. Rza' bass ykemel triko tol elHdada odar 'al limine elDerb el'Attara. Houwa rghzod felkswa densara odaz lozh elhaneut di Bolhens, oqef swiyess lozh l'affiche d'cilima kbel yidkhel fDerb la'leuz

Il vira à droite à la place du marché plein de monde où les vendeurs vantaient leurs marchandises à la criée. Il passa devant le souk des poissons à l’odeur si prenante et arriva à Souk El Jdid. Ses compères étaient assemblés au seuil des magasins vantant tour à tour les qualités du thé à la menthe, les vertus de la « Louiza » et la douceur de la « flayo ». Il continua son chemin sur la rue de la Hdada et tourna à droite à Derb Attara. Il se mit en tête de se payer un costume européen. Il passa devant le magasin de Beulhens, s’arrêta un moment devant l’affiche du cinéma avant de rentrer dans la rue La’leuz. 

Mnora madaz spitar, ossel elhaneut di Salom Ifergane elkheyat. Seb tema wahd errazol kaï ytfda 'ala khyalo leuzh elmraya, labess redingot khla, fido melbass el gantess bedine okabd berdo berass denkra, kane ti rwam sombrero mdouwar – sapo mneuna – ohouwa waqef belhiba olfantaziya elmedhqa lassiliya dswiriyine

Après l’hôpital, il entra au magasin du tailleur Chalom Ifergan. Il y trouva une personne qui s’extasiait devant un miroir, revêtu d’une redingote noire, portant des gants blancs et tenant une canne à la poignée argentée. Il ajustait son chapeau rond (chapeau melon), se pavanant avec la majesté et la fantaisie de la vraie noblesse « souirie ».  

Mdira dak linglizi, hbi ykherz fhalo melhaneut. Behq sahbo Salom ma khelahs yidzbad. Mhit salom 'arf tkhmima disahbo, qal : « Bessimane tob omzaltob ! Tiq biya, 'amork matendem, na'melk kswa dseltane elkbar ! ».

Lorsqu’il vit cet anglais, Isso voulut quitter le magasin, mais Chalom ne le laissa pas se retirer car il lisait dans les pensées de son ami.

« Besimantov ou Mazaltov ! Crois-moi, je vais te faire un costume royal ».

Isso tghewa osalom bda yqbed l'a'bar : el'ank, elhzem, tissa'… « Wah wah kif had elmoda wa'ra !» kal Isso f'aklo. Salom kal l'Isso bass yirza' mnora zem'a bass iqiyess elkswa. Isso khba elhkaya 'ala mrato oma'awdelhass walo. Ozem'a dazt 'ala Isso belhem elkbir orza. Felkher, ossel enhar dikayetsena. Salom kane mozeud oferh bih oqblo belbrakha di barokh haba.

Isso hésita et Chalom commença à lui prendre les mesures : le cou, la taille, la largeur,…. -Ah que cette mode est compliquée, se dit Isso. Chalom demanda à Isso de revenir dans une semaine afin d’essayer le costume. Isso cacha à sa femme son projet et ne lui en fit pas part. La semaine se passa, alors qu’Isso vivait avec une certaine anxiété. Le jour tant attendu arriva enfin. Chalom était prêt et l’accueillit avec joie et des vœux de Baroukh haba.

Isso bda belbass diqemza bida ot'azeb 'ala la'qayd elqlal difiha, massi fhal walf tilbess elkftane taï oussolo hta l'ank, 'amar belqayd elmdiyek. Mnora dak, ossel neuba dserwal. – Hadi hseuma kal Isso okeyn'at belbragitta – La ! hadi pratik ! kallo Salom Isso hez rasso, qaytir fsma mdiqiyess elvesta. Ma'akels rasso. Kane ma'zer. – B'issk hdenn rask. Ila tbka mkemess, hta sikswa matzi 'alik ! Zat neuba dsombrero dibogar. –

Isso commença par enfiler la chemise blanche et s’émerveilla devant le peu de boutons qu’elle avait, contrairement à son Caftan qui lui était plein de boutons juxtaposés serré jusqu’au cou. Ensuite, ce fût le tour du froc. -C’est embarrassant, dit Isso en regardant la braguette. -Non! Cela est pratique, lui rétorqua Chalom. Isso se sentit au septième ciel lorsqu’il essaya la veste. Il ne se reconnaissait pas, il en était quelque peu dérouté. -S’il te plaît, tiens-toi droit! Si tu restes ainsi contracté, aucun costume ne t’ira! Puis ce fut le tour du chapeau Bogart.

Ass na'mel bhad sapo, kal Isso. Sessia tqdini ! – La la, kal Salom, hdaz sapo basyselmo 'ala nass. Ossralo kif isselmo bsapo bswab. Isso tsena zem'a okhra belhem ktir orza. Kelbo mherrek, Isso izeb elkswa. – Daba loqt bass enkhmemo flesaccessoires kal Salom. – Ass hadi ? Baqi massalina ? sqsa Isso – Enbdawe blesbaleines – Nsri lbaline ? 'Alass za loqt delmassyah difass naklo se'ouda deliviatane ? – La ! qallo Salom, odkhel lbaline felkoyyar del kemza.

Que vais-je faire avec le chapeau dit Isso, ma chechia me suffit! -Non, non, dit Chalom il faut un chapeau pour saluer les gens. Il lui montra comment les gens saluaient poliment du couvre-chef. Isso attendit une autre semaine avec grande impatience, le cœur serré, pour l’essayage final du costume. -Maintenant c’est le temps de penser aux accessoires dit Chalom. -Quoi donc, nous n’avons pas encore fini ? dit Isso -On commence par les baleines, tout nouveau tout beau ! -Achetez des baleines, est-ce que le temps du Messie est arrivé afin que nous mangions le repas du Liviatane ? -Non lui dit Chalom tout en lui insérant les baleines dans le col de la chemise. 

Daba nzido nkhmemo bla'aqad del manos. – Wass ana mhbouss ? Wass melfelta 'amelt ? – Nahat rouwah akhaï ! 'Amri marit wahed dimfqa' mel l'élégance ! – Isso kherz sbat dimsa sra 'and Sem'one Azinkot felHdada. OSalom za m'a elgrabatta. – Bar minane ! hti t'alkni ? – Hatati 'awiti passa'ti ! ass 'amelt ellah la'ziz bass ykeune 'andi kliene wa'er fhalk ! Ntina dandy dla City qal lo Salom b'ein diqat tenza fih. B'isk, doz 'and Sema'ya elbarberos fel rass derb bass yigerdelk dik elhya wiya'melk la coupe fhal elweld dcilima.

– Maintenant, il est temps de passer aux boutons de manchettes. -Est-ce que je suis aux arrêts, de quoi suis-je accusé? -Du calme mon frère, je n’ai jamais vu quelqu’un qui n’est pas enchanté par l’élégance. Isso sortit les souliers qu’il avait achetés chez Simon Azincot à la Hdada. Chalom s’en vint avec la cravate. -D. préserve, veux-tu me pendre ? -Mea culpa, mea culpa, mea culpa ! Qu’ai-je fait au Tout-Puissant bien aimé pour mériter un client aussi difficile que toi! Tu es tel un Dandy de La City, lui assura Chalom avec un regard admirateur. S’il te plait, passe chez le barbier Chema’ya au coin de la rue afin qu’il te rase cette barbiche et qu’il te fasse la coupe comme le héros du cinéma.

 Melbass omhdek fhad eraht, Isso maz'ams itkheul fdar. Tla' Derb La'leuz, dar 'al lissar fDerb du Consulat di Franssa hta ossel Derb Coutolle. Menhnak msa lPlassa di Chayla dihiya Sanezilizi dSwira. Houwa taï lali wiyssouf hnak, tetpassiar enass labsine kswa romiya, olmrawat dilabsine krinoline, siihoud labsine ellbass dlingliz, la'sker elfranssess m'a elkswa tatsta', ossi nass m'a lsapo dikanotyé. Msa orza' halokh wassoub orza' mDerb elKsba bass ydeuz 'ala elMdina omtemma idkhel elMellah. Si nass safo bih : Si nass keyraho wit'azbo fih, ossinass keyraho widhso fih. Daz felmdina ou hess belghzra di taïghzro fih enass okhella menora Hayim Zgor oNsim Elkelaï femhom mter'a mqtar didhsa didahso fih. Daz elferrane di'Abibo oossel fTer'a.

Ainsi accoutré, Isso ne trouva pas le courage d’aller à la maison. Il remonta la rue La’leuz, tourna à gauche à la rue du Consulat de France et arriva à la rue Coutolle. De là, il se rendit à la place de Cheyla qui est les Champs Élysée de Mogador. Il s’y promena, appréciant les gens vêtus à l’européenne, les femmes en crinoline, des Juifs vêtus à l’anglaise, des soldats français à l’uniforme rutilant ainsi que des personnes avec un canotier. Il fit les cent pas. De la Kasbah à la Médina, avant de rentrer au Mellah. Certains le reluquaient avec admiration, d’autres avec consternation. Il traversa la Medina et ressentit l’envie dans le regard de certaines personnes. Il laissa derrière lui Haïm le Rouquin qui vendait les marinades ainsi que le rôtisseur de pépites bouche bée. Il passa le four d’Abibo et arriva à la Ter’a 

Kane tikhemmem f'aklo kif yiqbleuh nass di kaï 'arfoh. Tkhel fThtsaba mdelma, omaz'ams itkhel elMellah di 'amar belnass. dar lissar omsa 'and sahbo Yossif Lugassy souwaye. – Aye aye aye ! qal Yossif. wass hdaz nserbiwe dak elfromaz elkhanz delfrancess ? Hti sopa mtbokha bsrab ? Wass mazi tbqa sahbna ? Hak had sandwich delkfta mdkhna obsahtek ! Isso thzem odkhal felMellah. –

. Il se demandait comment l’accueilleraient les gens qui le connaissaient. Il traversa la Thtsaba obscure et n’eut pas le front d’entrer au Mellah. Il tourna à gauche et se rendit chez son ami Yossef Lugassy, le rôtisseur. -Ay, Ay ! dit Yossef. Devrait-on te servir le fromage puant des Français ? Veux-tu de la soupe au vin ? Vas-tu rester notre ami ? Prends ce sandwich de kefta fumée. À ta bonne santé ! Isso prit son courage à deux pinces et pénétra au Mellah.

Makane fhems kal lo Ishaq Swissa dikaye ba' elmahya. Mayssi Pourim elyeum bass khfti rask. Hiya ghdertini osriti mahya sihdakhor! – La, la, matbdelts akhaï ! Isso kemel triko oberhlo Nsim Sandillon. – Daba tbda t'iss belbagetta d'af otkeune snob omaterdass belkhebz dyali ? Nass daro bih, wiqzmo widelko 'ala ktfo. Felkher, Isso dkhel felDerb Hastibi fein sakn otla' eldaro dinit dar Mossé Tapa

-Je ne comprends pas, dit Isaac Suissa le vendeur d’eau de vie. Ce n’est pas Pourim aujourd’hui pour que tu te travestisses! Tu m’as été déloyal et tu as acheté de l’eau de vie chez quelqu’un d’autre! -Non, non, je n’ai pas changé! Isso continua son chemin et se fît interpeller par Nessim Sandillon. -Maintenant tu vas commencer à vivre de baguettes maigrichonnes. Tu vas devenir snob et dédaigner mon pain ? Les gens l’entouraient en rigolant et lui donnant des accolades. Enfin, Isso arriva à la rue Hastibi où il habitait et monta chez lui 

. – 'Aqdo roh ! 'Aqdo roh ! Razli hbel ! bdat siyah Izza. – Yallah Izza ! Riyyeh khaterk ozib si mahya na'mlo tsin-tsin bass enbarko had sa'a. Izza ma sabt raha obqat dor mnorah fhal sikelb taïkeune izri 'ala dnabo. – Gels ellard, ya Izza. Kbel manserb, enhbek thel had elpakit. – Mhmeuma, Izza helt elpakit orat mesmom denwar mkhbod 'ala sapo delmobar khdar. – As had zardine hada ? Isso kbed elsapo disra 'and Madam Zagury felPlassa di Chayla, olbso elmrato. – Wass tarek la'qel ? Hsebti rassi fhal sanya bastheret fiha ?.

. -Sauve qui peut, mon mari est devenu fou, cria sa femme Izza. -Alors Izza, calme-toi, j’ai amené un peu d’eau de vie pour que l’on fasse chin-chin pour fêter cette occasion. Izza ne tenait plus en place et tournaillait autour de lui tel un chien tentant d’attraper sa queue. -Assieds-toi parterre, dit Isso avant de boire. Je veux que tu ouvres ce paquet. Stupéfaite, Izza ouvrit le paquet et vit tout un rosier épinglé sur un chapeau de feutre vert. -Qu’est-ce que cette plantation ? Isso prit le chapeau acheté chez Madame Zagury et en coiffa sa femme. -As-tu perdu la raison? Prends-tu ma tête pour une serre afin que tu y jardines ?

Zirane sem'o dak elghwat otel'o eldar. Zbro Isso tisstah wiydor 'ala mrato fhal dok lolad delryeuss diydowro 'ala totem, oya'mel sklaybatt om'aybatt fhal la'bid di Lewi erbata'ss. Zirane 'azbelheum elhal hta gelso hta hema yistho witelko zgharit odar qelha tla't elsma beferha

 Les voisins entendirent ses cris et montèrent à la maison. Ils trouvèrent Isso dansant et tournant autour de sa femme tel les Indiens tournant autour d’un totem, tout en faisant des courbettes et des pirouettes comme à la cour de Louis XIV. Ce spectacle enchanta les voisins qui se mirent aussi à danser et à lancer des Youyous et la maison déborda de joie.

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