His. des juifs de Safi-B. Kredya


Les juifs de Safi et la pieuvre des protectorats consulaires au cours du dix-neuvième siècle

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En recherchant la vérité au sujet des prétendues injustices envers des juifs par les puissances étrangères et sur les actes de protectorats distri­bués généreusement et leur généralisation, nous aboutissons aux constats suivants :

1.- Les puissances étrangères, en avançant ce qu'elles appelaient « injustices », ignoraient sciemment :

1.1. Que les agissements des juifs rabaissaient leur honneur et leur humanité, et au dire des étrangers, ils étaient méprisés. En fait, seules les conditions de la loi de la « dhimma », en vigueur depuis l'installation de l'islam sur les terres du Maroc et l'instauration de la souveraineté du pays par les Idrissides, s'appli­quaient. Cette loi fut observée par les différentes dynasties qui se sont succédées, sans réserve et sans concession ; y compris au XIXe siècle, malgré la faiblesse de l'autorité de l'État et son impuissance dans plusieurs domaines, et cela, d'une main de fer, comme il ressort éminemment de ces lettres de deux sultans :

a) La première, émanant de Moulay Abderrahman (1822-1859), « avertit que les juifs de notre administration prospère sont engagés par les clauses de l'acte de la dhimma, fixé par notre législation généreuse et appliqué à nos coreli­gionnaires actuellement et par le passé; si les gens de la dhimma s'en tiennent à ces conditions, nous serons dans l'obligation de protéger leurs biens et s'ils violent, ne serait- ce qu'une seule condition, notre loi bien-aimée dégage [notre responsabilité de protection] de leur vie et de leurs biens ».

  1. b) La seconde, du Sultan Moulay Al Hassan (1873- 1894), précise le dernier mot dans l'application de la loi de la « dhimma », disant : « Ils n'ont été appelés "Ahl Eddhimma" [protection] que parce qu'ils sont sous la protection de l'islam qui les protège, qui les défend et qui interdit qu'on attente à leurs vies. » Il poursuit, rappelant : « Ils ont des engagements et des conditions avec nous qu'ils doivent respecter et appliquer ; sinon, la révocation de ces engagements mènerait à un malheur auquel ils ne pourront échapper et annulerait leur "dhimma". »

Les sultans, Moulay Abderrahman et son petit-fils Moulay Al Hassan, n'adressaient-ils point des aver­tissements aux puissances coloniales et à leurs partisans parmi les « démons stupides des juifs », selon l'expression des archives du Makhzen.

En revenant à la chariâa (loi) de l'islam, nous trou­vons chez Al Maouardi des détails précis relatifs aux conditions de la loi de la « dhimma ». Il les répartit en deux ensembles : des clauses obligatoires et d'autres facultatives, dont l'application aux « Ahl Eddhimma » repose sur leur acceptation de vivre sous l'aile de l'État musulman, son drapeau et ses juridictions, et de payer les droits de capitation :

Les premières dispositions sont obligatoires et sans concession possible. Elles exposent les « Ahl Eddhimma » aux pires sanctions en cas de non- observance : il leur est imposé de respecter la religion du musulman et tout ce qu'elle comporte de sacré et de devoirs, et de ne pas nuire à ce dernier ni dans ses convictions, ni dans son honneur ou dans ses biens.

Les conditions facultatives deviennent obliga­toires pour les « Ahl Eddhimma » s'il y a accord de leur part à ce sujet. Dans ce cas, ils se voient obligés de les appliquer et sont punis sévèrement en cas de non- repect. Ces stipulations sont celles-là mêmes que les étrangers ont considéré comme des injustices et des obligations avilissantes pour les juifs du Maroc.

[1]   Al Maouardi précise les conditions imposées :

« La première est qu'ils ne doivent pas citer le Coran en le diffamant ou en l'altérant ; la deuxième : ne pas parler du Messager de Dieu, Salut et Prières sur Lui, par démenti ou moquerie 

la troisième : ne pas injurier la religion de l'Islam en disant du mal ;

la quatrième : ne pas accuser une musulmane d'adultère ;

la cinquième : ne pas perturber la foi d'un musulman, spolier ses biens ou attaquer sa religion ;

la sixième : ne pas assister les belligérants… » [op. cit., p. 145.]

                 Les conditions facultatives sont :

« Ie: changer leur aspect par une marque distinctive dans leur habillement et en resserrant leur ceinture ;

2' : leurs habitations ne doivent pas être plus hautes que celles des musulmans ;

3' : ils ne doivent pas leur faire entendre les sons de leurs cloches ou la lecture de leurs livres ;

4' : ils ne doivent pas les entretenir de leur usage du vin ;

5' : ils doivent accélérer les funérailles de leurs morts et ne pas les pleurer ou faire leur éloge publi­quement ;

6 : il leur est interdit de monter des chevaux de race, mais ils peuvent monter des mules ou des ânes. » [Al Maouardi, op. cit.,

En réponse à la protestation des étrangers contre l'obligation faite aux juifs de se déchausser quand ils passent devant une mosquée, le premier ministre Mohamed Jamaî répliqua : « Pour ce qui est de l'obligation faite aux juifs de se déchausser… c'est une habi­tude courante à laquelle ils se sont engagés depuis leur installation dans ce pays. S'ils la révoquent, ils perdront notre protection, la population et les foukaha de la nation ne l'admettront pas. Et nous ignorons ce qui leur adviendrait s'ils changent leurs habitudes. » [Réponse du premier ministre Jamaî à l'ambassadeur de Grande-Bretagne, Drummond- Hay, datée du 25 Joumada 1 de l'an 1297 de l'hégire, « Wataik », Tome IV, pp. 401-402.]

Les Juifs de Safi et la pieuvre des protectorats….Brahim Kredya

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1.2. Les étrangers eux-mêmes reconnaissaient que les juifs avaient vécu à travers les siècles et les gouvernements en toute sécurité, qu'ils pratiquaient leur culte en toute liberté et sans être gênés par les autorités du pays. Ils disposaient de tribunaux et de prisons particulières, et les relations entre la majorité musulmane et la minorité juive étaient empreintes de complémentarité et d'interpénétra­tion dans tous les domaines : économique, social et même politique. Les Marocains, musulmans et juifs, ressentaient tout ce qui affectait le Maroc – crise ou abondance -, ce qui enracinait en eux le sentiment d'appartenance commune à une seule et même patrie. L'histoire nous apprend que les juifs ont toujours prié et continuent encore à prier pour les autorités du pays au cours de leur culte. Pendant les années de sécheresse, ils ressentaient les mêmes angoisses que leurs frères musulmans et élevaient leurs prières, implorant Dieu de faire tomber la pluie ; ils se rendaient en grand nombre sur les places pour accomplir la prière de « l'Istisqaa » (invocations pour faire pleuvoir). Le professeur Lévy raconte que quarante mille des juifs du Maroc faisaient partie de l'armée de Youssef Ibn Tachfine lors de sa traver­sée pour l'Andalousie, pour mettre fin aux attaques des chrétiens contre les habitants musulmans et juifs. Cette expédition fut couronnée par la victoire de Zellaqa en 1086. De même, les juifs du Maroc furent heureux de la victoire des Saâdiens sur les Portugais dans la bataille de Oued Al Makhazine en 1578 (« La bataille des Trois Rois »). À cette occasion, ils organisèrent des prières de remerciement à Dieu.

                Sous les Idrissides, Moulay Idriss II logea les juifs à Fès après

l'achèvement des constructions. Sous les Almorávides, on permit aux juifs d'accomplir leurs dévotions en toute liberté, sauf que le roi Ali Ben Youssef leur interdit d'habiter dans sa capitale, Marrakech ; ils n'y pénétraient que le jour et en sortaient au crépuscule de peur que certains n'aient des rapports avec les complots de quelques juifs d'Andalousie qui aidaient les chrétiens contre la présence almoravide en Espagne. Sous les Almohades, ils furent victimes de vastes persécutions, dirigées également contre les Almorávides et leurs Chiites ; ils les considérèrent tous comme des infidèles. Des juifs cachèrent leurs rites et firent semblant d’embrasser l'islam. On attribue au calife almohade Yaacob Al Mansour les paroles suivantes : « Si leur infidélité [à l'islam] est avérée, je tuerai leurs hommes et j’emprisonnerai leurs enfants, et leurs biens seraient butin pour les musulmans. » Sous les Mérinides, les juifs des Béni Ouaqqass acquirent une grande autorité auprès du sultan Abou Yacoub Ben Youssef. Leur pouvoir excéda même celui de ses ministres.

 Le gouvernement du sultan mérinide Abdelhaq Ben Abou Saïd compta deux juifs (Haroun et Chawel) et un chambellan juif nommé Houcine ; au temps des Mérinides fut construit le premier quartier juif (mellah) à Fès dans le but de les protéger contre toute malveillance qui pourrait provenir des musul­mans ; sous les Beni Ouattass, le Maroc ouvrit largement les bras aux juifs, accueillant les émigrés chassés d'Espagne, sous les supplices et les tueries des tribunaux de l'Inquisition. Le sultan ouattassi leur prodigua des signes de bienveillance et les aida. Il l'estimèrent et l'appelèrent « le grand roi pieux ». Lorsque le cheikh érudit Mohamed Abdelkrim Lamghili rédi­gea des lettres sous le titre : « Pas de protection pour les juifs », le cheikh Zarrouk Al Fassi écrivit une « fatwa » interdisant la conduite de la prière par le cheikh Louaryagli, parce « qu'il avait incité les gens à se révolter contre les juifs ». Sous les Saâdiens, d'après un historien contemporain : « Les juifs ont connu la plus belle époque de leur histoire… dans toutes les parties du Maroc et dans ses régions les plus éloignées. » Ils bénéficièrent de la considération et de la sympathie des sultans saâdiens et s'accaparèrent le commerce intérieur en plus du commerce extérieur. Certains d'entre eux devinrent très influents dans la cour saâdienne dont Samuel Balache et Haroun. Le premier joua un rôle important dans les relations commerciales entre les Saâdiens et l'Europe, particulièrement avec la Hollande. Ils eurent la faveur du sultan saâdien Moulay Zidane ben Ahmed al Mansour à tel point qu'ils le poussèrent à incar­cérer successivement les consuls de France, Claude Dumas et Pierre Mazette, qui restèrent en prison jusqu'à leur mort.

Histoire des juifs de Safi-Brahim Kredya

Haroun avait une grande autorité sous le règne de son père le sultan Ahmed Al Mansour ; les commerçants et les propriétaires des navires cinglais le craignaient. Il devint le sujet de toutes les conversations en Angleterre au point qu'il inspira à Shakespeare l'un de ses ouvrages. Sous les Alaouites, le sultan Moulay Ismail avait un conseiller juif du nom de Mimrane, et un trésorier pour ses biens et ses dépenses, Ibn Attar. Ce dernier fut l'intermédiaire dans le traité avec l'Angleterre en 1721. Quand ce sultan décéda, les juifs du Maroc portèrent le deuil et considérèrent ce malheur comme une vengeance de Dieu les punissant pour les péchés et les crimes qu'ils commettaient. Durant le règne de Sidi Mohammed Ben Abdellah, le rôle politique et économique des juifs se développa ; parmi les personnalités juives les plus en vue, il y avait Samuel Samble, né à Safi, dont la plupart des traités signés sous son règne portent le nom. Jusqu'à nos jours, les juifs marocains, au Maroc et à l'étranger, continuent à jouir de la sympathie et de la confiance des rois du Maroc. On choisit parmi eux des ministres et des conseillers.

L'un des rabbins de Fès, nommé Chamuel Ben Danane, dit, parlant des années de sécheresse : « Des appels au secours se sont élevés dans tous les quartiers de la ville… nous avons pris l'exemple des musid- mans et nous avons jeûné comme eux… nous nous sommes réunis… et nous avoris prié sept fois la prière de "Y ghafour" (Ô toi qui pardonnes !)… le lendemain, nous avons jeûné ensetnble, petits et grands, et même les femmes enceintes et celles qui allaitaient… Grâce et Louange à Dieu… depins le lundi et le début de nos invocations, les nuages ont couvert le ciel et des gouttes salutaires se mirent à tomber, le vent d'est (chergui) cessa de souffler… et des pluies bénéfiques tombèrent toute la nuit… nous avons sorti notre livre et nous avons psalmodié les louanges… et notre espoir m Dieu et sa miséricorde persiste. » [D'après Mohamed Kenbib, Mémoires du patrimoine marocain, op. cit., pp. 125-126.]

Bien que les juifs marocains fussent, selon la conception de notre époque, des « citoyens de seconde classe», beaucoup atteignirent des situations élevées (avantages, respect et influence). On compta parmi eux des ministres, des conseillers, des chambellans, des ambassadeurs et des négociants du sultan. Au dire du grand sultan Moulay Al Hassan Ier, la plupart des juifs avaient acquis richesse et opulence et vivaient dans l'aisance, le confort et le bien-être. Dans une lettre adressée à certains de leurs commerçants importants, sa majesté disait :

« Vos pauvres sont beaucoup moins nombreux que vos riches, contrairement aux musulmans dont le nombre des pauvres surpasse celui des riches sans aucune possibilité de comparaison. L'ensemble des riches musulmans est comme une tache blanche sur le dos d'un taureau noir. »

Le gouvernement, dans les périodes de sécheresse ou d'épidémie, soulageait ses sujets juifs en réduisant les impositions, et même en exonérait les plus pauvres, comme cela se produisit sous le règne du sultan Sidi Mohammed Ben Abdellah qui exempta des droits de capitation les juifs de Safi et d'Agadir, considérés comme les plus pauvres du pays.

Si les juifs marocains avaient été victimes de malveillances, de pillages et de vols pendant les années de crise, leurs concitoyens musulmans ne furent guère épargnés. Mais en temps normal, de tels faits « étaient beaucoup plus rares qu'on ne le disait », et à l'origine de ces événements, « c'était la populace » qui ne mesurait pas la portée de ses imprudences et de son inconstance. Jamais un gouvernement marocain n'a incité à maltraiter les juifs comme cela s'était passé dans beaucoup de pays européens. Au contraire, des étrangers avaient constaté que les juifs jouissaient d'une « protection efficace » et cette situation perdura même au moment où le Maroc se trouvait sous l’emprise du protectorat français. Il nous suffirait de citer l'attitu­de courageuse et exemplaire du roi Mohammed V quand il refusa d'appliquer les directives nazies de Vichy, qui appelaient à opprimer les juifs du Maroc. La réaction de Sa Majesté fut ferme et définitive quand il répondit au gouvernement de Vichy : « Je n'admets absolument pas les nouvelles lois anti-juives… et je n'accepterais pas d'être complice de ce que je réprou­ve. Il vous appartient de savoir que les juifs sont encore sous ma responsabilité comme ils l'ont toujours été et je refuse toute ségrégation entre mes sujets. »

À l'occasion de la Fête du Trône de l'année 1944, au moment où le Maroc entier criait sa volonté d'indépendance, le roi Mohammed V reçut une délégation des juifs de la capitale, Rabat, et s'adressa à eux, d'après un rapport confidentiel adressé à Paris par la Résidence Générale, en ces termes : « Vous êtes mes sujets au même titre que les musulmans et pour cela je vous salue et je vous aime. Soyez sûrs que vous trouverez toujours auprès de moi toute l'aide dont vous aurez besoin… Je vous répète que je suis décidé à vous garder comme à vos frères musulmans, la même considération et la même solli­citude. Cette fête est notre fête commune. » [D'après Germain Ayache, « Mohammed V et les Juifs du Maroc », Conférence internationale au sujet de « Mohammed V le Leader »/16 au 20 novembre 1987, pp. 120-121.]

Les juifs de Safi et la pieuvre des protectorats

2 – Les puissances étrangères enveloppaient leurs accusations sous une couverture humanitaire. Mais en réalité, elles n'étaient guère sincères. Leur but consistait en fait à briser la cohésion qui existait entre les juifs marocains et leurs concitoyens musul­mans et à semer l'aversion et la divergence entre deux clans, cherchant des prétextes qui justifieraient leurs interventions dans les affaires internes du Maroc. La vanité de leurs accusations transparaissait ainsi :

2.1. Ces puissances qui n'ont cessé d'élever leurs voix pour sauver les juifs du Maroc de « l'injustice et du mépris », n'étaient guère sincères et agissaient selon la loi du profit quand elles accordaient leur protection. Les points suivants le prouvent :

À l'occasion de la Fête du Trône de l'année 1944, au moment où le Maroc entier criait sa volonté d'indépendance, le roi Mohammed V reçut une délégation des juifs de la capitale, Rabat, et s'adressa à eux, d'après un rapport confidentiel adressé à Paris par la Résidence Générale, en ces termes : « Vous êtes mes sujets au même titre que les musulmans et pour cela je vous salue et je vous aime. Soyez sûrs que vous trouverez toujours auprès de moi toute l'aide dont vous aurez besoin… Je vous répète que je suis décidé à vous garder comme à vos frères musulmans, la même considération et la même solli­citude. Cette fête est notre fête commune. » [D'après Germain Ayache, « Mohammed V et les Juifs du Maroc », Conférence internationale au sujet de « Mohammed V le Leader »/16 au 20 novembre 1987, pp. 120-121.]

Certaines puissances supprimaient de leurs registres des juifs qui jouissaient auparavant des avantages de leur protectorat. Ainsi, le consul de France, Monsieur Nagiard, élimina en 1890 du protectorat de son pays quatre juifs de Safi : Ishaq Ohayon, Haroun Boukdada, Nessim Liwy et son frère Ishaq, pour l'évidente raison qu'ils étaient pauvres, chômeurs et qu'ils ne pouvaient être d'aucune utilité.

Les puissances étrangères choisissaient exprès leurs « protégés » parmi les juifs fortunés, instruits et ayant une grande expérience dans le commerce, pour en tirer le maximum de profits, en s'infiltrant dans l'économie du pays. On trouve dans une correspondance du doyen du corps diplomatique à Tanger, le ministre plénipotentiaire britannique Drummond-Hay, en 1879, littéralement : « Les Marocains juifs qui ont acquis la protection habituelle sont choisis parmi la classe juive nantie. »

Jusqu'en 1879, les juifs sous protectorat consu­laire étaient une minorité, représentant environ mille cinq cents juifs fortunés avec leurs familles. Ce nombre représentait moins de 0, 75 % de l'ensemble des juifs du Maroc, estimés à deux cent mille âmes lesquelles en majorité « n'ont jamais profité des avan­tages de cette protection étrangère ».

Les puissances étrangères qui élevaient la voix pour « protéger » les juifs du Maroc, ont de tout temps dissimulé leur haine envers ces derniers, à l'exception de la France qui a contribué à libérer la minorité juive. Pour la plupart de ces pays, le fana­tisme religieux et les mauvais traitements de la population juive faisaient partie de la « pratique religieuse » parce qu'ils accusaient les juifs de l'assassinat du Christ. Même la France, pourtant libérale, a continué jusqu'au XIVe siècle à souffrir de l'antisémitisme. La meilleure preuve en fut la célèbre condamnation de Dreyfus. Au cours du jugement de ce juif innocent, la population française criait de toutes ses forces, attribuant aux juifs les pires et les plus vils qualificatifs, et appelait à leur éradication. Cela poussa Hertzl qui suivait l'affaire en tant que journaliste, à créer le sionisme et à rechercher un pays pour la diaspora juive européenne, pour échapper à l'antisémitisme qui s'était implanté dans les esprits européens rendant l'intégration des juifs impossible. Il pensa que la seule solution consistait à trouver un pays pour les juifs.

Les puissances européennes ont largement participé aux malheurs et à la faiblesse du Maroc, dans sa sécurité, dans son économie et dans sa puis­sance militaire. Ajoutée à cela, la multiplication des injustices et des abus des responsables – gouverneurs et caïds -, qui croyaient que leur tyrannie pouvait contenir la situation catastrophique avant qu'elle ne leur échappe et que les structures de l'État déjà ébranlées ne s'écroulent entièrement. Le feu de leurs abus n'atteignit pas uniquement les juifs qui ne furent pas seuls à en souffrir : ils étaient logés à la même enseigne que les musulmans. Les droits des deux communautés étaient spoliés, leur honneur bafoué et nul ne pouvait les préserver des injustices des responsables. Ils n'y avait aucune loi respectée qui les protégerait de la tyrannie et du mépris.

Relations du caïd Aïssa Ben Omar avec les juifs de Safi

    1. Relations du caïd Aïssa Ben Omar avec les juifs de Safi
    1. Le caïd Aïssa Ben Omar el Abdi a été le plus célèbre et le plus important des caïds régionaux durant les trente dernières années qui ont précédé la soumission du Maroc au protectorat colonial. Weisgerber l'a décrit disant qu'il avait un visage avenant avec des traits arabes, légèrement brun, entouré d'une courte barbe grise. Il était de taille moyenne, ne présentant aucun signe d'obésité. Il entourait sa tête d'un turban de mousseline blanche et se drapait d'un haïk d'une blancheur immaculée. Il loua ses qualités ainsi : « Il était d'une intelligence étincelante, savant, ferme et précis, chaste, propre… Il était austère en religion et récitait constam­ment des invocations "dikr". Ses salons ne manquaient jamais de "ouléma"… Il était modeste et affable. »
    1. Aïssa Ben Omar el Abdi est né dans la région des Abda en 1842 dans une famille arabe originaire du Hejaz et une proche parenté avec les chérifs Aroussiyine, habitants de Séguia el-Hamra, au Sahara occidental. Cette famille gagna la considéra­tion et l'estime dans les Abda en raison de sa noble ascendance (charaf) et de la richesse acquise par le commerce qu'elle entretenait avec les étrangers, par le port de Cap Cantin, et également grâce aux rela­tions complexes qu'elle avait tissées avec de nombreux symboles de l'autorité du Makhzen. Cela la prépara et lui facilita l'accès à la fonction de caïdat, au moment de sa création dans la tribu des Behatra. Elle fut seule à assumer cette responsabilité durant soixante-sept ans, de 1847 à 1914. Aïssa Ben Omar fut le plus puissant et le plus considéré des caïds de cette famille. La période de son autorité fut la plus longue et dura trente-cinq ans, de 1879 à 1914. Il endossa cette charge dans une période délicate et difficile de l'histoire du Maroc où les puissances coloniales s'étaient liguées contre le pays, multi­pliant leurs pressions militaires, commerciales, financières et diplomatiques sur le Makhzen. Aïssa Ben Omar s'acquitta de ses fonctions caïdales avec succès, aussi bien sur le plan administratif que mili­taire, dans son fief que vis-à-vis de l'autorité centrale. Il mérita ainsi la confiance et la considéra­tion des sultans qu'il avait servis : Moulay Hassan Ier et ses deux fils, Moulay Abdelaziz et Moulay Abdelhafid. De ce fait, l'étendue de son autorité s'accrut, allant de Oualidia, aux confins des Doukkala et au-delà de Tensift, dans les Chiadma, et jusqu'à soixante kilomètres des portes de Marrakech. Il devint le premier seigneur de cette région, y agissant comme un prince au pouvoir absolu.
    1. Aïssa Ben Omar fut parmi les premiers caïds à faire allégeance au sultan Moulay Hafid, comme « sultan du Jihad » en 1907. Ce dernier le nomma Ministre des Affaires étrangères. Dans cette charge périlleuse, il révéla son intelligence et sa perspicacité, en un moment critique de l'histoire du pays. Il conseilla l'application d'une stratégie diplomatique pour écarter les menaces grandissantes de la France, en suscitant une rivalité entre cette dernière et l'Allemagne.
    1. Après l'application du Protectorat français sur le pays, l'administration française le destitua après qu'il eut combattu ses intérêts et sa présence. Il fut déporté à Salé et contraint à une résidence forcée, de 1914 jusqu'à sa mort en 1924. Son corps fut transporté dans sa tribu où il fut enterré au milieu d'une assistance impressionnante comme on en voit rarement. Fresneau en témoigne : « Des délégations de cavaliers des tribus le saluaient à tour de rôle, tout au long du passage du cortège funèbre… quatre cents pleureuses participèrent à l'imposant rite funéraire. » Cela indique la grandeur de cet homme dans la conscience de ceux qui l'avaient connu et la force de la considération que lui vouaient ses sujets. La mémoire populaire continue à perpétuer les nouvelles de sa fermeté, sa sévérité contre ceux qui se rebellaient contre son autorité ou qui complotaient contre la sécurité de son domaine. Cela se passait au moment où les étrangers usaient de tous les moyens pour affaiblir l'autorité de l'État et défaire sa souve­raineté, en dispensant des « protections consulaires », en se livrant au trafic des armes, en provoquant des troubles dangereux dans les régions, lesquels condui­sirent le sultan Moulay Hafid à penser que les habitants des campagnes et des villes étaient difficiles à gouverner « et qu'ils ne se conforment à la règle que sous l'oppression et sous l'autorité de ceux qui sont sans pitié5 ». Aïssa Ben Omar faisait partie de ces caïds fermes et vigilants, à tel point que le seul énoncé de son nom «faisait trembler les corps ».
    1. Pour ce qui est de notre sujet : les relations de Aïssa Ben Omar avec les juifs, les annales, malgré leur rareté, nous permettent de nous faire une idée approximative sur les relations du caïd – objet de ces éloges et ses comportements – avec la gent juive. En y regardant de près, elles nous révèlent deux attitudes contradictoires envers les juifs :
    1. a) Ils constituaient les auxiliaires d'un bien inépui­sable, souhaité en cette période de crise et d'abondance, dont on ne pouvait ni se défaire ni se passer.
    1. b) En même temps, ils faisaient l'objet d'inquiétu­de et de trouble dont on craignait les maux et dont on se méfiait.
    1. Pour ce qui est du côté utile des juifs chez Aïssa Ben Omar, il apparaît :
    1. Dans les faits, que ce caïd fit venir un grou­pe de commerçants et d'artisans juifs de Safi, avec leurs familles et leurs enfants, et les installa à l'inté­rieur de sa vaste casbah fortifiée où il avait son siège et celui de son autorité (Makhzen) ; il leur accorda sollicitude et protection. Ils apprécièrent leur nouvelle résidence et s'y fixèrent. Leur présence dans les campagnes des Abda se borna à cette seule localité, comme en atteste Doutté qui visita la région en 1914. Probablement, le caïd, en installant les juifs dans sa résidence, espérait y créer un centre commer­cial moderne et actif, multiservices, pour l'adjoindre aux autres secteurs réalisés, pouvant mettre à la disposition des siens, des tribus et des douars voisins toutes sortes de marchandises et de prestations urbaines. Ce désir se réalisa quand les juifs ouvrirent des boutiques et des ateliers dans un espace réservé à l'intérieur des remparts de la Casbah, pour la vente de tissus, de bijoux d'or et d'argent, et pour la coutu­re et la cordonnerie ; et même le commerce de denrées de consommation exotiques et rares à cette époque* 8 9. Grâce à cette réalisation dont l'origine et le support étaient les juifs, la casbah de Aïssa Ben Omar, comme le dit Sbihi, « devint un village autonome avec toutes ses utilités, comme une petite ville» ou, autrement dit, comme une ville parfaite.
  1.         casbah fortifiée Cette casbah est connue sous le nom de « Dar Caïd Si Aïssa ». Elle est située dans la tribu des Temxa, fraction des Behatra, à 25 km de Safi. Fondée par le frère du caïd – appelé caïd Mohamed Ben Omar -, en 1866, à l'époque du sultan Mohammed IV, elle s'étend sur 27 hectares mais Aissa Ben Omar, comme le dit Sbihi dans sa « Bakoura », y a construit plus que son frère… et ainsi la casbah lui fut attribuée. C'est une vaste casbah fortifiée par de hautes et épaisses murailles qui disposait d'une entrée principale gardée. Au temps de son prestige, elle comprenait plusieurs sections :
    • La partie d'habitation qui recouvrait le tiers de la surface de la casbah et qui regroupait les logements du caïd, de ses enfants et de quelques parents, des esclaves et des juifs qu'il avait fait venir de Safi. La résidence du caïd était la plus grande et la plus importante. Protégée par ses hauts murs, elle comportait trois étages conçus sur le modèle de Fès. À l'étage supérieur, se trou­vait le cabinet privé du caïd, et dans les autres, les espaces réservés aux invités. Au rez-de-chaussée, il y avait quatre salons faisant vis-à-vis autour d'une vasque.
  • La partie administrative, dont le tribunal constituait l'essen­tiel, intégrait la prison célèbre sous le nom d'« El Bardouz », formée de cellules sombres et étroites.
    1.            L'espace réservé au culte qui comprenait une mosquée pour les prières et pour l'enseignement des enfants du caïd et de sa famille, un local pour la « zaouia tijania », un cimetière dit « cimetière Ben Chtouki » où sont enterrés les siens et les notabili­tés de la tribu.
    1.           Une partie économique comportant des silos pour entrepo­ser les céréales, en quantité suffisante pour nourrir toute la population des Abda, des magasins et boutiques appartenant à des juifs.
    1.           Une partie privée renfermant les étables pour l'élevage du bétail et des écuries pour les chevaux pouvant en contenir quatre cents (voir Mostafa Fentir, sous-mentionné, pp. 268-280).
    1.         Le plus jeune des fils du caïd, le regretté Abdelkader, m'a raconté que l'un des commerçants juifs de la Casbah possédait un magasin où il vendait toutes sortes de marchandises : des biscuits, du chocolat, des cigarettes et du vin. Il est certain que la clientèle visée était ses coreligionnaires qui y résidaient, qui connaissaient et consommaient ces denrées depuis qu'ils fréquentaient les Européens.
  1. Pages de l'histoire des Juifs de Safi-Brahim Kredya-Septembre 2009-page125-131

Pages de l'histoire des Juifs de Safi-Brahim Kredya-Septembre 2009

  En la memoire de Felix Abenhaim. Paix a son Ame

ברוך דיין האמת, תנוח על משכבך בשלום, תחסר לנו הרבה..כי קשה לשכוח אותך

Mes sincères condoléances à sa famille et tous les safiots et safiotes

           Le caïd croyait fermement à la loyauté des juifs et à leurs compétences dans l'administration des finances. Il confia à plusieurs d'entre eux la gestion de ses affaires financières" dont l'un, appelé « Albakiri », s'était illustré dans son conseil. Chargé par Aïssa Ben Omar de comptabiliser les sommes recueillies dans les tribus sous son autorité, il est probable qu'il était également le régisseur des dépenses normales et exceptionnelles de la Casbah.

Le caïd trouvait dans les richesses accumulées par ses connaissances et par les juifs fortunés, une solution pour ses crises financières pour répondre à la demande du Makhzen qui, de temps en temps, exigeait de l'argent ou des services. Comme les autres caïds de son époque, il recourait aux juifs, en cas de nécessité, pour contracter des emprunts, le plus souvent à des taux d'usure très élevés.

Le caïd ne refusait jamais d'intervenir pour des personnalités juives auprès du Makhzen, pour la réalisation des affaires ardues et des demandes difficiles. Ainsi, il intercéda pour le compte de l'un des riches juifs de Safi, le rabbin Abraham Siboni. À ce sujet, il avait adressé une correspondance au sultan Moulay Hassan Ier, multipliant les louanges des vertus de ce juif de Safi et de ses mérites, disant notamment « qu’il avait une affection totale pour sa majesté, élevée par la Grâce de Dieu, et un penchant sincère pour la foi musulmane », et chaque fois qu'il demandait son intervention, c'était pour solutionner des « problèmes relatifs aux chrétiens et qu'il avait résolu de grands problèmes avec peu de chose ». À la fin de sa lettre, le caïd sollicitait du sultan de bien vouloir « donner une suite favorable à sa demande ». La corres­pondance caïdale ne donnait aucune indication sur l'objet précis de cette demande.

Il est certain que le caïd tira une compensation substantielle de cette intervention, ce qui, alors, était admis et courant. Peut-être aussi Aïssa Ben Omar avait-il conclu avec le rabbin Siboni une affaire commerciale bénéficiaire, d'autant plus qu'il était considéré à l'époque comme l'un des plus grands et des plus riches commerçants. Son commerce constituait l'une des sources de son trésor.

  1. L'aspect qui troublait le caïd Aïssa Ben Omar chez les juifs apparaît ainsi :

Dans une attestation adoulaire datée de 1289 de l'hégire (1880), on apprend que la « doumia [la protégée] Laôuli, fille du Balia… des juifs de Safi parcourait la tribu pendant les périodes de famine en compagnie de sa grand-mère nommée Rachel, quémandant des vivres,… tout comme les autres, musulmans et juifs… Un nègre inconnu l'attaqua, la viola et la déflora. Elle porta plainte devant le khalifa du caïd Aïssa Ben Omar qui ouvrit une enquête à ce sujet, en vain. Il ne put trouver l'identité du nègre auteur du viol. La jeune fille juive rentra à Safi et y resta un certain temps. Quelqu'un, à force de l'entretenir et de la fréquenter, la convainquit de calomnier et d'accuser injustement Ahmed, le fils du caïd Mohamed ben Haj Omar [son neveu et son khalifa], dans le but de nuire à son oncle le caïd Aïssa Ben Omar… et de déshonorer sa réputation ».

Deux adouls déclarèrent être arrivés à cette conclusion et attestèrent de sa véracité. Ce complot était manifestement l'œuvre de personnes qui vouaient au caïd haine et rancune et cherchaient à lui nuire, profitant de toutes les occasions « possibles pour l’atteindre, le diffamer et noircir sa réputation ». Elles trouvèrent l'occasion favorable dans cette juive pauvre et traumatisée et la poussèrent à détruire la réputation du caïd et son honneur. On n'exagérera point en affirmant que l'auteur principal de ce complot était un juif important dont les affaires avaient souffert et dont les projets n'avaient pas abouti – en conséquence de ce que l'on connaissait du caid dans le traitement réservé à ceux qui étaient « protégés » et à ceux qui s'associaient avec eux, tant juifs que musulmans, et aux étrangers qui les aidaient sur son territoire et à ceux qui s'y rendaient, venant de Safi. On n'écartera pas non plus l'hypothè­se que l'instigateur mystérieux serait le gouverneur de Safi, Hamza Benhima, qui éprouvait pour le caïd une aversion évidente et qui entretenait des relations et des accords commerciaux avec les grands commer­çants de Safi et avec les résidents étrangers.

            L'intendant du Lycée Fkih Kanouni, M. Abderrahim Koundi, m'a raconté que, quand il était enfant, une juive nommée Laôuli habitait dans le village de Sidi Abdelkrim (actuellement le quar­tier de Sidi Abdelkrim, l'un des quartiers de la ville de Safi), qu'elle élevait des bovins et qu'elle assistait toutes les femmes musulmanes dans leurs couches et leur fournissait le lait et ses dérivés après l'accouchement jusqu'à ce qu'elles récupèrent leurs forces.

Le caïd Aïssa Ben Omar avait la main dure pour les usuriers juifs qui prenaient l'argent des gens illicitement, appuyés en cela par les étrangers dont certains, honnêtes, constataient effarés les taux d'usure scandaleux appliqués et les malheurs qu'ils entraînaient, en ruinant les gens pauvres et endettés. L'ambassadeur de France consigna dans un rapport : « Combien de musulmans furent jetés dans les prisons pour de longues périodes pour des dettes importantes, grossies par une usure accablante! »

La sévérité du caïd vis-à-vis de ces usuriers abusifs transparaît dans la plainte d'un juif de Safi nommé Lyaho, portée devant le Makhzen central et rapportée par le Ministre des Affaires étrangères du Maroc dans une lettre adressée au caïd Aïssa Ben Omar, dans laquelle il écrivait : « L'ambassadeur d'Italie a écrit que le commerçant Lyaho Ben David Ohayon, interprète de son Consulat, a des créances chez des gens de ton territoire et il n'a cessé de réclamer leur remboursement, mais en vain. »

Le caïd resserrait l'étau sur les juifs « proté­gés ». Dans une lettre du sultan Moulay Abdelaziz à Aïssa Ben Omar, on peut lire : « Le représentant de l'Allemagne nous a communiqué que tu traites les associés de leurs commerçants qui sont sur ton territoire de façon inconvenante… et chaque fois que leur Consul à Safi t'écrit, tu ne lui réponds pas et tu ne montres aucun inté­rêt à ses affaires. » Plus encore, le caïd les terrorisait et portait préjudice à leurs intérêts économiques, faisant échouer leurs plans et leurs projets afin de fortifier son autorité et d'imposer son respect et sa crainte, et pour écarter tout désordre susceptible de nuire à la stabilité de sa région.

À ce propos, dans une lettre au caïd Aïssa Ben Omar, Torrès écrit que le juif Zellay, « protégé » italien, s'est rendu à Tanger pour se plaindre, « accusant tes fils de lui avoir pris le bétail confié à son associé… qui habite Abda. Ces biens confisqués s'élèvent à six cents têtes d'ovins, vingt-quatre têtes de bovins et quarante têtes de veaux ».

Pages de l'histoire des Juifs de Safi-Brahim Kredya-Septembre 2009

Pages de l'histoire des Juifs de Safi-Brahim Kredya-Septembre 2009-epilogue

juifs de safi

Epilogue

Nous revenons à notre point de départ pour affirmer que les études faites au sujet des juifs de Safi – malgré leur petit nombre et du fait qu'elles sont limitées à une localité définie, et en dépit de leur diversité, leurs contradictions et leur dispersion dans le temps -, nous permettent d'enregistrer tour à tour avec concision et profusion, les réalités suivantes :

1-Les racines du juif marocain remontent loin dans l'histoire du Maroc, sa patrie. Il a toujours joué un rôle effectif et égal dans l'édification de l'histoire du pays, dans l'enrichissement de sa culture et de son patri­moine. Il n'a jamais eu à défendre sa citoyenneté : elle est ferme et enracinée, contrairement aux allégations du grand militant marocain, le professeur Simon Lévy, après les événements terroristes du 16 mai.

Note de l'auteur: À l'occasion de l'attaque terroriste criminelle de plusieurs lieux de Casablanca dont le cimetière des juifs marocains et un club juif, le professeur Simon Lévy a déclaré que les juifs marocains sont appelés à défendre leur citoyenneté.

Pour montrer les qualités et les vertus du juif marocain, nous avons beaucoup de preuves dont nous évoquerons quelques-unes :

Par exemple, au moment du peuplement de la ville d'Essaouira par son fondateur, le sultan Sidi Mohammed Ben Abdellah, il entreprit d'y installer de nombreux juifs des autres villes du Maroc.

D'autre part, l'histoire de quelques provinces indique que leurs caïds interdisaient aux juifs d'émigrer, et quand ils leur permettaient de voyager, ils gardaient leurs familles pour s'assurer de leur retour, de peur que le marasme et la ruine n'atteignissent leur région.

Certains caïds, comme Aïssa Ben Omar, dans le but de faire prospérer leur région, y ont fait venir des juifs. N'oublions pas les adages et les sentences que les Marocains musulmans se transmettent au sujet de l'utilité et des bienfaits des juifs comme : « Un marché sans juif est tel un juge sans témoins [sans preuves] » ; et également : « Quiconque s'associe à un juif en affaire prospère ».

2-Le juif marocain, même si dans le passé il était considéré comme un citoyen de seconde zone, confor­mément à la loi musulmane de la « Eddhimma », a vécu sous la

protection d'une nation tolérante qui, jamais, au grand jamais, n'a poussé a racisme et qui a combattu la ségrégation raciale entre ses sujets musulmans et juifs. Le juif a toujours joui d'une consi­dération particulière auprès du Makhzen et du commun de ses concitoyens musulmans. Pour eux, il représentait l'élément nécessaire et incontournable qui devait être présent pour compléter la civilisation humaine et pour générer la prospérité économique et sociale. Sans exagération aucune, il s'avérait être source d'espoir et condition absolue pour faire entrer abondance et richesses.

3.- Le juif marocain, par ses contacts avec l'Europe, pour servir l'Etat économiquement et diplomatiquement ou pour favoriser ses affaires personnelles, a acquis pour sa personne richesse, considération et progrès. Plus encore, il a profité des changements successifs qui lui ont donné science et expérience et ont provoqué en lui un bouleversement profond dans son comportement, dans ses habitudes et dans son esprit. Elles ont ouvert largement l'hori­zon de ses ambitions. Pour ces raisons, il s'est mis à s'éloigner de son frère et concitoyen musulman lequel est resté enfermé dans son cocon, délaissé et luttant contre la misère, l'isolement et le désespoir. Cela préluda à la séparation, sema les graines de la rancu­ne et de l'aversion entre les deux parties et livra les juifs aisés en proie facile aux étrangers qui se sont servis d'eux pour détruire l'État et pour anéantir sa souveraineté et son indépendance, tant au moment où ils cherchaient l'occasion et harcelaient le pays, qu'après, pendant le protectorat et l'occupation.

4.- Le juif de Safi peut être pris comme l'exemple prouvant l'ancienneté et la citoyenneté du juif marocain et les interactions des relations avec son frère musulman, qui se présentaient sous différentes formes :

sa forte et efficiente présence dans l'économie locale et nationale ;

sa coexistence parfaite, marquée de tolérance et de solidarité, qui a mis fin à toutes les causes de ségrégation et de mauvais traitements et conduit (la population) à se passer des mellahs d'isolement et d'humiliation.

Enfin, cette étude, par la rareté des documents, reste incomplète en raison du fait qu'il s'agit de la première immixtion dans l'histoire des juifs de Safi, et comme tous prémices sans précédent, même si elle paraît hésitante et inachevée, elle demeure louable et nécessite d'autres efforts pour la consoli­der, l'amender et la mettre en avant, afin d'éclairer l'histoire de la ville de Safi et de sa campagne, Abda.

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