Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון


Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון-Le test de la visite de Nasser à Casablanca

Le test de la visite de Nasser à Casablanca

La visite du président égyptien à Casablanca fut un événement traumatisant pour la communauté. Il était le symbole du réveil nationaliste panarabe et de l’effondrement de plusieurs régimes monarchiques. Cette tendance ne manqua pas d’inquiéter le régime marocain qui dut s’aligner, contre son gré, sur les tendances pro-nassériennes de son opinion publique. La politique anti-israélienne de Nasser rapprocha le conflit israélo-arabe du cœur des Marocains, ce qui renforça leur nationalisme arabe et suscita une certaine hostilité envers l’Occident, imperceptible auparavant. Les juifs, de leur côté, attendaient avec angoisse l’ennemi d’Israël, pour voir comment sa visite pouvait avoir une influence sur leurs relations avec les musulmans. Nasser atterrit au Maroc le 2 janvier 1961 mais, dès la veille, des témoignages avaient fait état d’exactions policières contre des passants juifs. Des policiers insultèrent des vieillards, des femmes et des enfants dans la rue parce qu’ils portaient des vêtements avec un mélange de couleurs bleue et blanche, rappelant, à leur avis, le drapeau israélien. On leur reprocha aussi de porter des vêtements noirs, comme signe de deuil envers l’ennemi d’Israël. Des policiers insultaient le Premier ministre israélien Ben Gourion. On entendit parallèlement des policiers glorifier Nasser, le dirigeant du monde arabe. Il est nécessaire de noter à ce sujet que cette atmosphère n’avait rien de spontané. Elle est la conséquence, au moins en partie, de la propagande panarabe diffusée dans la presse en langue arabe des partis politiques, à la veille de la visite. 

Le judaïsme orthodoxe sépharade perd son âme et s’oriente, contrairement à son histoire, vers une dérive inquiétante qui ne s’inscrit nullement dans son passé sioniste. Par volonté de mimétisme il semble avoir décidé de choisir la voie antisioniste puisque cette tendance s’affirme dans des synagogues qui voient fuir leurs fidèles vers d’autres horizons religieux tant l’excès devient discutable. 

Les sépharades du Maghreb constituaient en Afrique du Nord un bloc monolithique modéré. La colonisation française les avait ouverts au monde moderne et à l’environnement dans lequel ils évoluaient. Les rabbins acceptaient certains compromis religieux qui leur permettaient de remplir leurs synagogues en fermant les yeux sur les quelques libertés prises avec la stricte loi religieuse. En revanche, ils s’appuyaient sur le sionisme afin de s’opposer à un rationalisme laïc et de maintenir solidaire et forte une communauté qui avait réveillé dans les années 1960 le judaïsme français assoupi. Les cours de Talmud Torah étaient l’occasion de rudiments de sionisme tandis que les sous-sols des grandes synagogues abritaient des cours d’hébreu en prévision d’un départ pour Israël. 

Beaucoup de jeunes de la nouvelle génération sont retournés à la religion mais ils se sont éclatés en plusieurs tendances à leur arrivée en Israël. Le Shass, issu d’une scission du courant ultra-orthodoxe ashkénaze, est une invention purement israélienne. Le Mafdal, parti sioniste national historique, a accompagné presque tous les gouvernements depuis la création de l’Etat. Enfin la troisième composante, sépharade pure souche, défendait un judaïsme de cœur très attaché au culte des saints et à forte composante mystique, de tendance cabaliste. 

Aujourd’hui le judaïsme orthodoxe sépharade est en train de virer vers un antisionisme inquiétant confirmé par des faits irréfutables.  

« Lorsque l’Etat d’Israël reviendra àla Torah, nous célèbrerons Yom Haatsmaout » se plaisent maintenant à affirmer ces nouveaux adeptes du Livre Saint. Certains rabbins ont supprimé de la liturgie les prières, le Hallel, qui étaient habituellement récitées le jour de l’Indépendance pour refuser de considérer ce jour comme exceptionnel impliquant un commentaire relatif à une fête qui n’a pas lieu d’être à leurs yeux. Les livres de prières sépharades, calés sur les ashkénazes, ont été modifiés pour soustraire aux fidèles le symbole même de l’Etat d’Israël. Ainsi la bénédiction faite à l’Etat au moment de l’ouverture du tabernacle a été purement et simplement supprimée de la liturgie. Celle relative à Tsahal a été modifiée insidieusement pour supprimer toute référence au symbole étatique de l’armée. Dieu ne bénit plus  « les soldats de l’armée de défense d’Israël » mais  « il bénit les soldats d’Israël », formule qui supprime toute référence à l’existence d’un Etat. 

Les rabbins nord-africains avaient soutenu le sionisme avec toute la force de leurs croyances et ils émaillaient leurs commentaires hebdomadaires dela Torahpar plusieurs références aux combats que menait Israël contre ses ennemis. Nombreux sont les « anciens » qui se souviennent encore des récits épiques de l’indépendance, exagérément amplifiés par leurs rabbins. La seule opposition religieuse au sionisme venait à l’époque du monde ashkénaze, du hassidisme Satmar de Hongrie en particulier, qui n’arriva pas à atteindre le judaïsme sépharade traditionnel. 

L’alyah des religieux sépharades s’est accompagnée d’une crise identitaire. Peu d’érudits pouvaient se prévaloir d’une connaissance talmudique approfondie et le fossé culturel qu’ils se découvraient avec les ashkénazes les conduisit, par complexe, à un mimétisme qui leur enleva leur originalité. Ils ignoraient pourtant que dès le IX siècle, le rabbin tunisien de Kairouan Khananel Benkhoushiel avait rédigé le premier commentaire du Talmud de Babylone et que le commentaire arabe achevé en 1168 par Moïse ben Maïmon faisait autorité parmi les Juifs des pays musulmans. De ce point de vue au moins, ils n’avaient aucun complexe à avoir. 

Alors que les rabbins sépharades avaient coutume de coiffer leur tête d’une chéchia rouge et d’enfiler leur pantalon blanc et leur gilet de soie parés de paillettes multicolores dans la pure tradition de leur région, la nouvelle vague décidait d’adopter, en s’installant à Bné-Brak, la tenue austère de l’orthodoxie lituanienne (les Mitnagdims), costume et borsalino noirs. Elle pensait, par la tenue, jouir du prestige ashkénaze le seul, selon eux, à ouvrir une ascension sociale dans le monde orthodoxe. Certains iront jusqu’à apprendre le yddish pour entrer dans des écoles talmudiques spécifiques afin de les égaler sinon leur ressembler. Mais en les singeant, ils renièrent leurs racines et leurs idées en trouvant judicieux d’adopter des dogmes non approuvés par leurs pères. S’ils consentent à une autonomie du peuple juif dans un Etat souverain, ils tiennent dorénavant à ce que cet Etat soit régi parla Torah.  

Le parti sépharade Shass, créé par le Rav Shach en 1980, reste sous tutelle officieuse des rabbins lituaniens qui imposent leurs vues comme le prouve une illustration qui en dit long. Alors que ce parti dispose d’un réseau officiel éducatif, El Hamaayan, tous ses dirigeants préfèrent que leurs jeunes filles fréquentent le séminaire ashkénaze Beth Yaacov et leurs garçons, les écoles talmudiques lituaniennes. Les enfants se trouvent ainsi intoxiqués par la ligne anti étatique prônée par les enseignants. Les orthodoxes sépharades acceptent de se dévaloriser, tels des religieux de seconde classe, pour que leurs enfants accèdent au réseau scolaire lituanien. Ils vivent ainsi une dépersonnalisation de leurs origines qui les amènent à justifier l’annulation de la prière à l’Etat d’Israël   parce que l’Etat n’est pas fondé surla Torah» ainsi que de la prière à Tsahal. 

« parce qu’une armée où les femmes et les hommes sont mélangés ne mérite aucune bénédiction ».Le judaïsme orthodoxe sépharade garde certes son cœur sépharade mais son esprit a été dévolu aux ashkénazes lituaniens. Plutôt que d’avoir honte d’un passé qu’ils ignorent, ils devraient plutôt faire l’effort de le découvrir en assimilant le fait que la tenue noire ne fait pas forcément le bon orthodoxe. Loin de vouloir raviver un conflit de communauté anachronique, il est regrettable que les orthodoxes sépharades s’éloignent de leurs idéaux sionistes qui ont représenté le ciment des communautés orientales pendant plusieurs siècles. Les traditions d’alors mettaient l’accent sur la loi religieuse, la grammaire, la célébration des Saints, une prononciation spécifique, et sur des coutumes insérées dans le folklore. Ils ont abandonné leur pensée juive originale et ont enfoui dans la mémoire leur vision sur le rapport à l’emploi, à l’Etat, à l’armée, à la terre et à la politique pour le confier dorénavant aux ashkénazes de Lituanie qui sont désormais les vrais décisionnaires sur ces questions Après l’annulation de la prière à l’Etat d’Israël, ils risquent de pousser le bouchon jusqu'à ignorer demain la sonnerie en souvenir des soldats de Tsahal tombés au combat, parce que cette forme d’hommage provient d’un Etat qu’ils réprouvent. Cette question est effectivement d’actualité dans les milieux orthodoxes sépharades de Bne-Brak qui en débattent mais qui ne se rendent pas compte qu’ils se déshonorent en optant pour cette dérive antisioniste.

Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון-La conversion forcée des jeunes filles juives 

La conversion forcée des jeunes filles juives 

Au début des années soixante, alors que l’émigration était déjà légale bien que discrète, un phénomène nouveau vint ébranler la vie de la classe moyenne juive au Maroc. Ce furent quelques cas de conversions de jeunes filles juives à l’Islam. Ces cas seraient passés inaperçus si le nouveau ministre des affaires islamiques, le chef du parti de l’Istiqlal, Allal Alfassi, fervent partisan du panarabisme et défenseur de l’Islam, n’avait décidaé d’en tirer politiquement profit.

 Dans l’organe arabe de son parti, Al ‘alam, il publia quotidiennement les noms et les photographies de jeunes Juives qui se convertissaient à l’Islam. Il alla même jusqu’à consacrer le stand de son ministère à la Foireinternationale de Casablanca à une exposition de ces photographies, incitant par cet acte d’autres jeunes à se convertir. Les dirigeants de la communauté ne tardèrent pas à réagir durement contre les méthodes de ce héros du mouvement national marocain, dont certaines opinions inquiétaient déjà la rue juive. La Voix des communautés, rédigé par Victor Malka, consacra trois numéros à ce problème et en fit son cheval de bataille contre le ministre. David Amar ameuta l’opinion publique en publiant un supplément de l’organe des communautés en arabe, destiné aux dirigeants politiques arabisants. Il accusa le ministre de vouloir tirer profit sur ses adversaires politiques sur le compte de la communauté, au lieu de s’occuper des mosquées, des prêches et des pèlerinages. Il s’adressa au ministère de la justice pour arrêter la publication de ces photographies dont quelques-unes, avec onze noms de jeunes Juives, furent reproduites dans l’organe de la communauté.

Le juriste Carlos de Nesry publia une série d’articles dans La Voix des communautés et dans la revue parisienne L’Arche où il expliqua la gravité du problème. Se fondant aussi bien sur la halakha juive que sur la shari‘a musulmane, il ne s’opposa point au fait qu’une personne majeure puisse adopter consciemment et par conviction une autre religion que la sienne.

Cependant, lorsqu’il s’agit d’une jeune fille mineure, de moins de vingt ans, qu’on enlève de sa famille pour la marier à un Musulman et ensuite la forcer par divers moyens à se convertir, cette situation devient insupportable, la conversion n’étant en fait qu’un détournement illicite et abusif. Même l’hebdomadaire satirique Akhbar dounia, souvent critique envers la communauté, jugea nécessaire de critiquer le ministre des affaires islamique qui prétendait que telle « mineure » avait embrassé l’Islam « par pure conviction ». Le reniement de la foi ne manqua pas d’éveiller dans l’imaginaire juif l’image héroïque de la jeune Sol Hatchouel (Solica la juste 1820-1834) de Tanger, décapitée sur la place publique à Fès parce qu’elle refusa de renier sa religion et de se convertir à l’Islam31. Le problème des conversions forcées, tout négligeable qu’il soit, ne manqua pas de secouer l’opinion publique juive au début des années soixante, à une époque où l’émigration était déjà légale et bâtait son plein.

Si jusqu’alors ce n’étaient que les classes sociales les moins favorisées qui s’empressaient de partir, le drame des conversions forcées ébranla la quiétude des classes moyennes qui voulaient avant tout assurer l’avenir de leurs enfants.

Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון-Le dahir de la marocanisation 

Le dahir de la marocanisation 

La décision gouvernementale du 26 novembre 1958, exigeant de renouveler l’inscription de tous les organismes bénévoles, juifs et musulmans, au ministère de l’Intérieur, inquiéta sévèrement les directeurs des institutions juives. Peu de temps après l’indépendance, Lalla Aïcha, fille aînée de Mohammed V, décida de créer l’association L’Entraide nationale, pour regrouper tous les organismes de bienfaisance du pays. Les nouveaux statuts avaient entre autres pour but de marocaniser les comités directeurs locaux des associations et organismes étrangers. La réinscription en tant qu’association était soumise à deux conditions : seuls des citoyens marocains devaient siéger dans les comités directeurs ; seules les cotisations et les subventions gouvernementales étaient permises. Il était dorénavant interdit à tout organisme de recevoir des dons provenant de l’étranger. Les organismes juifs craignaient que les autorités ne se contentent pas de nommer des partisans de l’intégration comme nouveaux membres dans les conseils des communautés, mais aussi qu’ils les obligent à ouvrir leurs écoles et leurs hôpitaux aux Musulmans. Au début, on leur demanderait d’offrir leurs services à quelques Musulmans, mais progressivement les nouveaux venus deviendraient majoritaires et domineraient les comités directeurs de ces institutions. Le président de la communauté, David Amar, proposa de modifier les statuts du Conseil des communautés, afin de surmonter les problèmes juridiques de son organisme et le redéfinir comme minorité ethnique distincte. 

Les autorités, préoccupées par des problèmes plus pressants, ne souhaitaient pas affronter la communauté sur un sujet aussi fondamental. Ces nouveaux statuts restèrent longtemps au stade de proposition jamais débattue. Etant donné que la plupart des organismes juifs internationaux étaient dirigés par des Juifs de nationalité étrangère vivant au Maroc ou à l’étranger, certains d’entre eux furent contraints de modifier la constitution de leur direction et de nommer des directeurs de nationalité marocaine. Les anciens directeurs prirent le titre de conseillers. 

Jusqu’alors, les organismes juifs de bienfaisance bénéficiaient du financement de l’état, comme sous le protectorat, mais ils craignaient que les autorités n’exigent par la suite de décider elles-mêmes de la répartition des subventions provenant du Joint américain. À cette époque, un membre de l’assemblée consultative du parti Istiqlal, faisant référence au Joint, critiqua le fait qu’un organisme étranger était autorisé à favoriser une partie de la population selon des critères religieux. Les organes du parti approuvèrent sa critique, ce qui suscita un désarroi au sein des organismes juifs qui bénéficiaient des dons du Joint. En mars, on adopta une résolution à l’encontre de dons répartis au Maroc par des organismes étrangers. Les institutions juives comme l’AIU28, l’ORT, Otzar ha-Torah et le Joint estimaient que la fin de leur existence approchait, mais en dépit de ces appréhensions, rien ne changea de fait.Par mesure de prévention, le Joint distribua même des surplus de nourriture à des jardins d’enfants musulmans et accorda une aide financière à un organisme bénévole musulman.

Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון-Le poids de l’islam dans la constitution marocaine 

Le poids de l’islam dans la constitution marocaine 

Malgré les déclarations apaisantes des autorités, les dirigeants de la communauté juive ne pouvaient pas ignorer le fait majeur que le Maroc indépendant est défini dans sa constitution comme un état musulman dans lequel l’Islam jouissait d’un statut particulier, bien que le premier article de la constitution définît le Maroc comme un royaume constitutionnel démocratique et social et que l’article 5 déclarât expressément que tous les Marocains étaient égaux devant la loi. En outre, les Juifs, très sensibles à la question de la liberté de circulation, ne trouvèrent pas dans l’article 9 aucune référence au droit de quitter le Maroc ou d’émigrer, mais uniquement au « droit de s’installer librement dans tout le royaume ». Le problème n’était pas d’ordre juridique uniquement. Le Maroc post-colonial était une société dans laquelle la religion occupait une place primordiale et toute sa culture reposait sur l’Islam. 

Cette réalité socioculturelle ne laissait plus de place aux non-Musulmans, ni même aux laïques, comme dans les pays occidentaux. De ce fait, toute tentative de surmonter le problème de l’existence d’une communauté juive dans une société musulmane était vouée à l’échec. L’intelligentsia juive tenta un certain temps d’ignorer le problème, dans l’ardeur enthousiaste de l’indépendance, mais elle dut vite déchanter. La classe dirigeante du pays fut un temps partagée entre sa volonté d’adopter le principe occidental de démocratie, et la fraternité panarabe qui soufflait de l’Orient, mais les contrecoups du panarabisme et du panislamisme n’épargnèrent pas le Maroc. Son adhésion àla Liguearabe, la rupture des relations postales avec Israël et le processus d’arabisation de l’administration firent pencher la balance et écartèrent toute chance de voir les Juifs jouir dans le nouvel état indépendant d’un statut laïque et démocratique, pareil à celui des Juifs d’Europe occidentale.

Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון

 

La négociation de l’évacuation en masse des Juifs du Maroc I 1

La négociation de l’évacuation en masse des Juifs du Maroc

Yigal Bin Nun

Université de Paris VIII

La fin du Judaïsme en terres d'Islam, dir. Sh. Trigano, Denoël Médiations, Paris 2009, pp. 303-358.

Les chapitres

Une longue mutation démographique 1

Le bilan du protectorat : progrès et déceptions 2

La politique du jeune état marocain 6

Les atteintes aux droits des Juifs et au statut de la communauté 7

La question de l’émigration et l’octroi des passeports 8

La rupture des relations postales 10

Le dahir de la marocanisation 11

Le poids de l’islam dans la constitution marocaine 11

La conversion forcée des jeunes filles juives 12

Le tournant décisif de l’année 1961 : le naufrage du Pisces 13

« L’accord de compromis » et les pourparlers qui l’ont précédé. 16

L’indemnisation et l’évacuation 24

L’histoire des Juifs du Maroc après l’indépendance (1956) est marquée par l’évacuation presque totale d’un quart de million de Juifs en direction d’Israël. Ce transfert de population mit fin à l’histoire d’une des plus importantes et anciennes communautés de la diaspora, qui devint à son arrivée en Israël qui devient à son arrivée en Israël le groupe d’immigrants démographiquement le plus large. À la question cardinale de savoir pourquoi les Juifs ont quitté le Maroc, on peut fournir diverses réponses. Certaines sont substantielles et relèvent de problèmes fondamentaux, d’autres sont circonstancielles et tiennent à la date spécifique de leur départ, au début des années soixante. 

Une longue mutation démographique

La mobilité démographique à l’intérieur du pays est l’une des nombreuses raisons ont fait pencher la balance en faveur de ce départ. En effet, l’émigration des Juifs s’est produite au terme d’un processus démographique naturel, qui débuta longtemps auparavant au sein de la société marocaine, et plus longtemps encore, dans la communauté juive, en raison de son statut socio-économique spécifique. Ce processus avait débuté aux 18e et 19e siècles et s’accéléra sous le Protectorat français. La population juive quitta progressivement les campagnes en direction des petites villes voisines, et celle des petites villes migra vers les villes plus grandes. Cette urbanisation rapide réduisit la population juive rurale à près de 15%

La négociation de l’évacuation en masse des Juifs du Maroc I 2 seulement du total de la communauté en 1957 et se poursuivit avec la croissance démographique jusqu’à arriver à 8%, au début des années soixante. La nouvelle métropole économique, Casablanca, devint rapidement le centre de la vie juive. Parallèlement, dans les grandes villes, le passage de l’ancien « mellah » aux nouveaux quartiers juifs et l’assimilation individuelle dans les quartiers européens se poursuivirent. les mouvements démographiques intérieurs constituaient un signe annonciateur et la première étape d’un processus qui devait conduire à l’émigration. Le nouvel essor économique dû à la colonisation ébranla la structure des métiers juifs traditionnels, et porta plus particulièrement atteinte au métier de l’orfèvrerie1. Avec l’essor économique de Casablanca, les migrations vers cette ville s’effectuèrent directement depuis les villages éloignés. En janvier 1960 la population rurale juive ne comptait plus que 8,33% de la communauté, soient 30 000 personnes sur une population de 250 000 Juifs environ. Parallèlement à cette migration interne, avant même la fondation de l’État d’Israël, se développa une émigration, non seulement versla Franceet l’Espagne, mais aussi vers le Brésil et le Venezuela, Gibraltar, l’Angleterre, les États-Unis et le Canada. Le départ du Maroc pour des pays plus attrayants, qui promettaient à long terme une qualité de vie meilleure, s’inscrivait dans un processus qui alla en se renforçant. Ces mouvements de population étaient dus surtout à la nouvelle scolarisation et à la promotion culturelle sous l’égide dela France. Enpeu de temps, la communauté assimila avec avidité la civilisation française, et un fossé se creusa entre elle et son environnement géographique et social arabomusulman.

Le sous-développement relatif de la société marocaine suscita le départ des Juifs qui aspiraient améliorer leur condition sociale et s’inquiétaient de l’avenir professionnel et culturel de leurs enfants. L’ébranlement économique engendré par la migration intérieure, les relations avec les autorités du Protectorat, la remise en cause de l’équilibre social entre Musulmans et Juifs et le passage du statut de dhimmi à un semblant d’égalité avec les Français ne firent qu’accélérer cette mobilité.

Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון-LA PSYCHOSE DES DÉPARTS

Yigal Bin-Nun 
Universite de Paris VIII

www.tribunejuive.info

Les raisons politiques et culturelles du depart des juifs du Maroc

Par Yigal Bin-Nun, Universite de Tel Aviv

 nov 2012  par webmaster 

Les raisons pour lesquelles les Juifs du Maroc quitterent leur pays natal sont diverses. Cependant, elles ont toutes un rapport avec les inquietudes concernant un avenir confiant dans le Maroc independant. Ce pays, sorti du colonialisme, avait une longue tradition ou l'islam constituait le noyau de sa civilisation. Il posait ainsi d’emblee un probleme d'incompatibilite avec l'eventuelle possibilite d'integrer dans sa societe une minorite juive. Malgre les innombrables declarations d'apaisement, la classe dirigeante marocaine etait relativement consciente de ce probleme, que les pays laiques en Europe occidentale avaient tente de resoudre avec un certain succes. 

Les raisons pour lesquelles les Juifs du Maroc quittèrent leur pays natal sont diverses. Cependant, elles ont toutes un rapport avec les inquiétudes concernant un avenir confiant dans le Maroc indépendant.

Ce pays, sorti du colonialisme, avait une longue tradition où l’islam constituait le noyau de sa civilisation. Il posait ainsi d’emblée un problème d’incompatibilité avec l’éventuelle possibilité d’intégrer dans sa société une minorité juive. Malgré les innombrables déclarations d’apaisement, la classe dirigeante marocaine était relativement consciente de ce problème, que les pays laïques en Europe occidentale avaient tenté de résoudre avec un certain succès. 

L’émigration juive après l’indépendance du Maroc s’effectua clandestinement entre 1956 et septembre 1961. Ce n’est qu’après ce qu’on appelle « l’accord de compromis » conclu entre Israël et Hassan II que commença l’évacuation de la communauté entre le 28 novembre 1961 et la fin 1966. À la question pourquoi les Juifs quittèrent le Maroc, la cause immédiate serait une « psychose de départ » qui s’empara de cette communauté. Etant donné que dans la période évoquée ces départs s'effectuèrent dans une atmosphère de discrétion, on ne pouvait évaluer convenablement leur ampleur. Les média ne publiant pas de données sur ce sujet tabou, chacun alimentait son imagination de ce qu’il pouvait observer et en déduire. Dans l'imaginaire juif de l’époque, le rythme de l'émigration avait atteint des proportions telles que chaque famille juive pensait que tous ses proches avaient déjà quitté le pays et qu'elle était une des dernières à n’avoir pas pris son destin en main. Ceux qui n'avaient pas encore quitté savaient pertinemment que tôt ou tard ils seraient contraints de le faire.

LA PSYCHOSE DES DÉPARTS

Mais la psychose des départs fut provoquée non pas par les émissaires israéliens qui étaient étonnés de la constater, mais plutôt par les autorités marocaines qui s’efforçaient de l’empêcher. En d’autres termes, plus les autorités marocaines créaient des difficultés pour endiguer les départs des Juifs et les exhorter à rester, plus leur désir de quitter le Maroc grandissait, de peur que plus tard ce serait irréalisable. Parallèlement à la panique des départs, les Juifs étaient constamment angoissés par la question capitale : leMaroc indépendant pouvait il à long terme continuer à manifester sa tolérance envers eux ? Le simple doute quant à la réponse à cette question pouvait à lui seul suffire à les empresser à partir. Cela étant dit, durant l’époque indépendante du Maroc il n'y a presque jamais eu d’atteinte grave à leur condition. Néanmoins, le doute, les craintes et la panique pouvaient transformer de paisibles citoyens loyaux en émigrants potentiels, lorsque l'on porte atteinte à leur liberté de circulation.

La psychose devint une fuite qui alla en grandissant surtout dans les couches sociales défavorisées. Partout, se constituèrent des espaces vides, dans chaque quartier, dans chaque ville et village, suscitant des sensations de solitude chez ceux qui n’avaient pas encore quitté. Les espaces vacants aggravèrent l’anxiété chez les proches restés sur place et confirmaient le flagrant échec d'un avenir juif dans le nouveau Maroc. L’aspect troublant des logements et des magasins vides de leurs propriétaires juifs, et acquis par des Musulmans, rappelait à chacun, que tôt tard, tous devraient prendre la route du départ. En cours de sortie, la boule-de-neige entraîna avec elle les derniers hésitants et démolit totalement l'idée d'une intégration juive dans la société marocaine, idée encore chère à quelques intellectuels intraitables.

Même les lettres pessimistes, parfois alarmantes, reçues par les Juifs au Maroc de leurs proches en Israël, décrivant les conditions pénibles de chômage et de discrimination, ne parvinrent pas à endiguer cette psychose. Tout au plus elles suscitèrent quelques atermoiements. 

Les prototypes sociologiques de migration s’avèrent quelque peu complexes concernant les Juifs du Maroc. Alors qu’en général les motifs des départs sont dus principalement à la misère sociale qui force les couches économiquement faibles à chercher refuge à l’étranger, pour cette communauté, le processus fut contraire. Dès le début du protectorat, les diverses couches sociales juives jouissaient souvent d’un favoritisme par rapport aux Musulmans. Certes, dès le départ des Français, on pouvait constater en toute évidence qu'un âge d'or économique et social s'était ouvert à cette communauté. Le pays indépendant avait besoin d'une main d’œuvre professionnelle qui puisse remplir des fonctions dans l'administration publique. Devant les jeunes Juifs ayant acquis des diplômes français s’ouvrirent des débouchés économiques promettant des possibilités de promotion. Mais cet avantage n’a été exploité qu’en partie, car il fut freiné à partir de novembre 1961. À court terme, le départ des Juifs vers de nouveaux pays d’adoption n'avait non seulement pas amélioré leur situation économique, mais provoqua plutôt une régression, tant soit peu temporaire.

UN MAROC ARABISÉ

Parmi les ombrages portés sur l’avenir des Juifs au Maroc, le conflit israélo-arabe constitue une source non négligeable de la dégradation des relations inter communautaires. Ce conflit raviva des troubles d’ordre affectif et religieux, qui tôt ou tard auraient accru les rivalités et soulevé la question de la double allégeance qui, incontestablement, aurait mis en doute la fidélité des Juifs à leur patrie. Qui plus est, le destin juif dans les autres pays arabes était loin de constituer une source de réconfort quant à l'avenir des relations de bon voisinage entre Juifs et Musulmans dans la monarchie chérifienne.

Parallèlement à l’ingérence du conflit moyen-oriental, s'attisa un soupçon supplémentaire, celui du risque d’être privés des avantages déjà acquis par rapport à la majorité musulmane. La perte de ces avantages devait éventuellement survenir après l'adoption de l’arabisation et aurait entraîné la perte de postes de hauts fonctionnaires dans l’administration civile, postes acquis par les Juifs grâce à leurs diplômes français. Au sein de la bourgeoisie juive s’accentua une atmosphère de panique. Les Juifs de professions libérales devaient trancher entre la langue française et sa culture, à laquelle ils s'étaient appliqués avec grande avidité, et le processus éminent d'arabisation qui entraînerait indubitablement un substrat culturel musulman, dans lequel leur influence serait médiocre. La population juive comprit ainsi qu'on ne pouvait plus continuer à s'agripper artificiellement àla France et à sa culture dans un Maroc arabisé.

À la question quel aurait été le destin des Juifs du Maroc sans cette émigration précipitée, provoquée par les Marocains et les Israéliens, on peut prudemment répondre que, même sans l’émigration clandestine effectuéeentre 1956 et 1961, tôt ou tard ils auraient tous quitté pour s’installer principalement en Israël mais aussi en France ou au Canada. Cependant, ils auraient été munis d’un bagage économique et culturel qui leur aurait facilité leur intégration dans leur nouveaux pays d’adoption. Sans la psychose des départs, les Juifs auraient pu vraisemblablement exploiter davantage les conjonctures favorables de l’indépendance et en tirer des bénéfices économiques et sociaux. Toutefois, ces avantages auraient sans doute diminué lorsque les diplômés d’universités musulmans auraient terminé leurs études et exigé d’accéder à des fonctions dans l'administration du pays, dans son commerce et son économie. Peut-être même que des conflits auraient opposé les fonctionnaires juifs aux nouveaux postulants qui convoiteraient leurs postes. Mais ce processus aurait survenu progressivement après que les cadres juifs auraient profité de leurs compétences. La sortie du Maroc se serait alors répartie sur une plus longue durée. Une émigration mieux programmée aurait évité aux Juifs marocains les tourments éprouvés à leur arrivée en Israël à une époque où ce pays était en récession économique et par conséquent incapable de les intégrer harmonieusement dans sa société et sa culture. Elle aurait aussi évité les vexations sociales, symbolisées en Israël par les manifestations de 1958 à Wadi Salib (Haifa) et par celle des « Panthères Noires », en 1972.

Mais le départ des Juifs du Maroc n'était pas que le résultat d'une psychose.

Cette émigration doit incontestablement être perçue comme faisant partie intégrale d'un processus démographique qui commença longtemps auparavant, aussi bien dans la population musulmane que dans les communautés juives. Des migrations internes s’effectuèrent déjà au XVIIIe et XIXe siècle et accrurent sous le Protectorat français. En raison de leur statut juridique et social ce processus fut encore plus accentué dans la population juive. La mutation démographique consistait en un passage du village d’origine vers la petite ville voisine, et de la petite ville vers une agglomération encore plus grande. Quand Casablanca devint un grand pôle d'attraction, le passage vers cette métropole s'effectua directement des villages les plus éloignés vers le nouveau centre économique et social. Mais cette population villageoise ne constituait au début des années soixante pas plus que 30.000 âmes sur une population juive totale de plus de 200.000 âmes. Parallèlement à cette migration interne, s'opéra une émigration juive en dehors du Maroc, qui précéda même la création de l'état d'Israël. Les Juifs du Maroc émigrèrent aussi bien en France qu’en Espagne, mais aussi à Gibraltar, en Angleterre, au Brésil, au Venezuela, aux États-Unis et au Canada. Le départ du Juif marocain vers de nouveaux horizons, promettait à long terme une meilleure qualité de vie et constituait ainsi un chaînon dans un long mouvement migratoire. Cette émigration faisait aussi partie d’un processus d'évolution culturelle et éducatrice que procura la scolarisation française. En peu de temps, les Juifs marocains avait ingurgité avec avidité les avantages de cette culture étrangère, à tel point qu'ilse creusa un fossé entre eux et leur milieu social arabo-musulman, fossé qui les incita à poursuivre ce processus de promotion dans de nouveaux pays d’accueil. L’histoire des Juifs du Maroc au long des sept premières années de son indépendance est aussi l'histoire d’un échec tripartite : celui de la classe dirigeante marocaine, de la communauté juive et des émissaires israéliens.

Les dirigeants marocains, qui souhaitaient construire une société moderne et démocratique, échouèrent dans leurs efforts d’intégrer en son sein une population non musulmane dans un pays où elle vivait depuis l’époque gréco-romaine, bien avant son arabisation et son islamisation. Malgré les efforts déployés pour retenir les Juifs et sauvegarder leur survie dans leur pays natal, leurs méthodes ne firent qu’éveiller des soupçons. L’échec des dirigeants marocains fut d’avoir maladroitement entravé la liberté de circulation des Juifs ou en termes tabous : interdire leur émigration vers Israël.

À cela, il faut ajouter, entre autres, la cuisante rupture des relations postales entre le Maroc et Israël qui asphyxia les familles juives, le dahir de la marocanisation des institutions juives, l'adhésion officielle du Maroc à la Ligue arabe et l'impuissance de ses dirigeants à faire face à l’hégémonie nassérienne et à sa propagande anti-israélienne. Malgré les réticences de la classe politique marocaine envers le nassérisme, son influence inévitable surles masses marocaines causa l’échec des efforts sincères entrepris pour préserver la survie juive dans un pays musulman.

Les relations israélo-marocaines pourraient ainsi se placer sous le signe de l'excès de zèle. D’un coté les Israéliens se sont trop empressés pour faire sortir les Juifs, bien qu’ils n’encouraient aucun danger, et de l’autre, les autorités du pays ont trop fait pour les retenir sur place. Entre ces deux pôles, on n'accorda que peu d'attention à cette communauté tourmentée entre deux sollicitudes opposées. Ses intérêts spécifiques et ses aspirations furent refoulés au profit des deux concurrents. Les Juifs marocains n'étaient plus qu'un élément passif et inquiet, ballottés entre les parties en litige. Les événements dramatiques qui bouleversèrent leur vie se sont déroulés à leur insu, et souvent même, à l'insu de leurs dirigeants. C'est aussi pour cela que le travail d'écriture de l'histoire de cette communauté et l’interprétation des étapes de son évacuation s’affrontent au secret relatif que les protagonistes s’efforcent encore à maintenir. 

UNE ÉVACUATION

Dans le contexte juif, l’histoire du Maroc post colonial n’est que le récit du transfert orchestré d'une communauté de plus d'un quart de million de Juifs et de sa transplantation collective en Israël. Pour être précis, il ne s'agit point d'une « sortie » dans le sens d'un exode selon le modèle biblique de la sortie d'Égypte. Les juifs du Maroc n'ont pas suivi de leur propre initiative un leader qui les sauvera d'un esclavage pour les affranchir. Ces départs étaient une véritable « évacuation » opérée par un organisme extérieur, qui déploya un réseau de volontaires capable de transférer une grande population d'un pays à l'autre. Il est évident que sans cet organisme, l'évacuation des classes populaires des quartiers juifs, et des villages éloignés du Sud marocain n'aurait pas pu s'effectuer. Faut il aussi préciser que les familles juives qui désiraient quitter le Maroc étaient bien plus nombreuses que la capacité des émissaires israéliens de répondre à leur demandes empressées. Aucune propagande n’était donc nécessaire pour encourager leur volonté de partir.Cette opération mis fin à l’histoire d'une diaspora juive qui, .arrivée en Israël, devint le plus grand groupe ethnico-communautaire de l'époque

L'affaire de l’ingérence des Israéliens et des organismes juifs mondiaux pour le droit des Juifs à l’émigration, provoqua, presque par hasard, une réussite israélienne inespérée. Une complicité politique surprenante s’établit entre Israël et le pouvoir marocain. À partir du début février 1963, le pouvoir marocain commença à nouer des contacts directs avec des représentants agrées d’Israël, à l’insu la communauté juive. Ces contacts diplomatiques discrets avaient pour but d’obtenir de l’aide israélienne dans plusieurs domaines économiques et militaires, dans la coopération agricole et syndicale, mais aussi dans la communication, la sécurité interne et l’entrainement militaire. Curieusement, ces relations joignaient d’un côté un pays méfiant envers tout élément arabo-musulman, perçu instinctivement comme ennemi, avec un pays humilié par l'épreuve coloniale dont il venait à peine de se libérer et dont les dirigeants étaient souvent hyper sensibles à leur dignité nationale et à l'image de leur société. Cette coopération israélo-marocaine est presque unique en son genre, hormis l'exemple jordanien. Ces contacts diplomatiques secrets s’établirent à la veille dela Guerredes sables qui opposa les armées marocaines et algériennes. Grâce à ces contacts, restés longtemps secrets, commença dans les années soixante-dix une médiation marocaine qui déboucha aux accords de paix avec l’Égypte. Par la suite, de solides relations diplomatiques discrètes ou déclarées se tissèrent entre les deux pays. Le pouvoir marocain actuel poursuivra-t-il l’effort entrepris au passé par le roi Hassan II pour la contribution du Maroc à unesolution du conflit israélo-arabe, avec l'aide de la diaspora judéo-marocaine.

Par Yigal Bin-Nun

Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון-Les Juifs espagnols et l'origine des Juifs du Maroc Yigal Bin-Nun Brit no 29 

Les Juifs espagnols et l'origine des Juifs du Maroc Yigal Bin-Nun Brit no 29 

Avant de parler des Juifs espagnols, il faut d'abord traiter de l'origine des Juifs du Maroc. Il faut aussi rappeler que les habitants de l'Afrique du Nord sont tous à l'origine des Berbères. La conquête arabo-musulmane n'a laissé sur place que peu de soldats venus de l'Arabie et de l'Orient arabisé. Néanmoins, la civilisation arabe et la religion musulmane réussirent à s'implanter dans les villes, à les arabiser, et à les islamiser. Par contre, de grandes franges de la population autochtone sont restées berbérophones jusqu'à ce jour. Il va sans dire que la scolarisation et les média tendent à propager de plus en plus l'arabisation officielle, qui souvent s'affronte à un mouvement de renouveau berbériste.

 Je n'utilise le terme de berbère, que pour plus de commodité, à la place du terme plus précis, des Imazighen. Quand à l'origine des Juifs d'Afrique du Nord, il est impératif d'élucider un mythe assez répandu dans les médias actuels. Est-il nécessaire de préciser qu'une présence juive en Afrique du Nord ne peut être possible avant l'époque romaine, pour la bonne raison qu'un judaïsme, dans le sens propre du terme, n'existait point avant cette époque ? La présence de Sidoniens, de Phéniciens ou de Puniques sur les côtes méditerranéennes n'a rien avoir avec la religion monothéiste juive. Il en est de même pour les colonies Israélites ou Judéennes à Yeb (Éléphantine) ou en Basse Egypte qui ne sont qu'un reflet du culte monolâtrique israélite de l'époque monarchique pré deutéronomiste.

 Par contre, avant même la destruction de Jérusalem et de son temple en l'an 70 par les Romains, et la perte de l'indépendance, une diaspora judéenne florissait déjà en Afrique du Nord, surtout à Alexandrie où fut traduite la Bibletrois cent ans environ avant n. e. et en Cyrénaïque. En plus de ces Judéens, il faut prendre en compte l'attrait qu'avaient les gentils, ou les païens, pour l'antique culte judéen, ses traditions ancestrales, sa longue histoire et ses fêtes. Cet attrait engendra un vaste mouvement de conversion à la religion juive, qui fut aussi renforcé par de nombreux païens, des sebomenoï, ou des « craignant Dieu », à la marge de ces convertis, qui avaient une grande admiration pour le Judaïsme, mais qui ne s'étaient pas convertis. 

L'accroissement progressif des adhérant à la secte des « partisans de Jésus », devenus plus tard, les Chrétiens, terme qui n'existe quasiment pas dans les textes du Nouveau Testament, est due entre autres au passage de la plupart de ces nouveau Juifs et des « craignant Dieu », sous les règnes des empereurs Constantin et Justinien, du Judaïsme au Christianisme, qui était moins exigeant dans ses pratiques rituelles. Il ne fait plus de doute, comme le précise Maurice Sartre, qu'un grand mouvement de conversions au judaïsme traversait tout le monde romain. Plus de 10% de la population de ce monde, surtout en Afrique du Nord et en Orient, sont Juifs, sans compter les sympathisants de cette religion. Néanmoins on ne peut parler du Judaïsme de l'époque comme d'une religion prônant un prosélytisme actif, ceci, malgré quelques judaïsations forcées en Galilée et en Judée, sous les rois hasmonéens 

 Mais contrairement à l'avis de l'historien Shlomo Sand et du linguiste Paul Wexler, rien ne prouve que tous ces nouveaux convertis réussirent à surmonter les pressions de l’empereur Justinien au VIe siècle, et de la conquête militaire musulmane, et restèrent juifs. Les seuls qui pouvaient, à la rigueur, s'accrocher à leur religion ne pouvaient être que les Juifs qui l'étaient par ascendance familiale et non par adoption tardive. Avec l'avènement de l'Islam au VIIe siècle, la majeure partie des habitants autochtones de l'Afrique du Nord, les Imazighens, convertis d'abord au Judaïsme, puis au Christianisme, furent pratiquement tous contrains à s'islamiser. Ce qui rend très probable, à mon avis, la constatation que les seuls nord-africains qui sont restés juifs ne devaient être que ceux qui, à l'origine, avaient émigrés dela Judée et dela Galilée. 

Aussi, la thèse défendue par l'historien tunisien Ibn Khaldoun (1332-1406) dans son livre l'Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique septentrionale, selon laquelle les Berbères seraient des descendants de Cananéens et que le personnage de Dihya el Kahina serait d'origine juive a été largement réfutée par les historiens Abdelmajid Hannoum et Gabriel Camps. Malgré le mouvement berbériste qui cherche à s'affranchir du joug de la culture arabo-musulmane, en mettant en avant les origines juives des Berbères ou l'origine berbère des Juifs nord-africains, il faut se rendre à l'évidence et ne pas prendre des mythes pour des vérités historiques. Malgré la sympathie que ressentent actuellement les Juifs d'Afrique du Nord pour certains de ces mouvements représentés dans le Web, les Juifs nord africains, dans leur grande majorité, ne seraient donc pas des Berbères convertis mais principalement des anciens Israélites et Judéens émigrés de leur pays, avant et surtout après la révolte contre les Romains. 

 Dernièrement, Shlomo Sand dans un livre pamphlétaire prôna l'inexistence d'un peuple juif qui à son avis fut inventé de toute pièce par le mouvement sioniste. Ce qui assez dissimulé dans son livre c'est le fait qu'il ne fait que répéter ce qu'avaient déjà dit quasiment tous les historiens du peuple juif bien avant lui. En outre, aucun historien sioniste n'a jamais prétendu que les origines des Juifs étaient ethniquement, biologiquement ou génétiquement exclusives ou que tous les Juifs devaient obligatoirement avoir des ascendants remontant aux populations des royaumes d'Israël et de Juda. Les brassages constants de populations à travers les siècles ont effacé toute possibilité d'évoquer une définition à base ethnique du peuple juif et de quasiment toutes les populations des états-nations actuelles. Il serait aussi ridicule, comme essaient de le faire certains généticiens peu scrupuleux de la rigueur scientifique, de vouloir prouver à tout prix l'existence d'un dominateur génétique commun à tous les Juifs du monde actuel. 

Durant tout le Moyen âge, l'Afrique du Nord et l'Espagne ne formaient qu'un seul domaine culturel et les lettrés juifs à l'époque voyageaient facilement d'une communauté à l'autre. Ce brassage de population ne permet plus de distinction ethnique entre les Juifs d'Espagne et ceux de l'Afrique du Nord. Cependant, avec l'expulsion des Juifs d'Espagne et du Portugal, après 1492, les Juifs de la péninsule ibérique, devenue chrétienne, émigrèrent en partie en Afrique du Nord et composèrent une communauté distincte par ses origines et son particularisme. On les appelle les megorashim, les expulsés, par rapport aux toshabim, les autochtones, termes que l'on retrouve principalement dans les actes de mariages, les ketubot. Grâce à ces nouveaux venus qui constituèrent une aristocratie locale, le dialecte judéo-arabe marocain, dans toute sa diversité, est encore truffé d'espagnol dans le domaine lexical. Jusqu'au XIXe siècle, on continua même de traduire à Meknès dans des textes du droit juif, dans les responsa (les sh'elot u-teshubot), certains termes de l'hébreu en espagnol, pour qu'ils soient mieux compris par le lecteur. 

Bien avant le protectorat espagnol de1912, l'Alliance Israélite Universelle établit des écoles françaises au nord du Maroc. Sa première école fut construite à Tétouan en 1862. Vinrent après celle de Larache en 1864, et de Tanger en 1902. Cet avantage qu'avait la communauté juive du Nord du Maroc dans le domaine de la francisation scolaire entraîna, après la guerre, une émigration vers la ville moderne de Casablanca. Il est généralement admis que le processus inégal de scolarisation engendra inévitablement des écarts sociaux-culturels entre les communautés du Maroc et surtout entre les divers quartiers de la ville de Casablanca où habitaient les Juifs. 

 Ce qui est relativement méconnu, sont les vastes activités sociales et les œuvres de bienfaisances, aussi bien traditionnels que modernes, que déployèrent les dirigeants des communautés en faveurs des couches sociales déshérités, surtout dans les Mellahs des villes. C'est ainsi que l'on peut trouver des originaires de Tétouan, Tanger, Ceuta, Larache et Melilla à la tète de la plupart des institutions sociales et culturelles juives à Casablanca. Citons principalement S. D. Levy qui fonda la plupart des institutions sociales et éducatives de la communauté ; Alfonso Sabbah qui avec Jo Lasry et Daniel Levy qui étaient à la tête de l'association Charles Netter et regroupait en son sein tous les Mouvements de la jeunesse juive ; les écrivains Carlos de Nesry et Raphaël Benazeraf ; le ministre du premier gouvernement marocain le docteur Léon Benzaquen ; les hommes politiques de gauche : Meyer Toledeno et Marc Sabbah et David Benazeraf ; les militants communistes Sam Benharroch, Ralph Benharroch-Maudi, Jo Bendellac et Abraham Serfaty, Les juristes qui défendaient la cause juive  

Helène Cazes Benattar, Akiba Benharroch et Salomon Benchabat. Enfin deux personnalités juives restées dans l'ombre : Sam Benazeraf et Isaac Cohen Olivar, qui grâce à leur médiation, fut conclu « l'accord de compromis » pour l'évacuation des Juifs du Maroc, en août 1961.

 

 

Brit no 29 – Marocain d'origine espagnole Yigal Bin-Nun

Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון-נזקי המזרחיות

נזקי המזרחיות

מאת יגאל בן נון

פורסם במדור דעות, הארץ – 07/09/2013 שעה 2יגאל בן נון

המגדר המזרחי שצמח בארץ בעשור האחרון אינו אלא המשך להשקפות אוריינטליסטיות של עמים קולוניאליסטיים באירופה. האוריינטליסט מסתכל על מה שמחוץ לאירופה בגישה פטרונית, חביבה אך מזלזלת: ממרומי תרבותו הגבוהה האוריינטליסט דאג לכך שהעמים הנכבשים, הילידים, ינציחו את הפולקלור שלהם כתחליף לתרבות. ה עמים הקולוניאליסטיים שמו בשק אחד את כל מי שלא דומה להם מבלי להטריח את עצמם להבחין בהבדלים ביניהם. המגדר המזרחי בישראל מצדו אינו מבחין בין מזרח למערב, בין מרוקו לפרס, בין תימן לטורקיה ובין ספרד לעיראק. ״כולם אותו דבר״, אומר המזרחי, ומבטל במחי יד הבדלים לשוניים, גיאוגרפיים ותרבותיים של ארצות מוצאם של הישראלים. ובעיקר – ״אל תבלבל אותנו בפרטים ועובדות״, הוא אומר.

האינטלקטואל ״ המזרחי״ פיתח ראיה מניכאית – מזרחים מול אשכנזים, א ויבים לנצח. ע ולמר נחלק לאשכנזים רעים ומזרחים טובים, או לאשכנזים מתקדמים ומזרחים מפגרים. ״המזרחי״ הזה משקיף על

סביבתו בראייה אתנוצנטרית שאינה מותירה מקום רב להבדלים בין־אישיים: הפרט נעלם מהשקפת עולמו. הוא מתעלם מן ההבדלים האישיים בין בני אדם וזורק הכל לפח המוצא האתני; הכל עובר דרך הפילטר של המגדר, עד כדי כך שהוא נשמע לעתים כדוגמט המדקלם קלישאות.

בישראל נהפכה המזרחיות לזהות חלופית לישראליות. חלק מהדוגלים בה אף מבטלים את עצם קיומה של תרבות ישראלית. בעבורם, אין תרבות ישראלית, כי הכל בה מלאכותי. כך נהפכה אצלם הזהות האתנית

לתחליף לזהות לאומית־ טריטוריאלית ולתרבות גבוהה המשלבת ערכים לאומיים־ישראליים וערכים אוניוורסליים. השקפתו של ״האינטלקטואל המזרחי״ מבטלת את הקשר בין הפרט לשיוכו הלאומי, לטובת הסתגרות במגדר אתני, א פל וצר אופקים. את הישראליות מפקיר ״ ה אינטלקטואל המזרחי״ למי שהיו פעם אשכנזים והשילו מעליהם את איפיוני ארצות המוצא של הוריהם כדי לאמץ זהות ישראלית בארצם החדשה.

זוהי, לדעתי, תבוסתנות מזרחית. טועים המזרחים שמפקירים את הבמה המרכזית של הישראליות, ומותירים

אותה בידי מי שהם מכנים אשכנזים. הגטו המגדרי־המזרחי צר מכדי לאפשר קידמה ופתיחות: בעוד שטענות על ״ ה הגמוניה האשכנזית״ נשמעות ברמה, האתנוצנטריות היא למעשה רק מלה עדינה לסגרגציה

ולגזענות הראויה לכל גינוי. אני מגנה התבטאויות של אחדים שפיתחו ראייה בדלנית אנטי־אשכנזית מבלי להבחין שהאשכנזיות הומרה כישראליות ואין לה יותר דוברים או חסידים. האשכנזיות פסה מן העולם. בניה הפכו מזמן לישראלים. אין היום תביעה לזהות אשכנזית כפי שיש תביעה לזהות מזרחית. לעומת הישראלים, חסידי המזרחיות מתעקשים לשמור על חומות הגטו שלהם ודורשים לחזור לעדתיות אתנית מאוסה. אני בז לכל מי שמבטל את הפרט לטובת ההשתייכות המגדרית. אני בז למי שדוגל בסגרגציה  עם כל החמלה שיש בלבי לאנשים שסובלים ממשברים אישיים ומטראומות של זהות, ק שה להתעלם מנזקי הפתרון המזרחי. הוא טומן בחובו את כל האנומליה שבאימוץ זהויות מגדריות כתוצאה מבעיות אישיות,

בעיות שמתעקשים באופן פתטי להפוך לאידיאולוגיה. למרבה האירוניה, הדעות הקדומות כלפי הלא־ אשכנזים בשנות החמישים היו כל כך נפוצות בספרות, בעיתונות ובקולנוע, שהאינטלקטואל המזרחי אימץ אותן ושוכנע שהוא כזה. לכן הוא מתחפר בעדתיותו המשפילה.

נכון, אין להתעלם מחומרת פשעי הממסד בתחום החברתי. בשנות ה־50 וה־60 הממסד הישראלי התעלל בכל מי שאינו דומה לו, וקיפח דורות שלמים של מהגרים מארצות ערב. אין ספק שעד היום קיימו; אפליה. אין ספק גם שיש מתאם לא מבוטל בין נחשלות למוצא עדתי. איני מסכים גם עם מתחסדים הטוענים ש" כל מי שרוצה יכול להגיע״: לרוב מי שאומר זאת נותן כדוגמה את עצמו, וכל מטרתו היא להתפאר בהצלחתו. אך בשלב התיקון ובשלב הפתרונות אסור להביא בחשבון את המוצא האתני, כי זאת תהיה הנצחה של הבעיה.

לבי עם כל אלה הכואבים את הנחשלות החברתית ומתריעים עליה. לבי עם כל מי שנלחם בגזענות על בסיס אתני או אחר. אבל אסור להילחם בגזענות אחת באמצעות גזענות אחרת. לכן לבי אינו עם אלה שמתייחסים באופן שונה לעוני יהודי לעומת עוני ערבי בישראל. לבי עם אלה שמגנים את מדיניות השלטון המעדיף התנחלויות מזיקות שבולעות את משאבינו על חשבון יישובים חלשים בארץ. לבי עם הנלחמים בתופעת ההתחרדות המפלגת את העם ומנציחה את הבערות והנחשלות בקרב האוכלוסיות החלשות ביותר.

מיותר לומר שיש בקרב אותם אינטלקטואלים מזרחים אנשים איכותיים לא מעטים, בהם משוררים נוגעים ללב וסוציולוגים מוכשרים. לא אוכל לנקוב כאן בשמותיהם, כי הרשימה ארוכה. אני מעריך מאוד מאבק חברתי לטובת קבוצות חלשות בחברה שמנהלים אחדים מזרם זה, אך איני רואה תועלת בכך שמאבק זה ייעשה בשם המזרחיות ולא בשם כלל הישראלים. אני ממליץ למזרחים להפסיק לבוז לישראליותם, לחזור למרכז הבמה, ולפתח ישראליות נאורה, פתוחה, שפויה ומתקדמת, ללא שנאת אשכנזים וללא סגרגציה.

ד״ר בן־נון הוא היסטוריון החוקר את היחסים החשאיים בין ישראל למרוקו ואת ההיסטוריוגרפיה של  האסופה המקראית

Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון-המוסד דאג שפעיליו יעצרו במרוקו

המוסד דאג שפעיליו יעצרו במרוקו

בינואר 1961 טבעה ספינת העולים אגוז בחופי מרוקו. חודש לאחר מכן פירסם המוסד כרוז בשם הקהילה היהודית המאשים את מרוקו בטביעה. שליחי המוסד ביקשו להדביק את הכרוז על קירות ליד תחנת המשטרה בער מכנאס. שני פעילים נתפסו, עונו קשות ונאלצו למסור את כתובות חבריהם. כאשר ביקשו שאר הפעילים להסתתר או לבוח לפי הנחיות מראש, נמסר להם על ידי שליחי ישראל: "שבו בבתיכם. אל דאגה. אנחנו שולטים במצב". רוב השליחים ברחו ממרוקו או הסתתרו בבתים שיגאל בן נון 2ל ההנהגה היהודית. הפעילים שלא הסתתרו ולא ברחו נעצרו ועונו. שניים מהם רפאל ואקנין ומרסל רואימי מתו אחרי זמן מה מעינויים. הרשת של המוסד התמוטטה. משטרת מרוקו לא מנעה מן השליחים לברוח. 
האם סוכני המוסד הפקירו את פקודיהם וברחו לנפשם?
האם המוסד היה מעוניין שהפעילים היהודיים יעצרו?
לשם מה היה המוסד זקוק למעצרים אלה?
נושא זה נדון במחקר מאת ד"ר יגאל בן-נון שפורסם בימים אלה בספר מטעם אוניברסיטת בר אילן

 

Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון-המתקפה התקשורתית הישראלית על מרוקו

המתקפה התקשורתית הישראלית על מרוקו

אחרי טביעת ספינת המעפילים "אגוז" בינואר 1961

ד"ר יגאל בן-נון

אוניברסיטת פריס VIIIיגאל בן נון

פורסם בכתב העת "קשר" 38 עמ' 65-55

אסון טביעת ספינת המעפילים "אגוז" (Pisces) הוא אחד האירועים הדרמטיים ביותר בתולדות הקהילה היהודית במרוקו. האסון זעזע את היהודים והחיש את החלטתם למצוא חלופה טובה יותר לחייהם במדינה שזה עתה קיבלה את עצמאותה. במאמר זה לא אדון בסיבות שגרמו לטביעה ובאחראים לאסון אלא בתגובותיהם של מדינת ישראל, של הארגונים היהודיים העולמיים, של ראשי הקהילה המקומית ושל שלטונות מרוקו לטביעה. כמו כן אדון בתגובות שליחיה החשאיים של ישראל במרוקו על האסון. כשבעה חודשים אחרי האירוע סוכם בין נציגי ישראל ומרוקו על יציאה מאורגנת של הקהילה.

אחרי מחדל טביעת הספינה מול חופי מרוקו ב-10 בינואר 1960, נציגי ישראל בשגרירויותיה בעולם הגיעו למסקנה שאפשר יהיה להתגבר על המשבר אם יהפכו את הכישלון ליתרון תעמולתי נגד מרוקו. באופן עקיף, טביעת "אגוז" על 45 נוסעיה, סיפקה את המאוויים שפיתחו גורמים ישראליים לפעולה ספקטקולרית שתזעזע את דעת הקהל העולמית ותפעיל לחץ על ארמון המלוכה. יומיים בלבד אחרי שנודע על הטביעה, החלה ישראל במסע תעלומה עולמי רב היקף. הממשלה, הסוכנות היהודית והמוסד גייסו את נציגויותיהם בעולם המערבי ואת קשריהם עם העיתונות כדי לנהל מתקפת הסברה אינטנסיבית בנושא אחריותה של ממשלת מרוקו. משרד החוץ הדריך את כל נציגויותיו בעולם מערבי ליזום מאמרים בעיתונות שהצביעו על העובדה כי יהודי מרוקו חיים במשטר של פחד, רדיפה ואפליה. הושם דגש על שאיפתם הגוברת של היהודים לעזוב את מרוקו ועל עוצמת כמיהתם לישראל גם במחיר סיכון חייהם. הנציגויות נדרשו להביא את הבעיה לידיעת הציבור ולהטיל את האשם לאסון על שלטונות מרוקו עקב רדיפתם את היהודים בניגוד להתחייבותם בעת קבלת העצמאות. הנציגויות נדרשו לייחס את הרדיפות למדיניות האוהדת של שלטונות מרוקו כלפי שליט מצרים, גמאל עבד אלנאצר.

פרשת הטביעה העיבה על היחסים בין מרוקו לישראל, שהיו מתוחים ממילא עקב התייצבות מרוקו, לפחות כלפי חוץ, במחנה הנאצריסטי כשלוש שנים לאחר עצמאותה. לאחר גל ראשון של מאמרים וכתבות ברדיו, מסרה שרת החוץ, גולדה מאיר, הודעה בכנסת שגררה גל נוסף של מאמרים. בדיון שהתקיים בכנסת ב-18 בינואר 1961, הטילה ממשלת ישראל את האשמה לטביעת הספינה על מרוקו ופתחה במאבק גלוי נגדה. לאחר שגולדה מאיר גינתה את ממשלת מרוקו על שהיא מונעת מיהודיה חופש יציאה, סיימה את נאומה בכנסת במילים: "ידעו יהודי מרוקו כי אין הם בודדים במערכה". בעיניה, טביעת הספינה לא הייתה אלא "חוליה בשרשרת הטרגית של ניסיונות יהודיים לפרוץ דרך למולדת". להערכת פקידי מחלקת המדינה האמריקנית, הודעת שרת החוץ בכנסת יצרה לפרשה תדמית של סכסוך ישראלי-מרוקני, דבר שהקשה את עורפם של המרוקנים במקום לרככם. המרוקנים חששו שהענקת חופש יציאה מוחלט ליהודים יביא ל"אקסודוס" כללי שמשמעותו בריחת הון והפסד כוח אדם מקצועי, פגיעה במוניטין של מרוקו ויתרונות כלכליים לישראל. הדיפלומטים האמריקנים ציינו גם שיהודי מרוקו לא רוו נחת מן ההודעה.

Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון

מבצעי הסברה בארצות הברית למען זכות ההגירה של היהודים ממרוקו

יגאל בן־נון

ביקור-אלינור-רוזוולט-בפאס-בליווית-גו-גולן.

ביקור-אלינור-רוזוולט-בפאס-בליווית-גו-גולן.

עוד לפני ההכרזה על עצמאותה של מרוקו, במארס 1956, היו משרד החוץ בירושלים והקונגרס היהודי העולמי מוטרדים מגורלה של יהדות מרוקו. שליחים ישראלים רבים ניסו לשכנע את מנהיגיה לאפשר חופש תנועה ליהודים. הם נפגשו לא רק עם מקורבי המלך אלא גם עם נציגי המפלגות מימין ומשמאל. אך ההנהגה המרוקנית הייתה מוטרדת בעיקר מכך שכלכלת ארצה עלולה להיפגע אם יעזבו יהודים רבים את המדינה, שכן בזכות השכלתם הצרפתית היה ליהודי מרוקו מעמד בכיר במנהל הציבורי של המדינה העצמאית ובמסחרה. כדי למנוע פגיעה אפשרית בכלכלת מרוקו הציעו נציגי ישראל פתרון שהתבסס על השקעות של אנשי עסקים יהודים מארצות הברית במרוקו. בכך הם טיפחו את המיתום האנטישמי של שליטת יהודי ארצות הברית בממשל האמריקני ועל כוחם הגדול של היהודים בכלכלה האמריקנית. כיוון חשיבה זה בא לידי ביטוי בין השאר בהזמנת אלינור רוזוולט2 למרוקו במארס 1957 בידי ג׳ו גולן, מראשי הקונגרס היהודי העולמי. גם לקראת ביקוריהם של המלך מוחמד החמישי בוושינגטון בקיץ 1957 ושל בנו חסן השני במארס 1963 נערכו נציגי ישראל ונציגי ארגונים יהודיים עולמיים לארגן מבצעי הסברה מיוחדים כדי להרשים את השלטון המרוקני ביכולתה של יהדות ארצות הברית לגייס משקיעים אמריקנים לביצוע פרויקטים במרוקו. כבר באוגוסט 1961 הושג הסכם בין ישראל למרוקו על פינוי מאורגן של יהדות מרוקו תמורת פיצוי כספי, ומבצע הפינוי היה בעיצומו, אך משרד החוץ הישראלי חשש עדיין לגורלו של ההסכם וחיפש דרכים לשכנע את המלך חסן השני ביכולתם של אנשי עסקים יהודים אמריקנים להשקיע בפרויקטים כלכליים במרוקו. להערכת הישראלים, אם המלך ישתכנע הדבר ישפיע גם על יחסו המדיני לישראל ועל הידוק קשרי מרוקו עם ישראל בתחום הביטחוני, שהחלו בראשית פברואר 1963.

ביקור אלינור רוזוולט במרוקו

ג׳ו גולן הבחין שלאחר קבלת העצמאות הבינו ראשי המדינה החדשה שהנושאים החברתיים והכלכליים חשובים יותר מן הנושאים הפוליטיים. הם הבינו שגם אם יאושר למדינתם סיוע כלכלי הם עדיין לא ערוכים להשתמש בו כראוי. רק פיתוח התעשייה והחקלאות יצמיח מעמד פועלים המודע למשימות המוטלות עליו, ושיכול להיאבק למען שיפור רמת חייו של העובד. עם זאת, בתחום הפוליטי ההערצה למלך שהיה קשוב לבנו, יורש העצר מולאי חסן, הבטיחה יציבות חברתית בארצו. לדברי גולן מרוקו רצתה לאמץ מדיניות שקולה בסכסוך בין ישראל לעולם הערבי ואף הרחיקה לכת בתקוותיה לשמש מגשרת בסכסוך זה, אך עמדה זו הייתה של העילית החברתית ולא שיקפה בהכרח את תחושות דעת הקהל הכללית. בתוך המדינה התנהל מאבק סמוי בין היסודות המתקדמים לאלה השמרנים. האחרונים שאפו למשטר תאוקרטי בעל מאפיינים פאודליים. מצבו של המיעוט היהודי היה עדין. שערי המדינה היו חסומים בפניו וחופש התנועה שלו, זכות בסיסית של אזרחים, היה מוגבל. יהודי מרוקו לא רצו לוותר על קשריהם עם ישראל, שאליה היגר כבר שליש מן הקהילה, אך קשרי המשפחה בין שני עברי הים התיכון היו מקור לחשדנות.

בראשית ינואר 1957 נפגש גולן בארצות הברית עם פעילת זכויות האדם, אלינור רוזוולט, והציע לה לקיים ביקור במרוקו בתאריכים 30-18 במארס.1957  לקראת ביקורה נפגש אתה שוב ב־17 במארס במדריד לשם תדרוך פוליטי לקראת נסיעתה. בספרד סירבה רוזוולט להיפגש עם הגנרל פרנקו, אך ביקרה יחד עם גולן במוזאון הפראדו. על פי תכנית תיור מפורטת שהכין גולן היא הייתה אמורה לבקר בערים פאס, מראכש, קזבלנקה, רבאט וטנג׳ה. מטרת הביקור הייתה כפולה: להכיר את מצבה הפוליטי והכלכלי של מרוקו ולסייע לה בתחום ההשקעות, וללמוד את בעיותיה של הקהילה היהודית ולדאוג לזכויותיה בפגישותיה עם הנהגת המדינה. כחודשיים קודם לכן צייר גולן לפני רוזוולט את תמונת המצב המדיני במרוקו והציע לה רשימת אישים להיפגש עמם בביקורה. מהצעותיו אפשר ללמוד על מצבה של המדינה הצעירה אחרי עצמאותה ועל יחסה לקהילתה היהודית. אחרי סגירת מחנה המעבר ״קדימה״ לעולים, הגבילו שלטונות מרוקו את יציאת היהודים לישראל. לכן הציע גולן להעלות את עקרון הזכות להגירה חופשית בשיחותיה עם המלך, עם יורש העצר ועם חברי הממשלה, ולהדגיש שארצות הברית אינה יכולה להשלים עם פגיעה בזכות זו. גולן הבטיח לה שנציג הקונגרס היהודי העולמי במרוקו, יוסף רפאל טולדנו, והשר לאון בן־זקן, יספקו לה מידע מפורט על הקהילה ויסיירו אתה ברובע היהודי בקזבלנקה. הוא תיאר בפרוטרוט את תכונותיהם של אישים בהנהגה המרוקנית והמליץ לרוזוולט להיפגש אתם. עוד יעץ לה לקיים שיחה בארבע עיניים עם המלך ללא מתרגמים ומתווכים, כיוון שרק כך ידבר אתה המלך על נושאים עדינים, ועם השר הבכיר ביותר בממשלה, עבד אל־רחים בועביד שזכה להערכה רבה בארמון ובקרב המפלגות, ולהציע לו סיוע טכני אמריקני להכשרת מנהלים מקצועיים. כן הציע לאורחת להיענות להזמנתו של השר לאון בן־זקן לארוחת ערב בהשתתפות נכבדים יהודים ומוסלמים, שכן בכך היא תעודד אותו במשימתו העדינה ליצור אקלים נוח לידידות יהודית־מוסלמית. משימה זו היא חלק משאיפה של המרוקנים לראות בארצם גורם מתווך בסכסוך בין מדינות ערב לישראל. המלך, ובעיקר עבד אל־רחים בועביד וראשי המפלגות, הצהירו לא פעם על רצונם לראות ביחסים הטובים השוררים בין יהודים למוסלמים במרוקו דוגמה לחיקוי במדינות המזרח התיכון. האישים שעליהם המליץ גולן לרוזוולט להיפגש עמם היו מהדי בן־ברכה הליברל שנאבק באנאלפביתיות, ראש הממשלה מבארכ בכאי הנאמן למלך, ראשי איחוד העבודה המרוקני מחג׳וב בן־םדיק וטייב בן־בועזה, שר הפנים דרים מחמדי ואישים מן האופוזיציה כעבד אל־הדי בוטלב ואחמד בן־םודה, שני חברי המפלגה הדמוקרטית לעצמאות, והנסיכה ללה עיישה, שתסייר אתה במוסדות סוציאליים. גולן הציע לקיים פגישה גם עם השגריר האמריקני ברבאט, קוונדיש קנון.

Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון

מבצעי הסברה בארצות הברית למען זכות ההגירה של היהודים ממרוקו

יגאל בן־נון

ב־19 במארס ערך מוחמד החמישי קבלת פנים רשמית לאלמנת הנשיא רוזוולט ולבנה אליוט. לאחר מכן שוחח המליגאל בן נון הסברה 3ך עם אורחיו שיחה פרטית בנוכחות מנהל הקבינט המלכותי, אחמד נג׳אי, שתרגם את דבריו. הם דיברו על היחסים הרצויים בין שתי המדינות ועל מדיניות משותפת שמטרתה ניצחון זכויות האדם וחופש הפרט. המלך הבטיח לעשות כל מאמץ לדאוג לביטחונם של כל חלקי האוכלוסייה ולשוויון מעשי ביניהם.

לפי הדו״ח של רוזוולט, מוחמד החמישי נראה מתוח בגלל הבעיות הכלכליות שהחריפו עקב הבצורת שהיכתה במדינה והדגיש שהוא זקוק לסיוע מיידי. האורחת הבטיחה לדווח לצירים הדמוקרטים של הקונגרס האמריקני על המצב ולבקש מהם לפעול ביעילות ובמהירות למתן סיוע למרוקו. הבן אליוט הוסיף שבכוונתו לארגן בארצות הברית קבוצה של אנשי עסקים שישקיעו במרוקו. הוא קיבל ייעוץ בנושא מן השר בועביד ומן השגריר קנון ויועצו פורטר.

 האורחת האמריקנית הציעה שמרוקו תשקיע מאמצים ליישוב הסכסוך בין מדינות ערב לישראל והדגישה שהערבים חייבים לוותר על רצונם לחסל את ישראל. מוחמד החמישי השיב שהוא דן בנושא עם המלך אבן סעוד מערב הסעודית ושהם הסכימו על מדיניות שלום עם ישראל, אך הדבר יצריך מידה גדולה של רצון טוב של הצדדים ותבונה מדינית. המלך הסכים לדעתה של גברת רוזוולט שהיוזמה חייבת לבוא מקרב בעלי השפעה. כאשר שאלה האורחת אם היהודים במרוקו חופשים לעזוב את המדינה, השיב המלך שהיהודים הם בניו ואין להם סיבה לעזוב, שמצבם הכלכלי טוב ממצבם של מוסלמים רבים ושהוא אישית יהיה עצוב מאוד לראותם נוטשים את מדינתם.

עם זאת הם חופשים לעזוב אם זה רצונם. המלך העמיד לרשות האורחת האמריקנית מכונית קדילק של הארמון ומתורגמן. למחרת היא ביקרה ברובע היהודי בפאס והתקבלה בהתלהבות בידי ראש הקהילה עמרם חזן והאוכלוסייה במקום. היא ביקרה בבית הספר של כי״ח (אליאנס) שבו למדו אלפיים תלמידים ותלמידות, שערכו לה קבלת פנים בחצר בית ספרם. היא שאלה שאלות רבות על חיי היהודים בעיר ועל יחסיהם עם המוסלמים, על בעיות ביטחון, על ההגירה ועל החינוך היהודי. בעיית הנפקת הדרכונים ליהודים לא נפתרה, אך ההנהגה המרוקנית הבינה שבאמצעות ארגונים יהודיים עולמיים אפשר לגייס משקיעים אמריקנים.

ביקור מוחמד החמישי בארצות הברית

בסוף נובמבר 1957 ערך המלך מוחמד החמישי ביקור בוושינגטון במטרה לממש את הבטחת ממשל אייזנהואר להעניק סיוע כלכלי לארצו. לקראת הביקור הצהיר על תמיכתו בשוויון זכויות בין מוסלמים ליהודים בארצו כדי לשוות למרוקו אופי ליברלי ומתקדם. הגופים היהודיים האמריקניים נערכו לנצל את ביקור המלך כדי להעלות לדיון ציבורי את חופש ההגירה היהודית ממרוקו.

בירושלים זימנה שרת החוץ גולדה מאיר אל לשכתה את ראש המוסד איסר הראל, את ראש מחלקת העלייה של הסוכנות היהודית, שלמה זלמן שרגאי, את מפקד ״המסגרת״ בצפון אפריקה, שלמה חביליו, ואת נשיא הקונגרס היהודי העולמי, נחום גולדמן. לאחר פגישה מאכזבת של מועצת הקהילות היהודיות עם מנהל המחלקה המדינית במשרד הפנים מוחמד חמיאני, שהתקיימה ב־4 ביולי 1957, הציעו נציגי משרד החוץ הישראלי לערוך הפגנות נגד המלך.

מושלי המחוזות במרוקו קיבלו הנחיות משר הפנים להכביד על הנפקת הדרכונים ליהודים. הנחיות אלה שכנעו את הישראלים להחריף את יחסם עם המלך ולתמוך בהפגנות נגדו בארצות הברית. בפגישה במשרדה טענה שרת החוץ שהשלטונות המרוקנים מנצלים לרעה את הפגישות של ג׳ו גולן אתם, שכן הם מוכיחים בכך שאינם פוגעים לרעה בזכויות יהודי מרוקו. שלמה חביליו הוסיף שראש שירותי הביטחון, מוחמד לע׳זאוי, אינו עומד בהבטחותיו לג׳ו גולן וההוכחה לכך הן הוראותיו למושלים לא להנפיק דרכונים חדשים ליהודים. למרות זאת הצליח נשיא הקונגרס היהודי העולמי לשכנע את משתתפי הישיבה להימנע מהפגנות בימי ביקור המלך בניו יורק.

Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון

מבצעי הסברה בארצות הברית למען זכות ההגירה של היהודים ממרוקו

יגאל בן־נוןיגאל בן נון הסברה 3

לדברי ג׳ו גולן תכננו ארגונים יהודיים לארגן לאורח קבלת פנים סוערת דוגמת ההפגנות שערכו למלך סעוד מערב הסעודית, וציין שהשלטים כבר הוכנו מראש עם ססמאות נגד מרוקו ומלכה. בעמל רב הצליח גולן לשכנע את ראשי הקונגרס היהודי האמריקני ואת חבריו בקונגרס היהודי העולמי לבטל את תכניותיהם ולקבל את מוחמד החמישי באהדה בעיתונות המקומית.

שגריר ארצות הברית ברבאט, דיוויד פורטר, דיווח לגולדמן ששלטונות מרוקו יכלו, לו רצו בכך, לחסל את המחתרת הישראלית ולהפסיק מיד את ההגירה הבלתי חוקית, אך הישראלים העדיפו להתעלם מדבריו. לדברי נחום גולדמן הפעילות המחתרתית הישראלית במרוקו פגעה בקהילה. הוא שכנע את אבא אבן השגריר באו״ם ואת שגריר ישראל בוושינגטון, אברהם הרמן, לא להעליב את המלך על ידי פעולות מחאה במהלך ביקורו, בזכות יחסו המסורתי החיובי ליהודי ארצו ומפני שרק בדרכים דיפלומטיות אפשר היה להבטיח את יציאת היהודים. גם שרגאי הסכים להמלצה לא לערוך הפגנות.

בגלל עומס פגישותיו של המלך בביקורו, החליטו שגרירות מרוקו בוושינגטון ומחלקת המדינה האמריקנית להפגיש את המלך עם משלחת יהודית אחת(כשלושים משלחות ביקשו להתקבל אצלו). סוכם שבראש המשלחת יעמוד נחום גולדמן, אך הפגישה לא יצאה לפועל והמשלחת נפגשה עם שר האוצר, עבד אל־רחים בועביד. בו בזמן נפגש נציג הקונגרס היהודי העולמי, מורים פרלצוויג, עם שר החוץ המרוקני, אחמד בלפרג, שהזמינו לביקור במרוקו והצהיר הסכמתו להתיר חופש תנועה ליהודים, בתנאי שלא יהפוך להגירה המונית. בפגישות אלה ביקשו נציגי הקונגרס משלטונות מרוקו לקבל מכסת הגירה של כ־500-400 נפש לחודש. נראה שהשרים בפמליית המלך לא התנגדו להצעה זו. בניו יורק הצהיר שוב מוחמד החמישי על התנגדותו לכל סוג של אפליה והבטיח בדיסקרטיות לנציגי הקונגרס היהודי העולמי על הסרת המגבלות בהענקת הדרכונים, כהבטחתו לנשיא אייזנהאור. המלך עמד בהבטחתו, ולפני ששב לארצו פרסם שר הפנים, דריס מחמדי, ב־28 בנובמבר 1957, הודעה לעיתונות כי לפי רצון המלך כל יהודי שירצה בכך רשאי להגר עם בני משפחתו. שבועיים לאחר מכן, ב־12 בדצמבר, קיבלו מושלי המחוזות הנחיות ברוח דומה משר הפנים ומראש שירותי הביטחון. על פי הדהיר (צו) החדש יבוטלו כל המגבלות על הנפקת דרכונים. כל אזרח מרוקני היה רשאי לקבל דרכון בכל עת ולנוע בחופשיות במדינה ומחוץ לה. עם זה הדגיש מוחמד לע׳זאוי כי הדהיר אין פירושו שמרוקו מעניקה היתר לציונים להמשיך לפעול במרוקו ולנהל תעמולה אנטי־מרוקנית בקרב יהודיה. הוא קרא לחשוף את זהות הסוכנים הציונים ולהעמידם לדין באשמת פגיעה באינטרסים החיוניים של המדינה.

למרות החלטות אלה ראו הארגונים היהודיים ונציגי משרד החוץ הישראלי בהיערכות לקראת ביקור מוחמד החמישי בארצות הברית כישלון. לא כל נציגי הארגונים היהודיים שוכנעו בחומרת מצבם של יהודי מרוקו. גם חומר שסיפקה להם הסוכנות היהודית בנושא לקראת הביקור היה מלא הטפות ״ציונות״ לא ענייניות ופחות עובדות וטיעונים משכנעים לגבי זכויות היהודים במרוקו. אף שהגורמים המטפלים בנושא החליטו לרכז את המאמץ בתקשורת הלא־יהודית והיהודית להפעלת לחצים דיפלומטיים התוצאות היו עגומות, שכן הנושא היהודי־מרוקני לא הוזכר בעיתונות. גם פגישת נשיאי הארגונים עם שגריר מרוקו בוושינגטון וביקור משלחת הוועד היהודי־אמריקני במחלקת המדינה האמריקנית לא הועילו. אלכסנדר איסטרמן, יועצו של נחום גולדמן, סבר כי הפגישה עם שגריר מרוקו בוושינגטון לא זו בלבד שלא הועילה אלא אף הזיקה, ולכן הוא התנגד לקיים פגישה דומה עם השגריר המרוקני בלונדון.

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