Yigal Bin-Nun- יגאל בן-נון


La négociation de l’évacuation en masse des Juifs du Maroc Yigal Bin Nun

יגאל בן נוןL’éducation dispensée dans les écoles de l’Alliance israélite universelle offrit à l’élite juive une option parallèle d’identification. Elle conféra aux Juifs un statut spécifique, et même privilégié, par rapport aux Musulmans. À la différence des communautés juives d’Europe occidentale, le processus d’émancipation des Juifs du Maroc ne s’est pas accompli par le biais de l’assimilation au sein de la société majoritaire. L’assimilation socioculturelle était plutôt orientée vers la puissance coloniale et non vers la société arabo-musulmane. L’éducation française n’eut certes pas pour effet de créer une reconnaissance envers le Protectorat, mais engendra une attache culturelle avec la France et une soif vitale de la langue française. Ainsi surgirent les conditions d’une identification non seulement double, cas habituel dans les communautés juives en Occident, mais aussi triple, similaire, dans une certaine mesure, à la situation de certaines communautés juives d’Europe orientale, dont les membres cultivés portaient leur regard vers l’Occident.
Le Protectorat français au Maroc prit fin le 2 mars 1956. Sur une population de près de dix millions de personnes au moment de l’indépendance, la communauté juive comptait quelque 230 000 âmes dont la plupart habitaient les grandes villes, surtout à Casablanca. Au début du Protectorat, peu de Juifs quittèrent le Maroc à destination de la France, de l’Espagne ou de l’Amérique du sud. Je divise habituellement l’émigration juive en dehors marocaine en trois périodes : la période de Qadimah , qui s’étend de la création de l’État d’Israël à l’indépendance du Maroc (1948-1956) ; la période de la Misgeret, où l’émigration s’effectua clandestinement (entre 1956 et novembre 1961) ; et la période de l’Opération Yakhin durant laquelle l’émigration se fit au moyen de passeports collectifs après un accord avec les autorités marocaines (1961-1966). Dans les années 1948-1949, près de 22 900 Juifs partirent en Israël. Entre l’indépendance d’Israël et l’indépendance du Maroc, les Juifs émigrèrent vers le jeune État d’Israël au rythme de 3 000 personnes environ chaque mois. Pendant toutes les années d’activité de l’organisation Qadimah (1949-1957), près de 110 000 Juifs quittèrent le Maroc, et quelque 120 000 y demeurèrent jusqu’en 1961 . Entre 1957 et novembre 1961 l’émigration organisée par la branche du Mossad devint clandestine : elle réussit tant bien que mal à faire sortir 29 472 Juifs. De novembre 1961 à la fin 1964, 83 707 Juifs quittèrent légalement, bien que discrètement, le pays. En 1965, y vivaient encore près de 55 000 Juifs. En 1972 il n’en restait pas plus de 30 000 et en 2003 moins de 5 000 . Entre 1948 et 1967 un total de 237 813 Juifs arrivèrent du Maroc en Israël . Ainsi s’effectua l’évacuation quasi totale d’une communauté juive enracinée en Afrique du Nord depuis l’époque romaine.

La négociation de l’évacuation en masse des Juifs du Maroc Yigal Bin Nun-La politique du jeune état marocain

יגאל בן נוןLa politique du jeune état marocain
Après l’indépendance, le royaume marocain, devait choisir entre la poursuite des relations avec la France, sa culture, sa langue et l’Occident démocratique d’une part, et l’alignement sur les pays du Moyen-Orient, leur politique panarabe et leur relation néfaste avec la population juive, d’autre part. Le statut juridique des Juifs dans le nouvel état n’était pas clair. Les Juifs devaient-ils revendiquer des droits particuliers en tant que minorité ethnique à l’écart du reste de la population, ou bien s’assimiler au sein de la nouvelle société, de sa culture et de sa langue, au point de s’y fondre, à l’instar des communautés juives d’Europe occidentale ? Si la première option comptait peu de partisans dans la classe intellectuelle, car ses adeptes potentiels préféraient tout simplement quitter le Maroc, la seconde eut, dans un délai relativement bref, sa période de gloire. Mais la réalité politique marocaine bouleversa la situation. Bien vite, il s’avéra que ce qui valait pour les Juifs de France au lendemain de la Révolution et pour les Juifs d’Europe occidentale par la suite ne convenait pas au nouvel état arabe et musulman, même après une présence française de quarante ans.
Si l’histoire de la communauté juive du Maroc après l’indépendance n’est pas identique à celle des autres pays arabes, qui expulsèrent bien vite leurs Juifs après la création de l’état d’Israël, elle fut marquée par la crainte permanente d’un avenir incertain et inquiétant, voire d’une éventuelle et imminente catastrophe . La communauté était préoccupée par ces questions déterminantes pour son avenir, pour le meilleur ou pour le pire. Le royaume marocain indépendant devait trancher à leur propos. Ses décisions politiques allaient déterminer le sort des Juifs, soit vers un renouveau individuel et communautaire au sein d’un pays démocratique et moderne, soit sur le départ précipité. En plus du surgissement du conflit du Moyen-Orient au cœur des relations judéo-musulmanes au Maroc, se développa en chaque Juif la crainte de perdre les avantages acquis auparavant par rapport aux Musulmans. La remise en cause de ces privilèges consécutive à l’adoption d’une politique d’arabisation de l’administration publique et du système judiciaire risquait de réduire à néant les avantages d’une éducation française ouvrant l’accès à de postes clé dans la fonction publique. Dans les professions libérales et la bourgeoisie juives régnait un sentiment d’appréhension, provenant de la nécessité de choisir entre la langue et la culture françaises, qu’ils avaient assimilées avec enthousiasme, et le processus futur d’arabisation, porteur d’un bagage culturel musulman défavorable aux Juifs. La crainte de perdre ces avantages à la suite de l’arabisation créa dans la communauté un état d’insécurité chronique, qui ne fit que se renforcer. Le Maroc ne pouvant pas assurer un avenir meilleur à ses citoyens juifs dans un état arabo-musulman, il n’y avait d’autre choix que de partir.
L’histoire du Maroc au cours des sept premières années de son indépendance est aussi celle des échecs de ses dirigeants dans leurs rapports avec la communauté juive. Les jeunes dirigeants du nouvel état qui aspiraient à évoluer vers une société démocratique et moderne échouèrent dans leurs tentatives d’intégrer en son sein une population non musulmane, ancrée dans le pays bien avant l’islamisation et l’arabisation du Maroc. Il convient de préciser que le royaume marocain était l’un des rares pays arabo-musulman à avoir nommé un ministre juif, le Dr Léon Benzaquen, dans son premier gouvernement. En dépit de nombreuses tentatives de garantir la présence juive dans l’état indépendant, le Maroc commit des erreurs qui amenèrent les Juifs à mettre en doute leur avenir dans ce pays. L’erreur la plus grave fut la restriction de la liberté de circulation et les entraves à l’obtention de passeports. Plus les autorités marocaines s’efforçaient de retenir les Juifs dans le pays, plus elles diminuaient leur volonté d’y rester. De ce point de vue, ces premières années d’indépendance constituent un moment décisif dans l’histoire de la nouvelle société marocaine. Ses dirigeants ayant vécu l’humiliation du colonialisme devinrent progressivement plus sensibles aux liens culturels et sociaux avec le monde arabe, et supportèrent sans enthousiasme les pressions de la Ligue arabe et l’influence néfaste du nassérisme. Cet état de chose engendra une politique qui écarta progressivement la possibilité que des citoyens juifs puissent s’intégrer dans le Maroc indépendant, alors que d’autres options plus attrayantes s’ouvraient déjà à eux.

Les atteintes aux droits des Juifs et au statut de la communauté

יגאל...הרצאה

La négociation de l’évacuation en masse des Juifs du Maroc

Yigal Bin Nun
Université de Paris VIII

Les atteintes aux droits des Juifs et au statut de la communauté
Malgré les déclarations rassurantes des autorités et l’euphorie qu’a vécu la classe intellectuelle juive, juste après l’indépendance, le souvenir douloureux de deux événements sanglants resta gravé dans sa mémoire collective . L’incident qui marqua l’histoire de la communauté s’était produit dans la nuit du 7 au 8 juin 1948, trois semaines après la création de l’État d’Israël et le début du conflit avec ses pays voisins. Le sultan Mohammed Ben Youssef comprit le danger que représentait pour la communauté juive le conflit israélo arabe. Le 23 mai, il s’adressa à son peuple en lui rappelant son obligation de protéger ses citoyens juifs et demanda aussi à la communauté de ne pas manifester sa solidarité avec le nouvel état juif. Dans la ville orientale d’Oujda et dans le village voisin de Jerrada, distant de 46 km, éclatèrent des émeutes qui restèrent profondément gravées dans la conscience juive. Oujda servait à cette époque de ville de transit pour les Juifs qui quittaient le Maroc à destination d’Israël, en passant par l’Algérie voisine. En juillet 1948, dans le cadre des actions contre le pouvoir occupant français, des Musulmans attaquèrent ceux qu’ils considéraient comme leurs collaborateurs juifs. À Oujda, quatre Juifs, et un Musulman qui tentait de les protéger, furent assassinés. À Jerrada, 39 Juifs furent tués et 30 furent grièvement blessés. Le rabbin de la communauté, Moshe Cohen, trouva la mort dans ce pogrome. Cependant, il convient de souligner que dès le mois de mai, le président de la communauté d’Oujda, Obadia, avait averti les autorités françaises de l’effervescence antijuive dans la ville mais, étonnamment, le contrôleur civil, qui tenait lieu de gouverneur régional du Protectorat dans la ville, avait quitté les lieux un jour auparavant. Ceci fait peser de lourds soupçons sur les autorités françaises d’avoir fomenté des troubles antijuifs pour semer la discorde entre les deux communautés. Néanmoins, le mobile des émeutes était peut être lié aussi à l’émigration vers Israël et à la situation au Moyen-Orient, et non à des mobiles locaux .

Un autre incident antijuif se produisit le 3 août 1954 dans la ville de Sidi Qassem (Petit Jean), où six commerçants juifs de Meknès furent tués. Contrairement au pogrome d’Oujda, cet incident n’avait pas de lien avec le conflit israélo-arabe. Dans cette petite ville habitaient seulement une cinquantaine de Juifs, mais des commerçants juifs de Meknès, la ville voisine, venaient y faire leurs affaires. Ce qui déclencha le massacre était l’exigence du mouvement national marocain de fermer les magasins le vendredi. Des pressions inverses furent exercées par les policiers français pour ouvrir les magasins, en dépit des menaces. Au cours de cette situation explosive, quelques manifestants marocains collèrent des photographies du roi en exil sur les magasins, y compris sur ceux appartenant aux Juifs. Un policier français qui tenta de retirer les photographies s’en sortit indemne, mais la foule en colère se retourna contre les commerçants juifs qui furent accusés de s’être opposés à la grève. Les Juifs en subirent de lourdes conséquences : Samuel Boussidan, Shalom Elfassi et son fils âgé de 22 ans, Elie Toledano et son fils de 12 ans, et Abraham Amar furent assassinés, après avoir subi des traitements cruels et leurs corps furent brûlés par les manifestants. Cet incident tragique ne fut pas mentionné dans la presse israélienne de l’époque, bien que le ministère des Affaires étrangères eut reçu des photos et un compte-rendu de l’événement . Mais l’instabilité politique et l’incertitude planaient sur l’avenir de la communauté. Les déclarations sur l’arabisation prochaine de l’administration et l’adhésion du Maroc à la politique panarabe ravivèrent la mémoire de ces deux incidents, et incitèrent les Juifs à quitter un pays incapable de garantir leur sécurité.
Après une courte période d’euphorie qui anima l’intelligentsia juive, et malgré les avantages acquis en matière de promotion professionnelle dans la fonction publique et dans les divers ministères, les difficultés commencèrent à surgirent. Elles concernaient principalement les entraves à l’octroi de passeports qui restreignaient la liberté de circulation, la rupture des relations postales avec Israël, la marocanisation des associations, l’arabisation de l’administration publique et l’adoption d’une nouvelle constitution définissant le Maroc comme un état islamique. En outre, les atteintes contre les Juifs de la part de policiers marocains lors de la visite d’Abdel Nasser à Casablanca après l’adhésion du Maroc à la Ligue arabe et son ralliement à l’idéologie panarabe en politique étrangère ne firent qu’aggraver la situation déjà tendue. Cette série d’événements suscita progressivement un sentiment de méfiance envers les autorités, et la conviction grandissante qu’à long terme il n’y avait plus d’avenir dans ce pays et qu’il fallait se préparer à partir avant la catastrophe prochaine. Qui plus est, on ne peu nier le fait que la création d’un état juif en Israël, juste après la shoah, ranima des sentiments d’ordre messianiques, bien ancrés dans la liturgie juive, et toujours ardents dans la masse populaire juive.

La question de l’émigration et l’octroi des passeports

La question de l’émigration et l’octroi des passeportsיגאל...הרצאה
Le problème de l’émigration juive, formulée plus diplomatiquement comme le droit à la liberté de circulation, inquiétait les dirigeants de la communauté à cause des obstacles dressés par les autorités pour obtenir des passeports. Les Musulmans n’avaient aucun problème à les recevoir, tandis que les Juifs devaient subir des enquêtes et attendre plusieurs mois avant de recevoir, trop souvent, une réponse négative. La question des passeports demeura énigmatique aux yeux des dirigeants de la communauté. Fallait-il croire à la sincérité des autorités promettant de délivrer des passeports à toute personne désirant se rendre à l’étranger ? Fallait-il croire que ces promesses n’étaient plutôt enfreintes que par des fonctionnaires locaux, passant outre aux instructions de leurs supérieurs ? Fallait-il plutôt se méfier des promesses qu’on n’avait pas l’intention de tenir et qui ne cherchaient qu’à apaiser les mécontentements ? Avec le temps, une procédure fut mise en place par les fonctionnaires. Après un premier entretien, ils demandaient aux solliciteurs de passeports de revenir au bout d’un certain temps pour confirmer leur décision de quitter le pays. Les enquêtes embarrassantes sur le but du voyage et sa destination finale et la crainte d’éventuelles sanctions découragea la masse juive d’oser même entamer une procédure de demande de passeport. Plusieurs l’abandonnaient en cour de route. Ceux qui persistaient virent souvent leur demande rejetée. Ceux qui l’obtenaient étaient en général des étudiants ou des personnes aisées qui devaient se rendre à l’étranger dans le cadre de leurs affaires et qui en plus devaient proposer des pots-de-vin pour écourter le processus. Lorsque les fonctionnaires soupçonnaient le demandeur de vouloir émigrer en Israël, ils ne délivraient de passeports qu’à une partie de la famille, les autres membres tenant lieu d’otages.
Même les milieux libéraux marocains s’opposèrent à l’idée d’une émigration juive. Ils souhaitaient afficher devant l’opinion publique mondiale le visage d’un Maroc moderne soucieux d’accorder l’égalité des droits à tous ses citoyens sans distinction de religion. Les jeunes dirigeants du pays craignaient aussi que le départ des Juifs n’affaiblisse l’économie du pays qui cherchait à la consolider après le départ des Français. D’autre part, les milieux panarabes de l’aile conservatrice de l’Istiqlal craignaient que des Juifs marocains aisés aillent renforcer les forces sionistes en Israël contre la nation arabe. Contrairement à la position des représentants du palais, les dirigeants de l’Istiqlal et leurs journaux Attahrir et Avant-garde exigèrent la fermeture du camp de transit pour les immigrants Qadimah, installé par l’Agence juive près d’Aljadida (Mazagan). Pourtant, même le dirigeant traditionnel de l’Istiqlal, Allal Alfassi, déclara à plusieurs reprises que conformément aux principes de liberté et de démocratie qui lui étaient chers, il ne s’opposait pas au droit des Juifs de quitter le Maroc.
En février 1956, le journal du Parti Démocratique pour l’Indépendance (PDI), présidé par Mohammed Hassan el Ouazzani, publia un éditorial dans lequel il s’adressa aux Juifs leur demandant de surmonter leurs difficultés provisoires et de renoncer à leur intention de quitter le pays. Il souligna que les organisateurs de l’émigration juive devaient être considérés comme des ennemis du Maroc et de la nation tout entière . Dans un autre article, le journal précisa : « Nous ne pouvons pas supporter que les sionistes impérialistes enrôlent les Juifs marocains, qui sont des citoyens à part entière de notre pays, pour les transformer en colons sur une terre arabe appartenant aux Palestiniens. Ne soyons pas complices de cette injustice. Le ministre de l’Intérieur doit, par conséquent, prendre immédiatement les mesures nécessaires et ne plus accorder de passeports collectifs aux Juifs qui veulent se rendre en Israël » .
Lorsque Alfassi rentra au Maroc, en août 1956, l’organe de l’Istiqlal Al ‘alam publia un article écrit par le dirigeant en exil, qui cherchait à reprendre une place au sein de la direction de l’État, après une longue absence. Il couvrit de louanges le roi pour avoir empêché l’émigration des Juifs en Palestine arabe, asservie par l’impérialisme sioniste, et pour avoir dissous l’organisme Qadimah qui s’en occupait à l’époque du Protectorat. Alfassi définit ainsi l’identité des émigrants : « Nous savons que ces émigrants ne font pas partie des pauvres, mais des classes moyennes qui emportent de l’argent qu’ils ont reçu en vendant leurs biens. Ce qui signifie que nous offrons à Israël des centaines de sionistes riches et en bonne santé pour habiter une terre arabe et pour faire la guerre à nos frères arabes  : notre indulgence a des limites ! Les droits dont bénéficient nos frères juifs leur imposent l’obligation de loyauté envers leur patrie et à ses habitants. La propagande sioniste induit les Juifs en erreur et tente de nous tromper. Nous demandons au ministre de l’Intérieur de mettre fin à cette situation honteuse qui touche le point le plus sensible du Maroc, de ne pas délivrer de passeports collectifs et de ne pas laisser partir ceux qui veulent émigrer en Israël » . En dépit de ses attaques contre les sionistes et Israël, Alfassi appelait les Juifs « nos frères » mais ne leur accordait des droits qu’à condition qu’ils soient loyaux envers l’état. En outre, bien que le dirigeant de l’aile gauche de l’Istiqlal, Mehdi Ben Barka, se soit illustré par son rapport positif aux Juifs, il n’hésita pas à qualifier ceux qui quittaient le Maroc de traîtres. En novembre 1957, Ben Barka, en tant que président de l’assemblée nationale consultative, mit en garde les Juifs, les prévenant que l’émigration risquait d’inciter des Musulmans à commettre des actes antisémites contre ceux de leur coreligionnaires qui resteraient au Maroc, et que ces émigrants en porteraient la responsabilité .

La position du palais envers l’émigration, nous est fournie par le compte rendu des entretiens de Wolfgang Bertholz de Berne avec Ahmed Alaoui, directeur du service de presse du palais, en juillet 1958 . Alaoui n’hésita pas à reconnaitre que les autorités dressaient des difficultés contre l’émigration et que les fonctionnaires retardaient l’octroi du passeport pour donner au Juif le temps de réfléchir. « Nous le prévenons sur ce qui l’attend en Israël et nous l’informons sur les Juifs qui veulent retourner au Maroc après leur déception de l’expérience israélienne. Nous l’informons aussi sur les nombreux Juifs qui attendent leur retour au Maroc dans les camps de transit de Marseille […]  La décision finale de permettre à un Juif de quitter le Maroc ou pas est de notre ressort, bien entendu. Si son émigration est contraire aux intérêts du Maroc, si par exemple ce Juif est indispensable au pays du point de vue économique […] nous n’autorisons pas son départ ». À la question de Bertholz de savoir si un Juif était décidé malgré tout à partir en Israël, Alaoui répondit : « qu’il aille au Diable ! » .

La rupture des relations postales – Le dahir de la marocanisation

יגאל בן נון 2La rupture des relations postales
L’événement qui atténua l’euphorie du début de l’indépendance et provoqua une dégradation progressive des relations entre les autorités marocaines et le monde juif se produisit le 22 septembre 1959, alors que le gouvernement de gauche était au pouvoir. Sur l’initiative du roi, les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe se réunirent à Casablanca pour leur 32e conférence. Les entretiens du roi Mohammed V avec Hussein de Jordanie et Fayçal d’Arabie lors de sa visite au Moyen-Orient avait même suscité des déclarations anti-israéliennes ainsi qu’à des appels à l’arabisation linguistique. La décision de créer une « Union postale arabe » entraîna la rupture unilatérale des relations postales, télégraphiques et téléphoniques entre le Maroc et Israël.

Exceptionnellement, cette décision ne s’appliqua pas aux appels d’urgence en provenance de navires en détresse. Trois jours après, des affiches furent placardées dans les bureaux de poste, indiquant que tout courrier envoyé à destination d’Israël serait renvoyé à son expéditeur. Le nombre de courriers expédiés entre les deux pays atteignait 30 000 lettres par mois dans chacune des deux destinations. Au Maroc, chaque famille juive envoyait en Israël en moyenne une lettre par mois . Près de 150 000 Juifs du Maroc furent d’un jour à l’autre coupés de leurs proches estimés à quelque 120 000 personnes en Israël. Cette décision porta un coup dur à un semblant de symbiose qui s’était esquissée dans les relations judéo-musulmanes. Certaines familles brûlèrent les timbres israéliens en leur possession pour dissimuler toute référence à Israël de crainte d’éveiller des soupçons. La rupture des relations postales porta un coup sévère à la communauté et aggrava l’atmosphère de soupçon et d’inquiétude quant à l’avenir des Juifs au Maroc.

Le dahir de la marocanisation
La décision gouvernementale du 26 novembre 1958, exigeant de renouveler l’inscription de tous les organismes bénévoles, juifs et musulmans, au ministère de l’Intérieur, inquiéta sévèrement les directeurs des institutions juives. Peu de temps après l’indépendance, Lalla ‘Aïcha, fille aînée de Mohammed V, décida de créer l’association L’Entraide nationale, pour regrouper tous les organismes de bienfaisance du pays. Les nouveaux statuts avaient entre autres pour but de marocaniser les comités directeurs locaux des associations et organismes étrangers. La réinscription en tant qu’association était soumise à deux conditions : seuls des citoyens marocains devaient siéger dans les comités directeurs ; seules les cotisations et les subventions gouvernementales étaient permises. Il était dorénavant interdit à tout organisme de recevoir des dons provenant de l’étranger. Les organismes juifs craignaient que les autorités ne se contentent pas de nommer des partisans de l’intégration comme nouveaux membres dans les conseils des communautés, mais aussi qu’ils les obligent à ouvrir leurs écoles et leurs hôpitaux aux Musulmans. Au début, on leur demanderait d’offrir leurs services à quelques Musulmans, mais progressivement les nouveaux venus deviendraient majoritaires et domineraient les comités directeurs de ces institutions. Le président de la communauté, David Amar, proposa de modifier les statuts du Conseil des communautés, afin de surmonter les problèmes juridiques de son organisme et le redéfinir comme minorité ethnique distincte. Les autorités, préoccupées par des problèmes plus pressants, ne souhaitaient pas affronter la communauté sur un sujet aussi fondamental. Ces nouveaux statuts restèrent longtemps au stade de proposition jamais débattue. Etant donné que la plupart des organismes juifs internationaux étaient dirigés par des Juifs de nationalité étrangère vivant au Maroc ou à l’étranger, certains d’entre eux furent contraints de modifier la constitution de leur direction et de nommer des directeurs de nationalité marocaine. Les anciens directeurs prirent le titre de conseillers.
Jusqu’alors, les organismes juifs de bienfaisance bénéficiaient du financement de l’état, comme sous le protectorat, mais ils craignaient que les autorités n’exigent par la suite de décider elles-mêmes de la répartition des subventions provenant du Joint américain. À cette époque, un membre de l’assemblée consultative du parti Istiqlal, faisant référence au Joint, critiqua le fait qu’un organisme étranger était autorisé à favoriser une partie de la population selon des critères religieux. Les organes du parti approuvèrent sa critique, ce qui suscita un désarroi au sein des organismes juifs qui bénéficiaient des dons du Joint. En mars, on adopta une résolution à l’encontre de dons répartis au Maroc par des organismes étrangers. Les institutions juives comme l’AIU , l’ORT, Otzar ha-Torah et le Joint estimaient que la fin de leur existence approchait, mais en dépit de ces appréhensions, rien ne changea de fait. Par mesure de prévention, le Joint distribua même des surplus de nourriture à des jardins d’enfants musulmans et accorda une aide financière à un organisme bénévole musulman.

La conversion forcée des jeunes filles juives-Yigal Bin Nun

יגאל בן נון 2Le poids de l’islam dans la constitution marocaine
Malgré les déclarations apaisantes des autorités, les dirigeants de la communauté juive ne pouvaient pas ignorer le fait majeur que le Maroc indépendant est défini dans sa constitution comme un état musulman dans lequel l’Islam jouissait d’un statut particulier, bien que le premier article de la constitution définît le Maroc comme un royaume constitutionnel démocratique et social et que l’article 5 déclarât expressément que tous les Marocains étaient égaux devant la loi. En outre, les Juifs, très sensibles à la question de la liberté de circulation, ne trouvèrent pas dans l’article 9 aucune référence au droit de quitter le Maroc ou d’émigrer, mais uniquement au « droit de s’installer librement dans tout le royaume ». Le problème n’était pas d’ordre juridique uniquement. Le Maroc post-colonial était une société dans laquelle la religion occupait une place primordiale et toute sa culture reposait sur l’Islam. Cette réalité socioculturelle ne laissait plus de place aux non-Musulmans, ni même aux laïques, comme dans les pays occidentaux. De ce fait, toute tentative de surmonter le problème de l’existence d’une communauté juive dans une société musulmane était vouée à l’échec. L’intelligentsia juive tenta un certain temps d’ignorer le problème, dans l’ardeur enthousiaste de l’indépendance, mais elle dut vite déchanter. La classe dirigeante du pays fut un temps partagée entre sa volonté d’adopter le principe occidental de démocratie, et la fraternité panarabe qui soufflait de l’Orient, mais les contrecoups du panarabisme et du panislamisme n’épargnèrent pas le Maroc. Son adhésion à la Ligue arabe, la rupture des relations postales avec Israël et le processus d’arabisation de l’administration firent pencher la balance et écartèrent toute chance de voir les Juifs jouir dans le nouvel état indépendant d’un statut laïque et démocratique, pareil à celui des Juifs d’Europe occidentale.

La conversion forcée des jeunes filles juives
Au début des années soixante, alors que l’émigration était déjà légale bien que discrète, un phénomène nouveau vint ébranler la vie de la classe moyenne juive au Maroc. Ce furent quelques cas de conversions de jeunes filles juives à l’Islam. Ces cas seraient passés inaperçus si le nouveau ministre des affaires islamiques, le chef du parti de l’Istiqlal, Allal Alfassi, fervent partisan du panarabisme et défenseur de l’Islam, n’avait décidaé d’en tirer politiquement profit. Dans l’organe arabe de son parti, Al ‘alam, il publia quotidiennement les noms et les photographies de jeunes Juives qui se convertissaient à l’Islam. Il alla même jusqu’à consacrer le stand de son ministère à la Foire internationale de Casablanca à une exposition de ces photographies, incitant par cet acte d’autres jeunes à se convertir. Les dirigeants de la communauté ne tardèrent pas à réagir durement contre les méthodes de ce héros du mouvement national marocain, dont certaines opinions inquiétaient déjà la rue juive. La Voix des communautés, rédigé par Victor Malka, consacra trois numéros à ce problème et en fit son cheval de bataille contre le ministre . David Amar ameuta l’opinion publique en publiant un supplément de l’organe des communautés en arabe, destiné aux dirigeants politiques arabisants. Il accusa le ministre de vouloir tirer profit sur ses adversaires politiques sur le compte de la communauté, au lieu de s’occuper des mosquées, des prêches et des pèlerinages. Il s’adressa au ministère de la justice pour arrêter la publication de ces photographies dont quelques-unes, avec onze noms de jeunes Juives, furent reproduites dans l’organe de la communauté.
Le juriste Carlos de Nesry publia une série d’articles dans La Voix des communautés et dans la revue parisienne L’Arche où il expliqua la gravité du problème. Se fondant aussi bien sur la halakha juive que sur la shari‘a musulmane, il ne s’opposa point au fait qu’une personne majeure puisse adopter consciemment et par conviction une autre religion que la sienne. Cependant, lorsqu’il s’agit d’une jeune fille mineure, de moins de vingt ans, qu’on enlève de sa famille pour la marier à un Musulman et ensuite la forcer par divers moyens à se convertir, cette situation devient insupportable, la conversion n’étant en fait qu’un détournement illicite et abusif . Même l’hebdomadaire satirique Akhbar dounia, souvent critique envers la communauté, jugea nécessaire de critiquer le ministre des affaires islamique qui prétendait que telle « mineure » avait embrassé l’Islam « par pure conviction ». Le reniement de la foi ne manqua pas d’éveiller dans l’imaginaire juif l’image héroïque de la jeune Sol Hatchouel (Solica la juste 1820-1834) de Tanger, décapitée sur la place publique à Fès parce qu’elle refusa de renier sa religion et de se convertir à l’Islam . Le problème des conversions forcées, tout négligeable qu’il soit, ne manqua pas de secouer l’opinion publique juive au début des années soixante, à une époque où l’émigration était déjà légale et bâtait son plein. Si jusqu’alors ce n’étaient que les classes sociales les moins favorisées qui s’empressaient de partir, le drame des conversions forcées ébranla la quiétude des classes moyennes qui voulaient avant tout assurer l’avenir de leurs enfants.

Le tournant décisif de l’année 1961 : le naufrage du Pisces- Yigal Bin-Nun

יגאל...הרצאהLe tournant décisif de l’année 1961 : le naufrage du Pisces
L’année 1961 fut une année décisive dans l’histoire du Maroc. Elle vit se dérouler des événements déterminants pour le destin des Juifs : le 3 janvier, Gamal Abdel Nasser arriva au Maroc pour participer à la conférence de la Ligue arabe à Casablanca. Sa visite déclencha une vague d’incidents qui resta gravée dans la mémoire de la communauté. Le 11 janvier, le bateau d’émigrants Pisces (Egoz) coula avec 45 personnes à son bord. Un mois plus tard, à l’occasion de la cérémonie commémorative de leur disparition, la Misgeret  distribua des tracts contre les autorités, ce qui entraîna plusieurs arrestations et l’effondrement du réseau clandestin israélien au Maroc. Le 26 février, le roi Mohammed V décéda, quelques jours seulement après avoir reçu les dirigeants de la communauté pour écouter leurs doléances et les rassurer. Son fils Moulay Hassan fut couronné roi à sa place. Au début août, les négociations entre Israël et les autorités marocaines pour une évacuation des Juifs du pays aboutirent et le 21 novembre débuta l’opération Yakhin, au cours de laquelle les Juifs commencèrent à quitter le Maroc avec des passeports collectifs et individuels pour s’installer principalement en Israël. Cette année fut sans doute une date charnière dans l’histoire de la communauté, qui transforma aussi la démographie d’Israël.

La visite du président égyptien à Casablanca fut un événement traumatisant pour la communauté. Il était le symbole du réveil nationaliste panarabe et de l’effondrement de plusieurs régimes monarchiques. Cette tendance ne manqua pas d’inquiéter le régime marocain qui dut s’aligner, contre son grès, sur les tendances pro-nassériennes de son opinion publique. La politique anti-israélienne de Nasser rapprocha le conflit israélo-arabe du cœur des Marocains, ce qui renforça leur nationalisme arabe et suscita une certaine hostilité envers l’Occident, imperceptible auparavant. Les Juifs, de leur côté, attendaient avec angoisse l’ennemi d’Israël, pour voir comment sa visite pouvait avoir une influence sur leurs relations avec les Musulmans. Nasser atterrit au Maroc le 2 janvier 1961 mais, dès la veille, des témoignages avaient fait état d’exactions policières contre des passants juifs. Des policiers insultèrent des vieillards, des femmes et des enfants dans la rue parce qu’ils portaient des vêtements avec un mélange de couleurs bleue et blanche, rappelant, à leur avis, le drapeau israélien. On leur reprocha aussi de porter des vêtements noirs, comme signe de deuil envers l’ennemi d’Israël. Des policiers insultaient le Premier ministre israélien Ben Gourion . On entendit parallèlement des policiers glorifier Nasser, le dirigeant du monde arabe. Il est nécessaire de noter à ce sujet que cette atmosphère n’avait rien de spontané. Elle est la conséquence, au moins en partie, de la propagande panarabe diffusée dans la presse en langue arabe des partis politiques, à la veille de la visite .
Les dirigeants de la communauté dressèrent une liste détaillée des actes antijuifs au cours de ces dix jours néfastes, du premier janvier jusqu’au naufrage du Pisces, le 10 janvier. Le compte-rendu faisait état de vingt incidents, au cours desquels des policiers s’en prirent à 200 ou 300 Juifs, dont certains furent même arrêtés . Ces incidents ne firent pas de victimes et les personnes interpellées furent relâchées au bout de quelques heures, mais cela ne calma pas l’atmosphère lourde d’inquiétudes dans la population juive . L’événement le plus grave commis par la police marocaine eut lieu l’après-midi du samedi 8 janvier, dans le quartier d’Aïn Seba‘ à Casablanca, au cours duquel 25 élèves de la yeshiva Névé Shalom furent arrêtés. Les élèves étaient sortis en toute innocence pour assister au passage du cortège de Nasser en route pour l’aéroport pour quitter le Maroc, lorsqu’ils furent arrêtés par des policiers qui les interpellèrent. Emmenés au poste de police, ils furent accusés d’avoir manifesté contre Nasser sous l’instigation d’Israël. Lorsque le directeur de la yeshiva, le rabbin Meir Wrechner, citoyen suisse, se rendit au poste de police pour demander de les relâcher, les policiers en profitèrent pour l’insulter, le frapper et l’arrêter . Le soir, les élèves furent relâchés, mais le rabbin resta en garde à vue. Le lendemain, des membres du Conseil des communautés rencontrèrent l’adjoint du gouverneur de la ville, Seddiq Abou Ibrahimi, qui présenta ses excuses pour le comportement des policiers, qui avaient mal interprété les instructions. Le consul suisse et le directeur de l’ORT Bernard Wand Polack intervinrent en sa faveur ainsi que David Amar qui s’adressa au colonel Oufkir, directeur des services de sécurité . Max Lœb membre du Conseil municipal de Casablanca et l’ancien ministre Léon Benzaquen rencontrèrent le lundi Ibrahim Zakaria, de la police de Casablanca, qui reconnut que le rabbin avait été frappé et que c’était la raison pour laquelle la police ne voulait pas le libérer dans son état. Le rabbin ne fut libéré que deux jours après, le 10 janvier .
Après que les dirigeants de la communauté eurent réuni systématiquement les témoignages sur ces incidents, ils en firent un rapport au roi. Ce rapport contenait aussi des certificats médicaux attestant des traces de coups ainsi que des témoignages d’enfants humiliés par des policiers . Le président de la communauté de Casablanca, Meier Obadia s’adressa au gouverneur adjoint de la ville, Mohammed Madbouh, et au commandant de la police, Ali Belqacem, et leur décrivit le comportement des policiers frappant femmes et enfants sans aucune raison. Le gouverneur promit aux dirigeants de la communauté qu’une enquête était en cours et leur demanda d’apaiser les esprits dans les quartiers juifs . L’homme d’affaires Isaac Cohen Olivar s’adressa de son côté à son associé, le prince Moulay Ali, et se plaignit du comportement de la police de Casablanca. Le prince était déjà informé de la situation et précisa qu’à part à Casablanca rien de pareil ne s’était produit dans une autre ville du Maroc. Il saisit l’occasion pour se plaindre du fait que les sionistes organisaient une campagne de presse contre le Maroc et qu’ils exagéraient la gravité des faits . L’ancien ministre Léon Benzaquen déclara aux dirigeants de l’American Jewish Committee, Zakariah Schuster et Abraham Karlikov : « Au moins à présent la situation est claire et la fracture visible ».
Contrairement au palais, les dirigeants des partis politiques n’avaient pas trouvé nécessaire de dénoncer les attaques et préférèrent ne pas intervenir, de crainte de perdre la sympathie de l’opinion publique. Pourtant, ils n’étaient pas moins inquiets face à la démagogie nassérienne. Le quotidien de gauche, Attahrir, publia même le 4 janvier une critique sarcastique contre la communauté, à propos de la visite de Nasser : « Il faut remarquer l’absence du grand rabbin de Casablanca [aux réceptions officielles en l’honneur du président égyptien]. Ce jour a été décrété comme un jour de deuil par la communauté juive. C’est ainsi que les Juifs se sont séparés du reste de la nation ». Trois jours plus tard, le journal dut reconnaître son erreur en publiant la réponse du Conseil de la communauté de Casablanca, qui précisait que le rabbin de la ville et les dirigeants de la communauté n’avaient pas participé aux réceptions parce qu’ils n’y furent pas conviés . Il semble que les autorités avaient suffisamment de tact pour ne pas embarrasser les dirigeants juifs avec une telle invitation .
En dépit des tentatives des autorités pour réparer le préjudice, la visite de Nasser suscita un choc psychologique dans la rue juive. Bien qu’aucun incident ne fût constaté dans les autres villes du pays, l’image du « gentil Marocain » avait terni. Les Juifs, habitués à n’entendre que des déclarations d’apaisement les appelant à considérer le Maroc comme leur patrie, et leur rappelant que le pays avait besoin de leurs talents, furent surpris de découvrir un autre visage du pays. Beaucoup se demandaient si ces événements, en liaison avec le conflit israélo-arabe, seraient sans lendemain ou s’ils étaient annonciateurs d’autres humiliations. Même dans les milieux aisés on commença à ressentir le doute et l’angoisse. Les classes moyennes se demandaient avec appréhension ce que signifiaient ces événements et quels étaient les motifs de cette éruption de violence antijuive à Casablanca. Cette alarme conduisit la petite bourgeoisie à prévoir son départ du pays. Des familles qui ne s’étaient jamais intéressées à l’émigration en Israël n’écartaient plus cette idée. En outre, les partisans de l’intégration dans la société marocaine, parmi lesquels Meier Obadia et Marc Sabbah, révisèrent leurs propos et intensifièrent leurs revendications pour les droits des Juifs .
Quelques mois seulement avant le naufrage du Pisces, en octobre 1960, le secrétaire du Conseil des communautés juives, David Amar, traça une image pessimiste de sa communauté devant une délégation du Joint en visite au Maroc. Selon lui, près de 80 % des 240 000 membres de la communauté souhaitaient émigrer et 60 % souhaitaient partir immédiatement, et il fallait les aider à réaliser leur projet. Les 20 % restants espéraient pouvoir rester encore sur place, mais n’écartaient pas la possibilité d’un départ. Parmi ces derniers, il y avait des hommes d’affaires, qui craignaient une détérioration de la sécurité et s’inquiétaient pour leurs biens. Cette catégorie comprenait aussi les fonctionnaires de l’administration publique. Mais il ne faut pas oublier, expliqua Amar, que d’ici cinq ans environ les écoles arabes pour musulmans formeraient assez de jeunes qui monopoliseraient le marché du travail. Surgirait alors le problème de la concurrence entre employés juifs et musulmans. Les premiers devraient lutter pour défendre leurs avantages. D’après lui, plus personne n’était optimiste : « Aujourd’hui on a besoin de nous, mais qu’en sera-t-il demain ? » .

L’accord de compromis » et les pourparlers qui l’ont précédé

« L’accord de compromis » et les pourparlers qui l’ont précédé.יגאל בן נון 2
Après la campagne de presse contre le Maroc qui suivi le naufrage du Pisces, le nouveau roi Hassan II, qui succéda à son père Mohamed V, comprit que, pour garantir une aide financière de la France et obtenir une aide économique et militaire de l’administration Eisenhower, il devait présenter une image positive de son régime. Après le drame du naufrage, le pouvoir marocain comprit qu’il ne pouvait retenir artificiellement ses sujets juifs désirant quitter le pays et qu’il était impossible de mettre fin à l’émigration clandestine sans se mettre à dos l’opinion publique mondiale. Bien que les Israéliens eussent établi des relations étroites avec le dirigeant de l’opposition Mehdi Ben Barka concernant l’émigration, ils préférèrent en fin de compte négocier avec le jeune roi . Le but était d’accéder au cœur du pouvoir et ne pas se contenter des accointances avec l’opposition. Une fois le contact était établi avec le palais, Israël l’exploitera pour les besoins de l’émigration, mais aussi comme voie diplomatique pour défendre ses intérêts politiques dans le monde arabe.

En dépit d’une libéralisation ressentie à travers le pays pour l’octroie de passeports, les dirigeants de la communauté craignaient que cette amélioration soit éphémère. De leur côté, les Israéliens étaient convaincus que les passeports ne suffiraient pas pour faire évacuer un grand nombre de Juifs. Il fallait trouver un organisme qui planifie et réalise le départ collectif des Juifs, et en particulier ceux des villages de du Sud qui n’étaient pas en mesure de partir par leurs propres moyens. Malgré les hésitations, les diplomates israéliens comprirent qu’il fallait abandonner, à contrecœur, la méthode de départs clandestins, qui ne pouvaient faire sortir qu’un nombre négligeable de familles juives vers Israël. À ce stade, on commença à envisager l’idée d’engager des pourparlers avec les autorités marocaines pour accéder à un « accord de compromis ». On proposa d’engager un organisme humanitaire, non israélien, qui servirait de façade officielle au projet d’évacuation. L’HIAS – Hebrew Sheltering and Immigrant Aid Society – qui jouissait d’une image respectable et d’une expérience dans le domaine de l’émigration, convenait à cette mission. C’est ainsi qu’en mai 1961, commencèrent les premiers préparatifs pour contacter le ministre du Travail Abdelkader Benjelloun et le prince Moulay Ali Alaoui, tous deux proches du roi .
Malgré leur incertitude quant à la capacité du jeune roi Hassan II de se maintenir au pouvoir face à une opposition acharnée de la gauche pressée de gouverner, les Israéliens s’aperçurent qu’ils avaient devant eux un politicien avisé muni d’une grande lucidité politique. Dans l’entourage du roi, on repéra des personnalités juives ayant des rapports d’amitié avec le roi et ayant aussi des liens économiques avec le palais. Selon Efrayim Ronel, le chef de la Misgeret à Paris : « On avait bien entendu des intentions concrètes. Le roi ne négligeait évidemment pas l’avantage financier dont il pouvait bénéficier grâce à un accord avec nous. Son orientation pro-occidentale et l’image qu’il se faisait de l’influence de organismes juifs sur la scène internationale pesèrent sur ses décisions à notre égard » .
Au début mai 1961, Isser Harel décida de confier au chef de la Misgeret au Maroc, Alex Gatmon, la mission de contacter des intermédiaires juifs pour entamer des négociations avec les autorités. Jusqu’alors, cette tâche incombait à Jo Golan et Alexander Easterman du Congrès juif mondial, ou à des médiateurs comme André Chouraqui ou Marcel Franco de l’Alliance israélite universelle . En raison des résultats jugés décevants avec le palais, on décida de les contourner et d’entreprendre une nouvelle démarche qui comprendrai cette fois-ci l’option d’une indemnisation financière. La logique de cette option reposait sur l’hypothèse que le départ des Juifs du pays porterait atteinte à son économie et par conséquent le Maroc devait être indemnisé. Deux personnalité juives établirent ces liens entre Israël et les autorités marocaines : Sam Benazeraf et le Dr Isaac Cohen Olivar. Ce dernier, surnommé Zazak (diminutif d’Isaac ) est né à Tanger. Avocat, et homme d’affaires, il était spécialiste en lobbying économique. En 1951, Isaac Cohen avait déjà des relations étroites d’amitié avec le prince Moulay Hassan. Après la destitution du roi en août 1953, il fut arrêté par le résident général, le général Guillaume. Les relations de Cohen avec la famille royale entraînèrent sa mise à l’écart par la Résidence, qui l’accusa de soutenir le mouvement national marocain. Après l’indépendance, le prince nomma Cohen Olivar comme « conseiller personnel »  . Il convient de préciser que, contrairement aux informations publiées par Shmuel Segev , par Agnès Bensimon  et par Tad Szulc , Elie Torjman, proche du colonel Mohammed Oufkir, Robert Assaraf, assistant du ministre Réda Guédira et l’ancien ministre, Léon Benzaquen, ne jouèrent aucun rôle dans l’« accord de compromis » conclu avec les autorités marocaines .
L’ouverture de dossiers des Archives nationales d’Israël révéla de nouvelles données pour le moins surprenantes. Dès le mois d’octobre 1960, trois mois environ avant le naufrage du Pisces, des pourparlers fructueux étaient déjà entamés entre Israël et le prince Moulay Hassan, par l’intermédiaire de Cohen Olivar. Quelques jours plus tôt, les émissaires de la Misgeret demandèrent à un homme d’affaires, du nom de Becking, de contacter un autre homme d’affaires, Gomendio, pour lui demander s’il acceptait d’aider Israël dans le domaine de l’émigration, grâce à ses contacts avec le palais. Parallèlement, on lui demanda de soutenir l’émigration clandestine, en mettant ses bateaux à la disposition de la Misgeret pour lui fournir une façade légitime à ses activités en Méditerranée. Le propriétaire des bateaux accepta de contacter les proches du palais. Arrivés au Maroc, Gomendio présenta Becking à Cohen Olivar. Le 3 novembre, ce dernier annonça aux deux hommes d’affaires qu’il s’était entretenu avec Moulay Ali du problème de l’évacuation des Juifs et que la réponse du prince était qu’il était prêt à une transaction et demandait plus de précisions .

הוויכוח בעיתונות המרוקנית בעניין זכויות היהודים והגירתם, 1955–יגאל בן-נון

הוויכוח בעיתונות המרוקנית בעניין זכויות היהודים והגירתם, 1955–יגאל בן-נוןla voix2222

הקהילה היהודית, מעמדה וזכויותיה בעיתונות המרוקנית

בעיתונות המרוקנית שלאחר העצמאות היו לא מעט התייחסויות לקהילה היהודית, למעמדה ולזכויות אנשיה. מדובר בעיקר במאמרים בערבית ובצרפתית בעיתונות המפלגתית ובהצהרות פומביות של מנהיגים. דברי ראשי השלטון מובאים בהרחבה גם במסמכים המצויים בארכיונים ישראליים, אך יש להתייחס אליהם בזהירות. בראשית ימיה של מרוקו העצמאית תפסו בעיות הקהילה היהודית, ישראל והיהדות העולמית חלק זניח במכלול הנושאים שהעסיקו את ראשי המדינה הצעירה. לכן מגעיהם של ראשי המדינה עם ראשי הארגונים היהודיים העולמיים ועם שליחי ישראל המוסווים היו נושא עדין ורגיש שהמרוקנים לא היו מעוניינים להשאירם בכתובים.

יומיים אחרי שובו לבירה רבאט, בחג ההכתרה ב–18 בנובמבר 1 1955 ,ציין בנאומו הסולטאן מוחמד בן יוסף (מוחמד החמישי), שליהודי מרוקו יוענקו אותן זכויות וחובות כלמוסלמים, במלוכה תחוקתית שתבטיח לכל המרוקנים, ללא הבדל דת, את זכות ההתארגנות האזרחית והמקצועית. בפגישותיו עם משלחות יהודיות בעיירה סן ז'רמן–אן–לה בשנת 1956 ,לפני ששב למולדתו, הצהיר הסולטאן: "עידן חדש עומד להיפתח בפני נתיני היהודים. בקרוב תראו את ההוכחות לכך. מעתה הם ייהנו מזכויות כאחיהם המוסלמים, ללא הגבלה מכל סוג". באותה שנה הוא חזר על הבטחתו, והוסיף: "היהודים ייהנו משוויון זכויות, שוויון מוחלט, וישולבו בכל מסגרות  גם מפלגת החיים הלאומיים וגם באחריות המיניסטריאלית".

 הפופולרית והמפלגה הדמוקרטית לעצמאות האִסתִקלאל(העצמאות) (Indépendance’l pour Démocratique Parti ,)שחבריה היו בעיקר בעלי מקצועות חופשיים, פנו ליהודים בקריאה לבנות את מרוקו  החדשה עם אחיהם המוסלמים. לראשונה הוזמנו רשמית גם היהודים להצטרף לשורותיהן. אם בנושא זכויות היהודים לא נמצא מי שערער על עקרון השוויון בין היהודי למוסלמי, לא זה היה היחס לזכות ההגירה של יהודים. ההנהגה המרוקנית התנגדה להגירה זו מסיבות מגוונות. הגישה הפטרנליסטית–מסורתית שאפיינה את עמדת המלך מוחמד החמישי, ראתה ביהודי הקהילה נתינים בחסותו האישית של השליט.

מוסד המלוכה חש מחויב "להגן על בניו היהודים". בגישה זו הייתה מידה לא מעטה של סנטימנטליות נטולת ריאל–פוליטיק. גישה נוספת סברה כי יציאת היהודים מן המדינה מיד עם קבלת עצמאותה, עלולה לערער את יציבותה בתחומי המִנהל הציבורי, המסחר והכלכלה, כיוון שהיהודים מילאו תפקיד חשוב בתחומים אלה. גרסה אחרת לטענה זו הדגישה שעצם הפרסום בעיתונות העולמית על יציאה המונית של יהודים ממרוקו עלולה ליצור רושם שהמדינה הצעירה מתמוטטת. לפי גישה אחרת כלכלית ולהציג אותה כבעלת משטר לא הומני. התרת יציאה המונית של יהודים עלולה הייתה להציג את מרוקו בפני דעת הקהל העולמית כמדינה לא–דמוקרטית ולא–מתקדמת שלא מסוגלת להעניק לאזרחיה הלא–מוסלמים את התנאים להשתלבות נאותה בחברתה. אחרים האמינו כי יציאת יהודים, המהגרים ברובם לישראל, תפגע ביחסי מרוקו עם מדינות ערב להן היא זקוקה לייצוב מעמדה המדיני, בתום מאבקיה בצרפת הקולוניאלית. ולבסוף, היו אלה שחשבו כי הגירה מסיבית של יהודים צעירים לישראל תחזק את כוח צה"ל במלחמתו במדינות אחיות.

נציגי הארגונים היהודיים העולמיים, שנשלחו מטעם מדינת ישראל, השיבו בפגישותיהם עם ההנהגה המרוקנית על הטענה שכלכלת מרוקו עלולה להיפגע עקב נטישת היהודים. הם הדגישו שמשקלם של היהודים בכלכלת המדינה זניח כיוון שכ–60.000יהודים (מתוך 160.000 בשנת 1960 )התקיימו רק בזכות סיוע ארגון  הג'וינט היהודי–אמריקני. הם הוסיפו שיציאת בעלי מקצוע יהודים מן המדינה תְפנה מקומות עבודה לצעירים מוסלמים משכילים. על החשש מתגובת מדינות ערב, השיבו נציגים אלה שגם מדינות חברות הליגה הערבית וגם מדינות הנלחמות בישראל הרשו ליהודיהן לצאת לישראל, ובניהם של יהודים אלה משרתים בצה"ל. נציג הקונגרס היהודי העולמי, אלכסנדר איסטרמן, טען כי בעוד גמאל עבד אלנאצר עודד את היהודים לצאת ממצרים, ואף גירש אותם בשנת 1957 , אחרי מבצע סיני, במסגרת חתירתו לאחדות לאומית, מרוקו מעודדת גיוון לאומי  הנציגים הזכירו כדוגמה למדיניות ליברלית את העמדה  התוניסאית, שעוצבה בידי חביב בורגיבה. אף על פי שהתיר יציאה חופשית מן המדינה, היהודים לא מיהרו לצאת.

מעמדם הכלכלי של היהודים היה דומה לזה של המתיישבים הצרפתים במרוקו. למרות השוני בנתינות, היהודים היו צרכנים טובים וכוח אדם מיומן למשרות ניהול. לדברי ההיסטוריון דניאל ריוֶה, "לא יהיה מוגזם לקבוע שעזיבת הקהילה עלולה לרושש מבחינה אנושית   את מרוקו יותר משובם של האירופים לצפון הים–התיכון". מעיני היהודים לא נעלם החשש מפני מה שעלול לקרות משתתגבר המדינה על קשיי ההסתגלות לעצמאות הכלכלית והמדינית, אך לתביעה לחופש תנועה ולהענקת דרכונים לא הייתה משמעות מעשית. דרישות אלה יכלו לענות, לכל היותר, על צורכיהם של סוחרים ושל בעלי עסקים שביקשו לצאת לאירופה לרגל עסקיהם או לחופשה. יהודי הכפרים והשכבות העממיות בערים היו זקוקים לסיועו של גוף שיארגן את יציאתם, יטפל בהובלת רכושם וידאג לקליטתם בארץ חדשה. אך נציגי הארגונים היהודיים העולמיים העדיפו להזכיר לראשי השלטון תביעות עקרוניות כחופש תנועה והנפקת דרכונים, ולא ארגון הגירה שיטתית של אזרחיה היהודים של מרוקו לישראל.

כיוון שההתנגדות העקרונית להגירה שימשה נשק פוליטי בידי המפלגות בהתקפותיהן ההדדיות ובהתנגדותן למדיניות הארמון, אף צד לא העז לרמוז על הסכמתו ליציאת היהודים, אף שבשיחות אישיות לא התנגדו לכך ולא הפריעו לה. הארמון נאלץ להשלים עם המציאות ולוותר על רצונו להחזיק את היהודים בעל כורחם. לוויתור זה הייתה יותר מסיבה אחת. החשובה שבהן הייתה קשורה לעתידו של היהודי במדינה אסלאמית. לצד הלחץ של דעת הקהל העולמית היהודית והלא יהודית, גברה בהדרגה הראייה הפרגמטית.  

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״מה קרה ליהדות מרוקו״ סרט דוקומנטרי מאת אלפרד שטיינהרדט

״מה קרה ליהדות מרוקו״ סרט דוקומנטרי מאת אלפרד שטיינהרדט, כנראה משנת 1975, בין השאר בהשתתפות החוקר רפאל בן שמחון, עקיבא אזולאי סגן ראש העיר ירושלים, ויקטור תיאר ויגאל בן-נון מן הפנתרים השחורים וזהבה מלול ומקסים פרץ מן ״המועצה לקידום החינוך בעיירות פיתוח״.

Un documentaire d'Alfred Steinhardt "Qu'est il arrivé aux Juifs du Maroc" 1975, 
https://www.academia.edu/35568148/_מה_קרה_ליהדות_מרוקו_סרט_דוקומנטרי_מאת_אלפרד_שטיינהרדט_1975

https://www.academia.edu/35568148/_%D7%9E%D7%94_%D7%A7%D7%A8%D7%94_%D7%9C%D7%99%D7%94%D7%93%D7%95%D7%AA_%D7%9E%D7%A8%D7%95%D7%A7%D7%95_%D7%A1%D7%A8%D7%98_%D7%93%D7%95%D7%A7%D7%95%D7%9E%D7%A0%D7%98%D7%A8%D7%99_%D7%9E%D7%90%D7%AA_%D7%90%D7%9C%D7%A4%D7%A8%D7%93_%D7%A9%D7%98%D7%99%D7%99%D7%A0%D7%94%D7%A8%D7%93%D7%98_1975

 

 

 

ההסכם בין ישראל למרוקו לפינוי הקהילה היהודית פרשת פינוייה של הקהילה היהודית במרוקו בראשית שנות השישים יגאל בן־נון

ההסכם בין ישראל למרוקו לפינוי הקהילה היהודית

פרשת פינוייה של הקהילה היהודית במרוקו

בראשית שנות השישים

יגאל בן־נון

ההיסטוריה של יהודי מרוקו אחרי עצמאותה היא סיפור של פינוי כמעט מוחלט של קהילה בת רבע מיליון יהודים והעברתה המאורגנת לישראל. מעבר אוכלוסין זה שם קץ להיסטוריה ארוכה של קהילה, מן הגדולות בתפוצה היהודית שנעשתה בבואה לישראל לעדה הגדולה ביותר במדינה.

לשאלה הקרדינלית למה היהודים עזבו את מרוקו יש תשובות רבות. חלקן מהותיות ובעלות חשיבות עקרונית וחלקן נסיבתיות וקשורות למועד הספציפי של יציאת היהודים בראשית שנוח השישים.

היו כמה גורמים שהכריעו את הכף לצד עזיבת מרוקו. אחד מהם היה הניידות הדמוגרפית הפנימית במרוקו. חשוב לציין שהגירת היהודים ממרוקו הייתה חלק אינטגרלי מתהליך דמוגרפי טבעי שהתחולל במרוקו בכלל, ועוד יותר בקרב היהודים מכוח המעמד החברתי־כלכלי של חלק מבני הקהילה היהודית. תהליך דמוגרפי זה התקיים לאורך המאה השמונה־עשרה והתשע־עשרה והואץ בתקופת החסות הצרפתית. תושבים רבים נטשו את כפריהם ועקרו אל העיירה הסמוכה ואחר כך עברו מן העיירה לערים הבינוניות והגדולות. עם הצמיחה הדמוגרפית נמשך תהליך עיור מזורו שבעקבותיו ירד ב־1957 שיעורם של היהודים תושבי הכפרים לחמישה עשר אחוז בלבד מכלל הקהילה היהודית. מוקד החיים היהודיים עבר במהרה אל העיר החדשה קזבלנקה. בד בבד, נמשך בערים הגדולות המעבר מהשכונה היהודית הישנה, המלאח, לרובע יהודי חדש או להיטמעות אינדיבידואלית בשכונות האירופאיות.

תנועת האוכלוסין הפנימית היא סימן מבשר ושלב ראשון כתהליך שעתיד להוביל להגירה אל מחוץ למרוקו. הכלכלה הקפיטליסטית החדשה שהתפתחה עם החדירה הקולוניאלית, ערערה את מעמדם של המקצועות היהודיים המסורתיים ופגעה בייחוד במלאכת הצורפות. עם הפיכת קזבלנקה למוקד הכלכלי החשוב ביותר במדינה, נעשה המעבר לעיר זו ישירות מן הכפר הנידח והמרוחק אל המרכז החדש. בינואר 1960, מנתה האוכלוסייה הכפרית היהודית לא יותר משלושים אלף איש מתוך אוכלוסייה של כ־ססס,250 יהודים.

במקביל לעקירה מן הכפרים והערים הקטנות לקזבלנקה, היו יהודים שיצאו אל מחוץ למרוקו עוד לפני הקמת מדינת ישראל. הם נדדו לא רק לצרפת ולספרד אלא גם לברזיל ולוונצואלה, לגיברלטר הבריטית, לאנגליה, לארצות הברית ולקנדה. נטישת מרוקו לטובת מוקדי משיכה מפתים יותר שיבטיחו לטווח ארוך איכות חיים משופרת הייתה חלק מתהליך דמוגרפי שהלך וגבר עם הזמן. את ההגירה ממרוקו יש לראות כחלק מתהליך התפתחות התרבות וההשכלה שחוללה החסות הצרפתית. בפרק זמן קצר יחסית, ספגה הקהילה בצימאון רב את יתרונות הציוויליזציה הצרפתית עד שנפער פער בינה ובין סביבתה הגאו-חברתית הערבית־מוסלמית, שהניע אותה לחפש אופקים חדשים מעבר לים. במוקדם או במאוחר הייתה הנחשלות היחסית של החברה המרוקאית דוחפת החוצה את היהודים שרצו לשפר את מעמדם החברתי ולדאוג לעתידם החינוכי־תרבותי של ילדיהם. עוד תרם לכך הזעזוע הכלכלי שנבע מן ההגירה הפנימית, מהיחס של השלטון הצרפתי, מהתערערות האיזון החברתי בין מוסלמים ליהודים ומהמעבר מסטטוס של יהודים בני־חסות בתקופת השלטון המוסלמי למעמד מועדף אצל השלטונות הצרפתיים.

תהליך התמערבות מזורז פקד את תלמידי בתי הספר של חברת כל ישראל חברים (כי׳׳ח) ועורר תקוות בקרב חסידי הציוויליזציה הצרפתית. יהודים רבים ציפו להענקת האזרחות הצרפתית לכל יהודי מרוקו, על פי התקדים של צו כרמייה מ־1870 שנתן אזרחות צרפתית ליהודי אלג׳יריה. בפרוץ מלחמת העולם השנייה ועוד קודם לכניעת צרפת, ביקשו כשמונת אלפים צעירים יהודים ממרוקו להתנדב לצבא צרפת ולהילחם בנאצים. השלטונות דחו את בקשתם בטענה שהמגויסים יתבעו להעניק להם אזרחות צרפתית מה שיערער את רקמת היחסים בין מוסלמים ליהודים. עד מהרה הרגישו בוגרי כי״ח שצרפת אכזבה אותם, והאכזבה החריפה עם הפעלת חוקי האפליה של משטר וישי שהנציבות הצרפתית במרוקו אימצה אותם בחפץ לב. חוקים אלה פגעו במעמדם של יהודים בעלי אזרחות צרפתית וזרה, בהם כעשרת אלפים יהודים ממוצא אלג׳יראי. יהודי מזרח אירופה שמצאו מקלט במדינה רוכזו ב״מחנות שהייה שמורים״ בבּוּ־עַרְפָה ובאַגָדֶז בפאתי הסהרה. הדים למאורעות האלה אנו מוצאים בשירי עם יהודיים המהללים את המושיע האמריקאי אחרי נחיתת בעלות הברית בצפון אפריקה, ומגנים את צרפת. צו מיוחד מ־22 באוגוסט 1941 כפה על יהודים שעקרו בספטמבר 1939 לרבעים האירופאיים של הערים, לחזור למלאח. בעיר פס, נאלצו ארבעים מתוך 342 יהודים לציית לצו המפלה. המצב בקזבלנקה היה גרוע פי כמה, כי עשרת אלפים מתוך חמישים אלף יהודי העיר התגוררו כבר בעיר הארופאית. פגיעה כואבת נוספת היה הנומרוס קלאוזוס שנגזר על היהודים במוסדות חינוך צרפתיים וכפה על צעירים רבים להפסיק את לימודיהם. גזרה זו חלה גם על בעלי מקצועות חופשיים.

במשך ארבעים ושלוש שנות החסות הצרפתית, ידעה הקהילה היהודית לנצל את הנוכחות הצרפתית כדי להאיץ את התפתחותה החברתית והתרבותית. נציגיה הרשמיים פעלו כמעט יד ביד עם נציגי צרפת במרוקו. עם זאת, אף על פי שהיהודים התלהבו מן התרבות ומן ההשכלה הצרפתיים, הקשרים שלהם עם המתיישבים הצרפתים במרוקו היו מסויגים, ולא רק בגלל ההתנהגות של משטר וישי. הקידום החברתי, הצירפות וההתמערבות המופגנת של יהודי מרוקו לא נעמו למתנחלים הצרפתים במדינת החסות. אחוז תומכי הימין הקיצוני הגזעני שהתיישבו במרוקו ובאלג׳יריה השכנה היה גדול יותר מבמטרופולין. נציגי המעצמה הקולוניאלית התייחסו בזלזול לאוכלוסייה היהודית ועיכבו לא אחת את תהליך התפתחותה. במקום לעודד ולטפח את קידום היסוד באוכלוסייה שהתחיל להיטמע בשפתה ובתרבותה של צרפת, התאמצו נציגיה לשמור על איזון מסורתי היפותטי בין יהודים למוסלמים כדי למנוע פגיעה בסטטוס־קוו וב״מדיניות הילידית״ שקבע הנציב הראשון המרשל לייקזה, כך, למשל, סירבו שלטונות החסות לאשר פתיחת בתי ספר ובתי חולים ליהודים כל עוד לא נפתחו כאלה אצל המוסלמים. כך נפסלה גם הקמת תנועת הצופים היהודים. כל סממן של קדמה השכלתית בקרב המוסלמים במרוקו נתפס אצל פקידי הנציבות כאיום פוטנציאלי על המשך אחיזת צרפת בצפון אפריקה. היחס השלילי ליהודים המתיישבים הצרפתים במרוקו גרם לכך שסטודנטים יהודים שיצאו בערב קבלת העצמאות ללמוד באוניברסיטאות בצרפת העדיפו לשוב למרוקו וליטול חלק בבניית המדינה העצמאית במקום להשתקע בצרפת, אף שחלקם היו בעלי אזרחות צרפתית. תלמידים יהודים שלמדו עם צרפתים יחד בבתי ספר במרוקו הרגישו שהם מקופחים והעדיפו את חברת המוסלמים. החברה הצרפתית במרוקו הייתה מורכבת מפקידים זוטרים בעלי דעות גזעניות וממתנחלים עשירים שהתייחסו בבוז מופגן אל הילידים, יהודים ומוסלמים כאחד. באווירה זו הוקל ליהודים עם יציאת הצרפתים, מה גם שחל שיפור משמעותי במעמדם ובתנאי חייהם. כך קרה שערב העצמאות. היהודים הוסיפו לאהוב את שפתה ואת תרבותה של צרפת, אך שנאו את מתנחליה היהירים.

ההסכם בין ישראל למרוקו לפינוי הקהילה היהודית-יגאל בן־נון

ההסכם בין ישראל למרוקו לפינוי הקהילה היהודית

פרשת פינוייה של הקהילה היהודית במרוקו

בראשית שנות השישים

יגאל בן־נון

עם זאת, אין להתעלם מן השינוי החיובי שחל במעמד היהודים בתקופת החסות לעומת התקופה הטרום־קולוניאלית. מעמד הד׳ימי אמנם לא בוטל רשמית, אבל היהודים הרגישו שצרפה העניקה להם אמנציפציה הלכה למעשה וביטלה דה־פקטו את מגבלות הד׳ימי. הם לא חששו להתהלך בחופשיות כשכונות המוסלמיות וללבוש בגדים אירופאים מבלי לעקוף מסגדים ואתרים קדושים למוסלמים. אמנם במארס 1935 נעשו ניסיונות להגביל את מגורי היהודים בשכונות האירופאיות בקזבלנקה, וגם הגלאווי של מרקש, ששיתף פעולה עם שלטונות החסות, ניסה למנוע בשנת 1937 העסקת נערות מוסלמיות בבתים יהודיים, אך אלה היו פרפורי גסיסה אחרונים של עבר שחלף מכוחה של המודרנָה הצרפתית הגואלת. בזמן קצר עברו היהודים ממעמד נחות למעמד מועדף בהשוואה למוסלמים. ההשכלה הצרפתית, גם אם מינימלית, שרכשו היהודים בבתי הספר של כי״ח וההטמעה המהירה של מודרניות זו, יצרו פער של דור שלם בינם ובין רוב המוסלמים. למרות חששות הצרפתים, היהודים לא ניצלו את ההשכלה שרכשו למאבק נגד הכובש הזר אך גם לא כיוונו אותה במופגן לתמיכה בו. אין ספק שהמודרנה היהודית שעתה לבלי הכר את היחסים בין היהודים למוסלמים והעניקה להם יתרון בלתי הפיך שהמשיך להתקיים גם משנעשו המרוקאים לאדונים במדינתם. לאמתו של דבר, בתקופת החסות, לא היו היהודים מעוניינים בשוויון זכויות אלא שאפו ליהנות מההטבות שניתנו למתיישבים הצרפתים והקנו להם עדיפות על הרוב המוסלמי. אם עד חדירת צרפת למרוקו, הזהות היהודית הייתה ברורה ופשוטה, הנה המהפך התרבותי שחוללה המעצמה הקולוניאלית הוסיף מורכבות למצב, יצר מוקדי אהדה חדשים והזדהויות חדשות. התסיסה התרבותית הצרפתית אפשרה ליהודי מרוקו, לפחות להלכה, לבחור על פי נטיות לבם את הלאומיות המרוקאית, את הזהות הישראלית(אחרי הקמת מדינת ישראל) או את הזהות הצרפתית.

התרבות הצרפתית והחינוך הצרפתי העניקו לשכבה רחבה בחכרה היהודית חלופה רוחנית להזדהות לאומית. החינוך הצרפתי העניק ליהודים מעמד נפרד ואף מועדף בהשוואה למוסלמים. שלא כקהילות יהודיות אחרות במערב אירופה, התהליך האמנציפציוני לא התרחש באמצעות התבוללות בחברת הרוב. ההטמעה החברתית־תרבותית כוונה למעצמה הקולוניאלית ולא לחברה הערבית־מוסלמית של מרוקו. אף כי החינוך הצרפתי ועקרונותיו המתקדמים לא יצרו הזדהות עם שלטונות החסות. הם יצרו בכל זאת קשר תרבותי לצרפת ואף תלות בשפתה. כך נוצרה לא רק הזדהות כפולה כמקובל בקהילות יהודיות במערב, אלא הזדהות תלת־כיוונית, דומה במידת־מה למצבן של כמה קהילות יהודיות באירופה המזרחית שמשכיליהן נשאו את מבטם אל מערב היבשת.

שלטון צרפת במרוקו בא אל קיצו בד2 במארס 1956 . מתוך אוכלוסייה של עשרה מיליון תושבים בעת קבלת העצמאות, מנתה הקהילה היהודית כ־ססס,230 נפש שמרביתם התגוררו בערים הגדולות ובעיקר בקזבלנקה. עוד מראשית שלטון החסות הצרפתי יצא קילוח דק של יהודים לכיוון צרפת, ספרד וארץ ישראל. מקובל לחלק את ההגירה היהודית אל מחוץ למרוקו לשלוש תקופות: תקופת קדימה, למן הקמת מדינת ישראל עד לעצמאות מרוקו; תקופת המסגרת, כפי שנקראה העלייה החשאית בביצוע המוסד, (מ־1956 עד נובמבר 1961); ותקופת מבצע יכין (1961- 1966), שבמהלכו יצאו היהודים לישראל בדרכונים קבוצתיים. בשנים 1948־1949, עלו לישראל 22,900 יהודים. מעצמאות ישראל עד לעצמאות מרוקו עלו למדינת ישראל הצעירה 108,243 יהודים בקצב של כשלושת אלפים איש לחודש. בכל שנות קיומו של ארגון קדימה (1957-1949) יצאו את מרוקו כ־110,000 יהודים ועוד כ־120,000 נשארו בה עד שנת 1961. משנת 1957 עד נובמבר 1961. תאריך שהותרה בו יציאת יהודים בדרכונים קבוצתיים, עזבו את מרוקו 29,472 יהודים באופן לא חוקי. מנובמבר 1961 עד סוף 1964 יצאו ממרוקו באופן חוקי עוד 83.707 יהודים. ב־1965 חיו במרוקו כ־55,000 יהודים, ב־1972 נשארו בה לא יותר מ־30,000 ונד2003 פחות מחמשת אלפים. מ־1948 ער 2000, הגיעו ממרוקו לישראל בסך הכול 248,900 יהודים.

ב־1958, עם קבלת העצמאות, הייתה הממלכה המרוקאית צריכה לבחור בין המשך הקשר לצרפת, לתרבותה ולשפתה ולמערב הדמוקרטי ובין התיישרות עם מדינות המזרח התיכון, עם מדיניותן הכל־ערבית והיחס ליהודים. עתיד המשטר במדינה ומעמדם המשפטי של היהודים לא היו ברורים. האם היהודים היו צריכים לדרוש זכויות ייחודיות של מיעוט אתני נבדל מכלל האוכלוסייה, או להתמזג בחברה החדשה, בתרבותה ובשפתה, עד כדי טמיעה, כמו הקהילות היהודיות במערב אירופה. אם לא היו תומכים רבים באפשרות הראשונה, שכן חסידיה הפוטנציאליים העדיפו פשוט לעלות לישראל, הרי שהאופציה השנייה נהנתה מעדיפות לטווח קצר יחסית, בשכבה היהודית המשכילה, עד שהמציאות טפחה על פניה. עד מהרה התבדר שמה שהיה נכון ליהודי צרפת אחרי המהפכה וליהודי

אירופה המערבית בעקבותיהם, אינו עולה בקנה אחד עם מצבה ועם אפשרויותיה של המדינה הערבית-מוסלמית החדשה, גם אחרי החסות הצרפתית שארכה מעט יותר מארבעים שנה.

אף על פי שתולדות הקהילה היהודית במרוקו בתקופה העצמאית אינן סיפור של גירוש כמו בארצות ערביות אחרות, בכל זאת מדובר ברצף של חששות מתמידים מעתיד לא ברור ומאסון שעלול להתרחש ביום מן הימים. הקהילה נאלצה להתמודד עם ספקות רבים שהתשובה עליהם תקבע את עתידה לשבט או לחסד. המדינה העצמאית ניצבה בפני אפשרויות שהבררה ביניהן תחרוץ את גורל יהודיה אם לפריחה אישית וקהילתית במדינה דמוקרטית ומתקדמת ואם לבריחה מן המדינה מפחד אסון צפוי. לצד חדירת הנושא המזרח תיכוני למערכת היחסים היהודית־מוסלמית במרוקו, התעורר גם החשש לאיבוד היתרונות בהשוואה למוסלמים שהושגו בעבר. אימוץ הערביזציה במנהל הציבורי ובמערכת המשפט היה עלול לשים קץ לעדיפות בקבלת משרות ממשלתיות שהושגה מכוחה של ההשכלה הצרפתית. כקרב בעלי המקצועות החופשיים ובחוגי הבורגנות גברה תחושת החרדה שכן הם נדרשו להכריע בין השפה הצרפתית ותרבותה, שהלהיבו אותם, ובין הערביזציה הצפויה, שתביא אתה מטען תרבותי-מוסלמי שיד היהודים תהיה בו על התחתונה. החשש מאיבוד היתרונות בתחומי התרבות וההשכלה הכניס את הקהילה למצב של חוסר נוחות כרוני שהלך והתעצם. כיוון שמרוקו לא יכלה להבטיח עתיד טוב יותר לאזרחיה היהודים במדינה ערבית־מוסלמית לא נותרה בררה אלא לצאת את הארץ.

 פרשת פינוייה של הקהילה היהודית במרוקו בראשית שנות השישים-יגאל בן־נון

החוגים הליברליים בהנהגה המרוקאית התנהגדו ליציאתם של היהודים גם כי רצו להצטייר עם קבלת עצמאותם, כמנהיגי מדינה מתקרבת שיים בה שוויון זכויות לכל האזרחים, ללא הבדל דת, וגם מחשש שנטישת היהודים את מרוקו תחליש את כלכלתה. לעומתם, החוגים הכל־ערביים באגף המוסלמי־שמדני של מפלגת איסתיקלל התנגדו לב־ שיהודים מבוססים ממרוקו יחזקו את הציונים בישראל נגד האומה הערבית. בשונה מהעמדה של נציגי ארמון המלוכה, ראשי האיסתיקלל ועיתוניהם אתחריר ו-AVANT GUARDE דרשו בזמנו לסגור את מחנה המעבר לעולים קדימה שהוקם על ידי הסוכנות היהודית ליד אל ג׳רידה (מאזאגן). עם זה, גם מנהיג האיסתיקלל השמרן עלאל אלפסי הצהיר פעמים אחדות שעל פי עקרונות החופש והדמוקרטיה המנחים אותו, אין הוא מתנגד לזכות היהודים לעזוב את מרוקו.

בפברואר 1956, פרסם עיתון המפלגה הדמוקרטית לעצמאות מאמר מערכת שפנה ליהודי מרוקו וביקשם לא להירתע מפני הקשיים העומדים לפניהם ולוותר על כוונתם לברוח מן הארץ. מארגני ההגירה היהודית, אמר העיתון, הם אויבי מרוקו ואויבי האומה כולה. במאמר אחר הסביר העיתון:

לא נסבול שהציונים האימפריאליסטים יגייסו יהודים מרוקאים, שהם אזרחי המדינה, ויעשו אותם למתנחלים עתידים באדמה ערבית השייכת לפלשתינים. אל לנו להיות שותפים לעוול זה. לכן, על שר הפנים לנקוט מיד באמצעים המתבקשים: לא להעניק יותר דרכונים קבוצתיים ליהודים ולא לאפשר את יציאת מי שבדעתם לנסוע לישראל.

עם שובו של אלפסי למרוקו באוגוסט 1956, פרסם ביטאון האיסתיקלל, אלעאלם, מאמר פרי עטו של המנהיג הגולה שניסה שוב לתפוס את מקומו בהנהגת המדינה בתום היעדרות ארוכה. הוא הרעיף שבחים על המלך על שמנע הגירת יהודים לפלשתין הערבית המשועבדת לאימפריאליזם הציוני ועל שפירק את ארגון קדימה שעסק בהגירת היהודים בתקופת החסות. אלפסי הגדיר כך את זהותם של המהגרים:

"ידוע לנו שהמהגרים אינם נמנים עם העניים אלא עם המעמד הבינוני הנוטל עמו כסף שקיבל תמורת רכושו. פירוש הדבר שאנו מגישים לישראל מאות ציונים עשירים ובריאים ליישוב ארץ ערבית ולמלחמה באחינו הערבים. יש גבול לסלחנות. הזכויות שמהן נהנים אחינו היהודים מטילות עליהם חובת נאמנות למולדת על כל יושביה. התעמולה הציונית מוליכה שולל את היהודים ומנסה להוליך שולל גם אותנו. אנו מבקשים משר הפנים שיסיר מעלינו חרפה זו הפוגעת בציפור נפשה של מרוקו ולא יתיר מתן דרכונים קבוצתיים ולא יאפשר את היציאה של אלה הרוצים להגר לישראל".

למרות התקפתו על הציונות ועל ישראל, אלפסי מכנה את היהודים בשם ״אחינו״ אך מתנה את זכויותיהם בנאמנותם למדינה. מנהיג צעירי האיסתיקלל, מַהְדִי בן־בַּרכָּה, הצטיין ביחסו החיובי ליהודים ואף על פי כן לא היסס לכנות את העוזבים את מרוקו בוגדים. נשיא האספה המייעצת הזהיר בנובמבר 1957, ש״הגירה מלאכותית״ עלולה להסית את המוסלמים נגד היהודים שנשארו במרוקו ולחשוף אותם לפגיעות אנטישמיות, שהמהגרים עצמם יהיו אשמים בהן.

עמדת ארמון המלוכה בנוגע להגירת היהודים נחשפת בשיחתו של ד״ר וולפגנג בְרֵטהוֹלץ מִבֵּרְן ביולי 1958 עם אחמד עלאווי, ראש לשכת העיתונות של הארמון. עלאווי הודה ללא היסוס שהשלטונות מערימים קשיים על קבלת הדרכונים ושהפקידים:

משהים את הוצאת הדרכון כרי לתת ליהודי שהות לחשוב. אנו מביאים לתשומת לבו מה מצפה לו בישראל ומספרים לו על היהודים המבקשים לחזור למרוקו בגלל אכזבה מניסיונם בישראל וגם על הממתינים במחנות המעבר במרסיי לקבלת רשות לחזור. את ההכרעה האחרונה אם מותר ליהודי לצאת או לא, אנו שומרים לעצמנו כמובן. אם הגירתו מנוגרת לאינטרס של מרוקו, למשל, אם אותו יהודי חשוב לארץ מבחינה כלכלית, אין אנו מאפשרים לו לצאת.

לשאלתו של בֶּרְטְהוֹלץ מה יקרה אם היהודי יתעקש בכל זאת להגר לישראל. השיב עַלאוּוי: ״שילך לעזאזל״.

האירוע שגרם להִדרדרות ביחסי השלטונות עם הקהילה ופטרוניה בישראל ובעולם וחיבל באופוריית ימי העצמאות, התרחש ב־22 בספטמבר 1959, בימי ממשלת השמאל. ביזמת המלך, התכנסו בקזבלנקה שרי החוץ של הליגה הערבית לוועידתם ה־32. דיוני הוועידה וביקורי המלכים חוסיין מירדן ופייצל מערב הסעודית הולידו הרבה הכרזות אנטי־ישראליות והטפה לערביזציה לשונית.

ההחלטה על הקמת איחוד הדואר הערבי לוותה בניתוק חד צדדי של קשרי הדואר. הטלגרף והטלפון של מרוקו עם ישראל. באופן יוצא מן הכלל, ההחלטה לא חלה על קריאות חירום מאניות ישראליות ועל קריאות עזרה בשעת חירום. שלושה ימים לאחר ההכרזה, הודבקו בבתי הדואר מודעות המציינות שכל דברי הדואר שמענם ישראל יוחזרו לשולחיהם. היקף קשרי הדואר בין שתי המדינות עמד על כשלושים אלף מכתבים לחודש בכל כיוון. כל משפחה יהודית במרוקו שלחה בממוצע מכתב אחד לחודש לישראל. הניתוק הנחית מכה קשה על היהודים במרוקו ועל קרוביהם בישראל. מאה חמישים אלף יהודים במרוקו נותקו בבת אחת ממאה עשרים אלף קרוביהם בישראל. צעד זה העכיר את מצב רוחם והנחית מכה על הדו־קיום שהסתמן ביחסיהם עם המוסלמים במרוקו. יהודים רבים שרפו את בולי ישראל שהיו ברשותם והסתירו כל דבר שיכול להזכיר את ישראל מחשש שיבולע להם.

הניתוק הבליט בבירור את אווירת החשדנות והדאגות שהייתה מנת חלקם של רבים שראו בצעד זה אירוע גורלי שהשפיע על תפיסת עתידם במרוקו.

זמן מה לאחר העצמאות, הקימה ללה עיישה, בתו הבכורה של מוחמר החמישי, את אגודת העזרה ההדדית הלאומית שכללה את כל ארגוני הסיוע במדינה. האגודה פרסמה תקנון חדש שדרש להציב אישים מקומיים בראש הנהלות הסניפים המקומיים של ארגונים ומוסדות זרים. עד אז, נהנו מוסדות סיוע יהודיים ממענקים כספיים של אגודת העזרה ההדדית הלאומית. עכשיו חששו שהדבר ישתנה בעתיד. והאגודה תדרוש לקבוע בעצמה את אופן חלוקת כספי הג׳וינט. באותה תקופה, שאל חבר האספה המייעצת ממפלגת האיסתיקלל, למה מרשים לארגון זר להעדיף אוכלוסייה אחת על חשבון אוכלוסייה שנייה והתכוון לארגון הג׳וינט היהודי.

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