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Colonialisme francais et colonialisme juif-Simon Schwazfuchs- 1980- judaisme d'Afrique du nord au XIXe-XXe siecles edite par Mchel Abitbol

Les ministres du culte, ou du moins certains d’entre eux, devraient être salariés par l’Etat, ce qui permettrait bien entendu de les choisir au mieux des intérêts de la colonisation. C’est la raison pour laquelle Altaras et Cohen souhaitaient que les rabbins fussent choisis parmi les élèves diplômés de l’Ecole Centrale Rabbinique de Metz!

L’influence française devait donc être assurée par des membres des Consistoires, des grands rabbins et des rabbins qui ne seraient pas choisis parmi les Juifs indigènes de l’Algérie, sans qu’ils fus­sent soumis ou rattachés organiquement au Consistoire Central à Paris: les nouveaux Consistoires seraient algériens, mais sans les Algériens!

Tel quel le rapport Altaras-Cohen répondait à nombre des accusations lancées par Bugeaud. Il tombait à point puisque le pouvoir central venait enfin de décider de s’opposer de plus en plus énergiquement aux manifestations du maréchal-proconsul. Il n’est donc guère étonnant que le Ministre de la Guerre, peu soucieux de ménager Bugeaud, aît jugé bon de retenir le rapport Altaras-Cohen et de le soumettre à la commission qu’il allait charger de préparer un réglement pour les Juifs d’Algérie. Les intérêts de ces derniers devaient etre défendus par trois membres du Consistoire Central, dont Adolphe Crémieux: son intérêt pour le judaïsme d’Algérie ne se démentait pas.

Le projet finalement retenu par la commission traitait aussi bien de la condition civile des Juifs qu’elle voulait en tout semblable à celle des non-musulmans sauf pour ce qui est du service dans la milice, que de la réorganisation de leurs communautés selon le modèle consistorial et de leurs écoles. Il consacrait la prééminence du Consistoire central auquel les consistoires algériens et leurs rabbins devaient être rattachés et soumis. Toutes les institutions traditionnelles de l’Algérie juive étaient supprimées et les Juifs devenaient justiciables des seuls tribunaux français. Quant aux rabbins,

"la commission a pensé qu’il serait utile qu’ils fussent, autant que possible, choisis en France, et fissent pénétrer avec les notions élevées de la religion, les idées françaises au sein de la population israélite de l’Algérie."

Le projet initial fut longtemps remanié, avant d’être finalement promulgué à la fin de 1845. Toute référence au Consistoire Central et aux droits civils des Juifs avait disparu. Les institutions traditionnelles du judaïsme algérien étaient supprimées d’un trait de plume. Un consistoire central algérien siégerait à Alger, et deux consistoires provinciaux qui lui seraient soumis, à Oran et à Constantine. Le Ministre de la Guerre recevait les fonctions de tutelle et de surveillance qui avaient été destinées à l’origine au Consistoire Central.

Le nouveau règlement résultait donc d’un compromis entre les positions extrémistes du gouverneur général qui niait l’utilité des Juifs pour l’effort de colonisation française en Algérie et la tentative d’Altaras et de Cohen qui tendait à transformer les Juifs d’Algérie en Européens de fait sinon de droit. Légalement ils devaient être considérés désormais comme des non-musulmans et se voir pourvus d’un statut spécial. Pour le Ministère, les Juifs d’Algérie pouvaient donc être considérés non comme des colonisateurs mais comme un élément d’appoint à l’élément européen: ils pourraient éventuellement être colonisés avec succès, francisés, comme ils en exprimaient le désir, du moins dans leurs classes dirigeantes, et s’agréger en fin de compte à l’elément colonisateur européen.

La voie de l’assimilation était donc ouverte. Le nouveau consistoire algérien fut nommé. Il devait être présidé par… Joseph Cohen, qui était assisté de deux juifs français, le grand rabbin Michel A. Weillet le négociant Guggenheim, ainsi que de deux juifs indigènes, Levi Bram et le docteur Migueres, qui était d’origine marocaine.26 Ils décidèrent de considérer que l’intention du gouvernement français était de faciliter et de promouvoir l’émancipation des Juifs d’Algérie et leur assimilation progressive aux Français, et s’employèrent en ce sens, certains que les Juifs de l’Algérie, en passe de devenir Français, seraient les soutiens les plus sûrs de la présence et de l’influence françaises en Afrique du Nord.

Cette prise de position aurait dû très logiquement les inciter à nouer des liens aussi étroits que possible avec le Consistoire Central. Or quand, en 1850, le ministre des cultes proposa le rattachement des consistoires algériens au Consistoire Central, ce sont précisément les membres du Consistoire d’Alger qui trouvèrent la mariée trop belle. Ils acceptaient bien le principe du rattachement, mais arguaient les différences de rites et d’organisation communautaire entre les Juifs de la métropole et ceux de l’Algérie pour demander ‘de circonscrire la suprématie du Consistoire Central dans le cercle des intérêts généraux du culte’. Les proconsuls juifs, à l’image de certains hauts fonctionnaires, se plaisaient à Alger et voulaient y être laissés en paix! Leur opposition fut longtemps couronnée de succès: la haute surveillance du culte en Algérie ne fut confiée au Consistoire Central que le 16 septembre 1867.27 L’intégration à la nation française était proche.

Colonialisme francais et colonialisme juif-Simon Schwazfuchs- 1980- judaisme d'Afrique du nord au XIXe-XXe siecles edite par Mchel Abitbol-page 46-48

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