Donat doris


Diversite du judaisme marocain-Doris Bensimon-Donath

Le judaïsme espagnol se regroupa et s'organisa. Bientôt, autochtones et immigrés s'affrontèrent et s'opposèrent. Les Juifs espagnols, plus cultivés que les autochtones, affermirent leurs positions et accédèrent, au cours des XVe et xviie siècles, à la direction des communautés à Fès, Meknès, Debdou, Tanger, Tetouan, Salé, Arzila, Larache, Rabat et Sali. Les oppositions entre autochtones et immigrés étaient tenaces : les communautés juives en gardent le souvenir. Lorsqu'ils se réfèrent à leur passé, les Juifs marocains distinguent encore aujourd'hui les toshavim  des megorashim. Jusqu'en 1947, le statut personnel des deux groupes était régi par des législations différentes : les premiers étaient soumis au régime dit mosaïque, alors que les seconds sui­vaient le régime rabbinique corrigé par les décisions des rabbins de Castille. Ce n'est qu'à partir de 1947 que les autorités religieuses prirent une série de décisions en vue d'unifier les deux régimes et de les adapter aux conditions de vie nées du contact avec l'Occident.

Ainsi, jusqu'à une époque récente, le judaïsme marocain demeurait cons­cient de la diversité de ses origines.

Avant l'établissement des Français au Maroc, les Juifs avaient été marqués par trois courants culturels : la tradition berbère, l'Islam et la civilisation espagnole. Chacun d'eux a, sans doute, profondément influencé le judaïsme maghrébin. L'héritage de ces courants culturels s'est transmis de génération en génération. Jusqu'à une époque récente, les Juifs du Maghreb occidental parlaient le berbère, l'arabe ou l'espagnol, en mêlant à ces langues, et surtout aux deux dernières, des mots et des intonations qui leur étaient propres, de sorte qu'elles devenaient le judéo-arabe et le judéo-espagnol.

Affrontant l'épreuve du temps, chaque couche de peuplement juif a d'autant plus facilement gardé sa spécificité que des conditions historiques et géogra­phiques ont permis à chaque communauté de vivre dans une certaine autono­mie.

L'histoire souvent sanglante de l'Empire chérifien marque les destinées des communautés juives. Les tribus insoumises s'opposèrent au pouvoir cen­tral du Sultan. Dans les territoires soumis à l'administration chérifienne, le Makhzen, les Juifs étaient les protégés du Sultan, auquel ils payaient directe­ment des impôts souvent très lourds. Dans les régions dissidentes, le Bled- es-Siba, les Juifs étaient les serfs d'un seigneur musulman, le Sid. Leur condi­tion de dépendance était plus pénible dans le Bled-es-Siba que dans le Bled- el־Makhzen. Grosso modo, le Bled-es-Siba correspondait au pays berbère dont la population était essentiellement rurale. 

Au xixe siècle, des communautés juives vivaient dispersées dans toutes les régions du Maroc. Des particularismes régionaux, voire locaux, accen­tuèrent encore la diversité du judaïsme marocain. Comme leurs concitoyens musulmans, les Juifs épousèrent avec fierté la gloire de leur ville natale. Liés par un même destin, Juifs et Musulmans avaient été expulsés d'Espagne par les souverains catholiques. Ensemble, ils s'étaient repliés en Afrique du Nord où, comme à Fès, ils contribuèrent au développement de la cité. Aujour­d'hui encore, comme le Mulsulman, le Juif fassi est fier du rayonnement de Fès sur tout le Maghreb, rayonnement que lui conteste volontiers son coreligion­naire de Meknès ou de Mogador. Pour le Fassi comme pour le Meknassi, le Juif de l'Atlas est le « Chleuh » primitif, alors que pour le Juif tangerois, tous les coreligionnaires de 1'« intérieur » restent des « forasteros » .

Au cours du XIXe siècle, l'influence des puissances occidentales fut sensible dans les ports du littoral méditerranéen et atlantique, tels que Tanger ou Mogador, où les Juifs devenaient des agents importants de la pénétration européenne. Ces communautés étaient les premières à s'ouvrir aux influences de modernisation.

Dans les villes de l'intérieur du Maroc septentrional, telles que Fès ou Meknès, des communautés profondément enracinées vivaient selon des tra­ditions marquées par l'influence espagnole, alors que les communautés les plus archaïques étaient implantées en pays berbère : dans la montagne et au sud de Marrakech.

Ainsi, le judaïsme marocain était non seulement diversifié selon les étapes de peuplement juif du Maghreb occidental, mais encore profondément marqué par la diversité géographique de l'implantation des communautés. Il faut tenir compte non seulement de la distinction entre un judaïsme autochtone, enraciné en milieu berbère et rural d'une part, et un judaïsme immigré aux xrve et XVe siècles après un passage par la presqu'île ibérique, groupé en communautés urbaines, d'autre part, mais encore de l'influence européenne sur ces commu­nautés avant le Protectorat, influence plus sensible dans les villes du littoral que dans les communautés de l'intérieur. De ce point de vue, on peut distinguer trois zones : le Nord, les villes à l'intérieur du Maroc septentrional et enfin le Sud dont le centre est Marrakech.

Dans le processus d'occidentalisation accélérée du XXe siècle auquel ont participé toutes les communautés juives du Maroc, le chemin à parcourir par le Demnati était plus long que celui du Tangerois. Aussi, il nous semblait important de signaler, dès le point de départ de cette étude sur son évolution, la diversité du judaïsme marocain.

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