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La création de la Misguéret et l’activité du Mossad au Maroc 1955-1964-Michel Knafo

 

 Deuxieme partie

Dans les structures de l'autodefense et de l'immigration clandestine 

La création de la Misguéret et l’activité du Mossad au Maroc 1955-1964

Une nouvelle phase du rassemblement des exilés

Eliezer Shohani

Eliezer Shoshani est né en 1905, en Russie, et a immigré en Erets-Israël avec ses parents en 1912. La famille s'est installée à Tel-Aviv, et Eliezer a été élève du gymnase Herzliya. En 1917, les autorités turques ont exilé la famille a Ségéra (A) où elle a vécu un an et demi. En 1927, Eliezer a fait partie du groupe fondateur de Kfar Yéhochoua où il a fait connaissance de Dévora, la première jardinière d'enfants du village, devenue par la suite sa femme.

En 1937, après avoir tenté de vivre à Hadéra et à Ganégar, le couple s'est transféré à Guevat. Eliezer fut nommé commandant (B) de la région et responsable des cachettes d'armes de son kibboutz et de la Hagana.

Le service de renseignements de la Hagana le chargea de centraliser les informations dans la région nord du pays. En 1944, il devint trésorier du Palma'h, et en 1945, lorsque les trois mouvements clandestins se fondirent, il fut nommé trésorier du Mouvement de rébellion.

Après la fondation de l'Etat d'Israël, le Palma'h fut démantelé et Eliezer retourna à son kibboutz, mais pour peu de temps. En effet, il fut envoyé en Italie, comme Trésorier "du bureau des acquisitions" d’armes. En 1950-1951, lors de la scission du mouvement Hakibboutz  hameou'had, Eliezer se joignit avec sa famille aux fondateurs du kibboutz Yifat, et en 1956, il devint secrétaire du l'houdh akibboutzim véhakvoutzot.

En 1961, après le naufrage du Pisces-Egoz, Eliezer fut nommé par Ben-Gourion "commission d'enquête d'un seul membre". Après avoir passé trois semaines en France, il présenta ses conclusions à Ben-Gourion.

En 1964, le Mossad l'envoya en France où il rassembla tout le matériel concernant l'immigration clandestine des Juifs du Maroc en Israël. Il le tria, le résuma, y ajouta ses propres observations et publia, avec l'aide du Mossad, un mémorandum auquel il donna le titre de" Neuf ans sur deux mille". Pendant de longues années, ce texte est resté confidentiel / top-secret, et Eliezer n'a pas eu la joie de voir son texte mis à la disposition du public.

En 1967, Eliezer a été nommé secrétaire du mouvement kibboutzique et plus tard élu secrétaire général et rédacteur du journal du kibboutz yifat. Eliezer est décédé en 1987 le jour de ses quatre-vingt deux ans.

Comment s'est accomplie "la parole de l'Etat d'Israël"? On ne sait jamais dans quel ordre se font les choses dans l'histoire d'un peuple, et il est donc difficile de classer les événements. Il est encore plus difficile de faire une recherche de ce genre dans l'histoire d'un peuple lorsque celui-ci est très ancien et dispersé dans le monde entier. On ne peut que montrer les différentes positions du terrain d'actions sans insister sur l'une plus que sur l'autre. Comme on le sait, l'histoire est le fruit d'un "travail d'équipe", auquel contribuent les conditions géographiques et climatiques, ainsi que les êtres humains – qui sont toujours les participants essentiels de l'action.

La réalisation de l'antique espérance des Juifs d'Afrique du Nord, surtout de ceux du Maroc, a reçu l'aide d'un travail effectué par des êtres humains pendant plusieurs décennies durant lesquelles le mouvement sioniste a créé les instruments dont il avait besoin.

L'Agence juive a propagé l'information sioniste, a organisé les mouvements de jeunesse et l'immigration vers Israël, autant que possible par des routes droites et faciles, mais parfois aussi par des chemins sinueux.

Au Maroc sous le protectorat français, le travail sioniste s'est fait de la même façon que dans les autres pays libres, bien que les autorités françaises aient souvent tenté de l’empêcher, pour des raisons liées à l'essence même de l'occupation.

Des dizaines de milliers de Juifs ont ainsi immigré en Israël, mais en fait la population juive n'a pratiquement pas diminué en nombre, car la baisse causée par l'émigration a été remplacée par la natalité. L'action de l'Agence juive a donc fourni une certaine réponse à la nécessité d'augmenter la population juive d'Israël – tout en répondant ainsi à l'espoir des Juifs du Maroc de s'y rendre – mais n'a pas permis de réponse globale à la question de savoir quel serait l'avenir de cette grande communauté.

Pourtant celle-ci devenait de plus en plus urgente, car la lutte des Marocains pour l'indépendance, qui battait son plein, annonçait des dangers pour l'existence physique des Juifs. Les Agents anonymes qui arrivèrent discrètement au Maroc un an environ avant la fermeture des bureaux de Kadima, ont apporté une expérience de vie de cette école qui s'appelle l'Etat d'Israël, et ils ont été chargés de créer au Maroc des cellules d'autodéfense, d'enseigner aux jeunes juifs l'usage des armes et de les rendre conscients de leur force.

Ceci fut le point de départ d'où le travail a divergé dans différentes directions qui devaient s'adapter aux circonstances. Accompli selon les règles de la clandestinité, ce travail les obligea à organiser la défense et le passage clandestin de la frontière aux Juifs en route vers Israël. Elle impliquait d'inculquer la conscience de la fierté nationale aux représentants de la communauté, et il fallut même quelquefois aller en prison. Tout ceci a été imposé aux agents d'Israël et aux membres de la Misguéret au Maroc, et ils ont accompli leur mission à la satisfaction générale pendant des années.

Une fois qu'il est accompli, ce travail semblait tout à fait naturel. Lorsque la lutte pour l'indépendance du Maroc a éclaté, il suffisait d'avoir de bons yeux et un peu d'intelligence pour voir les nuages qui s'amoncelaient et les dangers qui se précisaient. C'était pour l'Etat d'Israël non seulement un devoir, mais aussi un privilège, de se préparer à affronter les dangers. Le devoir de ses citoyens était de se demander quels moyens utiliser pour affronter la nouvelle situation des Juifs marocains, comment préparer des Juifs soumis et habitués à attendre l'aide des autorités, à prendre en main leur sort et à se préparer aux événements. Les citoyens israéliens conscients devaient donner des armes à leurs frères du Maroc, et leur inculquer une confiance en eux-même. Ce ne fut pas un hasard si le fait de posséder des armes et de savoir s'en servir leur insuffla l'espoir et la fierté. Certains pensent qu'il y a un conflit entre les intérêts des Juifs de la diaspora et ceux des Juifs d'Israël, mais il n'en est rien. Si l'on donne aux Juifs de la diaspora une force de résistance, la confiance en soi et la conscience de leurs possibilités, ils seront préparés à accepter la théorie sioniste. Les notions de "la diaspora doit exister" et "la diaspora doit disparaître " ont depuis longtemps perdu toute signification, et il est évident qu'un Juif de la diaspora prêt à défendre sa vie et sa dignité trouvera un jour sa voie vers le sionisme.

C'est ainsi qu'il faut comprendre les événements qui ont touché les Juifs du Maroc à partir de 1955, lorsqu'un devoir tout naturel a été imposé au Mossad: mettre des armes dans une main vide, et lui enseigner leur usage.

Il faut noter qu'il s'agissait d'une mission différente de celle dont été habitués les délégués de l'Agence juive. Celle-ci était semi-militaire et ne convenait pas aux méthodes de l'action civile. Par ailleurs les règles militaires ne lui convenaient pas non plus, et l'armée israélienne ne pouvait prendre sur elle son exécution. C'est pourquoi le Mossad, dont la nature est d'œuvrer dans la clandestinité, en a été chargé.

Ref:Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo Juillet 2007-page 70-73

Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo

 

Trois périodes du travail de la Misguéret

Après la fermeture des bureaux de Kadima par les autorités marocaines, le travail de la Misguéret a connu trois périodes:

Les années 1956-1957

Ce furent les années de transition entre l'émigration légale et l'émigration clandestine. En 1956, il y avait encore des milliers d'émigrants bloqués dans le camp de l'Agence juive près de Casablanca (Appelé par les juifs du Maroc le Camp de Mazagan étant situé à 26 kms de Casablanca, sur la route de Mazagan), et des négociations se poursuivirent avec les autorités pour permettre leur sortie. A ces négociations participèrent diverses organisations, dont le Congrès Juif Mondial. Le gouvernement marocain céda aux pressions, et autorisa de temps à autre, le départ de groupes d'immigrants. Mais le camp se remplissait de nouveau, car d'autres y étaient introduits en secret par les hommes de Gonen. Mais en fin de compte le camp fut définitivement fermé au mois d'octobre 1956.

Les années 1957-1961

Ces années furent celles de l'Alyah Beth (Immigration illégale) – la deuxième étape de l'opération – durant lesquelles le flot d'émigrants diminua de beaucoup. La police surveillait de plus en plus les voies de sortie, et il fallait constamment en chercher de nouvelles.

La sortie se pratiquait par des voies illégales à travers les présides de Ceuta e: Mélilla, enclaves restées espagnoles après l'Indépendance, où ils arrivaient par voie de terre ou par mer. D'autres ont fait une route plus longue par mer, jusqu'.: Gibraltar. Des émigrants solitaires ou en longues caravanes furent arrêtés par le; garde-frontières, mis en prison et même quelquefois torturés. L'émigration ava:־ ralenti, mais elle ne cessa pas. Le naufrage de l'Egoz provoqua une très grand; émotion à tous ceux qui s'occupaient de l'Alyah, et au sort des Juifs. On peut dire que cette tragédie fut l'occasion d'un tournant, bien qu'il fallût attendre encore six mois pour voir la reprise de l'émigration et l'accord officieux des autorités marocaines.

Le naufrage de l'Egoz a servi d'indicateur dans les chemins tortueux de l'émigration du Maroc. Les faits qui étaient gardés sous silence jusque là devinrent publics. Il est évident que ce fut une terrible tragédie pour les Juifs marocains, dont beaucoup avaient des parents parmi les disparus, et ils se rendirent compte des dangers de !'émigration clandestine. Dans le monde aussi, la tragédie des Juifs de ce pays qui venait d'obtenir l'indépendance causa une forte impression. Les militants de la Misguéret furent très bouleversés, eux aussi, et il a fallu beaucoup de temps pour se remettre de ce coup terrible. Même les autorités marocaines comprirent la terrible signification du naufrage de l'Egoz.

Les cinq ou six années de travail clandestin qui avaient précédé le naufrage n'avaient pas été vaines. Le judaïsme marocain avait changé, et le prestige de l'Etat d'Israël et de ses émissaires s'était grandement accru. Les militants impliqués dans l'autodéfense et l'émigration étaient relativement peu nombreux mais l'écho de leur action avait été sans proportion et avait contribué à renforcer le sentiment de sécurité et de fierté des Juifs du Maroc. On voyait ça et là des personnalités juives réclamant la même liberté de circulation que pour les autres citoyens du pays.

Des tracts furent diffusés au cours de l'opération Bazak, naturellement organisée et supervisée par la Misguéret. Deux des diffuseurs furent arrêtés, et à leur suite. 18 autres militants de la Misguéret qui subirent dignement la détention et les interrogatoires de la police, il y avait donc une autre atmosphère au sein de la communauté juive. En fait, le naufrage non seulement n'avait pas dissuadé des Juifs qui voulaient fuir par mer, mais leur avait fait comprendre qu'il n'y avait aucun espoir de vie en diaspora. Beaucoup de Juifs simples et candides continuèrent à emprunter des voies difficiles vers l'inconnu, ils acceptèrent toutes les souffrances avec amour et allèrent vers la mer récitant des versets des Psaumes.

  1. Les années 1961-1964

Ce fut une période d'émigration légale avec l'accord des autorités marocaines, qui eut le nom d'opération Yakhine. Il aura fallu, bien entendu, un certain temps pour s'adapter à une situation qui n'était plus secrète – elle était admise sans être tout à fait officielle. L'opération Yakhine dura de novembre 1961 jusqu'à fin 1964, durant laquelle environ quatre-vingt dix mille Juifs quittèrent le Maroc. On peut dire que la majorité des Juifs du Maroc se sont installés en Israël. En un laps de temps relativement bref, le judaïsme marocain a donc cessé d'être une diaspora susceptible de préoccuper l'Etat d'Israël sur le plan de sécurité.

Pendant toutes les années de la Alyah clandestine, des négociations se sont poursuivies avec les autorités marocaines afin d'assurer le droit des Juifs de quitter librement le pays, ainsi que le stipule la constitution, et ainsi que l'affirme publiquement le gouvernement. Avec les milieux de l'opposition, les contacts n'ont jamais été interrompus. Les leaders du judaïsme marocain, eux aussi, ont compris que l'Alyah était devenue inévitable. Soit qu'ils affirmaient leur <volonté à haute voix, ou qu'ils la réservaient seulement à des cercles intérieurs, il n'y avait plus aucune raison de l'ignorer. Si certains milieux juifs avaient autrefois cherché l'intégration au peuple marocain, cette option ne correspondait absolument plus à la réalité. Le mouvement de rapprochement judéo-musulman le "Wifaq", affilié au parti de l"Istiqlal", avait cessé d'attirer les intellectuels juifs dans ses rangs.

Après le naufrage de l'Egoz et la visite de Abdul Nasser à Casablanca, la distribution de tracts de protestation au cours de "l'opération Bazak", et l'arrestation d'une vingtaine de militants de la Misguéret, il était devenu évident que l'Alyah était la seule issue possible, au point de devenir la principale, sinon l'unique revendication de la rue juive.

Lorsque les différentes branches de la Misguéret, Gonen, la Makéla et le service de renseignements ont pris de l'essor, ce débat n'est pas resté stérile car les faits ont décidé de son sort: la pression croissante sur les portes de sortie qui se faisait de plus en plus forte, l'infiltration d'émigrants cherchant à atteindre les frontières, les vieillards, les groupes de femmes et d'enfants qui affrontaient les difficultés des chemins, étaient arrêtés et déférés devant les tribunaux – tout cela était en quelque sorte une preuve qu'il n'y avait pas d'autre issue. Les négociations se déroulèrent aussi sur un autre plan.

Les représentants du Congrès juif mondial ont aussi tenté, à plusieurs reprises, d'y prendre part, d'avoir des contacts avec des membres du gouvernement, avec le roi et ses proches. Il y a eu des promesses, des tergiversations: "Le roi est en déplacement… Le gouvernement est en crise… Nous sommes à la veille des élections…" Toutes ces réponses sont connues d'autres régions, d'autres époques de l'histoire juive, et il n'était pas possible d'arriver à un accord sérieux. Et si les Juifs avaient attendu la fin des ces débats (qui étaient menés en accord avec l'Agence juive et le ministère des Affaires étrangères d'Israël) on en serait encore aujourd'hui à attendre. Ce qui vient d'être décrit correspond à la période qui a duré jusqu'à fin 1961. Année où a débuté l'opération Yakhine, appelée aussi Alyah Guimel. Au cours de l'été de cette même année, des négociations difficiles ont été menées avec des Hautes personnalités du Maroc afin d'obtenir l'autorisation rour les Juifs d'émigrer, et il était question d'un nombre important de candidats au départ. Il y a eu à cette époque des périodes d'espoir et d'autres où l'on doutait de la réussite. Ceux qui étaient de l'autre côté de la table des délibérations n'ont jamais éveillé chez nous à cette époque une confiance totale, et bien que la promesse ait été faite de permettre à des dizaines de milliers de Juifs d'émigrer en l'espace de quelques mois, le doute ne nous a jamais quittés. Les nombreux télégrammes envoyés du Maroc à Paris et en Israël et vice-versa témoignent d'une grande anxiété aussi bien que de l'enthousiasme à la suite d'un engagement obtenu. Telles ont été les voies sinueuses des négociations qui ont précédé l'époque de l'Alyah Guimel. Etant donné qu'on considérait que des dizaines de milliers de juifs quitteraient le territoire marocain en l'espace de quelques mois, fallait-il taire la grave question de la confiance qu'avaient les responsables des négociations, et ceux qui représentaient les intérêts juifs au Maroc quant à ce nombre de partants?

Ces milliers de juifs étaient vraiment désireux d'émigrer? N'allait-on pas découvrir au dernier moment qu'on avait travaillé en vain? Pendant toutes les années de l'émigration, les militants avaient l'impression de marcher sur une corde mince et raide, et la justification de leur action était la "volonté générale" de la population juive d'aller vivre en Israël.

Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel —page82-85 Knafo

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