Les juifs de C.-Bechar


Les juifs de Colomb-Bechar-J.Ouliel

colomb-becharMonsieur Simon Benitah l'ancien président de la communauté israélite, joua un grand rôle, entre 1910-1914, lorsque les trains, ne pouvant arriver jusqu'à Colomb-Béchar, devaient s'arrêter au poste de Hassi-el-Haouari. La région était bien éloignée d'avoir trouvé la stabilité et les responsables de la garnison partirent en quête d'une personnali­té, acceptée des deux parties, pour jouer les médiateurs et tenter de ramener la paix dans la région ; pressenti, le jeune Simon Bénitah – (il avait alors 24 ou 25 ans) – accepta de prendre contact avec les chefs de la dissidence, installés au Tafilalet, et de négocier les conditions de leur venue à la table des négociations, à Colomb-Béchar. Méfiants, les chefs des Jich ne voulurent recevoir l'émissaire de la paix, que lorsque Rabbi David Abehssera, de Rissani, donna sa caution. Le succès de cette médiation valut à Simon Bénitah de devenir le Caïd Sem'oun pour les Musulmans. Il gardera le titre de «chef des Juifs (en arabe Cheikh Lihoud, selon une terminologie datant du temps de la dhimma). De leur côté, les militaires lui proposèrent la croix de Chevalier de la Légion d'honneur, ce qu'il déclina, pour éviter de donner prise à une quelconque interprétation. Il sera, qua­rante ans plus tard, en 1952, le premier juif bécharien à la recevoir, au milieu des siens, et dans l'allégresse de toute la communauté, pour laquelle ce fut une sorte de reconnais­sance collective.

            Rabbi David Abehssera, l'oncle de Baba Salé. S'illustra tragiquement à Rissani en 1920. lorsque le Cheikh Moulay Ali, Cherif du Tafilalet qui soupçonnait une collusion entre les Juifs de  province et les Français, menaça de faire massacrer en totalité la communauté de cette ville : Rabbi David s'offrit pour prendre leur place et se sacrifia avec deux autres notables pour sauver les siens : les trois homme- furent impitoyablement fusillés le jour du shabbat.

Au plan des relations avec les autres groupes, il semble que l'amélioration ait été rapide, comme en témoignent un document notarié d'une part, et le docteur Céard, qui a donné ces quelques renseignements :

«La colonie israélite tafilalienne de Colomb-Béchar, par son importance numérique, par la place qu'elle occupe dans l'agglomération urbaine, par le rôle social et économique qu'elle y joue, mérite une mention particulière, justifiée encore par ses mœurs, ses usages, ses traditions qui font du mellah une cité dans la cité…» «Ce qui traduit d'une façon saisissante cette permanence des traditions dans la colonie juive de Colomb, c'est le costume que la femme a importé du Tafilalet et qu'elle conser­ve, à de très rares exceptions, dans toute sa pureté, donnant ainsi la preuve d'une remar­quable résistance à l'évolution qui se manifeste autour d'elle sans pouvoir la pénétrer. «Le costume des hommes ne présente aucune particularité. Ils portent presque tous les mêmes vêtements que l'Arabe, le seroual et la gandoura, plus rarement le burnous : ils se coiffent d'une simple chéchia qui s'entoure d'un large bandeau de soie noire chez ceux qui continuent à garder le deuil [suite à la destruction du Temple] de Jérusalem (…) «Les notables et les commerçants aisés s'habillent volontiers à l'européenne, mais ils n'abandonnent jamais la chéchia et le large pantalon bouffant à la turque.»

Il faut reconnaître qu'en dehors des raisons explicables par l'habitude, ces vêtements confortables étaient particulièrement adaptés aux conditions de vie sous ces climats. En Algérie, les Juifs avaient relevé la tête depuis leur accession à la citoyenneté françai­se de 1870 ; il n'en fut pas de même au Sahara, où la pénétration, plus tardive, ne se fit pas sans difficulté, surtout dans cette région de Béchar, restée sous influence marocaine jusqu'en 1903, et où les populations juives, comme dans tout le sud-marocain, étaient livrées à la haine et à l'exploitation des tribus du Tafilalet.

Les jugements des observateurs, plus ou moins bienveillants selon la conscience qu'ils pouvaient avoir de la condition des Juifs au Maroc, dépendent aussi de leurs sentiments personnels à leur égard :

«Leurs physionomies ne manquent pas d'intelligence, mais ils sont d'une obséquiosité excessive et portent sur leurs visages la marque de douze siècles de servitude. Ils n 'ap­pellent jamais les Musulmans que Sidi (seigneur) et ne passent jamais près d'eux sans les saluer en inclinant la tête (…)

Il faut avoir vu leurs visages craintifs, avoir été rebuté de leurs basses flagorneries, s'être indigné de leurs ruses et de leurs traîtrises, avoir été la proie de leurs intérêts rapaces et parfois la victime de leur lâcheté, pour comprendre à quel abaissement moral l'oppression du fanatisme religieux (des Musulmans) peut amener toute une race. On reste confondu que sous une pareille tyrannie, un peuple ait pu conserver intacte la foi qui lui valait ce martyre. On conçoit encore la haine inspirée aux vainqueurs par la résistance de ces malheureux et les massacres périodiques qui les décimaient. Quelle vivante illustration l'étude de ces pays fournirait à l'histoire religieuse de notre moyen- âge…»

«déprimés par de longs siècles d'oppression et de mépris, pillés et rançonnés sans merci à tous propos et à cause de cela obligés à une constante dissimulation, les Juifs sahariens ne se présentent pas évidemment sous un jour très favorable ; aussi la plupart des voya­geurs ont porté sur eux des jugements sévères. Isabelle Eberhardt, qui était elle-même d'origine Israélite, a dit d'eux : «le Juif du Sud se distingue surtout du musulman par sa vulgarité. Il n 'ci pas la moindre idée de ce que nous appelons un sentiment noble, et c 'est en quoi réside, sans doute, le secret cle sa force insinuante et commerçante ; quand il veut s'adapter, il n 'est pas gêné par son pli personnel. »

Toutefois les analyses et conclusions n'ont pas toujours été désobligeantes ; il a pu arri­ver que leurs auteurs, pour affirmer la réussite de la France, aient ignoré certaines don­nées, ou choisi de gommer les difficultés, pour pouvoir édulcorer : «Aujourd'hui, c'est-à-dire à peine vingt ans après, l'assimilation [des Juifs tafilaliens] est complète (…) Ce que deux peuples unis dans leurs tractations, mais séparés par des lois locales inconciliables, n 'avaient pu faire au cours de plusieurs siècles de contact, vingt années ont suffi à le réaliser. N'est-ce pas la preuve de l'efficacité de nos doctrines et cle nos institutions basées sur la justice, la bonté, l'égalité devant le droit.» Mais, à trop vouloir prouver…

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