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“Le Marocain ne voit que très rarement l’Israélien comme ennemi

DÉCRYPTAGE.igal bin-nun

 Yigal Bin-Nun fait partie de la nouvelle générationd’historiens israéliens qui décortiquent l’Histoire sans s’embarrasser de gants de velours. D’origine marocaine, il a consacré de nombreuxtravaux aux raisons politiques et culturelles du départ des Juifs duMaroc. Dans cet entretien, il analyse l’engouement pour leur pays d’origine d’un grand nombre de Juifs marocains expatriés, qu’il qualifie de «relativement récent»

          Interview de

Yigal Bin-Nun

historien

Propos recueillis par Wissam El Bouzdaini

N° 1167 – Du 27 mai au 02 juin 2016

EN COUVERTURE

“Le Marocain ne voit que très rarement l’Israélien comme ennemi

Maroc Hebdo:

 Comment expli-quez-vous, en tant qu’historien, l’engouement d’un grand nombre d’Israélo-marocains pour le Maroc? S’agit-ild’après vous d’un phénomène ancré dans l’Histoire

Yigal Bin-Nun:

L’engouement des Israéliens d’origine marocaine pour leMaroc est un phénomène relativement récent. Il répond probablement à un autre phénomène, celui de la classe intellectuelle et politique marocaine quise penche ces dernières décennies sur l’élément juif de son passé. Le depart des Juifs du Maroc fait partie d’un processus migratoire lié à un désir de promotion sociale que l’on peut remarquer tout au long de leur Histoire. D’abord ce fut une migration interne de la périphérie vers [la ville de] Casablanca, le nouveau centre névralgique et économique du pays. Ensuite les départs avaient pour but d’autres pôles attractifs pouvant ré- pondre à leur désir d’évolution culturelle grâce à la francisation qu’ils acquirent avec grande avidité. Une chose est claire: les Juifs quittèrent le Maroc sans amertume envers les Marocains. Si amertume il y a c’était plutôt contre la société de leur nouveau pays d’adoption.

– Maroc Hebdo:

A quel moment de l’Histoire peut-on alors parler de «Morocco revival»  au sein de la communauté juive marocaine expatriée?

– Yigal Bin-Nun:

Etant Juifs dans un pays musulman, francophones dans un pays en voie d’arabisation et minoritaires dans un nouveau Maroc en pleine épreuve de démocratisation, les chances d’une complète intégrationdans ce pays arabo-musulman n’étaient pas grandes. L’espoir d’une nouvelle vie dans de nouveaux horizons était plus attrayants. Durant de longues années ils subirent dans leurs pays d’adoption toutes les misères que rencontre l’immigrant partout dans le monde aussi bien en Israël, en France ou au Canada.Préoccupés par les problèmes de survie et par les efforts d’intégration, le passé marocain n’était pas à l’ordre du jour. Cen’est que peu à peu que le Juif marocain commença à éprouver la nostalgiede son passé et de son enfance dorée.C’est dans les années [19]70 que débutèrent les premières visites d’Israéliens au Maroc. Très vite, ces retours au pays natal devinrent un courant torrentiel qui entraîna avec lui de nombreux autres Israéliens qui n’étaient pas d’origine ma-rocaine.

Maroc Hebdo:

Vous décrivez unMaroc post-indépendant de prédominance arabo musulmane. Pensez-vousqu’entre-temps, le pays ait changé, et qu’il soit devenu plus à même, si l’onvous suit, d’intégrer sa communauté juive?

Yigal Bin-Nun:

Le phénomène marquant dans l’Histoire du Maroc indépendant dont on parle peu est l’admiration qu’avait la quasi totalité de la classe politique marocaine envers ce qu’on appelait à l’époque «le miracle d’Israël» (lire par ailleurs). Les choses sont évidemment à présent bien plus nuancées. Mais tout Israélien retournant d’une visite d’affaire ou touristique du Maroc est frappé par la sérénité duMarocain qui n’égale que son amabilité,son savoir-vivre et son étonnement de voir comment le Juif marocain devenu Français ou Israélien est resté ancré dans ses us et coutumes d’antan après de si longues années d’absence.La musique classique andalouse connaît ces dernières années en Israël un apogée qu’elle n’a jamais connu dans le passé et la cuisine marocaine est devenue pratiquement la cuisine nationale israélienne. Le Maroc de son côté n’est pas resté indifférent à ces symptômes. Des réalisateurs de films de fiction ou de documentaires se penchent avec affection sur l’élément juif dans l’Histoire du Maroc.

 Le Marocain en général, hormis les partis politiques, ne voit que très rarement l’Israélien comme ennemi mais plutôt comme un cousin, exemple de réussite. Le nombre de sites Internet dédiés à la symbiose israélo-marocaine ou judéo-marocaine est considérable.Plus d’une fois, lors de mes conferences au Maroc, j’ai été surpris par le nombred’intellectuels qui voyaient en Israël un partenaire idéal pour le Maroc dans le domaine politique, culturel et scientifique. Le Marocain est fier de la réussite de ses anciens concitoyens aux Etats-Unis, au Canada, en Israël ou en France. Dans le monde culturel amazigh l’attrait israélien est encore plus accentué comme partenaire idéal devant certains abus de la politique panarabe ou panis-lamique. Un ministre de la Culture israélien ou un prix Nobel juif français, tous deux d’origine marocaine, font la joie sur les sites Internet du Maroc.

– Maroc Hebdo:

Cet engouement israélo-marocain pourrait-il d’après vous devenir, comme au temps du roi HassanII, un tremplin dans le domaine politique international? 

– Yigal Bin-Nun:

Personnellement, je pense que tôt ou tard un processus de consolidation de cette amitié ne tardera pas à créer des bénéfices pour lesdeux pays.

Dans son ouvrage «Le Secret: Ben Barka et le Maroc, un ancien agent des services spéciaux parle» (Michel Lafon,2002), Ahmed Boukhari révèle que les relations entre le Maroc et Israël ont débuté en 1959 avec la visite au Marocd’Isser Harel, le premier directeur du Mossad, principal service de renseignement israélien. Or d’après Yigal Bin-Nun, les deux États n’auraient en réalité commencé à tisser des liens qu’à partir de février 1963. «Ce n’est que[le] successeur [d’Isser Harel], Meir Amit, qui effectua unvoyage officiel au cours du mois d’avril 1963 et fut reçupar le général Mohamed Oufkir et par [le roi] Hassan II dans un petit pavillon du palais de [la ville de] Marrakech», avance l’historien. D’après les recherches de M. Bin-Nun, qui devraient bientôt voir le jour sous forme d’un livre, les premières rencontres entre officiels marocains et israéliens se seraient déroulées dans la capitale de la France, Paris, plus précisément avenue Victor-Hugo, «au domicile du commissaire de police français, délégué à l’Interpol, Emil Benhamou, d’origine algérienne.» Elles se seraient effectuées entre Oufkir et Yacoov Caroz, bras droit de Harel. De nouveaux tête-à-tête auraient par la suite ététenus entre le général marocain et l’agent du Mossad «D. S.» dans la ville de Genève, en Suisse, à l’Hôtel BeauRivage puis à l’Hôtel Cornavin. Quelques jours plus tard, Ahmed Dlimi, l’adjoint d’Oufkirà la Sûreté nationale, se serait envolé en Israël pour des réunions de travail avec le Mossad. «La visite officielle du chef du Mossad, le général Meir Amit, et de son adjointYaacov Caroz au palais de Marrakech avec le roi et Oufkirs’effectua à la suite de l’échec des négociations entre Hassan II et le président algérien Ahmed Ben Bella [dansla capitale de l’Algérie] Alger concernant les problèmesfrontaliers», soutient M. Bin-Nun

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