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La persecution anti-juive au Maroc sous le regime de Vichy (1940 – 1943)

La persecution anti-juive au Maroc sous le regime de Vichy (1940 – 1943)La persecution anti-juive

Enracinés au Maghreb depuis l'Antiquité, bien avant la conquête arabe, les Juifs du Maroc ont continué à y avoir droit de cité sous l'islam, mais dans une condition inférieure, non de citoyens à part égale, mais d'hôtes, de sujets personnels protégés du sultan, de dhimmis. Si la bienveillance et la protection effective du pouvoir central du Makhzen et du sultan, se sont rarement démenties, les abus des gouverneurs locaux, les exactions et la survivance de marques révoltantes d'humiliation attirèrent l'attention – rarement désintéressée par ailleurs des puissances européennes se disputant  l'hégémonie à partir du milieu du XIXème siècle, sur la condition des juifs au Maroc. Malgré son anachronisme face à l'émancipation des juifs en Europe, nul ne songeait encore à abolir le statut de dhimmi sur le plan juridique, mais seulement à en alléger l'application sur le plan pratique.

Réunie en 1880 pour tenter de mettre fin au système des protections étrangères – recherchées plus particulièrement par les sujets juifs pour fuir l'arbitraire des autorités locales – la Conférence de Madrid reconnaissait pour la première fois la nationalité marocaine des juifs marocains. La Conférence mettait fin, – en droit international du moins, pas encore dans le droit interne – à l'ancienne dualité entre "sujets maures" et "sujets israélites". Nouvellement octroyée, cette nationalité était même doublée du principe de l'allégeance perpétuelle, interdisant l'acquisition d'une autre nationalité.

Cette ambiguïté ne disparut pas avec l'instauration du protectorat français qui, bien que perpétuant sur le plan juridique la condition de dhimmi, en abolissait dans la pratique, sans déclarations fracassantes, les manifestations extérieures d'humiliation et de discrimination. Favorisés par leur esprit d'ouverture à la modernité et l'acquisition plus précoce de la langue française, grâce au développement du réseau des écoles de l'Alliance Israélite Universelle, les juifs profitent pleinement de la paix française et de l'essor économique qui en découle jusqu'aux répercussions tardives au milieu des années trente de la crise mondiale. Mais face à cette montée des périls, ils savaient pouvoir compter sur la protection des autorités, de la Résidence et du Makhzen. Si le traumatisme fut si gravement ressenti, c'est que pour la première fois de leur histoire depuis les Almohades, les exactions et la persécution viendront d'en haut et qu'ils seront confrontés non à une hostilité diffuse mais un antisémitisme d'Etat- celui de l'Etat Français. Plus qu'une désillusion et une déception, cela fut vécu comme une trahison.

La persecution anti-juive au Maroc sous le regime de Vichy 1940-1943

La persecution anti-juive

Dans ce cadre, le Comité s'engageait à fournir aux intéressés les coordonnées de firmes d'autres pays fabriquant les mêmes produits. Sous la pression des représentants de l'Allemagne arguant qu'un tel boycott était contraire à l'Acte d'Algésiras garantissant la porte ouverte à tous les pays, la Résidence demande aux dirigeants juifs d'adopter un profil plus bas – également pour ne pas risquer d'indisposer les musulmans…

Jusque là les juifs prenaient soin de passer inaperçus et voici que maintenant ils apparaissent au grand jour comme une masse homogène consciente de sa force et de sa valeur… suscitant en retour l'antisémitisme de leurs voisins musulmans… L'organisation de ces meetings où les indigènes ont vu avec surprise les hommes du mellah mêlés aux Israélites plus évolués, associés intimement pour manifester leur solidarité avec les persécutés d'Allemagne, était d'une grande imprudence… (Rapport à Paris d'Urbain Blanc, Délégué à la Résidence).

Mais bien plus que d'éventuelles manifestations d'hostilité de la part des musulmans – plus d'ailleurs en rapport avec les événements de Palestine – c'est l'expérience de l'antisémitisme classique à l'européenne que les juifs du Maroc devaient affronter pour la première fois. Sans jamais atteindre ni même approcher de sa folle virulente version algérienne, l'antisémitisme des colons français du Maroc avait trouvé dans cette période trouble les conditions favorables pour distiller son venin, en particulier dans la presse et susciter des troubles de rue.

 Le quotidien La Dépêche de Fès, pourtant réputé modéré, écrivait le 20 juin 1933:

Un des principaux défauts qu'on leur reproche (aux juifs du Maroc) est d'être trop envahissants, d'oublier la situation dans laquelle ils se trouvaient à l'origine du protectorat et de faire étalage de leur richesse orgueilleuse. Au Maroc toutes les carrières leur sont ouvertes. Mais ils ne doivent pas occuper toute la place. Ils doivent songer que le Maroc est loin de leur appartenir. Leur premier devoir envers la France qui les a sauvés, est de ne pas gêner les Français qui sont venus au Maroc pour travailler et pour vivre. A quoi bon le cacher, lors des incidents de Rabat et de Casablanca, une partie de l'opinion n'était pas mécontente de voir les juifs indigènes molestés par les Arabes…

Avant de pouvoir le faire eux-mêmes – comme le suggérait l'éditorial de l'hebdomadaire d'extrême-droite, Le Soleil du Maroc du 8 juin 1933, prédisait, pour ne pas dire préconisait "une nouvelle Saint Barthélémy" pour "punir les juifs de leurs écarts" lors de la prochaine célébration de Yom Kippour, semant un vent de panique dans les mellahs:

Au temps du maréchal Lyautey, les divers éléments autochtones et immigrés constituant la population marocaine, vivaient en bonne harmonie dans une collaboration collective qui laissait à chacun sa place au soleil. Sévèrement vigilant sur tout ce qui risquait de compromettre cette harmonie, le maréchal, connaissant les juifs, ne leur permettait aucun écart hors de la route commune. Mais pour le malheur du Maroc, M. Steeg succéda à ce grand homme. M. Steeg et ses politiciens néfastes, uniquement guidés par leurs ambitions personnelles, leurs intérêts particuliers et inféodés à la finance internationale en majorité juive, accordèrent toute licence à leurs congénères… qui prétendent se hausser

au-dessus des musulmans marocains, les uns et les autres sujets du sultan et au même titre protégés de la France… Servant la vérité, conformément à la réalité des faits, j'ai montré le danger de la mainmise progressive par les juifs des professions libérales; sur les finances, le commerce, sur tous les domaines où ils tendent à nous supplanter… J'ai indiqué le caractère d'urgence des mesures à prendre pour contingenter les entrées des élèves juifs dans les lycées et les écoles supérieures, dans certaines professions libérales, quitte à orienter les masses vers des métiers dont jusqu'ici elles s'écartent, volontairement ou non…

Cette poussée d'antisémitisme devait connaître une nouvelle recrudescence avec le débordement d'enthousiasme et les espoirs soulevés dans la jeunesse juive marocaine par l'arrivée au pouvoir du Front Populaire. La judéité du chef du gouvernement Léon Blum et ses idées libérales en matière de colonialisme redoublèrent l'ardeur des antisémites et d'une partie grandissante de la colonie française locale indisposée par cette immixtion des nouvelles élites juives dans la vie publique qui ne les regarde pas comme l'écrivait le journal d'extrême-droite La Voix Française:

Le gouvernement devrait faire son devoir et ne pas permettre à de jeunes voyous du mellah.. qui ne sont pas sujets français, de se promener dans les rues et d'insulter le représentant de la nation protectrice.. Les Casablancais ont pu constater au cours des dernières semaines le grand nombre de jeunes Israélites, à la tenue d'ailleurs d'une bruyante impudence, qui participent aux différentes manifestations en vue du renvoi du Résident Général Peyrouton et de l'extension des grèves ou qui abordent cravate ou mouchoir rouge, vendant le Maroc Socialiste dans la rue. A Casablanca comme à Marrakech, il a épénible à la population de constater l'arrogance et la brutalité de ces vendeurs…

Ces vendeurs était souvent apostrophés par les passants français aux cris de "Mort aux juifs ! "La France aux Français!", "Blum au poteau!", "Boycottage d'Israël au Maroc!" A Meknès, bastion de l'antisémitisme colonial, un bataillon de la Légion défile aux cris de "Vive Hitler, mort aux juifs!" en août 1936 un tract était largement diffusé dans les médinas appelant les musulmans à se joindre à cette croisade:

Maintenant cette racaille affiliée aux partis du désordre, s'acharne sur M. Peyrouton, notre nouveau Résident dont ils demandent le départ à la juiverie de Paris… Il faut que les juifs se souviennent du tarbouche noir crasseux, des nonades en tire-bouchon, de la djellba et des babouches noires qu'on n'aurait jamais dû leur permettre de quitter. Il faut que le yahoudi redevienne le juif rampant et veule qu'ont connu vos pères et beaucoup d'entre vous. Dès qu'un juif relève la tête il faut la lui couper. Nous devons ensemble, même par la force, faire entrer les juifs dans leur mellah et les empêcher de se mêler aux partis politiques quels qu'ils soient. A vous frères musulmans de parler haut et de vous faire entendre par ceux de Paris. Nous serons à vos côtés!

De son côté la propagande allemande, par les ondes et les écrits, jouant sur la fibre nationaliste, bien que très peu suivie, dénonçait prioritairement la "collusion entre la Fance et les Juifs". Leur campagne présente la France du Front Populaire dirigée par Léon Blum comme une "nation enjuivée" comme le montre un de leurs tracts en arabe diffusé dans les médinas

 "Le Juif vous ronge comme la vermine ronge la brebis. La France le protège. Il est son agent. L'Allemagne enferme et pourchasse les Juifs et confisque leurs biens. Si vous n'étiez pas les esclaves de la France vous pourriez agir de même… " Adoptant les clichés de l'antisémitisme européen et les thèmes de la propagande allemande et italienne et se servant des événements du Moyen-Orient pour mobiliser leurs troupes, certains dirigeants nationalistes de la zone espagnole se laissèrent aller à des excès similaires dans leur presse. Le fondateur du pari de l'Union Nationale, Mekki Naciri appelle en juin 1938 ses compatriotes à "chasser la France du Maroc comme Hitler a chassé les Juifs d'Allemagne". Opposé comme lui à l'admission au Maroc de réfugiés d'Allemagne, son rival, le chef du Parti National des Réformes, Abdelhaq Torres, accusait la France de vouloir "assimiler à la race marocaine pure et libre un groupe ethnique français mêlé de sang juif odieux".

(hebdomadaire Dijfâa, 12 février 1938)

Mais malgré sa virulence, cette propagande européenne hostile et sa variante musulmane locale, restait le fait d'une minorité sans véritable prise aussi bien sur la colonie française que sur les masses musulmanes. La bienveillance du sultan sidi Mohammed Ben Youssef envers ses sujets juifs et l'harmonieuse collaboration qu'il établit avec le nouveau Résident nommé par le Front Populaire, Charles Noguès, garantirent au Maroc, dans les dernières années avant la guerre; une période d'apaisement et de réconciliation. Alors qu'en Europe, les juifs vivaient dans l'angoisse et la détresse, le Maroc faisait relativement figure d'un havre de paix comme le soulignait le représentant le judaïsme marocain à l'assemblée constitutive du Congrès Juif Mondial à Genève en août 1936, Jack Pinto:

Le judaïsme marocain est disposé à donner son concours en vue de la coordination des efforts des divers groupements juifs du monde dans un esprit de loyauté envers nos patries respectives. Je ne puis laisser cette occasion sans manifester devant l'opinion juive mondiale, ce que nous, juifs marocains, devons à Leurs Majestés les sultans du Maroc qui nous ont accueillis si hospitalièrement.. Nous contribuerons à renforcer l'œuvre de compréhension mutuelle entre Israël et les nations, entreprise par ce Congrès; aussi nos efforts tendront à maintenir et à développer les bonnes et sincères relations existant entre nous et les populations musulmanes du Maroc. Nous tenons également déclarer en cette circonstance solennelle, notre profond attachement au gouvernement de Sa Majesté le sultan et à la France, nation protectrice…

Mais c'est de cette nation protectrice dans laquelle le judaïsme marocain avait placé tous ses espoirs, que devait avec la défaite et l'occupation venir le malheur et la persécution.

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