Juifs au Maroc et leurs Mellahs

 Il est évident que si beaucoup de Juifs étrangers qui étaient venus à Fès pendant le règne d'Idris II, avaient vécu dans ce quartier, "un assez grand nombre" d'entre eux et d'autres, autochtones établis bien avant eux dans le site de Fès ou venus après eux dans la capitale, s'étaient fixés indifféremment un peu partout, par petits groupes de quelques familles. 

 Le 20 Mars 1276, quand se produisit un soulève­ment de la populace contre les Juifs de Fès, le sultan Abou Yousof ben Abd al-Hakk, qui s'était porté à leur secours, fit aussitôt publier l'ordre formel de ne pas approcher des quartiers juifs." Le lendemain, 21 Mars, le sultan fit commencer la construction, face à la ville an­cienne, de Fès al-Jadid (Fès la neuve). 

 Cette circonstance a fait croire à des auteurs modernes que les Juifs furent aussitôt installés dans la nouvelle cité, au lieu dit al-Mallah (Mellah), le premier et longtemps le seul Ghetto du Maroc. Il n'en a pas été ainsi. Fès al-Jadid, spé­cialement créée pour servir de résidence au sultan, à son entourage, son makhzen et aux milices formées de troupes étrangères, abrita bien entendu, an moins dès l'avènement d'Abou Yakoub (1286-1307), également des personnalitiés juives et leurs familles attachées au service du souverain: les "Wakkasa' (Roqqaça), les Sabti, les "Asac".

 Comme il existe tant d'exemples à toutes les époques et jusqu'à notre temps, les caïds, les vizirs et le monarque lui même ainsi que sa famille devaient être directement intéressés aux transactions commer­ciales des opulents marchands juifs de classe internationale comme l'étaient, précisément à l'époque dont nous parlons, ces Africano- majorquins qui s'appelaint Isaac Lévi, Samuel Choulol (Solal), les Allel, Malequi, les deux frères Nadjar ou les trois frères Bacri.

 Ces hommes vivaient la plupart du temps à Fès et leurs maisons se trou­vaient sans doute à Fès al-Jadid, aussi près du makhzen que possible. Fès al-Jadid fut probablement aussi le lieu de résidence des ambassadeurs juifs des rois chrétiens de la fin du XIII״ et du début du XIV1־ siècles, les "Abengallel" ou Vidal de Porta; plus tard, celui de R. Moïse Gabbay, chargé d'une importante mission à Fès par le roi d'Aragon en 1394.

 II n'en allait pas autrement de tous les autres ambassadeurs chrétiens ou musulmans. La présence de ces person­nages auprès du sultan et de son vizir était nécessaire pendant leur séjour plus ou moins long dans la capitale; l'importance de leurs missions l'exigeait.

 Pourtant, les logements confortables et même magnifiques ne manquaient sans doute pas aux riches Juifs de la médina, la ville ancienne. Obligés plus tard de se transporter au quartier qui devait leur être imposé à Fès al-Jadid, ces Juifs avaient vu dans cet exode une véritable catastrophe; et pendant fort long­temps, ils s'étaient considérés comme des éxilés.

Cet "exil" changeait de fond en comble leurs habitudes, les privait de leursanciennes de­meures, tout en les obligeant à vivre dans la promiscuité avec des coréligionnaires, soit-mais de classe inférieure. Pour les plus pau­vres, c'était également un bouleversement.

L'ampleur de la catastrophe est exprimée par ceux qui écrivaient à ce sujet: "Ce fut un exil amer et épouvantable" ou encore: "Ce fut un épouvantable exil", et ce fut si terrible que de nombreuses familles apostasièrent afin de rester chez elles!

Les deux chroniques judéo-marocaines qui nous rapportent ces faits, dont l'une précise que, dans la médina de Fès, les Juifs avaient vécu mêlés aux Musulmans, nous font connaître la date de l'événement qui transforma par ses conséquences lointaines la vie d'une grande partie des Juifs du Maroc: l'année 5198, c'est-à-dire 1438 de l'ère moderne, il n'y a pas à douter de cette information, bien qu'elle ne soit pas confirmée par ailleurs; chronologiquement elle ne concorde pas avec le règne d'Abou Saïd Othman III (1398-1421), règne sous lequel, nous dit Léon l'Africain, cet événement eut lieu.

 Mais ce n'est pas la seule fois que Léon l'Africain se trompe sur les dates. Un événe­ment fort important dans la vie religieuse des Musulmans de tout le Maroc se produisit à la même date que celle indiquée par les chroniques juives pour la création du premier Ghetto marocain.

 C'est le Professeur Hirschberg qui, le premier, a très judicieusement attiré l'attention sur le rapport qu'il y a lieu de faire entre les deux événe­ments. Il confirme une fois pour toutes la véracité des chroniqueurs juifs en ce qui concerne l'année de la création du Ghetto.

 L'année 1438 est celle de la "découverte" dans la médina de Fès de la tombe de Moulay Idris (Idris II), artisan de la grandeur de la cité et des­cendant authentique du Prophète. A la suite de cela, Fès fut immé­diatement promue au rang de ville sainte et ne pouvait plus être habitée par des "incroyants".

 De plus, contrairement au principe énoncé par nombre de savants musulmans, de laisser les Infi­dèles commercer dans tous les quartiers des grandes et des petites villes, on astreignit les Juifs déjà chassés de la vieille cité, à n'exercer leur négoce, dans la médina où ils pouvaient se rendre pendant la journée, qu'auprès des Attarin, au ,Souk an-Nokra actuel.

 Tous les autres quartiers et leurs marchés leur étaient interdits. Cette mesure ne se relâcha que bien plus tard, sauf en ce qui concerne le "horm" (périmètre sacré) de Moulay Idris dont le tombeau-sanctuaire devint, depuis sa "découverte", un des lieux de pèlerinage musulman les plus fréquentés de l'Afrique du Nord et un lieu d'asile inviolable.

 Un abattoir où étaient dépecés les animaux immolés pour s'attirer la bénédiction du saint était séparé du sanctuaire par des lieux d'aisance. Cet abattoir servait aussi aux Juifs qui venaient se placer sous la protection de Moulay Idris.

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