Juifs du Maroc R.Assaraf

Dans la pratique, Theodore Steeg, a defaut de legaliser officiellement le mouvement sioniste, tolera son existence selon un modus vivendi dont Nahoum Sokolov, dans sa reponse a Steeg, se rejouissait:

Vote Excellence a eu la bonte de faire reROBERT ASSARAFssortir que les Juifs residant dans le protectorat sont libres de devenir individuellement membres de la Federation sioniste de France, qu 'a ce titre aucune objection de la Residence ne s 'oppose a ce qu 'ils recueillent le shekel et que les juifs desirant quitter le Maroc pour participer personnellement a l'etablissement du Foyer national juif en Palestine ne rencontreront aucun obstacle sur leur route.

Ce compromis contraignit le mouvement sioniste marocain a faire profil bas. Ayant du s'engager a ne pas «reduire le nombre des sujets de Sa Majeste », il ne pouvait oeuvrer en faveur de !'immigration, le devoir sioniste par excellence.

Ils interioriserent a ce point cette restriction que l'un des principaux dirigeants sionistes marocains, Me Fernand Corcos, pouvait declarer en 1926:

Soyez tranquilles, Juifs du Maroc, on ne vous demande pas d'aller en Palestine, On ne veut meme pas que vous essayiez d'y aller, nous avons assez de candidats immigrants, nous en avons trop. La grande question du sionisme n 'est pas de peupler la Palestine, mais de soutenir et de maintenir les Juifs qui y sont deja, et ceux, infiniment plus nombreux, qui, depuis tant d'annees en Europe centrale, desirent s'y rendre. Les Juifs marocains ne sont pas des postulants a la colonisation palestinienne, nous le savons et nous ne demandons rien de ce genre.

De fait, le souvenir traumatisant de l'e'chec de !'immigration, au debut des annees vingt, de plusieurs dizaines de families constitua un puissant antidote a tout nouveau depart. A cela s'ajoutait le fait que l'Agence juive distribuait tres parcimonieusement les certificats d'immigration, reserves, dans leur quasi-totalite, aux immigrants desireux de fuir les persecutions en Europe. De plus, sauf circonstances exceptionnelles, la Residence s'opposa a la delivrance de visas de sortie pour les Juifs marocains, comme le rappela une directive en date du 29 juillet 1932 :

Monsieur le Consul general de France a Jerusalem estime que le gouvemement general du Protectorat doit s'efforcer d’empecher les israelites marocains d'aller. soit directement, soit par la voie detournee de la Syrie, s'installer en Palestine. Je vous serais donc tres oblige de bien vouloir deconseiller vivement aux israelites marocains de la zone franqaise d’emigrer en Palestine, et de ne delivrer des passeports qu 'avec la plus grande circonspection, apres vous etre entoure de toutes les garanties possibles quant a la moralite des demandeurs et quant a leur credit effectif.

Le mouvement sioniste marocain put toutefois se doter d'un organe officieux l'Avenir illustre, dont l'impact sur les Juifs" eclaires " fut loin d'etre negligeabfe. Toutefois soucieux de ne pas déroger au modus vivendi passé avec la Résidence, l'Avenir illustré, durant les années 1926-1940, s'abstint soigneusement de prôner l'alyah, l'immigration en Palestine. Il préférait souligner la nécessité d'une alliance politique entre Juifs et Français, et affirmait ainsi en juillet 1928 : « Loin de présenter à nos coreligionnaires au Maroc, le sionisme comme un état politique dont ils eussent à espérer on ne sait quelle fantaisiste libération, nous avons professé au contraire, très fermement et constamment, que l'avenir des Juifs marocains était au Maroc et qu'une égale ferveur devait les pousser à devenir de meilleurs juifs et de meilleurs Français. »

Cette analyse était reprise à nouveau dans le numéro du 26 octobre 1928 :

Peut-on dire que notre revue ait cherché à détourner les Juifs marocains sur la Palestine ?Non ¡jamais notre revue n'a écrit un mot d'encouragement en ce sens. Bien au contraire, nous avons toujours écrit que, pour les Juifs marocains, Sion était au Maroc, en ce sens qu'il serait désirable qu'ils s'inspirassent du sionisme pour faire au Maroc ce que leurs frères réalisent en Palestine : un effort vigoureux et efficace pour sortir le Judaïsme marocain de sa torpeur, de ses courtages, de son mercantilisme et le lancer dans l'industrie, l'agriculture et le commerce sain… Qui ne voit le rôle de premier plan que les juifs peuvent jouer au Maroc entre les Français protecteurs, respectés et estimés, et les musulmans, plus prompts à les imiter  qu 'à les comprendre ? Le juif peut et doit devenir l'intermédiaire entre la politique française et le peuple marocain.

Dans son éditorial du 30 juin 1929, l'Avenir illustré revenait sur ce thème : « Le sionisme ne peut, en pénétrant le judaïsme marocain, que servir l'œuvre du Protectorat en lui préparant des éléments dignes d'être assimilés. »

De fait, les responsables du mouvement sioniste marocain avaient dû composer avec la réalité. Ils n'ignoraient pas que, en dépit de l'influence qu'il exerçait sur certains groupes, notamment les anciens élèves du réseau de l'Alliance israélite, le sionisme attirait fort peu les élites soucieuses de parfaire leur intégration dans le moule français. Entre l'émanci­pation collective, à la manière sioniste, et l'émancipation individuelle, sur le modèle du franco-judaïsme et des valeurs de la Révolution de 1789, l'opinion publique avait tranché. C'était le modèle français qui recueillait le plus d'adhésions enthousiastes. Une situation qui perdura jusqu'au traumatisme constitué par les persécutions vichystes.

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