Boycott des produits allemands

epreuves-et-liberationEn raison de la pression de la Résidence et du peu d'enthousiasme manifesté par les grands négociants juifs pour l'appliquer, ce mouvement de boycott devait marquer le pas, malgré les appels répétés de l'hebdomadaire sioniste de Casablanca, L'Avenir Illustré. Voici par exemple son éditorial du 31 octobre 1933 

" Tout produit allemand doit nous brûler les mains… Un franc dont nous enrichissons le Reich est une balle qui sera tirée contre nos frères. Israël doit prouver au monde entier que la solidarité juive est une réalité

Le journal ne tarda guère à déplorer les manquements à ce devoir de solidarité avant de conclure à l'échec du mouvement — il est vrai dans un contexte de marasme économique général 

« Le Comité de boycottage a été saisi de faits relatifs à la conduite de commerçants juifs de Casablanca et d'autres villes qui continuent d'acheter des produits allemands… Au Maroc, quelle est l'action du Comité de boycottage ? Nulle… Consommateurs, abandonnez à leur sort ceux que la cupidité a aveuglés, au point de leur faire oublier leur devoir juif… (30.11/1933)

Le boycottage s'est traduit seulement par une plus grande ardeur du commerce local à stocker les produits germaniques… Ici, on gratte l'étiquette " made in Germany ". Là, on la couvre de papillons moins compromettants. » (30. 1.1934)

Malgré le pessimisme d'un journal aussi militant, il ne fait pas de doute que le boycott juif eut une grande influence sur le ralentissement du développement des exportations allemandes vers le Maroc. Berlin avait espéré qu'elles connaîtraient un nouveau dynamisme, comme avant la première guerre mondiale, après la détente avec la France et la levée des restrictions draconiennes au séjour des négociants allemands, suite à l'accord de début 1933

L'observateur allemand exagérait l'importance du boycott et des expressions de solidarité avec les Juifs d'Allemagne pour expliquer le regain de tensions entre Juifs et Arabes – qui relevait bien plus, comme nous le verrons, des difficultés internes et des échos des événements de Palestine. Il ne fait toutefois pas de doute qu'elles eurent une influence sur l'affaiblissement progressif de la campagne de boycott. Comme dans tous les autres pays d'ailleurs, le boycottage ne pouvait être aussi strictement préservé pendant des années, sans provoquer des tensions avec les autres habitants et susciter l'accusation de préférer la loyauté juive à l'intérêt national local

Propagation de l'antisémitisme européen

Mais ce que les Juifs du Maroc redoutaient davantage, c'était l'importation de l'antisémitisme classique européen. Ils craignaient ce déferlement de haine autant, si ce n'est plus, que les éventuelles manifestations d'hostilité de la part des Musulmans… Sans jamais atteindre, ni même s'approcher de sa folle et virulente version algérienne, l'antisémitisme des colons français du Maroc avait trouvé, dans ces circonstances, l'occasion de distiller son venin, en particulier dans la presse et de susciter de nouveaux troubles de rue. Mais malgré ses excès, cette propagande européenne agressive et sa variante musulmane locale, émanaient d'une minorité sans véritable prise, ni sur la colonie française, ni sur les masses musulmanes. Cette agitation restait pour l'heure limitée essentiellement à la presse et à la littérature. Ainsi, L'hebdomadaire d'extrême-droite, Le Soleil du Maroc, ne se gênait pas pour ressasser, sans vergogne, tous les griefs, importés d'Algérie, contre la trop rapide et insupportable émancipation des Juifs marocains, au détriment des colons et des indigènes musulmans (Editorial du 8 juin 1933)

« Au temps du maréchal Lyautey, les divers éléments autochtones et immigrés constituant la population marocaine, vivaient en bonne harmonie, dans une collaboration collective qui laissait à chacun sa place au soleil. Sévèrement vigilant sur tout ce qui risquait de compromettre cette harmonie, le maréchal, connaissant les Juifs, ne leur permettait aucun écart hors de la route commune. Mais pour le malheur du Maroc, M. Steeg succéda à ce grand homme. M. Steeg et ses politiciens néfastes, uniquement guidés par leurs ambitions personnelles, leurs intérêts particuliers, et inféodés à la finance internationale en majorité juive, accordèrent toute licence au Maroc à leurs congénères… C'est ainsi que, fort de l'appui de M. Steeg, M. J. Thursz Juif international et militant sioniste, fonda en 1926 L'Avenir Illustré. Profitant du précédent, des Juifs nord-africains d'origine algérienne et tunisienne qui forts, de leur expérience en cette délicate matière, auraient dû se montrer plus raisonnables, fondèrent à leur tour L'Union Marocaine. Cet organe affirma d'abord son intention de barrer la route aux juifs internationaux de L'Avenir Illustré et de faire de la propagande française. Mais cejournal accomplit une besogne encore pire que celle perpétrée par la feuille sioniste, en prétendant hausser les Juifs marocains au-dessus des Musulmans marocains, les uns et les autres, sujets du sultan, et au même titre, protégés de la France

Symptôme supplémentaire de cette montée de l'animosité contre les Juifs, dans la colonie française, cet article du quotidien La Dépêche de Fès, pourtant réputé modéré, en date du 20 juin 1933 :

" Un des principaux défauts qu'on leur reproche est d'être trop envahissants, d'oublier la situation dans laquelle ils se trouvaient à l'origine du Protectorat et de faire étalage de leur richesse orgueilleuse

Au Maroc, toutes les carrières leur sont ouvertes. Ils peuvent s'adonner à toutes les branches du commerce, mais ils ne doivent pas prétendre occuper toute la place. Ils doivent songer que le Maroc est loin de leur appartenir et que leur premier devoir envers la France qui les a sauvés, est de ne pas gêner les Français qui sont venus au Maroc pour y travailler et y vivre

Nous ne ferons pas l'injure de croire que l'Administration n'a pas déjà songé à tout cela, mais alors, qu'attend-elle ? Car, à force de traîner le boulet qui s'alourdit d'année en année, le colon finira par tomber pour ne plus se relever. Il y a quelques jours, une dame parisienne de passage à Casablanca, ayant eu l'occasion de causer avec un Juif indigène, l'entendit prononcer ce mot ? " Si le Maroc est tel que vous le voyez c'est grâce aux Juif 

Un mot n'est qu'un mot. Mais il est significatif d'un état d'âme. A quoi bon le cacher ? Lors des incidents de Rabat et de Casablanca, une partie de l'opinion n'était pas mécontente de voir les Juifs indigènes molestés par les Arabes. Pourquoi ? Précisément parce qu'il y a des Juifs qui manquent de modération dans leurs appétits, ne se contentent pas d'une bonne place au soleil, mais cherchent à accaparer le pays pour leur seul profit. La France au Maroc ne fait pas de différence entre les Juifs et les autres hommes. Sans doute a-t-elle raison. Mais à ceux-ci de prouver par leur conduite sociale qu'elle n 'a pas tort

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