Pedagogie du heder et de la Yeshibah , du Msid et de la Madrasa-Haim Zafrani

חיים זעפראניLA TRANSMISSION ORALE DU SAVOIR

Notons ici que la transmission orale du savoir est l'un des procédés auxquels l'enseignement accorde ses préférences; il est aussi celui que les circonstances, l'isolement du Maghreb et les conditions d'existence du judaïsme marocain lui-même, ont contribué à maintenir durant les derniers siècles.

Le livre est un outil de travail très coûteux; l'imprimerie hébraïque (et arabe aussi, si l'on fait exception de quelques éditions lithographiques de Fès) est inexistante au Maroc jusqu'à l'avènement du Protectorat français, en 1912; l'importation des livres est très difficile; il faut les faire venir d'Europe, notamment d'Italie, clandestinement, à des prix prohibitifs, car les écrits juifs sont souvent frappés d’embargo par l'Eglise, et leur libre circulation est interdite (voir Pédagogie …, p. 74 (et n. 172) et 101; Les Juifs du Maroc, p. 203.

L'enseignement est une communication dans le sens plein du terme; l'instruction est initiation, et la transmission personnelle compte avant tout, notamment lorsqu'il s'agit de science ésotérique (mystique de la kabbale). Rappelons ici le rôle médiocre de récriture dans renseignement, la méfiance, maintes fois exprimée dans la littérature rabbinique, à l'égard de l'écrit. La transmission orale a été considérée, au départ, comme la seule qui soit licite, le passage à la littérature écrite ne s'imposant que très progressivement, avec des hésitations et des réticences, pour répondre à la nécessité de fixer définitivement les textes. L'interdit concernait spécialement la Loi orale, la halakhah, Yaggadah, les targumim "paraphrases araméennes des Ecritures" ou même la liturgie, ainsi qu'en témoignent un grand nombre de textes talmudiques: "Celui qui confie à l'écrit les halakhot est comparable à celui qui jette la Torah aux flammes" (Temurah 14b et Gittin 60b); il en est de même de celui qui rédige des berakhot "eulogies et bénédictions"(Shabbat 115b); "Ceux qui mettent Yaggadah par écrit n'ont pas de part au monde à venir" (Talmud de Jérusalem, Shabbat XVI, 1); le sort des scribes eux- mêmes, ceux qui copient les sefarim, les tefillin et les mezuzot, n'est pas très enviable (Pesahim 50b), etc…..

  • Voir, à propos de la semikhah "dévolution de l'autorité du maître", ordination du rabbin" et les rites qui l'accompagnent bénédiction — berakhah sacramentelle et imposition des mains), Pédagogie…, 98 et Les Juifs du Maroc, p. 24 et 25. Comp. J. BERQUE, Al-Yousi, p. 39—41, pour ce qui concerne l'enseignement des 'ulamâ' (ulémas) "savants" musulmans, le rite de la paumée et de l'entrelacement des doigts.

Voir Hermann L. STRACK, Introduction to the Talmud and Midrash, New York, 1931, p. 12 à 20; J. SCHIRMANN, Hebrew Liturgical Poetry and Christian Hymnology, J.Q.R., vol. XLIV/1, juillet 1953, p. 133—144. Sur le rôle éminent de la transmission du savoir par la voix et le geste, voir les travaux de Marcel JOUSSE, publiés par le Laboratoire Rythmo-pédago- gique de Paris, en 1931, 1936, 1941, 1950, et son ouvrage L'anthropologie du geste, imprimé en 1969 et 1974. Il convient de rappeler, ici, la polémique entre Pharisiens et Sadducéens concernant "les écrits saints qui rendent les mains impuresכתבי הקודש מטמאין את הידיים- (Traité mishnaïque Yadayim, III, 3—5 et IV, 5—6); c'est une sorte de tabou qui frappe l'Ecriture. Sur le cérémonial qui entoure l'acte d'écrire, voir les règles et les rites (les rites de purification entre autres) observés par le scribe chargé de copier le sefer torah "rouleau de la loi", dans Massekhet Sofrim (traité talmudique mineur) aux chap. I à X; Maïmonide, Mishneh Torah, Hilkot sefer torah-, J. QARO, Shulhan 'Arukh, Yoreh De'ah, paragr. 270 à 284. Comp. Roland BARTHES, les propos recueillis dans le journal Le Monde du 27.09.1973. La méfiance de l'écrit n'est pas particulière à la pensée talmudique; l'Islam doctrinaire la connaissait aussi (Gaston WIET, Introduction à la littérature arabe, Paris, 1966, p. 63) ainsi que d'autres civilisations.

En matière de poésie, Moïse Eben Ezra proclame la précellence de l'enseignement oral donné par un maître expert; il est bien plus efficace que l'enseignement livresque, dit-il en substance, se référant aux Ecritures Saintes et à diverses traditions juives et musulmanes. "Pour juger des beautés des poèmes, ce qui est décisif c'est le plaisir que nous y trouvons. Ce que nous aimons entendre, nous aurons du plaisir à le redire; écartons-nous de ce qui déplaît à notre oreille. C'est l'oreille qui perçoit la qualité des mots; elle est la porte de la raison…. En pareille matière, toute démonstration est inutile et on ne peut en appeler qu'à ce que perçoit la saine raison par l'intermédiaire de l'oreille, ainsi qu'il est dit: 'L'oreille ne discerne-t-elle pas les paroles, comme le palais goûte la nourriture?' ". Puis il ajoute, citant de vieux adages: "De la bouche des maîtres, et non des livres"; "De leurs bouches et non le leurs écrits".

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