Pogrom de Fes-tritel-P.B.Fenton

Elmaleh adressa un deuxième télégramme à Paris:tritel

Mellah aux trois quarts détruit par l'incendie. Population encore au Palais. Morts 50, blessés 84. Ambassade de France distribue vivres et donne assistance médicale. Population musulmane ouvre souscription en faveur des victimes israélites. Sans réponse à mon premier télégramme, me dispose en votre nom cinq mille premier secours.

La population juive resta encore au palais le samedi, entretenue par les distributions de vivres effectuées à l'initiative de Monsieur Elmaleh. Ils grouillaient par centaines, entassés les uns sur les autres, dans de grandes cours, dans des couloirs, dans de vieux magasins, dans des écuries, sous des voûtes, derrière des portes, partout enfin où il y avait le moindre emplacement. La plupart étaient sans abri, sans vêtements, couchés sur la terre nue ou enfermés dans les cages aux lions qui leur servaient de refuge, grelottant de fièvre, pris de dysenterie et tenaillés par la faim.

124 Le télégramme original est conservé à l'AlU [MAROC XVI E 248c],

Le sultan, accompagné de ses ministres et de médecins rendit visite aux Juifs. Il s'enquit de leur état physique et mental et leur adressa de bonnes paroles en précisant que le soulèvement s'était produit à l'improviste, que les coupables seraient punis et les victimes indemnisées. Il convoqua les blessés, et en voyant leurs plaies atroces, il fut profondément ému. Il les questionna sur le nombre de morts. On en dénombra 51, dont dix-huit femmes et dix enfants, parfois assassinés avec leurs mères, ainsi que 72 blessés.

Le dimanche 21 avril, dès l'aube, une poignée de sinistrés retourna au mellâh, pour y chercher les leurs ou pour fouiller les détritus à la recherche de bribes de nourriture pour les enfants, quatre étant morts d'inanition.

Les morts furent enterrés. Le consul d'Angleterre envoya 1300 pains. Le même jour, le général Dalbiez écrivit au grand rabbin Vidal Ha-Sarfati pour présenter ses condoléances à la communauté et lui faire savoir qu'une livraison quotidienne de deux mille pains était prévue.

125 Le général Denis Jacques Victor Dalbiez (1870-1929), fut commandant d'une brigade d'infanterie d'Algérie avant de passer au Maroc en 1911 où il se signala dans les nombreux combats dans les environs de Fès et de Marrakech.

Les notables musulmans de la médina formèrent un comité de secours pour venir en aide aux sinistrés. Ils recueillirent en quelques heures 10 000 pesetas hassani, 300 sacs de blé, 50 sacs de farine et diverses denrées alimentaires. Ce geste fut qualifié par Regnault d'«un grand élan d'humanité». Certaines familles musulmanes envoyèrent des aliments à leurs amis juifs.

Le palais n'offrait qu'un refuge précaire et la commission décida de remettre le mellâh en état afin de faire rentrer les Juifs, au plus vite, dans leur quartier. M. Elmaleh s'y rendit avec M. Regnault, un architecte, des médecins, des officiers pour faire un état des lieux. Pendant plusieurs heures ils errèrent au milieu d'une ville déserte, silencieuse, pillée de fond en comble, réduite en ruines. Leurs regards rencontrèrent un effrayant spectacle de destruction et de désolation causées par le saccage, l'incendie et le bombardement. Il y eut des maisons dont toute la façade était tombée laissant apercevoir les murailles opposées et toutes les cloisons éventrées des appartements, ainsi que les séparations des étages, comme dans la coupe verticale d'un plan d'architecte. Quelques saillies marquaient seules les emplacements naguère occupés par les chambres et les étages. Toutes les portes, les fenêtres, les boiseries des maisons du mellâh avaient été brûlées ou brisées. Une fumée acre, mêlée de vapeurs chaudes, montait de cet amas de débris. Le plus violent des tremblements de terre n'eût pas composé un tableau d'horreur plus effrayant et plus lugubre (cf. A2). Naguère éclatant de couleur et de lumière, grouillant d'une activité intense, le mellâh était à présent morne et désolé, vidé de ses habitants et de ses biens. Dans la grande rue centrale qui traversait tout le quartier de la porte du mellâh jusqu'à la porte du cimetière, magasins et maisons avaient été incendiés. Des tas de débris, des poutres calcinées, et des cadavres traînant dans la boue rendaient impossible tout passage.

[1] Voir la lettre de Regnault envoyée au Quai d'Orsay: «en outre, le sultan s'est inscrit pour 10.000 PH. et ma mission pour 5.000». [Paris, AAE, CPC 221, Fès 23.4.1912], On sait que nombre de ces familles, comme les frèresTazi, étaient des descendants de convertis d'origine juive. Leurs voisins musulmans n'ont jamais cessé de le leur rappeler. Les liens de sang y furent-ils pour quelque chose dans ce geste ou s'étaient-ils émus devant le genre de souffrances qui avaient contraint leurs ancêtres à l'apostasie?

Au total, 25 immeubles abritant plus d'une centaine de familles avaient été entièrement détruits et environ un millier d'âmes étaient désormais sans toit.

Mais les pertes ne se mesuraient pas uniquement en vies humaines et en dégâts matériels. Un immense patrimoine spirituel et religieux était parti en fumée. Les synagogues avec leurs objets rituels avaient été profanées et incendiées, les bancs saccagés, les lampes à huile fracassées. Les rouleaux de la Tora qui n'avaient pas été brûlés avaient été déchirés en lambeaux, jetés dans les rues et piétinés. On déplora particulièrement la destruction totale de la bibliothèque ancestrale de la famille Serero, l'une des plus anciennes et des plus riches d'Afrique du Nord qui contenaient des milliers de livres et de manuscrits anciens (B19).

Elmaleh s'installa dans le quartier européen pour vaquer aux blessés qu'il fit transporter à l'hôpital civil de Fès al-Bâli. Deux médecins français furent mis à la disposition des victimes par M. Regnault. Le ministre se souciait du ravitaillement, des soins des blessés, de la prévention des épidémies, de l'assainissement des puits, du déblaiement des décombres et de l'hébergement des familles sans foyers.

Pendant une quinzaine de jours, jusqu'au 28 avril, tous les habitants du mellâh restèrent dans les cours du palais. M. Regnault acheta de la toile pour fabriquer des abris de fortune et l'on procéda à la distribution de nattes à joncs en guise de literie.

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