David Elmoznino-Le premier precheur marocain

PALAIS ET JARDINSLe premier precheur marocain

A l'époque du second Temple, déjà, de nombreux Juifs s'étaient établis au bord du lac Kinnereth Les eaux du lac, douces, transparentes et poissonneuses, attirèrent les nombreuses familles qui tiraient leur subsistance de la pêche. La mer de Galilée, avec ses rivages couronnés de monts azurés d'une grande beauté, exerçait une forte attraction aussi bien sur les habitants du lieu que sur les gens de passage et les touristes.

Dans les années cinquante du vingtième siècle, lors de la nouvelle implantation, une jeune génération de pêcheurs vint s'établir à Tibériade. Répondant à l'appel du sionisme, les tous premiers nouveaux immigrants du Maroc débarquèrent en Eretz Israël avec leurs familles. Ils arrivèrent au pays prêts à prendre part à la construction du nouvel Etat, sacrifiant biens et richesses dans leurs terres d'origine, heureux de mettre enfin le pied sur le sol de la patrie dont ils avaient tant rêvé et vers laquelle tendaient leurs aspirations ancestrales.

Ce fut véritablement une Aliya messianique pure. Leur attachement à Sion et à Jérusalem était, aux yeux des envoyés d'Israël venus organiser leur montée, un sujet d'étonnement constant. Les Juifs du Maroc voyaient se réaliser les paroles des prophètes: "De toutes les extrémités de la terre, les Juifs reviennent reconstruire Eretz Israël." Et, ils sont venus. Venus pour reconstruire.

 Au Maroc, les habitants de la ville de Safi, aux abords des rivages de l'océan atlantique, avaient fait de la pêche un art à part entière. La majorité des habitants de cette ville industrielle se consacraient à la pêche ou travaillaient dans les conserveries : ils étaient employés dans les nombreuses usines de traitement de poissons qui se dressaient dans le port de la ville et dans la zone industrielle de la cité. La fierté de la ville et de sa région était la sardine. La commercialisation de la sardine en conserve constituait la branche principale de l'industrie locale. Les boites de sardines affichant le drapeau marocain, l'étoile verte à cinq branches sur fond rouge et vert, s'exportaient vers le monde entier, y compris Israël et concurrençaient avec succès la sardine portugaise et la sardine espagnole.

Albert Elbaz, le pêcheur, avait passé toute sa vie sur un chalutier portugais qui sillonnait les ports de mer du Maroc. C'était un homme sain, solide et vigoureux aux traits décidés, les mains musculeuses zébrées de profondes cicatrices et tailladées par le travail ardu de toute une vie, le corps immunisé, le teint hâlé et la peau recouverte de taches brunes causées par le soleil brûlant.

En ce jour du 2 mars 1956, Elbaz apprit, comme tous les autres habitants de ce pays, que le Maroc venait d'obtenir son indépendance de la France. Il fut très attentif aux bouleversements intervenus quelques temps auparavant, au mois d'août 1955. Un moment historique où tout bascula au Maroc et dans sa ville natale, Safi.

En l'espace de quelques jours, différents mouvements insurrectionnels nationaux se levèrent et organisèrent manifestations et émeutes contre le pouvoir français. Ils revendiquaient l'indépendance et exigeaient le retour du roi du Maroc, déposé en 1953 et exilé depuis à Madagascar. Ce furent des temps très difficiles et pour les Juifs et pour les Musulmans. La radio diffusait en continu nouvelles, informations et déclarations diverses, expliquant aux habitants soumis à l'état d'exception décrété sur l'ensemble du territoire, la conduite à suivre.

Des officiers français se présentèrent à la maison des Elbaz et leur recommandèrent de verrouiller soigneusement jour et nuit, les lourdes portes en bois du bâtiment qui donnaient directement sur la rue. Il y eut certes une courte période de solidarité entre Juifs et Musulmans. Mais, dans la ville de Safi vivaient également des groupes d'extrémistes musulmans. Des villages des alentours, des musulmans chiites, ainsi que de dangereux activistes d'obédiences diverses, affluaient vers la ville. Lors des prières à la mosquée, les ministres du culte excitant leur auditoire, réussirent à les enflammer et, un vendredi, les fidèles. Des va-nu-pieds et des étudiants, des balayeurs de rues et des fonctionnaires, des portefaix et des agents secrets, des enfants et des adultes jaillirent des mosquées et se répandirent dans les rues.

Comme un troupeau de moutons débridé, ils défilèrent ruisselants de sueur, surexcités et survoltés dans les rues étroites de la ville, les mains armées de haches et de couteaux. Ils hurlèrent et rugirent, dévoilant aux yeux de tous leurs instincts meurtriers et scandèrent : Allahou Akbar ! Dieu est grand ! Si par malheur un enfant se retrouvait pris dans la houle de l'une de ces manifestations, son sort était scellé. Le piège était mortel. La meute sauvage exerça dans les rues étroites de la cité, une pression terrible sur les entrées des habitations. Lorsqu'un portail ne résistait pas à la poussée des déchaînés, cédait et s'éventrait, la horde se ruait en masse à l'intérieur de la maison, égorgeait tous ses occupants sans pitié, saccageait, dévastait et pillait à tour de bras.

Les autorités françaises décrétèrent l'état d'urgence. Le couvre-feu fut instauré dès six-heures du soir. Des soldats sénégalais furent postés aux quatre coins des rues avec ordre de tirer à vue sur tout violateur du couvre-feu. Pendant quelques jours, Juifs et Chrétiens restèrent reclus chez eux. Il y avait grand danger à se risquer dans les rues alors que l'on inhumait encore les morts tombés lors des affrontements. Après la proclamation de l'indépendance, de nombreux Juifs sentirent naître dans leurs coeurs, craintes et inquiétudes quant à leur avenir et à celui de leurs familles. Ils n'avaient plus le choix et décidèrent d'accepter ce que le destin leur dictait, aller en Eretz Israël. Ils se tournèrent vers l'Agence Juive résolus à s'inscrire pour la prochaine Aliya.

Un jour, en plein couvre-feu, Albert vit de la fenêtre de son domicile un jeune marocain jaillir de sa maison et courir en brandissant le drapeau marocain, les soldats tirèrent aussitôt et le tuèrent sur le coup. La décision d'Albert fut prise sur-le-champ, émigrer avec sa famille en Israël.

Le lendemain, après son passage aux bureaux de l'Agence et l'obtention de leur certificat d'immigration pour la prochaine Aliya, Albert réunit sa femme, son fils Léon et ses deux fillettes. Il leur fit part, avec une grande émotion, de sa décision de monter au pays.

"Nous quittons le Maroc pour une ville du bord du lac en Israël, une ville avec des chances de bonne subsistance." leur dit-il.

"Mais papa, notre maison est ici, nous sommes nés ici," lui dit Léon, son fils aîné. "C'est vrai. Mon grand-père et moi-même sommes également nés ici. Mais notre place n'est plus ici ! Nous ne sommes plus les bienvenus. Nous allons tout quitter sans en souffler mot à personne. Notre maison, notre vrai foyer, se trouve désormais en Eretz Israël, là-bas nous vivrons parmi nos frères juifs."

Le bateau Jérusalem se détacha lentement du port et entama sa traversée en direction d'Israël. Dès cet instant, on vit s'activer les gens de l'Agence, les responsables de l'intégration de la Aliya. Ils distribuèrent des cartes d'identité 'Nouvel-immigrant' aux voyageurs tout en s'enquérant de leurs voeux quant à la ville de destination en Israël. Un homme dans la file devant Albert demanda la ville de Haïfa. On lui répondit : "On te met sur la liste pour Ashkélon à un quart d'heure de route de Haïfa." Quant son tour arriva, Albert pria et supplia les fonctionnaires de l'Agence de lui octroyer une maison près de la mer, vu qu'il était pêcheur et que c'était le seul métier qu'il ait jamais exercé, le seul qu'il puisse pratiquer. On lui retourna : "Nous avons pour toi un endroit à un quart d'heure de route de la mer."

Et ils l'envoyèrent à Kiryat Shmona. Lorsque le bateau jeta l'ancre dans le port de Haïfa, les membres de la famille furent frappés par le paysage qui s'offrait à leurs yeux : l'image majestueuse du Mont Carmel auréolé de lumières scintillantes. Ils respirèrent profondément. Un sentiment de bien-être, d'espoir et d'exaltation de l'âme s’empara de tous – "Nous sommes arrivés en Eretz Israël !"

Les immigrants empruntèrent la passerelle du bateau et allèrent au-devant de la cérémonie de bienvenue officielle en Israël : deux hommes tenant deux longs tuyaux crachant du DDT, les arrosèrent sans prévenir et sans sommation aucune. Aussitôt la mère déploya sa longue robe et en recouvrit les deux fillettes pour les protéger. Albert qui tenait la main de son fils, la lâcha prêt à s'élancer contre les agresseurs. Il était très fâché, voyait rouge et serrait les poings. Ses habits et ses cheveux étaient recouverts de poudre blanche. Si son épouse ne l'avait retenu, il aurait certainement administré une correction bien sentie aux indélicats en réponse à l'offense subie. Du port de Haïfa à Kiryat Shmona, le voyage en camion fut long, fatiguant et éprouvant. La plupart des émigrants se couchèrent sur leurs bagages et s'endormirent. Albert, n'arrivait pas à fermer l'oeil malgré la fatigue accumulée. Les mêmes pensées tourbillonnaient dans sa tête. Il se mordait les lèvres à chaque nouvelle flambée de colère et au souvenir de l'accueil cordial et chaleureux qu'on leur avait réservé. D'ores et déjà il ne croyait plus un mot des affirmations sorties de la bouche du fonctionnaire chauve et trapu.

Debout à ses côtés dans le camion, un homme âgé, tenta de lui apporter réconfort et courage en disant : "Ils vous ont promis un endroit près de la mer, ils tiendront parole".

Lorsque dans la nuit ils arrivèrent engourdis et endoloris à Kiryat Shmona, Albert sauta du camion, regarda autour de lui, cherchant la mer. Rien. Pas même une odeur de mer. Il remonta aussitôt dans le véhicule et s'y incrusta avec sa famille. Rejetant par principe toute concession, il refusera obstinément de le quitter et de rejoindre les autres immigrants. Enfant, il avait fréquenté l'école de l'Alliance de Safi et parlait couramment l'hébreu. Il n'eut aucune difficulté à exprimer aux fonctionnaires la nature de ses doléances et de ses souhaits. A l'écart, observant la scène, se tenaient des policiers, l'inspecteur Azoulay à leur tête, se gardant de s'immiscer dans les décisions des employés de l'agence. L'inspecteur Azoulay, ému, écoutait les propos échangés entre Albert et les fonctionnaires. Il en fut très touché. Lui-même était venu du Maroc quelques années auparavant. Il s'adressa à Albert comme à un ami et lui dit : "Albert, je comprends ta colère."

"Monsieur l'agent ! Où est passé le respect dû à l'être humain ? Rien de tel au Maroc, parole donnée parole tenue."

"Albert, Kiryat Shmona est aussi un bel endroit, il y a… de beaux paysages et un très bon gagne-pain." "Ni paysages ni rien du tout ! On m'a promis la mer. La mer ! J'aimerais qu'ils tiennent leurs promesses. En tout honneur, comme des hommes." L'inspecteur Azoulay s'approcha du véhicule et tendit la main à Albert, qui se pencha et embrassa l'officier. Les policiers quittèrent les lieux. Des larmes perlèrent dans les yeux de l'inspecteur. Les policiers reprirent leur route. Albert se retourna, vit sa femme et ses enfants lovés tout au fond du camion, apeurés. Il respira profondément, les regarda au fond des yeux et dit :

"Ne craignez rien ! Nous sommes entre Juifs." Après de longues tractations qui se prolongèrent toute la nuit et la matinée du lendemain, on conduisit la famille Elbaz avec armes et bagages à Tibériade où une cabane en bois de la société Amidar leur  fut attribuée.

La vie n'était pas facile à Tibériade. La chaleur était pesante et dame fortune guère souriante. Malgré tout, Albert aima le lac et le soleil, il savait qu'en bord de mer, tout finirait par s'arranger. Il trouva des emplois occasionnels en ville et occupa ses heures libres à construire une petite cabane sur le rivage du Kinéreth, un abri pour se protéger du soleil brûlant de la journée. Albert étala des feuilles de palmier sur le toit de son refuge en bois. A l'intérieur s'entassaient pêle-mêle un lit en fer de l'Agence-juive recouvert d'une vieille couverture militaire, une table bleue et un tabouret bancal. De vieux journaux tapissaient le sol en terre battue de la bicoque. Quelques cageots en bois de la Tnouva remplis de filets, de cannes à pêche de différentes tailles et d'accessoires divers pour la pêche, étaient éparpillés, sens dessus dessous. Ce tournant, Albert l'avait attendu depuis fort longtemps. La cabane était fin prête, les enfants déjà bien scolarisés et son épouse s'accoutumait peu à peu à leur nouvelle existence. Ils avaient réussi à trouver leur place en Eretz Israël. Il était temps de revenir à sa passion première négligée, la pêche. Avec des morceaux de bois, des chutes de découpes récupérées dans les menuiseries de la ville, il se lança dans la construction de sa future embarcation, tout en se remémorant les souvenirs vivaces du Maroc : son père et ses amis occupés à construire des barques sur le rivage maghrébin. Les images toujours présentes remontaient doucement à la surface. D'après ce qu'il avait retenu des enseignements prodigués par son père et par les constructeurs de bateaux marocains, il fallait procéder étape par étape : d'abord l'ossature, ensuite les veines et enfin l'enveloppe.

En premier lieu, Albert travailla longuement sur une forte charpente en bois, sur laquelle il fixa des lattes de bois souple qu'il recouvrit ensuite d'un gros tissu badigeonné d'un mélange de goudron et de peinture, pour assurer l'étanchéité du bateau et prévenir toute infiltration d'eau. Il travaillait dans le calme et la douceur. Il avait tout le temps du monde devant lui et son labeur sans fin se poursuivait jour après jour. La barque était de petite taille et apparemment dénuée de charme. Mais elle était robuste et imprégnée de souvenirs, de nostalgie et d'amour pour Safi et le Maroc laissés loin derrière lui ; pour son père et sa mère, pour la pêche qu'il pourra enfin reprendre avec une énergie renouvelée, dès que la barque sera enfin prête à être mise à l'eau. Pieds nus, il entamait son travail dès l'aube. Il lançait un premier regard attendri à la mer, plongée à cette heure dans une douce somnolence, enveloppée de couleurs pâles et abandonnée entre les bras de la montagne azurée encore assoupie.

Le matin, il travaillait avec ardeur dans le silence et le calme environnants. A la tombée de la nuit, de nombreux enfants se rassemblaient autour de la cabane, l'observaient, suivaient la progression de son travail et écoutaient captivés, ses récits passionnants qui les transportaient vers des mondes inconnus, lointains et mystérieux.

Pour le revêtement de son esquif, Albert hésitait entre une peinture rouge et verte, les couleurs du drapeau marocain et entre les couleurs de sa nouvelle patrie. Un jour, il remit aux enfants un pot contenant de la couleur bleue et un autre de la couleur blanche et les pria de l'aider à en recouvrir la barque. Pendant qu'ils peignaient, riaient et s'amusaient, Albert, ému, les regardait de ses yeux attendris, brûlés par le soleil: de petits Sabras à la peau couleur miel doré, fruits de brassages et métissages de la diaspora. Ils trouvèrent beaucoup de grâce à ses yeux. Léon, son fils aîné, s'acclimata rapidement à son nouvel environnement. Après l'école, il déambulait pieds nus, engoncé dans de grands pantalons larges et venait prêter main forte à son père sur la plage. Il était solide, sain et vigoureux, ressemblait beaucoup à son géniteur – le visage large, les pommettes anguleuses et des yeux en amande, mélancoliques à souhait. Il avait appris à s'adapter naturellement aux changements et s'entoura rapidement de nombreux amis. Son hébreu s'améliorant, il se lançait dans de longues conversations avec ses compagnons et évoquait en leur compagnie les souvenirs d'enfance du Maroc lointain.

A l'école Léon avait un ami, Nir, bon vaillant et courageux. Un garçon très amusant avec lequel on ne s'ennuyait pas un seul instant. Nir était très différent de Léon-le-brun. C'était un blond aux yeux bleus et Léon ne s’empêchait jamais de lui dire qu'il lui rappelait un oignon. Le brassage de la diaspora n'était pas toujours facile, ni pour les adultes ni pour les enfants. Léon et Nir se lièrent d'amitié, avec la mer en toile de fond. Ils se rendaient tous les jours à la plage après l'école. Ils s'asseyaient et devisaient ou alors, pieds nus, se mesuraient à la course sur le sable fin. Fatigués et en nage, ils pénétraient ensuite dans les eaux froides du Kinnereth pour une courte baignade rafraîchissante.

Un jour, en fin d'après  midi, alors que le disque solaire incandescent descendait lentement à l'horizon, éclaboussant et embrasant le ciel de tonalités rougeâtres et rosâtres, Albert et son fils arrivèrent au bord du Kinnereth. Sa femme, venue assister à l'événement déterminant, un tournant décisif dans la vie de toute la famille, se tenait en retrait à quelques mètres de la scène. Elle venait rarement à la mer et c'était, en l'occurrence, une circonstance exceptionnelle. Albert était heureux de la voir. Dans ses bras, elle portait leur fils Tsion, un tout jeune Sabra de deux mois. Les deux fillettes, intimidées, se cramponnaient à ses pieds, ou s'accrochaient aux pans de sa longue robe.

Albert portait fièrement sur ses épaules le mat et la voile enroulée. Le jeune garçon coltinait la caisse en bois contenant du fil pour les cannes, les moulinets et le harpon muni de sa poignée en bois. La boîte aux appâts se trouvait déjà dans l’embarcation. Derrière eux, les petits Sabras qui avaient suivis la construction de la barque, fermaient la marche. Certains d'entre eux, doutant du résultat, étaient persuadés que l’embarcation ne flotterait pas, que tout ce grand travail avait été vain et que l'entreprise était vouée à l'échec.

Captivés, les plus jeunes parmi les enfants fixaient Albert avec une admiration sans bornes. Après avoir déposé la caisse dans la barque et planté le mat au milieu de l'esquif, Albert et Léon firent glisser l’embarcation qui reposait depuis une bonne année sur un monticule de sable et de gravier, vers l'onde azurée. Les eaux se refermèrent sur la barque en l'enlaçant. Elle oscilla l'espace d'un instant et paru être sur le point de se renverser – mais, d'un geste expérimenté, Albert tira sur les rames et la barque se stabilisa. Elle reposait sur l'eau, semblant reconnaître et retrouver son élément naturel.

Mais bien vite, le vent se mit à souffler avec force. Alors que les vagues écumaient, venaient se briser sur les rochers et menaçaient de le happer de son embarcation, Albert se tenait au milieu de sa barque tel un jeune homme de vingt-ans. Vaillamment, il résista aux lames et surmonta leurs assauts. Il s'éloigna peu à peu du rivage en s'efforçant de cingler vers le large. Assis dans la barque secouée comme une coquille de noix et livrée au gré des vagues qui la harcelaient sans répit, Albert leva un regard interrogateur vers le ciel. A sa grande joie, il constata qu'il n'était pas couvert.

De ses doigts habiles, qui gardaient le souvenir de chaque geste, il attacha les hameçons en fer au fil invisible auxquels il ajouta des bouts de liège qu'il fixa sur toute la longueur de la ligne. A l'extrémité du fil, il accrocha une pierre trouée au centre, destinée à entraîner les lignes au fond de l'eau. D'un tour de main familier, il retrouve le geste aisé du pécheur et lance ses lignes à la mer. Il ne se passe pas un instant sans qu'un poisson ne s'enferre déjà à l'une d'elles. Il ne tarde pas à le voir sauter hors de l'eau. De l'or pur véritable ! Il se penche, réussit à le tirer à lui, le hisse à bord de sa barque. Une seconde plus tard, sa prise reposait… dans le cageot de la Tnouva.

Sur le rivage, ses enfants et les petits Sabras impatients l'attendent dans une mêlée confuse. Ils voient la barque bleue s'approcher et, pressés d'admirer la prise, se précipitent en se bousculant.

Albert tient la lourde caisse contenant le précieux butin dans ses fortes mains, mais les hautes vagues qui inondent la grève l’empêchent d'aborder et éloignent le voilier du rivage. Ce n'est qu'à la troisième tentative que les vagues consentent à se calmer, à le porter et à l'approcher de son but.

Les enfants s'agglutinent et se serrent autour de lui, lançant des cris de joie. Ils l'aident à tirer la barque jusqu'à la concrétion de grains de sable et de gravier. Sa place habituelle depuis une année déjà, Albert se dirige fièrement vers sa cabane, tenant fermement le cageot de la Tnouva. Un grand poisson d'or reposait entre ses mains, une promesse palpable pour monts et merveilles à venir.

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