Meknes-portrait d'une communaute juive marocaine-Joseph Toledano-LA CONSTRUCTION DU MELLAH

LA CONSTRUCTION DU MELLAH

Mais en devenant capitale et en attirant une nombreuse population juive, de Fès, Marrakech, Séfrou, Salé et du Tafilalet, Meknès devait à son tour suivre l'exemple des deux précédentes capitales et avoir son quartier juif séparé. Par commodité; autant que par volonté délibérée de ségrégation. Mais sûr de son pouvoir, il ne crut pas nécessaire, comme ses prédécesseurs à Fès et à Mar­rakech, d'édifier le mellah à proximité immédiate de son palais pour mieux le protéger.

En 1679, il dota la communauté d'un lotissement à l'extrémité de la médina, proche des jardins et des champs de culture, appelé Ryad. Contrairement aux deux précédents mellahs, tout le terrain est propriété des Juifs sans que le Palais ou les notables musulmans y possèdent la moindre parcelle – preuve de la prospérité des membres de la communauté qui assurèrent seuls le finan­cement de sa construction.

Les plans du nouveau quartier, bien que dressés par les architectes du roi, tenaient compte des besoins particuliers et de prescriptions religieuses de sa population, en vertu du principe d'autonomie interne. C'est ainsi que confor­mément à la Halakha, ils incluaient une place centrale pour le commerce et les grandes réunions publiques exception­nelles, El gara dsouk, avec en son centre une fontaine pour la fourniture gratuite d'eau potable venant de sources de la montagne proche du Zerhoun – en plus des puits particuliers dans les cours des maisons. Sans oublier un bain public, le mikvé pour la purification rituelle et les fours publics pour la cuisson du pain selon les prescriptions de la Loi. Les murailles qui l'entourent, en plus de leur fonction de protection, ont une fonction religieuse, faisant du quartier comme une seule cour, (Iroub), pour per­mettre les déplacements et le port sur soi d'objets le jour sacré du shabbat. A cela s'ajoutaient les synagogues, nouvelles ou transférées de l'ancien quartier juif de la médina, toutes privées, le zèle bâtis­seur des grandes familles dispensant la communauté en tant qu'entité, de bâtir et d'entretenir des lieux de culte publics. Les travaux de construction auxquels les Juifs échappèrent dit -on, en versant une forte somme d'argent au souverain – au départ obligation leur aurait été faite de construire de leurs mains leurs mai­sons furent essentiellement menés par des esclaves chrétiens et achevés en 1682. D'ailleurs, ce serait ces esclaves chrétiens  transférés de Fès qui auraient hérité du quartier de la médina évacué par les Juifs, si on se fie au rapport des prêtres chargés par la France du rachat de ses ressortissants chrétiens captifs Pendant ces pourparlers, nous allions plusieurs fois visiter les esclaves fran­çais malades dans les lieux où les esclaves chrétiens se retirent tous les soirs quand leur travail est fini. Ce lieu qu'ils appellent le Kanot (déformation pho­nétique de hanout, magasin) était anciennement la Juiverie, et quand les Juifs l'ont quittée pour se placer là où ils sont à présent, le Roy y a fait mettre tous les esclaves chrétiens .. .On sait que le samedi est aux Juifs ce que le dimanche est aux chrétiens, et que ces gens -là zélés jusqu'à la superstition, aimeraient mieux mourir que de faire le moindre ouvrage en ce jour. Ce jour -là la porte de la Juiverie est toujours fermée et aussi il fallut payer au Maure gardien pour la peine qu'il fait de nous l'ouvrir. Notre logement était préparé dans la maison d'un esclave français qui y avait fait construire cette maison par au­torisation du Roy. Afin d'avoir plus de liberté, il avait choisi ce quartier qui est fermé de tous côtés et où on n'entre que par une grande porte gardée par des Maures et un grand nombre de chiens qui servent de sentinelles pendant la nuit…"

Cette rencontre au mellah avec les esclaves chrétiens, avec les consuls et les délégations européennes venues négocier leur libération, devait amener cer­tains nouveaux riches juifs à vouloir leur ressembler et imiter leur mode ves­timentaire et leur tenue. Ils se heurtèrent à la farouche opposition des rabbins qui, au nom de l'interdiction pour les enfants d'Israël "d'imiter les nations", édictèrent une taqana prohibant de laisser pousser des moustaches et la mèche de cheveux sur le front. Ils se prévalaient également du sultan et de ses conseillers farouchement opposés à toute imitation des chrétiens "qu'ils détestent." Sa construction achevée, le mellah fut intégré dans l'enceinte de la ville impériale par la prolongation des murailles qui enserrent la ville, communiquant avec le quartier des fonctionnaires du Makhzen par la porte de Berrima et séparé par de vastes jardins du Palais Royal et des habitations des hauts dignitaires à Bni Mhmmed.

Quartier au départ spacieux et aéré, le sultan y faisait loger les délégations et ambassades européennes de passage, n'admettant pas dans sa capitale d'ambassade ou de consulat européen permanent. C'est à ces visiteurs, qui même quand ils n'étaient pas exceptionnellement logés dans ce quartier, s'y rendaient obligatoirement pour rencontrer les conseillers juifs du sultan dont nous reparlerons, que nous devons une grande partie de nos informations sur cette période. L'ambassadeur envoyé en 1693 par Louis XIV négocier la reconduction d'un traité de paix, le chevalier Pidou de Saint Olon, le décri­vait ainsi : " C'est un quartier assez grand, mais qui n'est pas plus propre que dans les autres villes. Les Juifs ne laissent pas d'être à l'aise au -dedans et d'y avoir (même) plus de commodités que les Maures eux -mêmes…) La même impression de confort et de prospérité se retrouve dans le témoi­gnage d'un Père Franciscain venu quelques années plus tard, en 1702, né­gocier le rachat de prisonniers français : "Dans le quartier des Juifs les rues sont plus larges et où l'on y voit des boutiques ouvertes garnies de marchan­dises. Mais dans le reste de la ville, les rues sont serrées entre deux murailles avec quelques ouvertures de temps en temps et on n'y voit que des échoppes de pauvres artisans ou de vendeurs de fruits…"

John Windus, venu en 1721 dans la suite de l'ambassadeur de Sa Majesté britannique pour la signature du trai­té de paix, raconte que le sultan les fit loger au mellah, dans l'une des plus belles maisons de la ville que venait de "se faire construire le Naguid et favori du roi, le Juif Moses Benattar…

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