Cimetière de Bab Ftouh vers 1930
Cliché Léon Sixta. Dar-el-Ghlaoui. Fès (Médina). Éditions Maroc-Islam

« … Il faut avoir le courage de remonter des pentes si délicieusement lisses pour oser affirmer que si les cimetières musulmans sont beaux, ils le sont plus que de la beauté que nous leur supposons …
La loi du moindre effort a déterminé leur emplacement aux portes de la ville et souvent dans la ville même ; c’est elle aussi qui a présidé aux capricieux désordres des pierres funéraires sur le sol tiède …
Ici tout le monde se promène, s’assied, converse et rit autour des tombeaux …
Les femmes y mènent leurs enfants en habits de fête, et des musiciens obsédés y grattent tout au long du jour leur guitare à deux cordes.

Ce qui nous séduit dans les cimetières musulmans, qu’ils soient ceux de Fès, de Rabat ou de Salé, ce n’est pas leur simplicité assortie à la majesté de la mort, mais c’est bien que la mort rassurante n’y revêt aucune majesté, et qu’elle semble, prolongeant les vivants, participer de leur aimable nonchalance. Petites tombes au ras du sol sous lesquelles on devine encore la forme du corps allongé, terre jetée sur un dormeur par plaisanterie, vous dont les plus riches n’ont sur leurs stèles que des palmettes, une date, parfois, rarement un nom, vous qui au lieu d’une couronne raidie de perles et d’inscriptions ne portez dans les beaux jours que le poids léger et tiède des jeunes femmes… »

Texte de Rémy Beaurieux. Journaliste et professeur à l’Institut des Hautes Études Marocaines jusqu’à sa révocation par le gouvernement de Vichy. Il est interné au cours de la guerre, en 1942-1943, pour résistance au gouvernement de Vichy.

(Je n’ai pas retrouvé la référence du texte de Beaurieux. Il a dirigé les revues MarocLa vie marocaine illustrée et a publié des chroniques dans le quotidien Maroc matin. Le texte est probablement issu d’une de ces revues).