Les veilleurs de l'aube-V.Malka-Vous gens du Maghreb (Atem Yotsé Maarav)

Il convient d'évoquer ici un point d'histoire. La ren­contre entre ces juifs que l'historiographie juive appellera megorachim (expulsés) avec les tochavim (les juifs autochtones) ne sera pas un long fleuve tranquille, loin s'en faut. Querelles incessantes, controverses théologiques et juridiques (halakhiques), accusations réciproques : un véritable schisme, de caractère religieux, social et culturel, un réel choc culturel sépare leurs communautés. On ne prie pas dans les mêmes synagogues. On ne se fréquente pas ou très peu. Les uns et les autres n’ont pas, par exem­ple, la même appréciation de ce que signifie une viande casher. Le conflit doctrinal sur ce point en particulier – nombre d’historiens l’évoqueront – durera d’ailleurs des siècles. A peine se considère-t-on comme appartenant à la même religion. Les récits légendaires racontent que si, d’aventure, tel jeune homme appartenant à une famille d’expulsés épousait une jeune femme de la famille des juifs autochtones, on considérait le jeune homme comme décédé et on en prenait ostensiblement le deuil. Certains gardent encore le souvenir de ce que, dans leur enfance, au mitan du xxe siècle, les juifs d’origine espagnole trai­taient leurs coreligionnaires autochtones de forasteros et il ne s’agissait pas là d’un compliment ou d’un titre de noblesse.

Quel rapport avec la musique ou la liturgie synagogales ? Il y a un domaine où les juifs venus d’Espagne vont s’imposer totalement et en très peu de temps : celui des mélodies synagogales et des airs liturgiques.

Voici des hommes et des femmes qui, vivant en sym­biose intellectuelle avec les maîtres de la musique anda­louse, ont adapté ces airs dans leurs prières, dans leurs chants quotidiens, dans leurs rites religieux et jusque dans leurs élégies.

La confrontation entre les airs de ces juifs venus d’une civilisation relativement raffinée et ceux que chantaient les juifs installés dans ces régions depuis longtemps était par trop inégale. D’un côté, des musiques agréables, riches, variées, sophistiquées, créées en commun par des groupes de poètes et de musiciens expérimentés ; de l’autre, des airs simples, monocordes, sans grande invention et souvent répétitifs. D’un côté, des musiques créées pour servir d’accompagnement à chaque heure de la journee  et de la nuit et épousant toute la palette des sentiment׳, qu’un homme peut éprouver : de la joie à la mélancolie, de la tendresse à l’exaltation, de l’amusement à l’allégresse, de la méditation à l’espérance. Le tout obéissant à des règles telles que l’andante ou l’allegro. Oui, assuré­ment, la musique andalouse est un trésor et ce trésor va balayer comme fétu de paille les airs sur lesquels les juifs autochtones psalmodiaient plus qu’ils ne chantaient vrai­ment leurs textes religieux, leurs rituels et leurs prières.

Si bien que, très vite, ces airs musicaux prennent vérita­blement possession de la quasi-totalité de la liturgie des juifs du Maroc. Ces mélodies vont les accompagner dans leurs errances. Elles sont aujourd’hui devenues presque une sorte de repère identitaire. A Paris et à Lyon, à Anvers et à Genève, à Montréal et à Madrid, ces airs perpétuent une histoire et une mémoire. Dans certaines synagogues françaises, même les juifs ashkénazes ont désormais appris à chanter tel texte des psaumes selon des airs des modes andalous Istihlal (qui, à l’origine, chante l’éveil de la lune) ou Ghribt el Husayn (qui s’extasie devant le beau et le merveilleux). Il serait sans doute exagéré de pré­tendre que ces airs sont chantés selon les règles que connaissent les vrais amateurs de cette musique. Détachés de leur lieu de naissance, ils se sont peu ou prou dété­riorés, altérés. Les fidèles chantent sans savoir en vérité ce qu’ils chantent. De plus, la mémoire n’a gardé que les airs simples ; en route se sont perdus des airs complexes ou sophistiqués… Il arrive aussi que tel air de la musique andalouse, en pénétrant dans la sphère et les rites de la synagogue, subisse, de manière incompréhensible, une mutation. Sans qu’on puisse expliquer aujourd’hui ni quand ni comment de telles transformations se sont pro­duites. « C’est l’oubli et l’ignorance – dit aujourd’hui Haïm Louk – qui sont responsables de ces altérations. »

Vous gens du Maghreb (Atem Yotsé Maarav)

O vous, gens du Maroc, hommes de foi,

Soyez nombreux à glorifier Dieu, en ce jour de Mimouna.

C’est ainsi, au Maroc, depuis les temps anciens,

Que s’expriment les juifs, bénissant leurs amis :

Réussis donc, mon frère, sois heureux et prospère !

Les enfants du pays, selon leur tradition,

Jusqu’à nos jours encore, en terre marocaine,

Offrent aux juifs de beaux cadeaux.

Juifs et Arabes, tous réunis,

Chantent en chœur, l’âme réjouie.

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