Le camp de Mazagan Révolte Populaire du Judaïsme Marocain-Michel Knafo

Le camp de Mazagan

Révolte Populaire du Judaïsme Marocain

S'il est des épisodes douloureux, auréolés d'héroïsme dans l'histoire d'Israël, des épisodes de révolte populaire et de foi – l'histoire du camp de transit de Mazagan n'en est pas un des moins glorieux.

Fin 1955, le combat du peuple marocain pour son indépendance atteignait son paroxysme. Le terrorisme paralysait les villes, et l'Armée Nationale de Libération livrait ses premiers combats. Ce fut également l'année record de la Alyah du Maroc, atteignant 3 à 4000 immigrants par mois. L'activité sioniste aussi battait son plein.

A 25 kilomètres au sud de Casablanca, se trouvait le camp de transit Kadima (appelé par les juifs du Maroc le Camp de Mazagan), capable d'accueillir 1500 immigrants pour un court séjour avant leur embarquement pour Marseille. Les passeports étaient visés et tamponnés aux bureaux de l'Agence juive Kadima. Les autorités du Protectorat n'ayant jamais permis à l'Agence d'agir sous son nom, elle s'était servie depuis la légalisation de la Alyah en 1949, de la couverture d'une organisation philanthropique de la communauté juive ashkénaze au Maroc, Olam Katan – kadima. La Alyah légale s'est poursuivie au cours des premiers mois de l'indépendance du Maroc, proclamée le 2 mars 1956, jusqu'à la fermeture des bureaux de Kadima à Casablanca en juin de la même année. Les émissaires d’Israël et les activistes locaux devaient alors déployer les plus grands efforts pour permettre, même après l'arrêt brutal de la Alyah légale, le départ de tous les immigrants du camp.

Il faut souligner, en particulier à cet égard, le rôle joué par Baroukh Douvdévani, le responsable à l'Agence Juive de la Alyah d'Europe et d'Afrique du Nord et par Mandel Vilner, le responsable des relations avec la police des frontières, qui devaient réussir à poursuivre la Alyah malgré l'interdiction officielle. Grâce à leurs efforts et également à ceux d'Amos Rabel, le chef du bureau de Kadima, du secrétaire général David Moyal, des émissaires Arié Abrahami, Yaacov Hassan et de nombreux activistes juifs marocains, les départs ont pu se poursuivre sous différentes formes: passeports collectifs, passeports individuels, ordres d’embarquement, etc… Ces arrangements s'étaient fait avec l'accord des autorités du port et de la Compagnie de navigation française Paquet. Près de 13.000 juifs ont ainsi pu quitter le Maroc jusqu'en octobre malgré l'arrêt officiel des activités de l'Agence Juive.

Les derniers jours d'activité du camp de mazagan Moché Arnon (Hababou) raconte: "A la suite de la fermeture presque hermétique du port de Casablanca, nous avons commencé à diriger les immigrants vers Tanger. Cela ne devait pas pour autant soulager la situation des olim concentrés à Casablanca à la suite de la fermeture du camp de transit par les autorités marocaines. Elles ne cessaient d'exiger de vider le camp, sans tarder, et avaient fini par poster des policiers et des soldats, tout autour du camp, pour en interdire l'entrée des candidats supplémentaires à la Alyah.

De notre côté, nous avions décidé l'évacuation des villages isolés de l'Atlas et de diriger les familles – à un rythme programmé – vers Marrakech.

Quand leur nombre devint suffisant, nous les avons transportées en camions vers le camp de Mazagan.

L'infiltration dans le camp se faisait de nuit à travers des brèches dans les barbelés, avec l'aide des activistes clandestins de Gonen.

Les responsables marocains n'arrivaient pas à comprendre comment le nombre d'habitants du camp ne baissait pas malgré les départs incessants…"

Naftali Elbaz (natif de Boujade, était étudiant à Casablanca. En août 1955, au moment du second anniversaire de la déposition du sultan, il se trouvait en vacances dans sa ville natale, Boujade. Il raconte: "Il y a eu des évènements sanglants dans tout le Maroc. Dans la ville voisine de Ouedzem, des dizaines de Français ont été assassinés, et le même mois fut assassiné le grand-père de Shaul Amor (ancien député du Likoud et ambassadeur d'Israël à Bruxelles.)

De nombreux juifs voulaient monter en Israël, mais la maudite politique de sélection déclarée par Israël leur interdisait de réaliser leur rêve. La communauté juive s'est adressée aux émissaires de l'Agence Juive et leur a demandé avec insistance d'arriver à Boujade. Je me souviens de l'arrivée de Mandel Vilner, Baroukh Douvdévani, Haïm Talmor et Arié Abrahami – alors que le directeur à Casablanca était Amos Rabel et le secrétaire général David Moyal. Au cours de l'assemblée générale, dans une atmosphère de panique, alors que des blindés de l'armée française patrouillaient en ville, nous les avons pressés de nous aider à monter en Israël et de mettre fin à la politique de sélection. Le président de la communauté, Issakhar Elbaz, leur a dit: "Je comprends qu'il y a une procédure, des visites médicales, etc… Je vous demande: qui va faire cela ici?"

Un des émissaires a alors proposé ma candidature et c'est ainsi que j'ai commencé mon activité. J'ai été contraint d'abandonner mes études et de me consacrer à la Alyah des membres de ma communauté. Je dirigeais les familles vers le camp de transit de Mazagan.

En plus de ce travail, j'étais le correspondant local de trois journaux nationaux: "Le Petit Marocain", "Maroc Soir" et "La vigie Marocaine" et délégué du Congrès Juif Mondial pour Boujade et la région.

En raison de mes activités, je me heurtais à l'hostilité de la population musulmane locale. Quand mon activité sioniste fut connue de la police, je risquai l'arrestation.

J'en ai fait part à Haïm Talmor qui m'a suggéré de partir le jour-même pour Paris.

J'ai téléphoné à ma mère pour prendre congé. Elle a pleuré et m'a interdit de quitter le Maroc sans les autres membres de la famille. J'ai alors annulé mon vol et j'ai pris directement contact avec Mandel Vilner. Je lui ai expliqué que ma famille avait quitté sa maison et était dans le dénuement, puis j'ai à mon tour éclaté en sanglots. Vilner, un homme chaleureux, m'a conduit à son domicile et a téléphoné à Paris. A la fin, il m'a donné une note de recommandation pour le directeur du camp, Mr. Liberman. Je suis parti avec ma famille au camp où je n'ai pas tardé à y prendre une position dominante à la direction.

Vilner m'a ensuite demandé de l'accompagner auprès des familles candidates au départ, recueillir les photos et les encourager à rejoindre en masse le camp. Effectivement, au bout de quelques jours, des centaines de familles l'avaient rejoint. J'y suis revenu moi-même m'occuper de leur départ vers Israël. C'était l'époque où le sultan avait autorisé les 6.000 résidents du camp à rejoindre Israël. Par la corruption de fonctionnaires marocains, Mandel Vilner devait réussir à tromper les autorités et à remplacer les partants par de nouveaux arrivés. Le nombre d'habitants du camp était déjà monté à 10.000 alors qu'il était destiné à en accueillir 1.500 au maximum. D'où la propagation de maladies et les risques d’épidémies qui devaient nécessiter la création d'un petit hôpital de campagne, don de la base américaine de Nouaceur. Il y eut nombre de morts, surtout parmi les bébés, en raison des conditions d'hygiène très défectueuses. Dans ces conditions, les autorités marocaines autorisèrent le départ de tous ceux qui se trouvaient dans le camp, fermé définitivement en octobre 1956."

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