Le bateau Egoz – ses traversées et son naufrage-Meir Knafo

Même ce centre était sous la sévère surveillance de la police, et l'entrée en était interdite, même aux journalistes, et spécialement à ceux du journal français Paris Match. Ils tentèrent de toutes leurs forces d'interviewer monsieur Choukroun, mais celui-ci refusa énergiquement. Son refus provenait d'une instruction claire du pouvoir marocain, qui ne voulait pas dévoiler la tragédie, l'existence des corps et leur emplacement.

Dans le centre de rééducation se trouvait aussi l'institut de médecine légale, et le médecin pathologiste responsable, membre de la Croix-Rouge française, déclara que la mort des vingt-deux naufragés fut provoquée des suites d'une noyade. Cabayo n'était pas d'accord avec cette affirmation et resta fidèle à sa première opinion. Il répéta que le médecin pathologiste se trompait, étant donné que tous les morts portaient leur ceinture de sauvetage bien attachée à leur corps et leur visage, au moment où il les trouva, se trouvaient hors de l'eau.

Monsieur Choukroun dit que jamais il n'oublierait ce dont il fut témoin. Le corps d'une femme qui serrait son enfant fut une image dure et inoubliable.

Mr. Tsarfati et Choukroun s'adressèrent à l'officier de police et demandèrent qu'il leur fut permis de transférer les corps au cimetière de Al-Hoceima et de les inhumer dignement selon les traditions de la foi juive – mais l'officier de police refusa énergiquement d'accéder à cette demande.

A ce sujet, il y eut de dures polémiques entre le camp juif et le pouvoir marocain, qui refusait énergiquement de remettre les corps afin qu'ils soient inhumés. Le gouverneur Torres Abdelhalek avait une grande influence parmi les habitants arabes dans toute la région de l'ancien Maroc espagnol, c'est pourquoi l'officier de police de Al-Hoceima ne pouvait pas décider contre son gré. Seulement après des pressions et des humiliations – qui mirent les nerfs à fleur de peau de messieurs Choukroun et Sarfati – l'officier de police accéda à leur demande. Est-ce que ce consentement fut-il la conséquence d'une pression locale ou d'une pression internationale? Ce qui est clair est que, les bonnes relations de monsieur Choukroun, officier supérieur à la retraite de l'armée marocaine, influencèrent favorablement l'affaire, et le jeudi 12 janvier, furent finalement convoqués les deux représentants juifs par le commissaire de police qui leur dit: "bon, prenez les corps malpropres de vos morts et enterrez-les – bien sûr, sous le contrôle policier." Mr. Choukroun fit l'acquisition à Al-Hoceima de linceuls et recouvrit tous les corps, sans leur retirer leurs habits, selon les consignes de police.

Aliah Ben-Ayoun: "les corps des défunts furent transportés par camionnette du "centre" au cimetière juif de Al-Hoceima. Le chemin fut parcouru, un certain nombre de fois, par mon mari Saadia avec monsieur Revah Roach, jusqu'à que furent transportés tous les vingt-deux morts. La scène la plus dure fut la séparation d'un bébé du corps de sa maman – qui le tenait fortement serré – afin de permettre leur inhumation séparément. Sur la main de l'un des corps furent découverts des marques de henné, témoignage d'un mariage qui avait eu lieu quelques jours avant le naufrage. La cérémonie de l'inhumation eut lieu au cimetière à 16:00 environ, et fut effectuée par le rabbin Bénadiva.

La Misguéret décida d'envoyer Itzhak Haliwa, membre de "la branche civile" et adjoint du président de l'assemblée des communautés du Maroc, à l'oraison funèbre: "Le 11.1.1961, j'ai été alerté par Itzhak Adania et Dov Shomroni, qui m'ont raconté que les corps des naufragés d'Egoz ont été retrouvés et transportés à l'institut médico-légal de Al-Hoceima, et que je devais m'y rendre en tant que représentant de la Misguéret et participer à l'inhumation.

Je suis arrivé à Tétouan le 12.1.1961, et de là, ensemble avec les dirigeants de la communauté de cette même ville, Habouko Nahon et Habouko Sarfati, directement au cimetière. Les deux hommes m'ont transmis les photos des défunts prises par un photographe professionnel du nom de Elfassi, appelé dans ce but par le gouverneur de la ville de Tétouan. Je ne sais quand ont été trouvés les corps et je n'ai pas non plus cherché à le savoir.

L'oraison funèbre a été récitée par le rabbin Bibas, également de Tétouan. La cérémonie de l'inhumation a été courte, et y ont participé seulement une poignée de juifs qui étaient arrivés de Tétouan, et parmi lesquels celui qui est aujourd'hui le grand rabbin de la ville de Rishon-le-Tsion, le rabbin Yossef Azran. J'ai transmis plus tard ces photos au docteur Pinhas Katsir, en présence de shlomo Aroh.'

Après avoir accompli toutes les obligations religieuses, messieurs Choukroun et Sarfati et les membres de la confrérie mortuaire religieuse retournèrent le même jour avec les deux camionnettes à Tétouan. Lorsque monsieur Choukroun retourna chez lui, il était encore sous le choc de la vision des corps. Il s'allongea sur son lit et ne reprit conscience que 48 heures plus tard. Sa femme fut prise de panique et fit appeler un médecin qui était un proche parent, et après l'avoir ausculté, tranquillisa madame Choukroun et lui promit que son mari reviendrait à lui dans quelques heures. Le médecin ne bougea pas du lit de monsieur Choukroun, et lorsque celui-ci se réveilla, lui demanda ce qui s'était passé. Après qu'il eut reçu l'explication, il voulut savoir pourquoi sur le visage de chaque mort était affiché un sourire et pourquoi il semblât qu'ils étaient heureux. Le médecin expliqua qu'il s'agissait d'un phénomène connu: lorsqu'une personne meurt de froid, son visage prend l'expression d'une personne souriante. En vérité, il ne s'agit pas d'un sourire, mais d'une contraction du visage due aux douleurs causées par le froid.

Trois jours après qu'il fut rentré chez lui, monsieur Choukroun reçut des menaces téléphoniques disant qu'il serait bientôt assassiné. Les mêmes menaces furent proférées à l'encontre de monsieur Hakoub Sarfati, et elles se poursuivirent pendant deux mois sans interruption. "Nous vous égorgerons et nous liquiderons tout celui qui est lié au sionisme et au judaïsme" disaient ces menaces.

Dans le même temps, fut tué le commissaire de police de Al-Hoceima dans un accident de voiture, alors qu'il était en route vers Al-Hoceima – dans la dangereuse descente de Kétama – et peu de temps après, sur la même route et exactement dans la même descente, fut tué le gouverneur de Al-Hoceima, Torres Abdelhalek, que son nom et sa mémoire soient effacés.

Aussitôt après leur mort, la population arabe commença à parler de conspiration sioniste et que la main du Mossad était derrière ces accidents. Ces rumeurs, qui prenaient de plus en plus d'ampleur, ont provoqué la panique parmi les communautés juives de Tétouan et Tanger. Ils eurent le sentiment d'être désormais les otages du pouvoir marocain, ignoraient l'existence d'un réseau clandestin juif, déployé sur l'ensemble du Maroc, et qui les aiderait à arriver illégalement en Europe. Et alors commença le départ des juifs de la région vers l'Espagne. Cette atmosphère de panique provoqua aussi le départ de centaines de juifs de la région et leur montée en Israël.

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