Joseph Toledano-L'esprit du mellah-humour et folklore des juifs du Maroc
Qdou –quad fmmou….il vaut ce que vaut sa bouche
Le Talmud dit a peu pres la meme chose "quand un homme ouvre la bouche — on sait qui il est" d’où ce conseil de faire attention à cette arme redoutable qu'est la langue, qui est, dit un dicton frabcais. le seul instrument qui s'aiguise avec l'usage.
El foum elmsdoud Dans une bouche fermée les mouches
ma tkhel feh dbbana ne rentrent point
En una boca cereda no entran moscas Qui ne parle pas trop ne risque pas gros
- El hiot — boudnihoum Les murs ont des oreilles
Ce proverbe était aussi très connu sous son énoncé hébraique qui dit exactement dans les mêmes termes "ouznaim la kir".
Il faut se méfier de tout et ne pas croire qu'un secret peut être gardé à jamais, tout finit par se savoir car même les murs ont des oreilles.
- Eli ma hadersi — Ma sm'ou rbi Qui ne parle pas — Dieu ne l'entend pas
Si l'excès de parole est un défaut, le silence est loin d'être toujours d'or, car celui qui ne parle pas ne sera pas écouté, Hillel déjà disait dans le Pirké Abot "si je n'ai pas soin de moi qui aura soin de moi?". Il faut d'abord faire son propre effort: aide-toi le ciel t'aidera.
LA LOTERIE DIVINE
Au Mellah de Casablanca, le plus ouvert à l'influence occidentale, on jouait beaucoup à la loterie et ce petit rabbin n'oubliait pas après chaque office d'adresser au ciel une prière spéciale: "faites que je gagne cette semaine le gros lot". Les semaines passèrent et notre rabbin ne se fit pas plus jeune jusqu'à ce Dieu un jour le ramena à lui. Arrivé au Paradis il dit à Dieu "Que de fois j'ai prié pour ce gros lot pourquoi me l'avoir si obstinément refusé?
— Mais si, lui repondit-on du Ciel, on voulait te faire gagner mais jamais tu n'as acheté de billet!
Eli ma a 'ndo kher f-mkanou Qui n'a pas de biens à la banque
Ya'mlou a'la terf el-sanou Qu'il en ait au moins sur la langue
L'insolence est incompatible avec la pauvreté, humilité oblige, le pauvre doit au moins savoir flatte les riches. Comme dit Racine dans les Plaideurs: "Mais sans argent l'honneur n'est qu'une maladie". A rapprocher du proverbe français: qui n'a pas d'argent en bourse — qu'il ait du miel en bouche.
- Li skssini— Hsen mliya 'tini Politesse — Vaut mieux que richesse
Textuellement: celui qui demande de mes nouvelles me fait plus de bien que celui qui me donne Prendre des nouvelles relevait de tout un cérémonial surtout entre femmes. Il y avait une progression respecter: comment vas-tu? comment va ta santé? comment va ton mari? comment vont tes enfants Comment va X (si on sait qu'il est malade ou qu'il est en voyage). Et ce n'est qu'après avoir poliment répondu à toutes ces questions qu'on pouvait les reposer à son tour et exactement dans les mêmes termes. Ce n'est qu' après ces échanges de salutations que l'on peut commencer la conversation. I moindre manquement était considéré comme une grave injure, une atteinte à l'honneur, une marque de grande impolitesse.
- Blsano idbah Avec sa langue _ defie
- Ouakha ma'ndo mno rbah . Même s'il n'en tire aucun profit.
La langue est plus acérée qu'une épée et peut tuer avec autant de tranchant. Le pire est celui qui defie gratuitement, qui tue par sa langue uniquement pour le plaisir, même s’il n’en tire aucun bénéfice pour lui-même. C’est au fond la définition même de la médisance et de la diffamation, cette médisance que le Talmud met au même plan que le serpent qui séduisit Eve et chassa du paradis le genre humain. Mais l’amour du commérage est plus fort que tous les avertissements. Le Roi Salomon le savait bien qui a placé cette phrase en tête de ses Psaumes: “heureux l’homme qui ne suit pas les conseils des méchants et ne prend point place dans la société des railleurs”. A ce critère il y avait peu de bonheur au Mellah. . .
Liyitouqal flouzah — mayouza’ Ce qui est dit en face ne blesse pas
Il vaut mieux entendre ses quatre vérités en face que des ragots derrière son dos. Et quand le pot- aux-roses est découvert — et nous l’avons vu, tout finit par se savoir il faut s’excuser, exercise on ne peut plus périlleux. . .
- Klam el a’ib — sa’ib Médire — c’est dur
Outleb smaha sa’ib mno Mais demander des excuses — encore plus
Dans une société à l’amour-propre ombrageux, s’excuser était considéré non comme une preuve de courage moral, mais comme une preuve de faiblesse de caractère, une véritable humiliation. Comme il etait difficile d’obtenir des excuses, on contournait la difficulté en faisant ses excuses à une tierce personne qui les portait à la personne offensée, l’essentiel était de ne pas s’abaisser à s’excuser devant la victime.
Msat el hmmam
Zabet ma ta 'oued a 'm
Aicha fue al bano
Truxco de contar un ano
Une heure au bain public
Un an de commerages-chic
Aicha au bain s'en est allee
Elle a ramene quoi raconter une annee
Dans l’ancien temps peu de familles possédaient une salle de bains et le bain public en tenait lieu. ! C'était pour les femmes une occasion unique de se rencontrer entre elles sans risquer d’être surprises par les hommes, et la nudité des corps aidant, on “désahabillait” tout le monde, le bain devenant la boursee des commérages.
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