Agadir-Joseph Dadia

 

Car il n’est pas de souvenir pour le sage avec le fou, en pérennité, parce que déjà aux jours qui viennent tout est oublié.

Eh quoi ! Le sage meurt avec le fou ! Ecclésiaste 2 :16

(Traduction La Bible Chouraqui).

Ce qui me frappe, c’est la rapidité avec laquelle les jours d’antan ont traversé le temps de notre enfance et de notre jeunesse. C’est comme le D.V.D. d’un film que l’on déroule à grande vitesse pour arriver à la séquence que l’on souhaite regarder. Je n’ai pas eu le temps de connaître un peu mieux chaque membre de la famille. Les parents, les oncles et les tantes, tant de la branche paternelle que de la branche maternelle, nous ont vite quittés, nous laissant de doux et de bons souvenirs. Leur bon renom nous accompagne partout. Nous, leurs descendants, que sommes-nous devenus, dispersés çà et là, en Israël, au Maroc, en France, au Canada et aux U.S.A. ? Forcément, les distances émoussent les sentiments. Les rencontres occasionnelles réchauffent et animent le temps d’un événement nos rapports fraternels, notre amitié et notre solidarité. Mais, à la longue, qu’adviendra-t-il de nos propres descendants ? Il y a pourtant des familles qui sont restées intactes, groupées dans la même ville, voire même dans le même immeuble, avec le grand- père, la grand-mère, et toute une ribambelle de mômes, avec leurs parents, les proches et les collatéraux. Quand je vois cela et quand je l’écris, dois-je me révolter ? Etre jaloux ou envieux ? Non ! Certainement non et mille fois non ! Je me tais tout simplement. Garder le silence est la métaphore du sage qui accepte la volonté de D. ieu, comme le soulignent des passages de Pirqé Abot, les Maximes de nos Sages et Maîtres, que nous lisons chaque semaine dès le premier shabbat après Pessah jusqu’à la veille de Shavouot, avec Michlé. Les érudits étudient aussi le traité dit Abot de Rabbi Nathan, groupant 41 chapitres. Bien plus tard, le livre de Job. Tout cela pour nous montrer la bonne voie à suivre pour rester sous la présence de la Shékhina.

Pirqé Abot/Les Maximes des Pères, « Une gnomologie (nomologie) poétique qui a trouvé place dans la Michna », dans Nézikim, nom du quatrième Ordre sur six. Pirqé Abot ne fait aucune référence à un commandement de la Torah. C’est un ensemble de réflexions, d’apophtegmes, d’adages et d’aphorismes. Soixante-dix Sages d’Israël environ ont participé à la rédaction de ce Traité, du deuxième siècle avant l’ère commune jusqu’au début du troisième siècle. Le nom de chaque auteur figure dans Les Maximes des Pères. Ce Traité comportait à l’origine cinq chapitres auxquels un sixième chapitre a été ajouté. Sa lecture se fait un shabbat, et il y a six shabbatot entre Pessah et Shavouot.

Cf. Commentaires du Traité des Pères – Pirqé Abot, traduit de l’hébreu et annoté par Eric Smilévitch, Verdier/poche, Editions Verdier 11220 Lagrasse, 1990. L’auteur se réfère dans ses commentaires à Maimonide, Rachi, Rabbi Yona, le Maharal de Prague, Rabbi Hayim de Volozyne. Il explique : « Recueil des sentences des sages d’Israël qui succédèrent aux prophètes de l’époque biblique, les Pirqé Abot furent en effet l’objet, au cours des siècles, du plus intense travail de commentaire que connut la tradition juive. Cf – Les Maximes des Pères du Rabbin et Officier d’Académie Moïse SCHUHL ; – Benjamin Gross : Maximes des Pères.

– Rabbi Menahem Ménaché : Leb Abot Hachalem ; – Rabbénou Yossef Knafo : Pirqé Abot. ; – Rabbénou Chalom Abihssira, auteur du livre Kaf Ahat, où se trouve un commentaire de Pirqé Abot de Rabbénou Ya’aqob Abihssira ; cet ouvrage m’a été offert par mon très regretté ami Ya’aqob Abihssira Zal -Rabbi Chémouel dé Ouzéda (Safed 1540), disciple de Haari Zal et de Rabbi Haïm Vital : – Midrach Chémouel, commentaire de Pirqé Abot ; d’autres livres de lui : Iguérète Chémouel sur Ruth ; Lchcmc Dim'â sur Eikha. Je n’ai aucun ouvrage de lui.

Mon oncle Mardochée a été un homme posé, intelligent, modéré et sérieux. La semaine, il était accaparé par son commerce de poissonnier en compagnie de son frère Shim’on et de leurs ouvriers juifs et musulmans, en relation permanente avec leur frère Meyer à Agadir. La semaine l’oncle Mardochée portait de simples vêtements pour se rendre à la poissonnerie familiale, dont l’origine remonte au grand-père Hanania, président et fondateur à Marrakech de la Corporation des Poissonniers. Je le voyais sur son vélo, concentré, pour arriver au plus vite prendre sa place derrière l’étal pour couper le poisson et servir les nombreux clients, secondé en cela par son frère. Le vendredi soir, à l’heure de l’accueil de La Reine Shabbat, fille de Yahvé, et fiancée d’Israël, l’oncle Mardochée était un autre homme. Bien rasé, bien parfumé et bien habillé. Ce, grâce à Marie, son épouse. Tsadéqet guémoura. A jamais inoubliable. Toujours dans notre mémoire à tous. Je rencontrais souvent mon oncle Mardochée sur son vélo dans telle ou telle rue du mellah. Un jour je l’ai croisé au carrefour de la rue A’fir et de Derb Tabac. Il arrêta son vélo et nous nous embrassâmes. Il tenait à savoir si tout allait bien pour moi et que je ne manquais de rien. Que tout allait bien pour maman, sa jeune sœur, et pour mon père, mes frères et ma sœur. Rassuré par mes paroles, il remonta sur la selle de son vélo, et d’un coup de pédales, le voilà déjà sous le porche de Rabbi Mordekhay Bénattar, fondateur et bâtisseur de notre mellah, frontière incontournable entre notre quartier et le monde extérieur, avec ses multiples secteurs, dont principalement la Médina et ses faubourgs, avec Jamaa El-Fna et Mouassine, et, bien sûr, la Nouvelle Ville européenne, le Guéliz.

Un samedi après-midi, je rencontrais sur mon chemin mon vénéré et inoubliable maître, Rabbi Nissim Bénisty, ami très proche de mon oncle Mardochée. Nous habitions alors Derb Talmud Torah et Rabbi Nissim venait de chez lui, Derb Ben Simhon. Un jet de pierres séparait nos maisons respectives. Je venais de le croiser près d’une fontaine d’eau, « trompa », qui est juste en face de la synagogue des Toshabim/Autochtones, dite Slat Talmud Torah, à laquelle la Synagogue dite Slat La’jama, celle des Expulsés d’Espagne, lui tourne le dos en ce point là.

Aljama : ־ Lieu où se regroupaient les Juifs en Andalousie ; – Ensemble des Institutions sociales, religieuses et judiciaires. Toutes les Juiveries en Andalousie n’étaient pas des aljamas. Là où il y avait une synagogue, il y avait un miqveh

J’ai rencontré mon maître Rabbi Nissim Bénisty devant le magasin/épicerie de Rabbi Shlomo Elbhar, le père de mes amis Itshaq et Hanania.

Mon maître Rabbi Nissim Bénisty me pria d’aller chez ma tante Marie, pratiquement à l’autre bout du mellah, lui chercher une assiette des œufs de poisson dont il était très friand. Peu de temps après, pendant qu’il m’attendait à la même place, je reviens avec une grande assiette débordant d’œufs de poissons cuits au jus de safran. Je revois encore cette assiette. On eût dit une belle omelette. Ma tante Marie était un cordon bleu comme l’autre tante Marie, l’épouse de mon oncle David. La tante Fiby, l’épouse de mon oncle Shim’on, était aussi une grande cuisinière.

Je n’aimais pas et je n’aime pas les œufs de poisson. Mais où les trouver aujourd’hui ?

Agadir-Joseph Dadia-page 20

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