La persecution anti-juive au Maroc sous le regime de vichy-Joseph Toledano

1940-1943

Joseph Toledano

Cet espoir avait sur quoi se baser. Le sultan, encouragé discrètement par les Américains qui ravitaillaient le pays, n'était plus en si grande position de faiblesse qu'en 1940, la France ayant maintenant besoin du Maroc autant sinon plus que l'inverse.

A plusieurs reprises deja, le souverain avait manifeste so mecontentement et son opposition aux mesures contre ses sujets juifs egaux, a ses yeux, avec ses sujets musulmans, au point d'inquieter les autorites de Vichy comme le rapportait une depeche du representant de l'agence Francaise d'Information et de Presse, Roger Touraine, intitulee "dissidence" et datee du 24 mai 1941:

Nous apprenons de source sure que les rapports entre le sultan du Maroc et les autorites francaises se sont sensiblement tendues depuis le jour ou la Residence appliqua le decret sur les mesures contre les juifs, en depit de I'opposition formelle du sultan.

Le sultan s'etant refuse a faire la difference entre ses sujets, tous, disait-il, "loyaux". Vexe de voir son autorite bafouee par les autorites francaises, il decide de montrer publiquement qu'il desavouait les mesures contre les juifs. II attend la fete du Trone pour le faire. A1'occasion de cette fete, le sultan a l'habitude d'offrir un grand banquet auquel assistent les officiels francais et les personnalites eminentes du monde indigene. Pour la premiere fois, le sultan invita au banquet les representants de la communaute israelite, qu'il placa ostensiblement aux meilleures places, voisins immediats des officiels frangais. 

Le sultan avait tenu a presenter lui-meme les personnalites israelites presentes. Les officiels frangais ayant montre leur etonnement a la presence d'israelites a cette reunion, le sultan leur declara: "Je n'approuve nullement les nouvelles lois antisemites et je refuse de m'associer a une mesure que je desapprouve. Je tiens a vous informer que, comme par le passe, les israelites restent sous ma protection et je refuse qu'aucune distinction soit faite entre mes sujets". Cette sensationnelie declaration a ete vivement commentee dans toute la population frangaise et indigene.

Les echos de cette opposition etaient, malgre la censure, parvenus jusqu'en France metropolitaine. Cinq jours plus lard, le 29 mai 1941, le rapport des Services Generaux de Vichy en faisait etat dans une note confidentielle sur les reactions juives en France, face a l'aggravation de la politique anti-juive du gouvemement de l'Etat Francais:

Les milieux israelites de la zone libre constatent avec depit que le gouvernement francais est mene par les evenements et la situation economique a s’engager resolument dans la voie de la collaboration.

Les Juifs manifestent beaucoup de crainte en ce qui concerne le traitement futur et estiment a peu pres certaine une aggravation de leur sort. Selon eux, 1'unification du Statut des Juifs dans les deux zones est exigee par les autorites allemandes au titre de la collaboration.

Par ailleurs on pretend a Vichy, sur foi de source anglaise, que le sultan du Maroc s'est refuse a appliquer la legislation frangaise anti-juive sous pretexte qu'il ne voyait aucune difference entre ses sujets. On loue le bon sens du souverain et on declare ouvertement que le gouvernement frangais pourrait bien lui demander une legon de tolerance.

Malgre le desagrement et l'inquietude que pouvait causer l'attitude rebelle du sultan, le vrai pouvoir restait toujours a la Residence qui persistait dans sa politique de louvoiement dans l'application de la legislation anti-juive, dans la mesure ou elle n'allait pas trop a l'encontre des interets bien compris du protectorat. Ainsi, si pour ne pas laisser trainer dans les rues les enfants juifs, les Talmud Torah et les ecoles de 1'Alliance continuaient a fonctionner sans accrocs. Mais d'un autre cote, on signalait qu'a Mazagan l'atelier de menuiserie, destine a l'enseignement professionnel des eleves juifs, venait d'etre requisitionne en faveur d'une institution catholique pour y ouvrir un cours d'enseignement religieux. La subvention aux ecoles de l'Alliance continue a etre regulierement transferee et la Residence accorde meme, exceptionnellement, d'engager six nouveaux instituteurs, pourtant porteurs de passeports etrangers, de Syrie, Iran et Irak.

Le 10 juin 1941, le general Nogues informait l'amiral Darlan, Secretaire d'Etat aux Affaires Etrangeres, de la stricte application en matiere economique des clauses du Statut, notamment en ce qui touche les entreprises concessionnaires de services publics, semblant s'excuser de ne pas avoir fait plus, faute de plus de "candidats" a l'epuration:

L 'execution de ces instructions a ete verifiee effectivement par les administrations chargees des ces organismes et entreprises… Les comptes-rendus qui ont ete adresses au Secretariat General du protectorat font ressortir que pour l'ensemble des entreprises, une decision avait ete prise a l'encontre d'un Juif en qualite de directeur dans les societes d'electricite de Mazagan et Marrakech.

Trois jours plus tard, il eut l'occasion de faire mieux. Devant un de ses subordonnes qui lui faisait part de son embarras pour remplacer son personnel juif, il se prononca pour l'application la plus stricte des textes, ajoutant que cela lui paraissait dans ce cas concret d'autant plus necessaire qu'il s'agissait de " corps et de services de guerre… Des craintes sur lesquelles il etait inutile d'insister, en particulier du fait des tendances anglophiles de I'element israelite marocain…"

Si le Resident, dont les ultras continuaient a denoncer a Vichy la "tiedeur" pour les ideaux de la Revolution Nationale, en raison des origines juives de son epouse, appliquait avec tant de zele le premier Statut juge trop modere, qu'en sera-t-il quand le nouveau Statut adopte en France sera etendu au Maroc?

Peu confiants dans les intentions du Resident, se basant sur les manifestations de bienveillance venues du Palais, les juifs redecouvrent les vertus positives de la dhimma qu'ils ne cherchaient qu'a fuir depuis des decennies. Ce renouvellement des manifestations de bienveillance du sultan envers ses proteges juifs finissait par inquieter le Commissariat aux Affaires Juives qui se toumait vers les Affaires Etrangeres:

Par note du 29 mai 1941 de I'Inspection generate des Renseignements Generaux sur foi d'information de source anglaise, le sultan du Maroc se refusait d'appliquer les lois francaises anti-juives, sous pretexte qu'il ne voit aucune difference de loyalisme entre ses sujets. J'ai I'honneur de vous demander si ce renseignement est confirme par les Affaires Etrangeres.

Dans ce retour a son aile protectrice, les presidents des Comites des Communautes de Meknes, Fes, Rabat et Sale sollicitent, isolement, faute d'organe representatif central, les pachas et leurs amis notables locaux pour interceder en leur faveur, en recourant au ceremonial traditionnel, tombe en desuetude, d'imploration zuaga, incluant sacrifice rituel de taureaux face a leur residence. A Marrakech, les liens etroits des chefs de la communaute avec le tout puissant pacha n'avaient jamais cesse, comme l'expliquait le chef de la Region, le colonel de Hauteville:

Pendant la periode ou l'esprit de Vichy a inspire au Maroc un antisemitisme administratif qui dans d'autres villes devenait actif les juifs de Marrakech ont beneficie de la protection du pacha El Glaoui qui a su tres adroitement les defendre et leur epargner les consequences des lois raciales. La communaute de Marrakech a donc souffert au minimum, tant dans ses interets que dans son amour- propre pendant la periode s'etalant de l'armistice au debarquement americain.

La persecution anti-juive au Maroc sous le regime de vichy

1940-1943

Joseph Toledano

הירשם לבלוג באמצעות המייל

הזן את כתובת המייל שלך כדי להירשם לאתר ולקבל הודעות על פוסטים חדשים במייל.

הצטרפו ל 227 מנויים נוספים
יוני 2021
א ב ג ד ה ו ש
 12345
6789101112
13141516171819
20212223242526
27282930  
רשימת הנושאים באתר