Culte des saints musulmans dans l’Afrique du Nord et plus spécialement au Maroc

Edouard Montet

Noms donnés aux saints.

Dans l'Afrique du Nord, des noms variés et nombreux sont employés pour désigner les saints.

 Le plus répandu, au Maghreb, à l’exception toutefois du Maroc, est celui de Marabout. En Algérie, il est d’un emploi courant et on le trouve usité de là jusqu'en Egypte.

Le terme de marabout vient du mot arabe merâbet  qui désignait, à l’origine, ceux qui servaient comme soldats Dans les ribàt\ fortins établis sur la frontière des pays musulmans, pour se défendre contre les infidèles, et qui devenaient des points d’appui pour l’attaque dirigée contre les chrétiens. Dans ces redoutes, le Guerrier musulman se livrait à des exercices de piété. Lorsque le temps de la guerre sainte fut passé, les ribât’ se transformèrent en édifices religieux (zâouia), et le merâbet’ ne fut plus qu’un personnage religieux, un apôtre d’Allah, zélé ou même fanatique. C’est ainsi que le mot de marabout en est venu à être le qualificatif par excellence des exaltés en religion, de ceux qui, par leur sainteté ou par leur ardeur missionnaire, s’élèvent incontestablement au-dessus de la masse des fidèles.

Le terme de marabout a pris, avec le temps, une extension extraordinaire; non seulement il s’emploie couramment  pour désigner les saints et par suite, dans le

langage des Européens, leurs tombeaux, mais il s’applique encore à tout ce qui revêt un caractère sacre animaux, arbres, pierres, etc. On sait qu’en français un

oiseau exotique porte même le nom de marabout. Un fait assez curieux à signaler ici, et qui montre combine chez certains Berbères l’islamisation ne s’est faite que d’une manière incomplète, tant elle y a rencontré de résistance effective ou passive indéniable, c’est que dans la langue touareg, par exemple, il n’y a pas de mot spécial

pour nommer le marabout. En touareg, le terme aneslem (fém. taneslemt). dérivé du verbe arabe, passé dans cette langue, islam être sauvé, désigne toute personne

consacrée à Dieu, à quelque religion qu’elle appartienne, qu’il s’agisse d’un marabout, d’un prêtre ou d’un simple fidèle.

Au Maroc, les saints sont habituellement appelés Sîdi « Mon Seigneur, » qualificatif usité aussi dans d’autres régions, et souvent ils y reçoivent le titre de Moùlaye « Mon Maître. »

Le saint est encore qualifié de ivalî « celui qui est près » de Dieu, l’ami de Dieu. On emploie aussi, en parlant de certains d’entre eux, le terme de bahloûl simple

d’esprit; nous avons cité plus haut un exemple typique de cette catégorie. Quant au mot medjdhoûb, il s’applique à celui qui est habituellement « ravi en extase. » Les illumines sont des medjdhoûb.

Tous les termes que nous avons énumérés sont usités en parlant des saints vivants aussi bien que de ceux qui sont morts.

Chez les Abàdhites"  le titre de 'ammi « mon oncle » est donné aux saints.

Quant aux femmes saintes ou maraboutes, elles sont appelées Setü « Madame, Ma Maîtresse, » et par les letters Seyyida « Dame, Maîtresse, » abrégé en Sida, féminin

de Seyytd « Seigneur, Maître, » d'où est dérivé Sîdî. Settî n’est d’ailleurs qu’une forme contractée de Seyyîdatî « Madame, Ma Maîtresse. »

Les maraboutes sont le plus souvent désignées par le mot berbère Làlla « Madame, » et aussi « Maîtresse. » Les Kabyles leur donnent fréquemment le nom de Imma « Mère. »

Multiplicité des saints.

Dans l'islàm de l’Afrique du Nord, les saints sont vraiment innombrables et leur multiplicité s’accroît, comme nous l’avons observé, plus on s’avance vers l'ouest

de ce continent. Cela est si frappant qu’on rencontre dans certaines localités de cette partie de l’Afrique de véritables accumulations de Qoubbas, c’est-à-dire de tombeaux

de saints. Tel est aux portes de Tlemcen cet admirable paysage où se dressent les mausolées, en ruines pour la plupart, de toute une compagnie de marabouts. Tel est,

au Maroc, dans le faubourg d’Azemmoûr, le sanctuaire vénéré de Moùlaye Boû Chàb'b, entouré de nombreux tombeaux de saints. L'un des plus grands saints du

Maroc, Aloidaye Boû Ghâ'îb semble avoir attiré dans son voisinage une élite de personnages morts en odeur de sainteté.

Aux environs de la ville d'Azemmoûr et du sanctuaire de Moùlaye Boû Châ'îb se dressent plusieurs Karkors, monceaux de cailloux, ayant une signitication religieuse,

et formés par les musulmans pieux qui, en passant, ajoutent leur pierre au tas sacré. Les karkors (de l’arabe kerker, casser en gros morceaux, entasser, amonceler)

sont comme des sentinelles annonçant l’approche d’un lieu saint. Sans constituer des avenues conduisant aux sanctuaires, comme les sphinx d’Egypte et les taureaux

ailés d’Assyrie, ou comme les allées de menhirs de Carnac ', ils n’en sont pas moins les indices certains, dans plusieurs lieux saints du Maroc, de la proximité de tombeaux vénérés.

C’est surtout au Maroc que les saints sont nombreux. On en jugera, en lisant, dans l’ouvrage de Mouliéras que nous avons cité, les listes de saints qu’il dresse à propos des localités qu’il décrit.

La multiplicité des saints, attestée par le grand nombre de tombeaux aux coupoles (Qoubbas) blanches, est telle que plusieurs marabouts ont plus d'un mausolée.

Sîdî Boû Djeddaïn, « Mon Seigneur aux deux grands pères, » dans le Rîf, repose en entier dans des tombeaux différents, à Taza et chez les Benî-Toûzîn.

Moûlaye Boû-Chtà, « Mon Maître l’homme à la pluie, fut enterré une première fois dans le village d’Eç-Çafiyyîn, sa résidence habituelle. Les Benî-Mezgelda, qui avaient

pour le défunt marabout une profonde vénération, vinrent pendant la nuit déterrer le cadavre du saint et l’inhumèrent chez eux dans le village d’Ez-Zghira. Les habitants

d’Eç-Çafiyyîn, informés du rapt, rouvrirent la tombe de Boû-Ghtâ, que les voleurs avaient eu soin de combler, et constatèrent avec bonheur que le corps du saint était

toujours à sa place. Les Benî-Mezgelda, auxquels cette nouvelle fut annoncée triomphalement par leurs rivaux d’Ec-Çahyyîn, affolés se hâtèrent d’enlever la terre de la fosse où ils avaient couché Boû-Chtâ et ils constatèrent que la dépouille mortelle du marabout y reposait toujours On pourrait citer bien d’autres exemples de cette

ubiquité d’un genre special.

Le lecteur ne sera pas étonné d'apprendre que, dans des milieux aussi crédules, on rencontre des  tombeaux de saints apocryphes : prétendus compagnons du Prophète ect,

Culte des saints musulmans  dans l’Afrique du Nord et plus spécialement au Maroc

Edouard Montet

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