Said Sayagh-L'autre Juive- le martyre d'une jeune juive marocaine de Tanger, exécutée à Fès en 1834.

A famille de Haïm appartient aux Megourashim, Andalous chassés de Séfarad par les Espagnols après leur victoire sur les musulmans. Parmi eux, certains ont été contraints de se convertir au christianisme avant de déclarer la foi de leurs ancêtres. Certains ne l’ont pas fait.

La famille de Simha appartient aux autochtones, plus précisément de Meknès. Et, elle est fière de sa parenté avec la famille Mimran, l’une des plus vieilles, des plus riches, des plus prestigieuses de Meknès depuis Moulay Ismaïl.

Beaucoup de ces familles Toushabim avaient quitté les villes de l’intérieur après les massacres perpétrés sous le règne de Moulay Yazid dont personne n’a oublié la cruauté et dont on maudit le souvenir dans toutes les prières.

Bien que l’origine de la majorité des Megourashim venant d’Espagne soit marocaine, des différences notables ont commencé de les distinguer des autochtones. Le séjour édénique plusieurs fois séculaire en Espagne avait renforcé ces différences. Aucune occasion n’était épargnée pour exposer ces différences de mœurs, de rites, de règles de kashrout, de mariage, et les dissensions qui en découlent. Souvent, Haïm rappelait à sa femme que les toushabim étaient de vulgaires mangeurs de sauterelles grillées, alors que le rite séfarade interdit cette pratique.

Avec le temps, les traditions séfarades ont fini par s’im­poser à tous les juifs citadins, quelles que fussent leurs origines. Les juifs des montagnes et des oasis ont gardé leurs traditions et leur langue.

 

  • Tu as fini de nettoyer à grande eau, d'eponger et de faire les toiles d’araignées ou pas? Le schofar va sonner…

-Je n’ai pas encore fini la garçonnière du haut.

  • Tu veux me rendre folle ? Malheureuse ! Dieu te donne la fièvre froide…

À peine le schofar eut-t-il sonné que les boutiques commencèrent à se fermer et les rues à se vider. Le rabbin Tolédano houspillait les retardataires, les grondait et menaçait d’appeler le mokhazni muni de son bâton.

Haïm s’empressa de fermer la boutique. Il n’oublia pas de vérifier toutes les serrures et les cadenas avant de rentrer chez lui. Il se libéra de ses vêtements, se purifia et alla à la synagogue des Siaghine.

A son retour, il se prépara à la fête. Il commença par la lecture, dans la langue d’usage, de la Haggadah de Pâques : « Ainsi, Dieu divisa la mer en douze voies, lorsque nos grands-parents ont quitté l’Égypte guidés par notre seigneur et prophète Moussa ben Amram. Ainsi, nous sortirons de cet exil.

Cette nourriture chiche que nos grands-parents ont mangée en terre d’Égypte,

Tous ceux qui ont faim viendront manger

Tous ceux qui sont dans le besoin viennent et fêtent

Pâques.

Cette année ici,

L’année prochaine en terre d’Israël.

Cette année, nous sommes esclaves

L’année prochaine nous serons libres, enfants de libres en terre d’Israël.

 

Cette nuit et toutes les autres nuits, nous ne manquerons de rien…

Nous étions esclaves de Pharaon en Égypte.

Notre Dieu nous a fait sortir de là,

D’une main tendue et d’un bras vigoureux.

Si Dieu, béni soit-il, n’avait pas sorti nos grands-parents

d’Égypte nous serions, nous, nos enfants et les enfants de

nos enfants serviteurs de Pharaon en Égypte

Nous sommes tous vigilants

Nous tous savons

Connaissons la Torah

Nous devons raconter la sortie d’Égypte

Celui qui raconte souvent cette sortie sera remercié. »

 

Après cela, le deuxième soir du Seder, tout le monde se mit à taper des mains et chanter en hakétia et en maro­cain. Haïm qui avait voyagé et vécu avec des musulmans avait compris que l’adaptation de la prononciation selon les régions facilitait les relations. Peut-être parce que les musulmans le prenaient pour un des leurs ou parce qu’ils le considéraient comme « beldi »,juif autochtone, comme était « beldi » le beurre rance. « Nos Juifs », comme le pensaient certains de manière condescendante.

Haïm savait qu’il y avait des Juifs dans les hautes monta­gnes de l’intérieur et dans les déserts du sud, qui parlaient berbère et qui mêlaient berbère et hébreu dans leurs prières et chants.

Il avait déjà entendu la haggadah de Pâques en berbère:

« S tarula ay s nejfagh gh masêr. ayddegh n

ughrum ur imtinn da ttecan

lewaldin nnegh gh maser. kullu mad yagh

 lâz iddu ad itec, madyagh fad iddu

ad isu. Asegg as ddegh gh tmazirt ddegh;

imal gh bit Imekdes.

ixeddamen ay nga iperàu g° masêr. issufgh agh

rebbi nnegh dinnagh s ufus n ddrà, s ufus

ikuwan. mur ur agh issufgh rebbi Iwaldin

nnegh gh masêr; nsul nekk°ni d isirran

 nnegh ixeddamen nga i peràu gh masêr.

 waxxa nia làkel, nia Ifehemt,

 vuaxxa nssen turat, lazm nnegh an nàawed

gh ufugh n masêr. kullu mad d isgudiyn ad d iàaud

 gh ufugh n masêr, tannit waddagh ituskar. »

 

« C est par la fuite que nous sommes sortis d’Égypte.

En fait de pain, c’est un pain non levé qu’ont mangé

nos ancêtres en Égypte. Que tous ceux qui ont

faim aillent manger, que celui qui a soif aille

boire! Cette année-ci, nous sommes dans ce pays-ci;

l’an prochain au Lieu Saint.

Serviteurs de Pharaon, voilà ce que nous étions en

Égypte. Il nous en fit sortir,

notre Dieu, là, par un bras fort, par un bras

robuste. Si Dieu n’avait pas, pour nous, fait sortir nos

parents d’Egypte, nous serions encore, nous et nos

enfants, les serviteurs du Pharaon en Égypte.

Même si nous possédons intelligence et entendement,

même si nous savons la Torah, il nous faut répéter

ce qui à trait à la sortie d’Égypte. Quiconque accumule

les récitations de la sortie d’Égypte, est, vois-tu, digne de louanges. »

 

Dans l’esprit de tout le monde, cette nuit console de l’amertume de toutes les nuits d’exil et de dispersion. Elle renouvelle l’attachement à l’alliance ainsi que la foi inébranlable en la proximité de la délivrance. Elle rappelle que le peuple est toujours dans la mémoire de Dieu. Et, Dieu tiendra sa promesse.

Après cela, tout le monde se mit à chanter :

Ou za haKadoch Baroukh Hou ou atal melekh haMout di atal chohet di dbah touiyer di srab Imouiha ditfat laouifia di haraat laassioua di darbat Ikliba di addet laatita di klat zdioua di zab H baba bzouz flous.

Et Dieu, le saint, béni soit-il, a tué l’ange de la mort qui a tué le Chokhet, qui a égorgé le bœuf qui a bu l’eau qui a éteint le feu qui a brûlé le bâton qui a frappé le chien qui a mordu le chat qui a mangé l’agneau que m’a acheté mon père pour deux flouzes.

 

« Dieu fasse que vous gagniez et soyez heureux »

 

Le vœu passe de maison en maison, répété sans relâche. Comme tous les Juifs du Maroc, ceux de Tanger célé­braient Lalla Mimouna, leur fête spécifique qui clôture la période de Pâques.

Les tables se garnissent de nappes et napperons brodés en fils de soie. On sort les plateaux de cuivre, les plats de faïence. On descend les étagères, les couverts argen­tés. Puis, les tables se couvrent de victuailles hautement symboliques : du poisson frais, des épis de blé, un bol de lait, un bol de miel et de beurre frais, de la levure et diver­ses compotes de fruits.

 

On met dans des assiettes, des fruits secs : noix, dattes, raisins secs, amandes et piitaches. On transvase l’eau- de-vie dans des aiguières et des verres en cristal. On en remplit d’autres de jus de fruits. A côté de la table, on remplit les plateaux de cuivre, de montagnes de gâteaux : cornes de gazelle, sablés, feuilles fines farcies de pâte d’amande et de miel.

Au milieu de la table, on met un plat de porcelaine rempli de farine blanche où l’on plante cinq fèves fraîches. On remplit un verre d’huile d’olive. On garnit les vases de roses et de fleurs d’oranger. Puis, on sert les mofletas, crêpes fines imbibées de beurre fondu et de miel.

 

Lalla Mimouna, fête de l’abondance, de la reconnaissance et de la foi. Tout le monde, petits et grands, femmes, hommes et enfants s’habille de neuf et de propre. Les visages s’allument de bonheur et de joie de vivre. En vérité, cette joie de vivre est présente dans toutes les célébrations. Même, à l’occasion du neuf du mois d’Ab qui commémore la destruction du Temple, accueilli généralement par la triftesse et la contrition, les juifs du Maroc offrent à leurs enfants des poupées et des instruments de musique. Les enfants n’ont pas à souffrir pour leurs parents.

Lalla Mimouna ressemble à la fête agraire de Laansra. Jadis, les deux fêtes tombaient à la même période, la même saison et le même mois. Mais le calendrier adopté par les musulmans, exclusivement lunaire, ne tenant aucune­ment compte du cycle des saisons, a changé la régularité de la date de Laansra qui a fini par se confondre avec la commémoration de l’Achoura. La symbolique agraire a fini par se perdre et la célébration a acquis une significa­tion exclusivement shiite.

La diversité des calendriers ne simplifiait pas les concor­dances entre les différents computs. Tous les Marocains n’avaient pas adopté le calendrier lunaire tel que les Arabes l’ont amené d’Orient. Ainsi le nouvel an commençait au mois deAchour, suivi de Chayaa Achour, ensuite el Mouloud, suivi de Chayaa el Mouloud, puis les deux Joumada, suivent Chaaban, Ramadan, Chahr Ftour, Bin al Ayad et enfin l’Aid al Kabîr. Ces mois étaient désignés sous le nom de mois du ciel. À côté de cela, le calendrier romain avait été maintenu tel qu’il était, avec ses mois et sa coïnci­dence avec les saisons. Ce calendrier était désigné sous le nom de mois de l’eau. De même que les gouverneurs arabes avaient des difficultés à fixer des dates pour lever les impôts sur les récoltes et autres impôts dus par les autochtones, le commun des mortels avait des difficultés pour préciser son âge et sa date de naissance.

Said Sayagh-L'autre Juive- le martyre d'une jeune juive marocaine de Tanger, exécutée à Fès en 1834.

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