Joseph Toledano-Epreuves et liberation-les juifs du Maroc pendant la seconde guerre mondiale

Epreuves-et-liberation

Le Statut ? une application ambiguë

Partagé entre son obsession de complaire à Vichy qui l’avait maintenu à son poste malgré le péché originel de sa nomination par le Front Populaire, les pressions des milieux extrémistes lui reprochant son manque de zèle antisémite, les efforts du sultan d’en atténuer la portée, et son propre souci de ne pas désorganiser la vie économique du pays, le général Noguès louvoya dans l’application ambigüe du Statut.

En bon observateur, le professeur Dutheil, dans le même cours aux futurs Contrôleurs Civils, notait :

« Entre temps, les juifs ont adressé au sultan des messages de fidélité renouvelée auxquels on a dû joindre quelques précieux cadeaux et la vie continue, mon Dieu, à peu près comme avant…

Je suis intimement persuadé d’ailleurs que le sultan et le Makhzen central ont regretté la rigueur des décisions prises et cherchent par divers moyens à en atténuer les conséquences…

 

Raisonnons maintenant de façon parfaitement égoïste ? est-ce de notre intérêt de briser systématiquement la communauté Israélite ? Déjà l’application des textes, pourtant si opportunément tempérée, apporte une gêne sérieuse à la marche de la vie courante de la cité. . .

Le Juif marocain n’ira pas grossir les rangs des colons de Palestine, car il n’y aura pas tant que nous y serons, de persécutions au Maroc. Ils n’y tiennent pas, les Musulmans ne le souhaitent pas et le sultan tient à conserver cette minorité d’utiles sujets…

Ee gouvernement du Protectorat, ainsi que le Makhzen, ont fait preuve de sagesse dans la recherche de solutions à apporter au problème juif marocain ; l’un et l’autre ont su adapter les rigueurs d’une loi imposée aux nécessités de l’heure, aux contingences locales et personnelles. L’un consultant l’autre, et en plein accord, ils ont su trouver la formule… »

 

Dans certains domaines où il avait compétence exclusive, comme celui de la presse juive, le Résident se montra intraitable. Ainsi, dès le mois de juin 1940 il profita de l’interdiction de toute activité sioniste pour fermer le périodique le plus lu dans toute l’Afrique du Nord : l'Avenir Illustré. Son fondateur et directeur, Jonathan Thursz, sollicita en vain l’autorisation de faire paraître un organe, comme cela était permis au judaïsme tunisien, avec le journal Le Petit Matin, en Algérie, avec le Bulletin de la Fédération des Sociétés Juives d’Algérie. Resté au Maroc comme correspondant de l’agence de presse américaine Associated Press, il dut quitter précipitamment le pays, en août pour échapper à l’arrestation, en raison de sa nationalité anglaise. L’autre organe de presse juif paraissant à Casablanca, L’Union Marocaine eut droit à un sursis en raison de son orientation assimilationniste pro­française et ne fut fermé qu’en octobre 1940, laissant pendant ces années critiques le judaïsme marocain sans organe représentatif.

 

On retrouve également la même intransigeance dans la stricte application du Statut aux Juifs non marocains ne relevant pas du sultan. Particulièrement, dans le domaine de l’épuration de l’administration résidentielle et des services municipaux. C’est ainsi qu’au 1er janvier 1941, 435 fonctionnaires juifs furent licenciés sans indemnités, alors qu’ils n’exerçaient par ailleurs que des postes subalternes —142 au Service des Postes, 81 dans l’Éducation, 59 dans les Transports.

Lors du second procès de l’ancien Résident en 1956 (après son retour d’exil du Portugal), le Procureur fut formel sur ce point :

Si le général fut réservé sur l’application des mesures d’épuration contre les Israélites et les francs-maçons, il présida par contre à la formation de groupes politiques ou paramilitaires et à la propagande contre les Alliés. Il fut presque toujours ondoyant et divers, multipliant par exemple les faveurs aux commerçants Israélites et à un certain nombre d’Israélites, réservant sa rigueur aux fonctionnaires israélites, ce qui ne veut pas dire qu’il ne comprenait pas l’intérêt qu'il y avait à faire, même à leur égard, des discriminations — à condition qu’elles fussent discrètes et invisibles de Vichy à l’œil nu.

C’est pourquoi l’épuration ne fut pas un mythe au Maroc. Près de 500 Israélites furent exclus de l’administration et plus de 200 autres connurent à divers titres, le même sort. Il faut bien offrir les victimes en holocauste au Moloch qui sévissait à Vichy et qui montait bonne garde autour des nouveaux principes posés par la dévolution Hationale»

 

Comme l’écrivit Jacob Ohayon, le fardeau eût été moins lourd s’il ne s’agissait que d’un antisémitisme d’Etat mais voilà, l’ensemble de la population européenne y ajoutait du sien, renvoyant de sa propre initiative les employés juifs des entreprises commerciales et industrielles, profitant de l’opportunité pour se débarrasser de la concurrence juive dans tous les secteurs. Ainsi, par exemple, l’interdiction des métiers du cinéma fut appliquée si drastiquement qu’elle aboutit au licenciement des caissières et des contrôleurs de tickets juifs. Les licenciés n’avaient pratiquement aucune chance de trouver un autre emploi, vu que le recrutement de Juifs était stoppé dans toutes les branches. Jacques Harboun de Marrakech raconte dans ses mémoires :

« Mon père perdit son emploi. Il était comptable dans une minoterie dont le propriétaire était le consul d’Angleterre. Le moulin cessa de moudre. On congédia le personnel et l’on proposa à mon père un poste de gardien.

Mon père, très touché par ces événements, fut souvent malade et parfois très gravement. Son cœur, usé par les charges qui avaient pesé sur lui et par tant de misère et de labeur, le lâchait… Il en réchappa, mais diminué et vieilli.

 

Joseph Toledano-Epreuves et liberation-les juifs du Maroc pendant la seconde guerre mondiale

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