Extrait de journal de famille-Nessim -Sibony-brit 35-Redacteur Asher –Knafo-suite

On parlait peu des femmes de la famille. La grand-mère Esther, la femme de Messod Azoulay, décida de finir sa vie à Jérusalem. C’est son gendre, Moshé Reboh qui l’hébergea. Elle revint après un court séjour, accompagné de son gendre, à cause de la situation politique. Son fils Simon l’accueillit à Marseille ; c’est là que fut prise la seule photo que nous avons d’elle. Elle retourna à Marrakech où une épidémie de typhus emportera son petit-fils Michel en 1927. Elle ne se consolera pas de sa mort et mourra 7 mois plus tard en 1928. Leurs enfants, pour la plupart, ont vécu sur leur héritage, en le dilapidant peu à peu, comme c’était souvent le cas à l’époque. Les craintes de pogromes n’avaient pas favorisé la situation, de même que la crise économique. Le seul qui survécut en sauvegardant sa fortune parmi leurs enfants fut Simon, décédé en 1937. Il s’était fait remarquer, très tôt, dans le commerce auprès de son père. Il apprit à lire et à écrire l’arabe classique, l’arabe dialectal et le français. Il devint d’ailleurs français, fit son service militaire en 1913 à Marseille et fut nommé agent commercial à Marrakech de la Maison Bensoussan de Marseille. A la mort de David Bensoussan, survenue à Marrakech, son soutien et son aide commerciale à cette famille lui valurent de devenir l’agent exclusif du Sud du Maroc au sein de l’association Lahlo- Bensoussan. Plus tard, à la mort du second patron, l’héritier, 3abd El Mal décida de se retirer soudainement de l’association. Les débiteurs semblaient n’attendre que cela pour déclarer la faillite et annuler leurs dettes. Cela aurait entraîné la faillite de Simon Azoulay qui, selon les récits de sa femme Rachel, passait ses nuits à faire les cents pas dans le patio de la maison, sise près de la fontaine. Elle lui avait remis tous ses bijoux pour lui éviter tout souci. Apparemment il semble avoir surmonté ce cap et continua son négoce jusqu’en 1937. A sa mort, son fils Maurice refusa l’héritage pour ne pas s’enliser dans les dettes de son père. Selon la rumeur, ce fut très sage.
Avec Rachel, Simon eut deux fils et une fille. Maurice, Michel, et Marie. Maurice vécut en "grand seigneur" et posséda l’une des premières voitures de Marrakech (voir photos de Bar Mitzva et de sa voiture). Michel qui secondait son père dans son commerce mourut en 1927, lors d’une épidémie de typhus. Il s’était photographié avec de nombreux membres de la famille ; nous ne disposons que de quelques photos de lui avec ses oncles et cousins.
Deux autres frères de ma grand-mère maternelle, Meyer et Victor-EIayim ne se sont refusés aucun plaisir, y compris des voyages au Nord du pays et des collections d’armes à feu. Elle avait aussi une sœur Haya-issa qui a regretté toute sa vie d’être née riche, car sa fortune ne lui aura apporté, selon l’avis de ses enfants aussi bien que du reste de la famille, que des déboires.
Un autre frère de ma grand-mère fut Rabbi Itzhaq. Il était très fort physiquement et très instruit. (Michel s’était photographié avec lui et l’un de ses enfants.). Ce qui était tout aussi légendaire, c’était son amour pour Jérusalem. Dès la mort de son père, il prit sa part d’héritage, et s’en alla avec sa famille vers le nord du pays. En Algérie, il se vit proposer, lors d’une escale, le rôle de patron religieux de la région, faisant office de Mohel, Shohet, Hazan et Rabbin. Ce sont ses enfants et petits-enfants qui réalisèrent son projet de s’installer à Jérusalem et c’est là que je les ai retrouvés. Il fut enterré à Guerdaya et sa tombe était honorée d’abord par les Juifs pour qui il était devenu un Saint et, après eux, par les Musulmans de la région.
Ma grand-mère Hanina était née dans l’opulence. Pendant son enfance, elle vivait comme une petite princesse adorée, car son père lui refusait peu de choses. Elle était forte, claire de peau et belle. Toutes les filles la jalousaient et beaucoup de familles voulaient se l’approprier pour leur fils. Elle ne quittait pas ses "grandes robes" et cherchait toutes les occasions de festivités et de célébrations, même à l’occasion de la naissance de petits chiots. Son père qui la voyait fière, impétueuse et autoritaire lui chercha un mari. Le mieux serait un Talmid dans une Yéshiva, un jeune homme calme et mesuré. Ce sera mon grand-père, David qui, de plus, était orphelin et s’en vint, chez son riche oncle, demander du travail. Ma grand-mère montait à cheval et prenait ses enfants en bas âge sur sa monture avec elle pour aller en pèlerinage dans le Sud du Maroc. Une valeur semble avoir dominé son existence, la survie de ses enfants. A l’annonce d’un pogrome à Marrakech, elle partit avec sa famille, en abandonnant derrière elle tous ses biens qu’elle confia à un voisin qui en tira profit. Ils restèrent à Safi le temps de la menace et lorsqu’ils revinrent à Marrakech, il fallut repartir à zéro. Je me souviens d’elle alors qu’elle amusait ses filles par ses propos et ses remarques. Mais elle savait aussi donner des ordres et critiquer ceux qui étaient nos maîtres. C’est en 1962 qu’elle a fini sa vie en Israël parmi ses enfants et petits-enfants et elle repose à Kiryat Gat près de son fils Albert. Elle avait été traumatisée par la mort de sa fille, notre tante et cousine germaine, dans le tremblement de terre d’Agadir. Elle ne s’est jamais consolée de cette douleur qui nous a tous terrassés.
Extrait de journal de famille-Nessim Sibony-brit 35-Redacteur Asher –Knafo
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