Extrait de journal de famille-Nessim Sibony-brit 35-Redacteur Asher –Knafo

Mon grand-père maternel, David, son mari était un homme sans histoire. Il réalisait tout en vue du paradis. Dieu était présent dans tous ses actes, sa pensée et ses propos. Il était pieux, droit et avait mis sa vie au service des autres. Il se consacra à l’éducation de sa femme et de ses enfants, tous élevés dans le respect rigoureux des lois. Avec la part d’héritage de sa femme il s’essaya dans le commerce du thé, mais il fit faillite et s’installa dans une ville refuge le temps de permettre à la famille de régler les créanciers. Puis il s’en revint dans sa famille pour travailler avec Simon Azoulay et plus tard avec Meyer Sibony et enfin comme courtier en vêtements de musulmans.
Le seul de ses fils qui habitait le Mellah était Messod. Il prit une chambre chez lui et se prépara à acheminer son âme vers le paradis par une vie ascétique. Tout le monde garde en mémoire sa rigueur en matière d’observance des règles et des prescriptions religieuses. Il veillait par exemple sur l’eau qui servait à la fabrication de la Matza Shmoura qu’il recueillait de nuit au moment où aucun animal domestique n’allait boire à la rivière ou pour le blé de la Matza dont le terrain était labouré par un cheval à double gibecière. Je me souviens de ses visites et de sa tendresse.
Quand il venait, il profitait de ces heures paisibles pour lire et méditer. Il s’asseyait et une petite servante s’asseyait à côté de lui. Elle avait une cuvette en cuivre et un broc pour verser de l’eau sur les mains de mon grand-père qui devaient être pures chaque fois qu’elles touchaient le livre saint qui servait à ses méditations. S’il lui arrivait de mettre la main sur la tête ou de toucher quelque autre objet, il se lavait les mains. Quand il célébrait les fêtes juives, il était soucieux de chaque petit détail. C’est ainsi que pour Tou Bishvat, une fois, il passa toute la matinée à la recherche de citrons doux tandis que nous l’attendions. Il revint très tard avec ce fruit recherché. Ce fut notre dernière fête ensemble. Mon père qui l’avait rencontré, errant au hasard lui demanda : "Père David, où vas-tu?" -"Je vais au paradis", répondit-il. Quelques jours plus tard, il eut une hémorragie cérébrale et il resta dans son lit installé, au milieu du salon de l’appartement de son fils Messod, dit Lahbib.
Il agonisait là avec un souci majeur : la pureté de son corps. Tous étaient venus se faire bénir, les chefs de famille et leurs enfants. Tous étaient venus se faire pardonner. Enfin, les enfants avaient osé lever les yeux pour le regarder et voir à qui il ressemblait, car personne n’avait osé lever le regard plus haut que la main qu’il tendait et qu’on embrassait. Même les Musulmans qui le rencontraient le considéraient comme un être rare. Il mourut le jour de Pourim et des milliers de Juifs renoncèrent aux joies de la fête pour assister à ses funérailles. Après de multiples sermons où les rabbins célébrèrent sa droiture, il fut conduit au cimetière, à l’angle des deux remparts où il repose sous une stèle de marbre gris, en provenance d’Italie. Tous ses enfants voulaient se réserver une place près de lui, mais il leur avait octroyé une place en Israël et c’est là qu’ils vécurent et moururent à l’exception de Simon, enterré à Marrakech.
Il va de soi qu’il n’a jamais accepté de se faire photographier. Mon grand-père maternel, David avait pour mère Dada Abécassis, fille du Rabbi Hayim Abécassis et pour père Salomon Sibony, frère d’Esther et Pnina Sibony, demi- frère et demi-sœur d’Abraham Sibony. Sa famille habitait Casablanca.
De la famille de mon grand-père maternel, deux personnes ont été citées par mes aînés : son frère Joseph, amateur d’oiseaux qui élevait des oiseaux en chambre et tachait de domestiquer les espèces sauvages qui mourraient en cage. Il étudiait leurs mœurs. Son autre frère dont le nom ne fut jamais cité par superstition, fut assassiné, sous les yeux de sa famille, par application de la loi du talion, lors d’un accident qui fut fatal à un vieux cavalier arabe. Il portait une tenue bleu roi, couleur qui devint tabou dans la famille de ma mère.
Mon grand-père paternel, Nessim Sibony, (1858-1903) fils de Yaacov Sibony et Donna Dellac est mort subitement, à l’âge de 45 ans, à la suite d’un refroidissement, laissant ses enfants en bas âge. Mon père avait moins de 10 ans, ma tante Reine en avait 3 et le grand frère Simon n’en avait que 16. C’était une grande désolation dans la famille. Je sais qu’il avait travaillé pour l’oncle Abraham Sibony et qu’il le secondait aussi dans ses devoirs familiaux et sociaux.
Extrait de journal de famille-Nessim Sibony-brit 35-Redacteur Asher –Knafo
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