Meknes-Portrait d'une communaute juive marocaine- Joseph Toledano-Rabbi Raphael Berdugo (1747 -1822)- Il un regne cahotique: Moulay Abderrahman



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IL UN REGNE CAHOTIQUE :

MOULAY ABDERRAHMAN

Son règne commença sous le signe d'une très grave sécheresse qui entraîna dans l'intérieur surtout, une famine meurtrière. Cette famine jointe au retour de l'insécurité, allait déclencher une vague de banditisme et de révoltes spo­radiques dans les campagnes. En 1825, rapportent les chroniqueurs juifs, le prix du blé était quarante fois supérieur à son cours ordinaire et les morts par famine se comptaient par milliers. Un témoin de l'époque, rabbi Habib Tolédano que nous avons déjà cité, estimait dans la préface à son livre Péyécharim, le nombre de victimes dans la seule communauté de Meknès à 3500. Même une partie de ceux qui avaient cru trouver un meilleur sort en émigrant à Fès devaient y succomber, le chroniqueur relatant que "d'après ce qu'on raconte 1800 juifs moururent de faim, pour la plupart des étrangers venus d'autres lieux". La situation était si précaire qu'elle exigea l'envoi de nouveau d'émis­saires auprès des communautés d'Afrique du Nord et d'Europe pour tenter de lever des secours d'urgence. La mission de ce rab Habib Tolédano en Tu­nisie, en Italie et à Gibraltar fut couronnée de succès, les originaires du Maroc en particulier dans cette colonie britannique, se montrant particulièrement généreux. Mais à son retour dans sa ville natale, il trouva la communauté dé­cimée, les synagogues fermées et il décida de quitter définitivement le Maroc pour s'établir en Terre Sainte.

 

L'autre émissaire, rabbi Abraham Halioua, descendant d'une grande dynas­tie de rabbins depuis l'arrivée des expulsés d'Espagne, fut dépêché à Londres auprès de la prospère communauté séfarade où les originaires du Maroc, en particulier de Mogador, commençaient à devenir nombreux et influents. Aus­si à la fin de sa mission, répondit -il volontiers à leur invitation de rester dans la capitale anglaise comme enseignant et officiant. Très attaché au patrimoine de sa communauté d'origine, il y édita le livre de rabbi Yaacob Berdugo, Kol Yaacob, auquel il joignit un recueil de sermons de son propre père, rabbi Yossef Halioua.

En 1826, l'insécurité autour de Meknès atteignit son sommet. Une caravane de Juifs du petit village berbère d'Agouraï, en route pour Meknès, fut atta­quée par des bandits qui les dépouillèrent et tuèrent ses membres dont les frères Ben Mezouz et le négociant Moshé Malka. Après ce malheur, tous ses habitants juifs abandonnèrent définitivement le village pour se replier sur Meknès. Ce n'était pas la première fois que ce village du Moyen Atlas était déserté. Déjà en 1735, lors de la guerre de trente ans pour la succession de Moulay Ismaël et après la mort de leur grand rabbin Makhlouf Benchétrit; ils avaient regagné la capitale dont beaucoup étaient d'ailleurs originaires. De la présence séculaire des Juifs à Agouraï, il ne devait désormais rester que la tombe de ce saint homme devenue un lieu de pèlerinage pour les Juifs de Meknès qui s'y rendaient une fois l'an au cours des mi -fêtes de Souccot – jusqu'à nos jours. Avec le temps le nom du saint devait être oublié et on ne l'invoquait plus que sous le nom du sadik d'Agouraï.

Le village voisin d'Azrou connut le même sort à la même époque, ses habi­tants juifs se dispersant dans les diverses villes du Maroc, principalement à Meknès, suite à l'assassinat d'un négociant de Meknès qui y avait ses affaires, rabbi Moshé Halioua, le frère de l'émissaire envoyé à Londres. Là encore, il ne resta comme vestige de la présence juive séculaire que le tombeau d'un saint dont le nom même a été oublié malgré son grand prestige, connu uni­quement comme le saint d'Azrou, Sdiq di Azrou.

Dans cette situation de détresse économique l'émigration vers d'autres villes du Maroc s'intensifie. Ainsi rabbi Elisha Berdugo, petit -fils de rabbi Yékoutiel, le frère de rabbi Raphaël, s'installa à Rabat où il fut immédiatement adopté, fondant une nouvelle et illustre branche de la famille :

" En arrivant tard à destination avec ses disciples, ils furent hébergés dans la maison d'une famille modeste. Leur hôte dépêcha sa fille cadette pour leur apporter une lampe pour pouvoir étudier la Torah. Pendant tout le parcours, elle prit soin de bien protéger la lampe sachant à quoi elle était destinée. Rab­bi Elisha la bénit en lui disant : "De même que tu nous as apporté la lumière pour étudier la Torah; puisse -tu avoir un fils qui éclairera Israël de son éru­dition". Le maître de maison reconnut la grandeur de son hôte et lui donna pour épouse sa fille qui donna naissance à rabbi Yossef Berdugo."

Effectivement rabbi Yossef fut une grande autorité à la génération suivante. Il présidera le tribunal rabbinique de Rabat jusqu'à sa mort en 1890, succédant à un autre originaire de Meknès, rabbi Moshé Tolédano. Son propre cousin, rabbi Yékoutiel; lui succéda à la tête du tribunal rabbinique de la ville avant de présider le Haut Tribunal Rabbinique du Maroc de 1935 à sa mort 1941. C'est un autre membre de la famille Berdugo de Meknès, qui lui succédera à la tête de cette instance d'appel instaurée par le Protectorat en 1918, rabbi Yoshoua Berdugo.

C'est dans ce climat d'insécurité que se place une des premières tentatives connues de alya en Terre Sainte qui jette une lumière sur les relations spéciales de la communauté avec la terre des ancêtres. Dans une de ses sentences, rabbi Moshé Tolédano (1724 -1773) avait statué que le devoir de monter en Terre Sainte était bien en vigueur sauf en cas de péril sur les routes, ou de manque de moyens financiers. De son côté, rabbi Raphaël Berdugo avait autorisé pour ce faire la vente du Séfer  Torah – vente prohibée dans les autres circonstances, assimilant la montée en Terre Sainte à l'étude de la Torah.

En 1830, rabbi Zichri Messas, descendant d'une famille de rabbins de mégourachim de Debdou installée de longue date à Meknès, avait décidé de monter terminer ses jours à Jérusalem et vendu tous ses biens, dont sa synagogue, à rabbi Itshak Abensour. Il choisit l'itinéraire terrestre par l'Algérie et arriva jusqu'à Oujda. Il ne put aller plus loin en raison des troubles consécutifs au débarquement français dans la Régence. Dans l'attente de la réouverture des routes vers l'Algérie, il patienta trois ans dans la ville frontalière avant de se résoudre à revenir dans sa ville natale. Là, il demanda l'annulation des tran­sactions immobilières en arguant qu'il ne les avait conclues que pour monter en Eretz Israël, et que maintenant qu'une force majeure l'en avait empêché; il n'était que justice qu'il récupère ses biens. L'acheteur nia naturellement que la vente avait été conditionnelle et refusa son annulation. Chacune des deux parties trouva des partisans et une grande controverse divisa la communau­té. Le président du tribunal, rabbi Yaacob Berdugo, dit Elhakham prit partie en faveur de l'acheteur, qui était son disciple, alors qu'un autre membre du tribunal, rabbi Haïm Tolédano, donna raison au vendeur, s'appuyant sur les avis motivés des dayanim de Fès et Séfrou. En fin de compte, l'intervention des notables permit de ramener le calme dans les esprits par un compromis : l'acheteur acceptant de restituer au vendeur la synagogue et quelques ter­rains, moyennant compensation financière.

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