Le Mellah (de Marrakech)- Pascale Saisset Heures Juives au Maroc

Le Mellah (de Marrakech)- Pascale Saisset Heures Juives au Maroc

La médina commence par le somptueux spectacle de la foule blan­che des citadins et des nomades du désert. Berbères nonchalants portant poignard courbe et manteau de bure noir barré d'un vaste motif rouge.

Tous vont, viennent, déroulant harmonieusement les spirales de leurs groupes d'un bout à l’autre de la place Djama al Fna.

Le Mellah n'a pas cette annonce royale. Il se dissimule derrière des murailles sans caractère. On y entre par une kysaria autrefois couverte que lon­gent les boutiques des marchands d'étoffes. Les maisons sont lépreuses, le sol boueux; la saleté la plus répu­gnante a mis ses stigmates sur les cho­ses et sur les gens.

Des êtres sans nom passent, dans des vêtements sans couleur ! La lu­mière même en est attristée. Elle n’ar­rive pas, avec toute sa magie, à parer cette unique désolation.

La laideur physique accompa­gne cette horreur. Plus on avance dans le Mellah, plus elle s’accuse, plus elle marque cette humanité dégénérée qui se traîne, pêle-mêle, livrée aux souillures, aux plaies, à tout ce qui peut être créé de malsain et de répugnant.

Le désordre des foundouks sur­chargés de marchandises, pleins de vie et d’activité, offre la même scène. En bas, les ânes parmi les sacs de blé ou de légumes, les pièces d’étoffe, les tas de pains de sucre ; en haut sur le pourtour des galeries, à tous les étages, des fem­mes vêtues de haillons.

Plus loin, le marché aux légumes étale dans la boue noire ses denrées. A la sortie du Mellah, les marchands de charbon vendent des navets dont le tas blanc voisine avec les tas noirs.

Dans cette synagogue, cepen­dant, insoucieux de l’hygiène violée, des jeunes gens discutent à perdre ha­leine les subtilités du Talmud. Assis sur des nattes, ou à demi-couchés sur les bancs, ils crient, gesticulent sans trêve.

— le Talmud, n'est-ce pas le seul livre qui jusqu’au vingtième siècle ait pénétré dans le Mellah? — Comme il y est dit qu’un Juif doit toujours s’instruire, les mar­chands mêmes, dans leur boutique, étudient en attendant le client.

Les jeunes gens qui travaillent du matin au soir à cette patiente es­crime oratoire sont les savants offi­ciels du Mellah. Ils sont entretenus par les hommes les plus riches de la com­munauté, afin qu’ils soient leurs délé­gués dans la mission de s’instruire.

Tel Juif qui aura peiné toute sa vie dans sa boutique étroite, pour amas­ser une grosse fortune, donnera sa fille à ce pauvre étudiant, parce qu’il le sait savant et intelligent; il le nourrira et le vêtira, par orgueil et par admiration pour la Science.

Il faudra avoir assité à la prière dans la synagogue de Marrakech pour comprendre à la fois l’abaissement et la grandeur morale des Juifs de Marrakech.

La loi reste pour eux, plus en­core que pour les Juifs de Casablanca, la grande protectrice, la grande lu­mière, la raison idéale de vivre. Au jour du Sabbat, ils l’embrassent avec une ferveur où il y a toutes les marques de l'affection que l'on témoigne à une mère vénérée.

La Loi est la seule certitude.

Pascale Saisset Heures Juives au Maroc

(Rieder 1930, pages 139-153).

Joseph Dadia- La Saga des Juifs de Marrakech

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