Memoires Marranes-Nathan Watchel- Resurgences marranes au Portugal
On trouvera plus loin le témoignage recueilli auprès de Joâo Medeiros, dont nous ne retiendrons ici que certains aspects afin de le restituer dans son contexte général. Il appartient à une famille importante de la région du Seridô (située de part et d’autre de la limite entre Paraiba et Rio Grande do Norte, sur laquelle nous concentrerons également notre attention). Né en 1937, Joâo Medeiros suivit tout d’abord une double carrière: d’une part, celle d’officier de l’armée de l’air brésilienne (en tant qu’ingénieur de navigation), et d’autre part, celle de pasteur de l’Église presbytérienne. Rappelons que ce genre de «détour» par une phase évangéliste n’est pas rare, en milieu marrane, avant celle du «retour» au judaïsme. Autres rapprochements : comme David de Andrade et José Nunes Cabrai, Joâo Medeiros est un marrane originaire d’un sertâo du Nord-Est qui trouva la voie de ce retour dans le Sud-Est (à Sâo Paulo, Rio de Janeiro ou Niteroi), et cette fois comme Francisco Corrêa Neto, auprès du même rabbin Elenrique Lemle, grâce auquel il eut l’émouvante révélation, en 1972, « de ce qu’il avait toujours su ». Après sa « ré-identification » comme Juif (et non pas conversion), Joâo Medeiros prit sa retraite de l’armée pour retourner s’établir à Natal, où son action fut décisive pour la formation de la première communauté juive, au Brésil, à majorité marrane. Il ouvrit aussitôt, dans sa propre maison, une école pour l’enseignement de la religion juive (comme l’avait fait Artur Carlos de Barros Basto, à Porto, cinquante ans auparavant), attirant un petit nombre d’élèves d’origine nouvelle-chrétienne, dont le flux continua constamment au fil des années. La communauté juive de Natal connut elle-même une certaine croissance : au milieu des années 1990, par exemple, alors que Marlene Borges de Medeiros, l’épouse de Joâo Medeiros, en était la présidente, elle comptait jusqu’à une cinquantaine de membres. Au cours des années qui suivirent, Joâo Medeiros traversa d’inévitables vicissitudes dans son activité de guide spirituel, en raison des conflits renaissant, de temps à autre, entre ashkénazes et «Juifs marranes ». Mais il eut finalement la grande satisfaction d’être reconnu, et élu à l’unanimité des membres présents, le 15 novembre 2006, comme «rabbin» de la communauté de Natal. Et celle-ci reste ouverte, selon la claire et généreuse doctrine de Joào Medeiros, aux Juifs de toutes origines, ashkénazes, séfarades ou «marranes».
Un phénomène semblable à celui de Natal se développa, un peu plus tard, à la fin des années 1980 et dans le courant des années 1990, à Recife, où le souvenir de la première synagogue des Amériques (à l’époque hollandaise) restait vivant dans les milieux marranes du Pernambuco. Une vingtaine de jeunes gens, originaires de ces milieux, sous la direction d’un autre guide spirituel, Odmar Pinheiro Braga, fréquentaient la synagogue ashkénaze de la rue Martins Junior, où ils suivaient les cours d’initiation religieuse que le hazan (chantre) Isaac Essoudry (lui-même séfarade d’origine marocaine) leur dispensait généreusement. Mais, à la différence de ce qui s’était passé à Natal, la plupart des «Juifs marranes » de Recife (à l’exception de ceux qui acceptèrent la conversion formelle) restèrent relativement en marge des institutions communautaires. La situation devint même conflictuelle à l’approche de la commémoration du cinq centième anniversaire de la conversion forcée, quand fut adopté le projet de restauration de la synagogue de l’époque hollandaise, située dans la rue devenue « du Bon Jésus»: les «Juifs marranes» considéraient qu’il s’agissait de « leur» synagogue, et souhaitaient la re-sacraliser en tant que telle ; tandis que les autorités ashkénazes de la communauté de Recife préféraient que les travaux de rénovation fussent exécutés en vue de la création d’un Musée historique : ainsi fut fait, non sans amertume chez beaucoup de «Juifs marranes».
Memoires Marranes-Nathan Watchel- Resurgences marranes au Portugal
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