Structures et organisation de fa communauté juive de Mogador-.Redacteur:Asher Knafo

Deux vieilles traditions mogadoriennes
Deux vieilles traditions populaires disparues avec l,occupation frangaise ont eu cours pendant longtemps a Mogador. L’une a une base religieuse, l’autre est une imitation des moeurs arabes.
La premiere, avait lieu le jour de Chavouot, des jeunes gens passaient dans les maisons et s’adonnaient a un jeu bizarre. Deux protagonistes d'entre eux se devetaient jusqu’a la ceinture, chacun tenant une come de boeuf videe de son os et servant de gobelet, puisait de l’eau froide dans une bassine remplie jusqu’au bord. L’un se baissant, il recevait sur le dos le contenu de cette corne, se relevant a son tour, il jetait de toutes ses forces le contenu de sa corne sur le dos de son vis-a-vis. Et l'on voyait pendant un long moment, le mouvement des deux corps, l'un se baissant et 1'autre se relevant alternativement et la chute de l’eau sur le dos nu du partenaire comme un : coup de fouet. Plus ils continuaient, plus le dos rougissait ; ceci durait jusqu’a epuisement de l'eau. Apres quoi, ils recevaient quelques cadeaux des occupants de la maison.
L'explication que l'on donne aux jeux d'eau de Chavouot, est la suivante : toutes les fetes juives ont des signes exterieurs qui nous aident a nous souvenir d'eux : a Pessah, il y a la Haggadah, les Matsot, les quatre verres. A Souccot, il y a la Soucca, le Loulav et le cedrat. A Roch Hachana, il y a le chofar, a Kippour, le jeune et la priere, a Pourim il y a la Meguila, a -Hanoukka, la Hanoukia et ainsi de suite.
- Chavouot, il n’y a rien, et pourtant c’est le jour de Matan Thora ; jour ou a Thora nous a ete donnee, alors comment feter ce jour en consequence ?
Le populaire a alors imaginé de se faire asperger d’eau, car l'eau symbolise la Thora. Un verset dit : "Hoy kol tsamé lekhou lamayim ce qu'on peut traduire par : "Allons, que chaque assoiffé aille à l’eau" ; et les Rabbins ont expliqué : l'eau, c’est la Thora, tout assoiffé de bonnes actions, qu’il aille boire de la Thora pour apprendre à les exécuter." Et comme le jour de Chavouot est la fête de la Thora, aller à l’eau signifiait aller à la Thora.
La deuxième coutume est tout à fait ridicule et je trouve que l’on a bien fait de la supprimer. Pour cette fête de Chavouot, (c’est la saison du mouton), avant que n’arrivent les moissons et la tonte, deux ou trois familles voisines, pour ne pas acheter la viande chez le boucher qui la vend cher, font égorger un mouton et le partagent entre elles.
Comme on égorge bon nombre de moutons, il reste à ces familles les peaux de moutons. Alors on en confectionne un habit que quelqu’un achète et porte sur ses habits. Il place la tête du mouton sur sa tête et se fait tirer par une corde, comme une bête de cirque que l’on promène en ville en tant qu'avant-première du spectacle, ou disons qu'il ressemble à un ours blanc en plus laid et plus lourd, malgré les efforts qu'il fait en dansant et marchant sur ses pieds de devant.
Mais ceci comme je l'ai dit, n’est qu’une imitation de la part des Juifs, qui souvent copient les peuplades parmi lesquelles ils vivent.
Le deuil
Les coutumes qui concernent le deuil, changent ou plutôt changeaient d’une région à l’autre, d’une ville à l’autre, même chez nous, du quartier de la Casba au quartier du Mellah.
Les gens de la Casba avaient tendance à suivre peu à peu les coutumes du Mellah. Ils suivaient les conseils des dirigeants de la Hevra Kadicha, étant plus peureux de la mort que ceux du Mellah ; de surcroît, les membres de la Hevra Kadicha étaient presque tous des Mellahiin.
Ils restaient néanmoins fidèles à l’éducation et aux convenances européennes. C’est à dire moins bruyants que leurs confrères du Mellah. Ils n’extériorisaient pas leurs sentiments.
Le deuil, moins affligeant qu’au Mellah, quoique triste, se passait en ordre et en silence.
D’abord, leurs malades recevaient plus de soins, et ensuite, ils faisaient ce qu’il fallait pour éviter la contagion, sans avoir peur d’être traités d'égoïstes. Une fois la mort survenue, ils se déchargeaient de tous les soins du dernier moment sur les gens de la Hevra Kadicha. Le tombeau était toujours plus riche, car ils en avaient les moyens. On faisait venir les marbres d’Europe. Mais les autres coutumes restaient les mêmes : prières, discours, Séouda, repas.
Au Mellah, le deuil était une calamité.
Il est vrai que ce qui se passait, et nous allons le décrire, était importé des autres régions du Maroc.
Tout d’abord, quand quelqu’un tombait malade, on le soignait soit par les guérisseurs, soit par ceux qui écrivaient des amulettes ; et ce n’est que quand il était à l’article de la mort que l’on faisait venir un vrai médecin ! Les croyances populaires régnaient même au temps des épidémies qui ravagèrent autrefois la population marocaine. Les teigneux, les aveugles, les boiteux etc. étaient fort nombreux. En temps normal, quand une famille était affligée d’un deuil, on ne cherchait pas à savoir de quelle maladie le malade était mort. Dès que l’on entendait que quelqu’un était malade, on cherchait d’abord à s’en approcher pour faire voir que l’on prenait intérêt à sa santé ; ensuite, pour la Mitsva de Bikour Holim – visite des malades, puis pour rester en bons termes avec le malade, car s'il guérit, il reconnaîtra les amis qui se sont intéressés à lui. Les relations entre amis se resserrent davantage, et surtout il ne faut pas se méprendre et croire qu’on a été ignoré par peur de la contagion.
Quand un homme tombait malade et qu’il mourait, les gens disaient que Dieu l’avait voulu ainsi.
On oubliait souvent que notre religion est basée sur l’hygiène. Or il est dit d'un côté qu’il faut veiller à sa vie, et de l'autre, qu'il y a toute une série de mesures à prendre en cas de maladies, de lèpres, de teignes ou autres maladies de la peau… C'est un trait du caractère musulman marocain qui croit que le destin n’est pas évitable. Il peut y avoir plusieurs malades ou même des morts dans sa maison alors qu'il vous répondra quand vous l'interrogerez à propos de sa santé et de celle de sa famille, que tout va bien… Il ne vous dira jamais qu’il est malade !
Dès que le malade expire, entouré de plusieurs personnes qui guettent sa mort comme si de cette âme qui abandonnait son corps dépendait leur propre vie, on se mettait à pousser des cris stridents. Les femmes venues du voisinage entourent les endeuillés ; elles commencent alors les lamentations. Et même celui qui n’a pas envie de pleurer, pleure en entendant leurs jérémiades. Ces pleurs reprennent et se répètent chaque fois qu’il y a une nouvelle visite ; les femmes continuent ainsi jusqu'à l’enterrement et après l'enterrement.
Les femmes se giflent au point d'écorcher leur visage (qui en reste marqué pendant des mois) au rythme des chants des pleureuses payées pour ce faire.
Structures et organisation de fa communauté juive de Mogador-.Redacteur:Asher Knafo
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