Tehila le David.R.D.Hassine


Tehila le David – Poemes de David ben Hassine Le chantre du judaisme marocain

תהלה לדוד 001Tehila le David 

Poemes de David ben Hassine

Le chantre du judaisme marocain

Introduction

Vie et oeuvre de David Ben Hassine

Pour la premiere fois dans l'histoire des letters juives, l'oeuvre poetique complete d'un paytan marocain, replace dans son contexte historique et litteraire, fait l'objet d'une etude systematique, destinee aux specialistes comme au grand public.

L'interet grandissant de la communaute nord africaine pour son patrimoine culturel nous a encourages a presenter, en francais comme en hebreu, les resultats des longues recherches qui nous ont permis de restituer ici la vie et l'oeuvre de david Ben Hassine, encore peu connues malgre la popularite dont il jouit plus de deux siecles, aussi parmi les juifs maghrebiens que dans les communautes orientales.

Le texte des pemes suit l'edition d'Amesterdam de " tehila le david , etablie a partir d'un manuscrit prepare par David Ben Hassine lui meme, aisi que l'edition de Casablanca, qui contient dews poemes additionnels composes après la cloture de ce manuscript.

Nous publions egalement, dans notre edition, la longue elegie de David Ben Hassine sur les terribles persecutions de 1790, ainsi que trois piyoutims inedits, que nous avons decouverts dans un manuscript du Jewish Theological Seminary of America, a New York.

Nous avons tenu compte de variantes signicatives relevees dans de nombreuses anthologies manuscrites de l'oeuvre du poete, notamment dans les plus anciennes, qui datent de son vivant.

Nous reproduisons particulierement les preambules originaux de certains piyoutims, qui fournissent des renseignements precieux sur les circonstances de la composition de chaque poeme.

Nous avons procede a un remaniement complet des editions precedents de Tehila le David, adoptant un classement plus methodique des poemes de David Ben Hassine propement dits, ecartant les Azharot, que nous publions dans un volume separe, ainsi que Mequomam Shel Zevahim, une longue piece didactique sur l'abbatage ritual, qui meriterait, elle aussi, une etude speciale.

La nouvelle presentation des poemes, plus attrayante, met en evidence la structure des strophes, les refrains et meme les vers individuals. Tous les texts ont ete voyelles, et les passages difficiles expliques, et commentes.

Nous esperons ainsi mettre a la portee du public le plus large, et en particulier des enseignants et des etudiants, une des oeuvres poetiques les plus importantes, et laes plus attachantes, de la literature hebraique du Maroc.

La communaute juive de Meknes

David Ben Hassine 1727 –1792 avecu aMeknes, paendant une époque trublee de l'histoire du Maroc, une époque qui constitue aussi un tournant decisive de l'histpire juive

Origine de la communaute juive de Meknes

Une presence juive est attestee dans la region deMeknesdepuis l'epoque romaine.Dans les ruines de Volubilis, la ville principale dela MauretanieTingitane.A30 kmdu nord de Meknes, une inscription hebraique sur une tombe du IIe siecle ou III siecle temoigne de l'existence d'une communaute juive organisee, dirigee par un rabbin' qui se maintient probablement jusqu'a la conquete arabe au debut du VIIIeme siecle.

Le chantre du judaisme marocain

Position de la Maurétanie Tingitane dans l'Empire Romain

La Mauretaniefut d'abord un royaume client de Rome sous Boccush et Juba II, "le plus savant des rois". Le statut du royaume n'était pas cependant celui d'une reelle independance : des le regne d'Auguste le royaume de Mauretanie voit l'installation de colonies romaines.

 Au Ier siecle, l’empereur Claude divisa la Mauretanie selon le trace du fleuve Mulucha (Moulouya), d'une part en Mauretanie-Cesarienneet d'autre part en Maurétanie-Tingitane.

La Mauretaniepasse sous administration romaine directe a la fin du regne de Caligula. Ce dernier elimina le dernier roi de Mauretanie, Ptolemee, en raison de sa participation possible a un complot destine a le renverser.

 L'assassinat de Caligula, peu de temps apres l’empecha d'organiser cette prise de controle, et ce fut Claude qui transforma le royaume en deux provinces : a l'ouest la Mauretanie-Tingitane, avec Tingis comme capitale, sur un territoire correspondant globalement au nord de l'actuel Maroc; a l'est la Mauretanie-Cesarienne qui tire son nom, comme sa jumelle, de sa capitale Cesaree de Mauretanie (actuelle Cherchell) capitale de l'ancien royaume

La Mauretanie-Tingitanes'etendait du nord de la peninsule a Sale (Necropole de Chella) et Volubilisau sud et a l'est jusqu'a la riviere de Oued Laou. Les principales villes etaient Volubilis, Tingis, Lixus et Tamuda (Tetouan).

Idris Ier 788 – 791, premier souverain musulman du Maroc, fondateur de Fez , combat les juifs et les Berberes infideles de la region, qu'il force a se convertir a l'islam, mais Idris II 803 – 828, qui fait de Fez sa capitale, y s'installe des milliers de juifs des environs pour en assurer le developpement.

Au VIIIe siecle, selon certaines traditions " avant l'islam ". la tribu des Meknassa, une branche du grand groupe berbere Zenata, en partie judaise, fonde les villes de Meknassat-ez-Zitoun ( Meknes ) et de Taza.

Pour cette patie de l'histoire du Maroc' la documentation est fragementaire, et kes dates sont uncertaines. Bien que Rawd Al-Qirtas ne mentionne la ville de Meknes qu'au debut du IXe siecle, l'historien Jamil Abun-Nasr y signale la presence de sectaires kharijites en 757

Tehila le David.R.D.Hassine

ר דוד חסין תהלה לדודTehila le David 

Poemes de David ben Hassine

Le chantre du judaisme marocain

Meknassa, comme la nomment les documents rabbiniques jusqu"au debut du XXe siecle, est alors une simple agglomeration de villages campagnards : " Taoura, Benou, Attouch, Benou Nouas, Benou Chlouch et Benou Moussa.

Des tradition locales encore vivaces confirment que " les juifs vivaient jadis dans un lieu proche de la ville nomme Taoura aujourd'hui desert en ruine.

Taoura, chef-lieu de daira, qui appartient administrativement a la wilaya de Souk Ahras. Elle est situee surla RN82 a seulement20 kilometres du chef-lieu de la wilaya.

C'est une ville antique du 2eme siecle qui a connu, en son temps, une periode d'epanouissement et de prosperite. elle doit surtout sa celebrite a des figures connus de la Chretientedont, Sainte  Christine la martyre qui fut Condamnee a mort en 304 a Tiffech.

Ensuite ils se sont etablis dans la ville ( Meknes ) parmi les Gentils. Les historiens musulmans comme les chroniqueurs juifs vantent le climat, la fertilite des terres, la " securite et la quietude dont jouissent les premiers habitants de Meknes.

Aux Xe siecles, l'Age d'Or du judaisme maghrebien, la communaute juive de Meknes vit a l'ombre de Fes, centre inconteste de la culture juive au Maroc.

De grands novateurs comme Yehouda Hayyouj, Dounash Ben Labrat ou Yishaq Ben Yaacoc Elfassi' qui vont devenir " les maitres et les guides de la judaicite espagnole ", sont originaires de Fes.

Yehouda Ben rabbi David Elfassi, 945 -1000 surnomme Hayyouj, illustre grammairien hebraique, qui a jete les bases de l'etude moderne des racines trilitaires de l'hebreu.

Dounash Ben Labrat Ha-Levi 920 – 990, poete et linguiste hebraique, originaire de Fes, disciple de Sa'adya Gaon a Bagdad. Il passe la deuxieme moitie du dixieme siecle a Cordoue, ou ses innovations poetiques, imitees de la prosodie arabe' connaissent un succes immediat, et influent toute la poesie classique espagnole apres lui.

Yshaq Ben Yaaqov Alfassi, dit aussi Ha-Rif 1013 – 1103, le plus grand codificateur rabbinique avant Maimode. Il passe la plus grande partie de sa vie a Fez, ouil redige son " sefer halahot ", avant de se refugier, en1088 a Lucena en Espagne ou il attire de nombreux disciples.

C'est du Maroc qu'arrivent en Espagne, au Xeme siecle, les premiers grammairiens, les premiers linguistes et les premiers poetes quo l'on considere comme les fondateurs de l'ecole sepharadie.

C'est egalement le cas pour le devellopement de la halakha – le droit hebraique – et de la jurisprudence

Youssef Ben Tashfin – 1061 -1161, le plus grand unificateur almoravide du |Maghreb et de l'Espagne musulmane, s’empare de Meknes en 1069, et son fils Ali 1106 – 1143, en fait une ville fortifiee.

La communaute juive de Meknes, comme toutes les communautes du Maghreb et de l'Andalousie, connait des jours difficiles pendant les conquetes almohades, au milieu du XIIeme siecle.

L'historien Al-Baidak, qui participe personnellement a ces conquetes, rapporte qu'en 1145, le calife almohade Abd-el-Moumen 1130 – 1163 , irrite par la resistance de Meknes, " devasta tous les quartiers de la ville, suf celui de Tagart " l forteresse centrale, qui ne fut prise et mise a sac que beaucoup plus tard, apres un siege tres dur, le 19 septembre 1148.

La destruction de la communaute juive de Meknes est decrite en detail dans un precieux temoinage oculaire reproduit par Yossef  Messas.

Et en l'année 4900 dela Création, il y eut de grandes et terribles guerres … et toutes les villes furent ruinées. Et nous aussi nous bûmes la coupe jusqu'à la lie, dans notre patrie, la bonne et grande ville de Meknassa.

 Car le premier jour de Hanouka, la ville a été envahie, les maisons ont été détruites, tous les beaux édifices et toutes les richesses ont été incendiés, ainsi que les quelques synagogues qui s'y trouvaient.

Toute la communauté a été livrée au massacre ou emmenée en captivité… Et tous nos livres les plus précieux, les oeuvres de nos sages et tous les écrits de nos docteurs ont été brûlés… Cette perte nous a causé plus de tourments que celle de nos biens.

 Les rescapés, proscrits, nus et affamés, ont passé tout l'hiver dans des cabanes de roseaux, dans les champs, jusqu'au premier jour de Pessah, où l'on a eu pitié de nous et on nous a permis de revenir en ville. Et nous avons commencé à retourner dans la ville le septième jour de Pessah. Ce n'était plus partout que monceaux de ruines.

Affamés, nous n'avions ni hames ni masa, rien que l'herbe des champs, comme du bétail. Le lendemain de la fête, nous avons enterré les morts et prononcé une oraison funèbre amère. Et Dieu a étendu sur nous sa miséricorde et nous a été favorable pendant tout cet été, jusqu'à ce que nous puissions recommencer … "

Ce document vient enrichir les maigres données contemporaines sur la persécution des juifs marocains par les Almohades. Il nous précise notamment que, lors de sa destruction, la communauté de Meknès, relativement importante, possédait plusieurs synagogues, et comptait de nombreux lettrés.

S'ils ont terriblement souffert pendant l'assaut des quartiers périphériques de la ville, les juifs de Meknès n'ont cependant été ni exterminés ni tous convertis de force à l'islam.

 Comme a plupart des juifs du Maroc, ils ont probablement dû plus tard adopter une conversion de façade pour éviter les persécutions, comme le leur conseillait Maïmonide dans son Epître sur la conversion forcée.

 C'est l'Almohade Abou Youssouf Al-Mansour 1184 1199  qui oblige tous les juifs  du Maghreb à porter la djellaba noire aux larges manches qui va devenir leur habit distinctif jusqu'au XXe siècle.

Tehila le David.R.D.Hassine

Tehila le David 

Poemes de David ben Hassine

Le chantre du judaisme marocainר דוד חסין תהלה לדוד

La communauté juive de Meknès, abattue, survit à la tourmente. En 1245, la prise de Meknès par les Mérinides, qui vont régner au Maroc jusqu'en 1465, inaugure pour les juifs une période relativement plus tranquille.

 Au XVe siècle, le mouvement maraboutique suscite des campagnes de persécutions religieuses contre les "infidèles", et finit par causer la chute du régime. Ainsi, la "découverte" de la tombe d'Idris II à Fez, en 1437, se traduit par l'expulsion des juifs du Vieux Fez.

 A partir de 1438 , ils doivent vivre dans un quartier spécial, le mellah, le premier ghetto marocain. En mai 1465, des pogroms sanglants accompagnent le meurtre de 'Abd el Haq, le dernier sultan mérinide(1420-1465) à Fez et dans les villes voisines.

Les juifs de Fez qui ne réussissent pas à s'enfuir sont convertis de force ou massacrés. sans pitié  Le sultan Mohammed-Es-Sheikh (1471-1505) permet aux survivants de revenir au judaïsme.

Ce sont donc des communautés très affaiblies qui accueillent le flot des Mégorashim – les juifs expulsés d'Espagne et du Portugal, à partir de l'été de 1492, dans les villes de la côte et de l'intérieur.

La plupart des réfugiés, environ 20,000 personnes, se dirigent vers Fez, attirés par la réputation de ses lettrés et son économie florissante, mais de nombreux Expulsés fuient la famine et la peste meurtrieres qui les déciment en 1493 et 1494.

 Beaucoup s'installent dans la communauté de Meknes, où, comme à Fez, ils sont bientôt majoritaires. Dès 1494 les Mégorashim s'organisent et promulguent destaqqanot, ou ordonnances communautaires.

 A partir de 1498, leur situation economique s'ameliore, grâce à leur dynamisme, leur talent professionnel et leur culture. Ils s'integrent rapidement à Fez, à Meknes, comme dans les autres villes du Nord du Maroc, où les Toshavim  les juifs autochtones, minoritaires, adoptent progressivement leurs coutumes et acceptent leur hegemonie spirituelle, assurant ainsi l'unité des communautes.

 Les lettres castillans redonnent à Fez son rôle de centre intellectuel du judaïsme marocain, rôle qu'elle va conserver jusqu'au XVIIIe siecle.

Tout au long du XVIe siècle, des réfugiés marranes portugais et espagnols viennent renforcer les groupes séphardis au Maroc, à Meknès en particulier. Meknès, à cette époque, est "une grande ville … de 6.000 feux, et sa population est très dense".

En 1549   sa communauté juive est suffisamment affermie pour accueillir 2.500 coreligionnaires réfugiés de Fez, qui est assiégée par les Saadiens. Cependant, sauf pendant le règne prospère et plus paisible d'Ahmed el Mansour Ed Dhabi (1578-1603 ),  la population marocaine souffre des divisions qui déchirent le Maroc sous les sultans saadiens, de 155  à 1659. 

La communauté juive de Fez, dévastée par les persécutions religieuses, les exactions fiscales, les épidémies et la famine, se dépeuple. Les chroniqueurs de Fez ne parlent que de leurs propres malheurs, mais la communauté de Meknès a sans doute été éprouvée, elle aussi, par cet état d'anarchie, qui ne va cesser qu'avec l'avènement de la dynastie alaouite en 1666

Meknès joue un rôle de premier plan pendant l'équipée sabbatéenne. Profondément marqués par les malheurs de l'Exil et imprégnés par la ferveur messianique de la kabbale lourianique, les juifs marocains, comme leurs frères d'Europe et d'Orient, accueillent avec enthousiasme les prétentions messianiques de Shabbetay Sevi.

Shabbetay Sevi (1626-1676) se déclare messie d'Israël le 31 mai 1665, à Gaza, et soulève !,enthousiasme de communautés entières, en Orient comme en Europe. La désillusion s'installe lorsqu'il se convertit à l'islam le 15 septembre 1666, mais de nombreux disciples continuent à croire en lui longtemps après sa mort.

Le mouvement sabbatéen se désintègre au début du XIXe siècle, bien que la secte sabbatétenne des Doeunmeh se soit maintenue en Turquie jusqu'à nos jours,

La doctrine mystique de Rabbi Yishaq Louria (1534-1572) se développe au XVIe siècle chez les kabbalistes de Safed, presque tous d'origine espagnole ou marocaine, sous l'impulsion de son principal disciple Hayyim Vital 1542 -1620

 Elle se répand, au XVIIe siècle, dans les élites dela Diaspora

Schématiquement, selon cette doctrine, l'Exil d'Israël n'est qu'un des aspects du "désordre" qui règne dans l'univers depuis la Création, lorsque des étincelles divines ont été emprisonnées dans les qélippot, ou coquilles d'impureté du monde.

 Par l'accomplissement des misvot, chaque individu contribue au tiqqoun, à la réparation de ce désordre primordial, en permettant aux étincelles divines de remonter à leur source.

 Dans cette optique, lorsque ce processus du tiqqoun sera terminé, l'harmonie cosmique originelle sera rétablie, et le Messie apparaîtra, faisant cesser l'Exil d'Israël. Ainsi, chaque homme est responsable, non seulement du salut de son âme individuelle, mais du salut collectif, de la venue du Messie. 

Selon Gershom Scholem, c'est ce messianisme basé sur la vie personnelle de chaque juif qui assure à cette doctrine son succès prodigieux, et qui explique le raz-de-marée sabbatéen dans le monde juif .

Moins de deux mois après la proclamation de Shabbetay Sevi à Gaza, la fièvre messianique s’empare des juifs du Maroc, comme en témoigne la lettre écrite à Salé le 6 août 1665

Elisha' Ashkenazi, rabbin-émissaire de Jérusalem, kabbaliste, diffuse les idées et les écrits de son fils Nathan de Gaza, le prophète du sabbatianisme, au cours de ses missions au Maroc, où les autorités rabbiniques l'entourent d'un grand respect.

 Pendant un de ses séjours à Salé, en 1661, il fonde une yéshiva, et rencontre Ya'aqov Sasportas, futur Grand-Rabbin d'Amsterdam, qui luttera avec persévérance contre le mouvement sabbatéen au Maroc.

Puis il s'installe à Meknès, où il meurt en 1673. De nombreux disciples continuent à croire au messianisme de Shabbetay Sevi, même après sa conversion à l'islam, même après sa mort.

 Ainsi, en 1673, une nouvelle effervescence messianique part de Meknès, où un jeune homme ignorant, Yossef Abensour, se proclame Mashiah Ben Yossef ( Messie, fils de Joseph ), et prophétise le retour de Shabbetay Sevi en 1675.

 Malgré d'inéluctables déconvenues, et la mort de Yossef Abensour en 1676, des Sabbatéens marocains continuent à annoncer le retour de Shabbetay pour 1715, puis 1725, mais le sabbatianisme finit par s'éteindre au Maroc au XVIIIe siècle, même s'il laisse quelques traces dans la conscience collective. L'espoir messiani­que renaît une dernière fois à Meknès en automne 1816, pour être de nouveau cruellement déçu.

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LA COMMUNAUTE JUIVE MAROCAINE AU XVIIIe SIECLE

Au XVIIIe siècle, la communauté juive marocaine reste étrangère aux deux courants spirituels qui bouleversent le monde juif: le hassidisme, puis la haskala. Elle bénéficie, pendant le règne du sultan Moulay Ismaïl (1672-1727), de la stabilité politique et de la sécurité relative imposées par ce monarque autoritaire, qui choisit Meknès pour capitale.

 Ce nouveau statut privilégié de la ville favorise le développement économique et intellectuel de la communauté juive, qui va finir par rivaliser avec celle de Fez, jusque-là le centre incontesté de la culture juive marocaine.

 Cependant, les juifs restent soumis aux exactions arbitraires et ruineuses du sultan et de ses représentants, ainsi qu'aux violences sporadiques des soldats de sa célèbre Garde Noire, les 'abid, dont il s'assure la fidélité en les laissant de temps à autre se livrer au pillage. Ainsi, le mellah de Meknès est mis à sac en 1704  et 1720

Moulay Ismaïl inspirait une telle terreur que l'historien contemporain Aboulqâsem Ben Ahmed Ezziani note avec satisfaction que " le pays jouissait de la sécurité la plus complète.

Un juif ou une femme pouvaient aller de Oudjda à l'Oued Noun sans que personne osât leur demander d'où ils venaient, ni où ils allaient", in Le Maroc de 1631 à 1812, traduction d'Octave Houdas (Paris, 1886, et Amsterdam, 1969), p. 52. Ce témoignage est confirmé par la "Relation des Rédempteurs dela Merci", in Les Sources Inédites de l'Histoire du Maroc, Dynastie Filalienne (Paris, 1960), 6:639-640.

Dans les rares cas où un voyageur juif était tué par des voleurs de grand chemin, Moulay Ismaïl tenait pour responsable le chef de la localité ou de la tribu près de laquelle le crime avait été commis, et il le forçait à dédommager la famille de la victime

Le chroniqueur Shémouel Ben Shaoul Aben Danan rapporte notamment les souf frances de la communauté juive de Fez, totalement ruinée par les sommes exorbitantes extorquées sans trêve par Moulay Ismaïl, ses fils et leurs mandataires, entre 1701 et 1705, ce qui entraîne la fuite des habitants du mellah.

 Entre1721 et 1724  les juifs de Fez sont particulièrement éprouvés par une famine terrible, qui fait périr 2.000 personnes par an, et cause un millier de conversions à l'islam. Le mellah de Fez est de nouveau déserté par ses habitants, dont beaucoup se réfugient à Meknès.

La mort de Moulay Ismaïl, en1727, l'année-même de la naissance de David Ben Hassine, plonge le Maroc dans une longue période d'anarchie, qui va durer une trentaine d'années. Toute la jeunesse du poète sera marquée par ces années cruelles pour le judaïsme marocain

 Chaque prétendant au trône impose lourdement la population juive, ruinant des communautés entières. La Garde Noirede Moulay Ismaïl, laissée à elle-même, dépose à sa guise les sultans et dévaste le nord du pays. Le 3 août 1728, la ville de Meknès est saccagée. Le soir même, le mellah sans défense est livré au pillage, les femmes sont violées, 180 juifs sont massacr.

Ces guerres civiles ne cessent qu'en 1757, à l'avènement du sultan Sidi Mohammed Ben 'Abdallah, pendant le règne duquel se déroule la vie adulte de David Ben Hassine.

 Les historiens marocains se plaisent à louer la sagesse de Sidi Mohammed, "le véritable architecte du Maroc moderne", qui "sait s'imposer à l'armée" et "réduit les tribus à l'obéissance". Ya'aqov Moshé Tolédano note "la bienveillance de Sidi Mohammed qui, phénomène unique chez les souverains marocains, sut s'entourer de nombreux juifs à qui il confia des postes ministériels".

 Mais, même s'ils reconnaissent que Sidi Mohammed est moins cruel que ses prédécesseurs, les observateurs européens le décrivent comme le plus cupide, "le plus arbitraire des monarques, qui disposait de façon absolue de la vie et des propriétés de tous ses sujets".

 Le jugement de Louis Chénier, Consul de France au Maroc de 1767 à 1782, est encore plus sévère:

Le gouvernement de Maroc est despotique. De tous les gouvernements connus, c'est sans contredit le plus absolu. C'est un seul homme qui commande ce qu'il veut à plusieurs millions d'esclaves asservis à l'opinion, toujours prêts à obéir, qui respectent jusque dans les caprices du despote les décrets suprêmes de la divinité.

 Le souverain du Maroc fait la loi et la défait: elle dépend entièrement de sa volonté et de sa fantaisie, et, quelque contradiction qu'il y ait, le sujet exécute et n'a aucun droit de représenter: sa soumission assure son existence.

 L’empereur du Maroc est le propriétaire de toutes les terres. Il est l'héritier de ses sujets. Il est le maître de leur vie et de leur opinion. Il règle leurs volontés. Il résulte de cette position effrayante que ces peuples, toujours abattus par la terreur, sont dépouillés de toute ambition.

 Ils n'ont ni honneur, ni sentiment, ni courage. Ce prince ne règne donc que sur des esclaves qui ont à peine la liberté de penser, sur des déserts et sur des ruines, puisque, par cet enchaîne- ment de vices, qui résultent d'un gouvernement tyrannique et oppressif, ses sujets doivent être nécessairement lâches, pauvres et paresseux.

Une telle oppression ne peut qu'aboutir à l'avilissement général de la population, dont souffre en particulier la minorité juive, totalement dépourvue de pouvoir politique. En tant que dhimmis– sujets "protégés", tributaires des musulmans, les juifs marocains subissent cette oppres­sion avec une rigueur accrue, comme le confirment les récits con­cordants des rabbins chroniqueurs et des voyageurs européens de passage dans le pays, ainsi que les complaintes de poètes contemporains comme Shélomo Halewa ou David Ben Hassine, qui pleure sur son "peuple écrasé… asservi, martyrisé. 

Les juifs sont soumis à toutes sortes d'humiliations. Ils ne peuvent porter que des vêtements noirs, depuis la calotte qui leur couvre la tête jusqu'aux chaussures. A Fez, ils doivent porter des sandales de paille.

 A Meknès, Salé et Marrakech, ils sont contraints de marcher pieds nus dès qu'ils sortent du quartier juif, et partout, ils doivent ôter leurs chaussures quand ils passent près d'une mosquée.

 "Les Arabes, même s'ils sont esclaves, se déplacent à cheval; les juifs, même quand ils occupent une fonction importante, marchent à pied comme des esclaves!" ironise le voyageur italien Samuel Romanelli.

 On ne leur permet de monter que des mules car, "selon une opinion courante chez les Maures, le cheval est un animal trop noble pour pouvoir être utilisé par des infidèles comme les juifs".

 Pour la même raison, un juif n'a pas le droit de porter une épée. "Les Mauresmanifestent plus d'humanité envers leurs bêtes qu'envers les juifs", note Lempriere.

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Le Qoran enjoint aux musulmans de faire "la guerre … aux hommes des Ecritures qui ne professent pas la vraie religion [les chrétiens et les juifs] … jusqu'à ce qu'ils payent le tribut de leurs propres mains et qu'ils soient soumis" (Sourate IX, 29).

 Cette injonction s'est traduite par des restrictions discriminatoires imposées aux dhimmis admis à vivre en pays d'Islam, telles qu'elles ont été promulguées pour la première fois par le calife 'Omar (717-720).

 En général, le mot dhitnmi, au "sens péjoratif très mar­qué" au Maroc, "est d'un usage si constant qu' [il] est devenu presque synonyme de juif, et … est employé quelle que soit l'importance des fonctions confiées à un person­nage de cette race"

"Le moindre des Maures se croit en droit de maltraiter un juif; et celui-ci ne peut se défendre, parce que la loi et le juge sont toujours en faveur du Mahométan." Aucun juif ne peut quitter le Maroc sans la permission expresse du sultan. Cette interdiction ne sera levée qu'en 1858.

De plus, les juifs sont astreints à la soukhra – le travail forcé, non rémunéré, et l'on fait arbitrairement appel à leurs services pour toutes sortes de corvées dégradantes, à n'importe quel moment, même pendant le jour du Shabbat.

 Enfin, en tant que dhimmis, tous les juifs mâles doivent statutairement payer au souverain, chaque année, la jizya la capitation. Lorsqu'elle n'est pas acquittée collectivement par la communauté juive, le versement de la jizya s'accompagne de sévices particulièrement humiliants.

Cf. Lempriere, A Tour …, p. 194; Jean-Louis Miège, "Bourgeoisie juive du Maroc au 19e siècle", in Judaïsme d'Afrique du Nord aux 19e-20e siècles, éd. par M. Abitbol (Jérusalem, 1980), p. 31. "Tous les Mores sont comme captifs et esclaves de leur Roy; car ils Poseraient, qui que ce soit, sortir du pays et du royaume sans son expresse licence et commandement", notait déjà Jean Mocquet au XVIIe siècle, in Les sources inédites de l'histoire du Maroc, Archives et Bibliothèques de France, lere série (Paris, 1906), 2:416.

משא בערב, pp. 62-63. Voir aussi Chénier, Recherches…, p. 479; דברי הימים של פאס, op. cit., pp. 114-115; Réphael Berdugo, שאלות ותשובות משפטים ישרים (Cracovie, 1891), p. 48; משפט וצדקה ביעקב, op. cit., 2:61a-b, où les tailleurs juifs de Fez se plaignent de devoir habiller gratuitement le sultan et tout son entourage. Parfois, le travail forcé est remplacé par le paiement d'une somme forfaitaire.

Souvent, tous les juifs sont enfermés au mellah jusqu'à ce que la jizya soit complètement payée äéîéí ùì Réphael Berdugo, au début du XIXe siècle, et Abraham Ben Hassine, vers 1900, rappellent que pendant la collecte de la jizya, les fonctionnaires marocains frappaient les juifs sur la nuque pour souligner leur avilissement. 421), comme le recommandait avec insistance le sheikh de Tlemcen Mohammed Al-Magili à la fin du XVe siècle (cf. Georges Vajda, "Un traité maghrébin 'Adversus Judaeos'…", in Etudes d'Orientalisme dédiés à la mémoire de Lévi- Provençal [Paris, 1962], 2:805-813).

Au Maroc, la collecte brutale de la jizya n'est pas sans évoquer l'attitude impitoyable des autorités musulmanes au Moyen Age

 En plus de la jizya et des impôts ordinaires, les juifs sont soumis, encore plus durement que leurs voisins musulmans, à toutes sortes d'impositions arbitraires, d'amendes individuelles ou collectives, de con­fiscations pures et simples, et à la pratique généralisée des pots-de-vin corrupteurs, dont la fréquence ruineuse ne dépend que des besoins des autorités diverses ou de "l'avidité insatiable" du sultan.

 "L’empereur, écrit le Consul de France Louis Chénier, ne paraît plus occupé … que de l'intérêt de ses finances et de l'accroissement de ses trésors en aug­mentant tout genre d'impositions, ce qui ajoute infiniment à la misère du pays".

 Les juifs, dont la sécurité dépend entièrement de la protection des gouvernants, sont exploités sans merci, comme en témoignent les sommes écrasantes que doivent payer les communautés à tout moment, et les conséquences de cette oppression fiscale:

 appauvrissement généralisé des communautés juives, problèmes juridiques épineux soulevés par l'évasion fiscale, dépopulation des quartiers juifs des grandes villes, la fuite, ou même la conversion à l'islam, représentant parfois la seule parade possible à ces exactions.

 Cette conception tyrannique et désastreuse de la politique économique fait dire à Louis Chénier que "ce Prince a fait dans ses Etats plus qu'on ne ferait, peut- être, dans un pays conquis qu'on serait à la veille d'abandonner".

A ces malheurs s'ajoutent la barbarie des moeurs et l'insécurité endémique, due aux rébellions tribales ou maraboutiques, dans les nombreuses régions du Maroc non soumises à l'autorité du sultan, ainsi qu'aux incessantes expéditions punitives entreprises par le souverain pour écraser la subversion. 

s'ensuivent, cause, au XVIIIe siècle, une véritable "catastrophe démographique … Dans l'ensemble du pays, plus de la moitié de la population a dû mourir", estiment les historiens de cette période.

 Il ne faut donc pas s'étonner, même si on peut émettre quelques doutes sur la précision de son évaluation, quand Louis Chénier, qui a été témoin de cette désolation, écrit, dans ses Recherches historiques sur les Maures: "des juifs, dont la population a été très considérable dans cet Empire

… il reste à peine aujourd'hui la douzième partie; le reste a changé de religion, a succombé à la misère, ou s'est éloigné de la vexation et de la tyrannie des avanies et des impôts" C'est dans ce cadre historique bien sombre qu'il faut situer la vie et l'oeuvre poétique de David Ben Hassine, et la com­munauté juive dans laquelle il a vécu.

Tehila le David.R.D.Hassine..LA VIE QUOTIDIENNE AU MELLAH DE MEKNES

LA VIE QUOTIDIENNE AU MELLAH DE MEKNES

David Ben Hassine est né à Meknès, y a passé toute sa vie. Jusqu'au XVIIe siècle, les juifs de Meknès vivaient dans la médina, mêlés à leurs voisins musulmans. En 1682, Moulay Ismaïl "expulse les juifs et leur fait construire une cité hors de la ville", dans un mellah un ghetto, situé dans le faubourg de Berrima

Le vieux mellah de Meknès n'a guère changé depuis sa construction. Les murailles massives qui l'entourent n'étaient percées, au XVIIIe siècle, que d'une porte unique, fermée toutes les nuits et tous les samedis, et "gardée par des Maures nommés par le Roy et par un grand nombre de gros chiens, qui servent de sentinelles".

 Le mellah, incluant le cimetière communautaire, occupe un quadrilatère d'environ 300 mètres de long sur 175 mètres de large, où devait s'entasser une population juive de quatre à cinq mille personnes, sans cesse grossie par des réfugiés qui fuyaient les calamités naturelles ou les persécutions.

Au début du XVIIIe siècle, le mellah contient quelques belles maisons appartenant à une minorité de commerçants richissimes, où le sultan loge les ambassadeurs de passage à Meknès.

David Corcos, Studies…, pp. 88 et 130. Ainsi, l'ambassadeur d'Angleterre habite dans la maison de Moshé Ben 'Attar, "une des plus belles de Mequinez" (John Windus, A Journey to Mequinez, op. cit. , p. 9). De même, le Consul de France J.-B. Estelle loge, lui et son serviteur, "chez Maymorain, Juif du Roy de Maroc, dont je reçus toutes les honnêtetés que je pouvais espérer" {Les Sources Inédites…, Arch. et Bibl. de France, op. cit., Dynastie Filalienne, 4:388).

 La situation se détériore pendant la période d'anarchie qui suit la mort de Moulay Ismaïl, comme en témoigne un visiteur anglais: "Ces juifs sont très pauvres pour la plupart, comme ils le sont ordinairement dans les villes éloignées de la mer. Leur quartier est tellement sale qu'il est impraticable pour les gens à pied, à moins qu'ils n'ôtent leurs bas et leurs souliers, et les juifs ne marchent pas autrement. Leurs maisons sont très peu de chose et chacune contient plusieurs familles".

Cf. David Corcos, Studies…, p. 86; Les Sources Inédites…, Arch. et Bibl. de France, Dynastie Filalienne, op. cit., 6:628. Jusqu'au milieu du XXe siècle, les rues du vieux mellah de Meknès n'étaient pas pavées, et par conséquent devenaient boueuses et glissantes en temps de pluie.

 Aux XVIIIe et XIXe siècles, les voyageurs européens seront tous frappés par la misère dégradante des juifs enfermés dans ce quartier surpeuplé, aux maisons insalubres, et aux rues boueuses souvent encombrées par le bétail errant.

Les descriptions détaillées des contemporains de David Ben Hassine nous donnent une idée de l'aspect des hommes et des femmes du mellah de Meknès, au XVIIIe siècle. "Les juifs du Maghreb se laissent pousser la barbe et se rasent la tête, comme les Arabes", écrit le visiteur italien Samuel Romanelli.

משא בערב, p. 68. Voir aussi William Lempriere, A Tourfrom Gibraltar…, p. 193. Une ordonnance communautaire de Fez, à la même époque, oblige tous les juifs, sous peine d'amende, à se raser toute la tête, "y compris les petits enfants à partir de l'â

Ils rejettent souvent sur l'épaule droite leur burnous de laine noire, qu'ils "mettent par-dessus leur camisole et leur culotte à l'espagnole qui va jusqu'à la moitié des jambes"

Romanelli trouve les "femmes [juives] belles et bien en chair".Même l'austère Consul de France Louis Chénier doit reconnaître que "les femmes des juifs … sont en général bien faites, belles, et blanches; elles ont de très beaux yeux; elles sont portées à la parure", une parure dont William Lempriere a brossé le somptueux portrait

Elles portent "une chemise de toile fine, avec de grandes manches tombantes, qui pendent presque jusqu'au sol. Sur la chemise, un caftan, une robe ample de laine ou de velours, aux couleurs variées, … qui couvre tout le corps, sauf le cou et la poitrine… Les bordures du caftan des juives du Maroc sont brodées d'or. De plus, le geraldito – la jupe, est fait de drap fin en laine verte, et les bordures et les coins sont parfois brodés d'or. La jupe est retenue par une large ceinture de soie et d'or, qui entoure la taille… Elles portent ces vêtements à la maison, mais quand elles sortent, elles recouvrent le tout d'un hciik. Les jeunes filles se tressent les cheveux ..

. Elles s'entourent la tête d'un bandeau de soie ouvragé, qu'elles nouent par derrière, d'une manière très gracieuse et avenante. Cette coiffure met en relief leur beauté et les distingue des femmes mariées, qui se couvrent la tête d'un foulard de soie rouge, qu'elles nouent par derrière, et qu'elles recouvrent d'une écharpe de soie dont elles laissent les extrémités flotter sur le dos. Aucune femme juive ne porte de bas, mais elles sont chaussées de babouches rouges, curieusement brodées d'or.

Elles portent de très grandes boucles d'oreilles en or à la partie inférieure des oreilles, et, à la partie supérieure, trois petites boucles de perles et de pierres précieuses. Leur cou est surchargé de perles, et leurs doigts de petites bagues d'or et d'argent. Autour des poignets et des chevilles, elles portent de grands bracelets en argent massif. Les femmes riches ont des chaînes d'or et d'argent suspendues à la ceinture, par derrière.

Les interventions répétées des rabbins pour restreindre cet étalage de toilettes fastueuses restent vaines.

Tehila le David.R.D.Hassine..LA VIE ECONOMIQUE

LA VIE ECONOMIQUE

Pendant le règne de Sidi Mohammed Ben 'Abdallah, les juifs sont, dans l'ensemble, moins misérables à Meknès que dans les autres villes marocaines, grâce à l'activité économique croissante de la nouvelle capitale du pays. Cependant, la plupart vivent dans la pauvreté, une pauvreté aggravée par l'exploitation fiscale sans merci à laquelle ils sont soumis.

Le sultan Sidi Mohammed Ben 'Abdallah ayant ordonné à son fils Moulay Ali de lever de nouveaux impôts dans les communautés juives, Moulay Ali lui répondit que "les juifs sont si pauvres qu'ils ne sont même pas en état de supporter les impôts ordinaires, et je suis dans l'impossibilité d'en exiger de nouveaux."

Sauf le jour du Shabbat, les ruelles du mellah de Meknès débor­dent de l'activité fébrile d'une multitude d'artisans et de marchands qui s’empressent dans leurs échoppes minuscules. Au début du XXe siècle, Yossef Messas, observateur hors pair, a laissé une description haute en couleur de cette vie grouillante, sans doute peu différente de ce qu'elle était à l'époque de David Ben Hassine, et qui met en évidence l'autonomie presque complète de la vie juive dans l'ancien mellah:

La porte du mellah … à l'Ouest, ouvre sur une grande avenue bordée de boutiques, d'étables … et de maisons. Ici on vend de la viande, du poisson, et toutes sortes de légumes … Tout près se trouve une petite prison, où les rab­bins enferment ceux qui transgressent les lois religieuses … Plus loin, six mer­ciers et vendeurs d'épices, et, tout près, une ruelle nommée D'La'niyim (rue des Pauvres), car au bout de la rue vivent de nombreux indigents nourris matin et soir dans un grand local aménagé par la communauté … Quatre marchands de poisson et de fruits, près de la grande rue El Berja (dela Tour), ainsi nommée à cause de la haute tour qui s'y élève tout au fond, et qui servait jadis de tour de guet pour protéger le quartier … L'immeuble des bijoutiers, qui y habitaient jadis, … la maison d'Esther la folle, … puis une rangée de marchands de fruits et légumes, des bouchers, des libraires. Tout près, la rue El Ma'da (du Bain Rituel), … deux marchands de farine, la rue El Hakham (du Rabbin), et, en face, la ruelle El Kherrazin (des Savetiers) … La rue El Ghandour (du Héros) … Encore de nombreux marchands de farine et des bouchers, près de la rue Edekkakin (des Marchands de Farine)… La rue El Mé'ara (du Cimetière) et la rue El Mtarnar (des Silos à grain) … où se trouvent la maison de Rabbi Abraham Hassine, … le four, … la maison de Yéhouda le coiffeur … la maison de Rabbi David Boussidan … A gauche de l'avenue principale, à l'entrée du quartier, on trouve d'autres marchands d'épices et de fruits, puis un grand fondouq (un caravansérail) rempli d'écuries pour les chevaux, les mules et les ânes … Un autre grand fondouq … pour le grand et le menu bétail … Plus loin, la rue Esseqaya (de l'Abreuvoir), … la rue El 'Attarin (des Marchands d'épices), où se trouvent la maison de la lionne … la taverne … et une rangée de magasins où l'on vend des graines de tournesol grillées. Tout près, la rue El Gzzarin (des Bouchers), autrefois bordée de boucheries, mais les anciens l'appellent Rue de l'illustre poète David Ben Hassine. On y trouve … la maison de David Ben Hassine, la maison Esslouqiya, du nom du ruisseau qui coule dessous … et encore des marchands de farine … La rue Rabbi Shalom La'zimi … la rue El Bab El Msdouda (de l'Entrée Bloquée), ainsi nommée parce qu'elle ouvrait jadis sur le quartier arabe de Berrima, mais dont on a muré l'accès à cause des voleurs et autres malfaiteurs … La rue El Gerna (des Abattoirs) … La rue Ettob (des Bri- ques) et la ruelle Eddiyaq (Etroite), avec le bain public … la maison de 'Aïcha la sage-femme …

En tout 252 bâtiments, soit environ 1500 logements, 300 échoppes, entrepôts et étables, et six fours publics, pour la cuisson du pain et le maintien au chaud des mets traditionnels du Shabbat [Vadafina], Tout cela appartient uniquement aux juifs, qui sont les seuls à vivre dans ce quartier, à l'exclusion de tout étranger. L'ensemble est entouré de toutes parts de murailles hautes et épaisses … Selon le recensement de la communauté, préparé par un notaire à la demande des rabbins il y a trois ans [en 1906], le mellah abrite près de 5.000 âmes, hommes femmes et enfants.

Tehila le David.R.D.Hassine

ר דוד חסין תהלה לדודTehila le David 

Poemes de David ben Hassine

Le chantre du judaisme marocain

Parmi les autres artisans qui jouent un rôle important dans l'économie du mellah de Meknès, au XVIIIe siècle, il faut mentionner particulierement les orfevres, les producteurs du fil d'or et d'argent, dit sqelli, qui sert a decorer les vetements et chaussures d'apparat, les dinandiers, les tailleurs, et ceux qui tissent et travaillent la soie, souvent regroupes dans des rues specifiques, les souks traditionnels, et meme organises en corporations professionnelles.

De tres nombreux colporteurs juifs sont obliges de quitter leur famille pendant de longues periodes et de parcourir les villages berberes afin d'y vendre leurs marchandises et leur expertise, ou d'acheter des produits locaux pour le compte des grands commercants du mellah.Ces voyageurs affrontent de grands dangers pour gagner leur vie, car les routes ne sont pas sures. Ainsi, David Ben Hassine compose une elegie sur sept colporteurs juifs, dont plusieurs Meknassis, assassines en 1782  sur la route d'El-Qsar.

– אחינו בית ישראל –

קינה קוננתי על בחור חכם שיצא מחוץ לעיר והרגוהו לסטים ולא נודע מקומו.

אחינו בית ישראל הילילו

מספד גדול וכבד מאד הגדילו

אל בחור ימיו מני רץ קלו

בלי חמדה ובאפס תקוה כלו

אבד זכרו גם קבורה לא הייתה לו

 

נודו הרב בנות ישראל בכינה

לחסרון בחור בעל דעה נכונה

קדר ששמשו ושכנה עליו עננה

פתע פתאום מת מיתה משנה

בזזו זרים יגיעו ועמלו

אבד זכרו גם קבורה לא הייתה לו

 

יחרדו יתמהמהו ויתמהו

כל קרוביו יבקשו איה אפה הוא

מה היה לו לא נודע מי הכהו

מקום אשר תהיה רגלו מי ראהו

לכל עובר ושב עליו ישאלו

אבד זכרו גם קבורה לא הייתה לו

 

דבקו בזה צערים

צרות רבות ורעות קשים ומרים

שפכו אויבים זדים ארורים אכזרים

דם נפשות אביונים נקיים בחורים

צדיקים אף לא עולה פעלו

אבד זכרו גם קבורה לא הייתה לו

 

ודמוע תדמע תרד עיני דמעה

אליו אב יצעק בקול מר כתרועה

דל אור בני בלא עתו שמשו שקעה

חרב אויב עד צוארו הגיעה

אוי על שברו ועל רע מזלו

אבד זכרו גם קבורה לא הייתה לו

 

דודיו ורעיו נאנקים נאנחים

סובבים ברחובות קריה צורחים

חבל על דאבדין ולא משתכחים

יספדו לו אחינו ליה ואחים

ועפר על ראשיהם יעלו

אבד זכרו גם קבורה לא הייתה לו

 

חסין קדוש הוא יפן ממקומו

ינקם נקמתו וגם ידרש את דמו

ככתוב הרנינו גוים עמו

ואבליו ינחם למען שמו

בדן עדן יבקר בהיכלו

בעולם טוב ובעולם ארוך כֻּלּוֹ

Tehila le David.R.D.Hassine

ר דוד חסין תהלה לדודTehila le David 

Poemes de David ben Hassine

Le chantre du judaisme marocain 

En marge de ces gagne-petit, quelques individus privilegies monopolisent les grandes affaires. Moulay Ismail compte parmi ses fournisseurs et creanciers des hommmes d'affaires richissimes de Meknes: Yossef Maimaran, son conseiller influent, que l'historien Hayyim Hirschberg compare a Colbert, le grand ministre de Louis XIV! A sa mort, son fils Abraham, qui exporte la cire marocaine en Espagne par bateaux entiers, le remplace, et devient le "grand checq des Juifs de tout le royaume et favory du Roy", percepteur general de la jizya, une sorte d'intendant general du Palais, ainsi que le conseiller ecoute et 1'intermediate du sultan dans toutes ses negotiations avec les nations europeennes. 

 Son gendre Moshe Ben 'Attar, qui brasse de grandes affaires avec l'Europe, jouit egalement d'un grand credit aupres de Moulay Ismail, et signe en son nom un traite de paix avec le roi d'Angleterre. 

 Sidi Mohammed Ben 'Abdallah  1757 – 1790 utilise lui aussi les services de negotiants juifs, originaires de Meknes pour la plupart. II accorde a son conseiller Moshe Ben Maman le monopole de la vente de la cire et des cuirs marocains. 

 A la mort de Moshe Ben Maman, en 1763 David Ben Hassine pleure ce protecteur charitable ce "grand prince d'Israel "

 

 

 

127 – דמעה תרדנה עינינו

 

 קינה אל הלקח החכם השלם המרומם רב החסד כבוד מורנו הרב רבי משה בן מאמאן זכרו לחיי העולם הבא, שנכנס גוי אחד לביתו בהיותו יושב לבדו ותקע סכין בבטנו, השם ינקום נקמתו. סימן דוד בן אהרן בן חסין

 

דמעה תרדנה עינינו / כי גדול כים שברנו

נפלה עטרת ראשנו / אוי נא לנו כי חטאנו

 

והתבוננו קראו נא / למקוננות ותבואינה

מספד מר עשאו וקינה / כי קול נשמע : " אך שדדנו ? "

 

דעו נא גולת אריאל / כי בחרי אף גדע אל

שר וגדול בישראל / " בצלו נחיה " אמרנו

 

בחכה לויתן עלה / בארז שלהבת נפלה

בישראל כבוד גלה / כלנו כצאן תעינו

 

רגזו נשים שאננות / בנות בוטחות ועדינות

יתומים וגם אלמנות / דמי אליו אל תתנו

 

אבד חסיד מן הארץ / נאה מקים ודורש

גבור לעמוד בפרץ / חיל וחומה היה לנו

 

העניים האביונים / ספדו מספד מר כרננים

המלביש אתכם עדנים / אנה פנה ונבקשנו

 

רב חסד עושה ומעשה / מלביש ומנעיל ומכסה

מי לנו גדול ממשה / נשיא אלהים בתוכנו

 

ראשי אעולל באפר / איה שוקל איה סופר

רץ כצבי וכעופר / לעשות את רצון קונו

 

נבער כל אדם מדעת / תצל כל אזן שומעת

את הרעה הנוגעת / הזאת הבאה עלינו

 

באצבעותיו עשרה / טרח ויגע בתורה

במקרא משנה וגמרא / על אלה חשכו עינינו

 

נשמתו מסר בחבה / כמיתת רבי עקיבא

כך עלה במחשבה / צדיק הוא וצדיק דינו

 

חשכו רואות בארבות / לסרון חמדת לבבות

בשוקים וברחובות / שם ישבנו גם בכינו

 

סף מגן גבורים נגעל / לשברו לא נמצא תעל

נאום הגבר הקם על / לקחו אל ואיננו

 

יתר לבנו יחרד / על צדיק פלאים ירד

כבודו ממנו נפרד / נהפך לאבל מחולנו

 

נפשו נשמתו ורוחו / על משכבותם ינוחו

בתוך גן עדן ישמחו / יתענגו יתעדנו

Tehila le David.R.D.Hassine

Tehila le David.R.D.Hassine

Deux autres commergants de Meknes deviennent les confidents de Sidi Mohammed: Mordekhay Shriqi, a qui David Ben Hassine consacre quatre poemes enthousiastes, ou il glorifie les vertus de ce "grand homme d'Etat ecoute par le Souverain ", ce mecene genereux qui l'honore de son amitie, et  Mes'od Ben Zekri, egalement glorifie par le poete, "a sa demande" Le sultan accorde aussi sa confiance a un homme d'affaires de Meknes tres conteste, Eliahou Levi.Enfin, un autre grand commenjant richissime de Meknes, Shelomo Seb- bag, qui s'occupera personnellement de la publication de l'oeuvre de David Ben Hassine, se tient sagement a l'ecart de la vie politique marocaine.

Dans les villes de la cote, quelques privilegies afferment les douanes, et meme monopolisent parfois le commerce des ports maritimes, au grand scandale du Consul de France. A Mazagan, Mordekhay de la Mar, "un seigneur, compagnon du roi…, soutien des lettres", et, dans le nouveau port de Mogador, son pere Shalom et son frere Joseph de la Mar, Yehouda Guedalia et Meir Cohen Ben Macnin, comptent parmi les puissants toujjar es Soultan les marchands du roi de Sidi Mohammed Ben 'Abdallah. Diplomate de premier plan, Shemouel Sumbal s'enrichit prodigieusement, ce qui suscite la convoitise du sultan et precipite sa perte.

Ces rares privilegies, dont les moins scrupuleux oppriment par- fois leurs propres coreligionnaires, menent eux-memes une vie precaire, car leur situation depend entierement de l'arbitraire sans frein de leur maitre, le sultan, qui peut, du jour au lendemain, les depouiller de leurs richesses, ou meme les faire mourir, sans autre forme de proces.

STRUCTURES COMMUNAUTAIRES

En tant que dhimmis, les juifs marocains ne font pas partie de Dar el Islam la Maison de 1'Islam, mais leur statut distinct leur permet de jouir, a Meknes comme dans les autres centres urbains, d'une autonomie interne presque complete, dans tous les domaines de la vie communautaire.

LE CONSEIL COMMUNAUTAIRE

La communaute est dirigee par un groupe de notables, qui forment une sorte de Conseil officieux charge de veiller a la bonne marche des affaires communautaires. Tous ces notables sont des benevoles, cooptes dans un nombre restreint de families aisees, en general de pere en fils, ces fonctions publiques conferant prestige et influence. Ils se choisissent, avec l'approbation des autorites, un chef, le naguid, ou "Sheikh el-yahoud"qui, essentiellement, represente la communaute aupres du sultan et de ses subordonnes, est responsable de l'ordre public et de la collecte des impots, et fait respecter les decisions du Conseil et du Tribunal.

 Comme le sultan reside, au XVIIIe siecle, a Meknes, un naguid eminent comme Abraham Mai'maran, ou Moshe Ben 'Attar, est considere comme le "grand checq des Juifs de tout le royaume".Mais, en general, chaque ville a son propre naguid, dont l'autorite reste locale. Comme la plupart de ces notables sont riches, David Ben Hassine compose souvent en leur honneur des poemes elogieux pour s'attirer leur bienveillance. 

LES AUTORITES RELIGIEUSES

Le Conseil communautaire coopte egalement parmi ses membres les hakhamim – les rabbins – les plus respectes de la communaute: les dayyanim, ou juges, quelques hakhamim reshoumim, ou "rabbins officiels", ainsi que des talmidei hakhamim connus pour leur piete et leur science.

 Les talmidei hakhamim sont des erudits sans fonction communautaire ou cultuelle precise, qui consacrent tout leur temps, ou une partie de leur temps, a l'etude. Les rabbins les plus importants, les dayyanim, sont en general nommes a vie par des maitres prestigieux, parmi les candidats qualifies, selon le principe de la serara, c'est-a-dire du droit hereditaire a certaines fonctions religieuses: "Quiconque accede a une charge regie par la serara acquiert le privilege de garder cette charge pour lui et ses descendants competents pour toujours".

 Cette institution explique la persistance, a Meknes, de veritables dynasties rab biniques dans les families Toledano et Berdugo, du XVIIe siecle a nos jours. Les hakhamim sont entoures d'un grand respect, car ils ne sont pas seulement consideres comme des gardiens de la halakha, mais comme des savants qui transmettent la culture juive traditionnelle. Presque tous ecrivent des oeuvres qui sont lues, recopiees et commentees avec passion.

Cependant, s'ils exercent une influence reelle dans la communaute, les hakhamim, y compris les dayyanim, vivent pauvrement, sauf lorsqu'ils ont des revenus independants, ou qu'ils exercent un autre metier, car la communaute ne leur verse qu'une maigre redevance, ou parfois leur attribue les modestes revenus d'une synagogue. En revanche, tous les hakhamim sont exempts d'impots.

Au debut du XVIIIe siecle, les dayyanim de Meknes les plus importants sont Moshe Toledano (c. 1644-1723) et son frere Habib (1658-1716),  Moshe Berdugo (1671-1731), ainsi que, temporairement, deux sommites de Fez, Yehouda Ben 'Attar, en 1701 et de 1721   a 1724, et Ya'aqov Abensour, de1718 a 1729 .  Mais David Ben Hassine, ne en 1727, n'a connu que les juges en exercice pendant la deuxieme moitie du XVIIIe siecle. Ainsi, il a compose des poemes en l'honneur de Ya'aqov Toledano (1697-1771), Mordekhay Berdugo (1705-1762),Shelomo Toledano (mort en 1789), Moshe Ben Daniel Toledano (1724-1773), Yekoutiel Berdugo (mort en 1801 et Hayyim Toledano (1703-1783).

Tehila le David.R.D.Hassine

17 – אור שמש חשך ונעתם

קינה קוננתי על החכם השלם כמונה"ר יעקב טולידאנו זלה"ה

 

או שמש חשך ונעתם / נסו צללים

לחסרון יעקב איש תם / יושב אהלים

 

נהי וְנִהְיָה אחדש

צום ועצרה אקדש

מדי שבת מדי חדש / שלוש רגלים

 

ישראל קהל ועדה

ספדו בקול מר ורעדה

אוי לספינה שאבדה / רב החובלים

 

דאוג תדאגו תשאגו

כבנות יענים תערגו

לדור שאבד מנהיגו / שבו אומללים

 

וקרעו יחד כלכם

לבבכם ואל בגדיכם

כי נפל עטרת ראשיכם / רב פעלים

 

דן דין אמת לאמתו

שלם ושלמה משנתו

נון יקר נמצא אתו / קפת הרוכלים

 

בר לבל ונקי כפים

תורתו לשם שמים

מעין גנים באר מים / חיים נוזלים

 

נאבדה חכמה מבנים

חדלו פסקו השקדנים

וגם בטלו הדרשנים / מושלי משלים

 

חסיד קדוש לו יאמר

ומצות אלהיו שומר

רץ כצבי עז כנמר / כנשרים קלים

 

ספרא רבא, תדיר עסק

באוריתא לא פסיק

אוף מתון מתון ומסיק / דעת גדולים

 

יה, שים כבוד מנוחתו

נחום שלם לבני ביתו

נטיעיו יהיו כמותו / קדש הלולים

 

נעימות בימינך נצח

תשביע נפשו בצחצח

ושמן קדש לו תמשח מֹר ואהלים

Tehila le David.R.D.Hassine

TEHILA LE DAVID

Poemes de David ben Hassine

Le chantre du judaisme marocain

31 א' – אחימו בהספדא –

 קינה קוננתי לפטירת החכם יעק בטולידאנו

 

אחימו בהספדא / גברין ונשין כחדא

ארום מנכון עדא / גברא דלביש מדא

 

דא היא עקתה רבתא / דאתת עלונא

עקרבתא וזבורתא / וחויא וצפעונא

כלהו נכתו יתנא / בנפל כליל רישנא

טמיע יום דנא / מזלא וביש גדא

 

ומתכנשים יהון / רבקיא וספדיא

דמעין יחתון עיניהון / תדיר צפרא ופניא

על ריש חכימיה / גזריה גדבריא

סליק לשמי שמיא / וי לארעא דאבדאר

 

דלי חספא ומשכח / מתותה מרגניתא

תלמידיא מפכח / זעסקין באוריתא

ןמסיק שמעתתה / אלבא דהלכתא

עביד עבידתא שפירתא / קמי מריה כעבדא

 

חסנא תקפא ויקרה / דאוריתיה מאן חמי

בסמנין אגמרא / אסברה בדדמי

אבנא דלית לה טימי / לעיר וקדיש דמי

עסיק לילי ויומי / תנויה בתלמודא

 

זריז מהדר אגרסיה / אמר מלתא בטעמא

מגו דזכי לנפשיה / זכי לכליה עמא

קטר קטרא אלימא / בתלת קימי עלמא

דינא קשטא ושלמה / מותב תלת כחדא

 

קדם מראי שמיא / בריך כתריה ואתריה

עם כלהון צדיקיא / ישוי ליה מדוריה

תחות כרסי יקריה / סגי ינהיר נהוריה

יסדר ית פתוריה / רב חנא ורב חסדא

Tehila le David.R.D.Hassine-LA JUSTICE ET LE DROIT

TEHILA LE DAVID

Poemes de David ben Hassine

Le chantre du judaisme marocain

Edtion critique etablie et annotee par

Andre E. Elbaz et Ephraim Hazan

 

LA JUSTICE ET LE DROIT

Les juifs marocains jouissant d'une large autonomie judiciaire, chaque communaute organise son propre beit-din, ou tribunal, de trois juges, en general, dans les grandes villes comme Meknes. Le beit-din instruit les affaires entre plaideurs juifs, selon la halakha, ou droit rabbinique, et selon les taqqanot, ou ordonnances communautaires locales. Les contrevenants sont passibles d'amendes, d'excommunication, ou meme de prison. Les sentences du tribunal sont executees par le naguid de Meknes, qui dispose d'une petite prison au mellahJ

Au fur et a mesure de ses besoins, le Conseil de chaque ville adopte des taqqanot proposees par les autorites religieuses, qui amendent la legislation traditionnelle dans l'interet general, et qui ont aussitot force de loi. Semblables a celles qui furent edictees a Alger en 1394, et en Espagne avant l'Expulsion, particulierement a Tolede et a Valladolid, les taqqanot de Fez promulguees entre 1494 et 1750 tendent a proteger les droits de la femme et des enfants, notamment en matiere de succession.

Valladolid

est une ville du nord de l'Espagne, capitale de la province de Valladolid et de la communauté autonome de Castille-et-León. Elle est située à la confluence du Pisuerga et de l'Esgueva. Elle a une population de 334 820 habitants (1995), les Vallisolétans (espagnol : vallisoletanos).

 En general, elles preservent des coutumes et usages communautaires. Appelees "Taqqanot des Expulses de Castille", elles ont ete publiees a plusieurs reprises, et elles se sont rapidement imposees dans la plupart des communautes marocaines.116 A partir de 1750 la communaute de Meknes, qui commence a s'affirmer sur le plan culturel promulgue a son tour de nombreuses taqqanot

LA VIE CuLTURELLE

– LANGUES PARLEES ET ECRITES A MEKNES

Au XVIIIe siecle, les juifs de Meknes parlent tous l'arabe, ou plutot un judeo-arabe emaille d'hebreu et d'espagnol, qui n'a guere change jusqu'a nos jours. A de tres rares exceptions pres, ils ne connaissent pas l'arabe classique, et n,utilisent pas l'alphabet arabe. Le judeo-arabe est la langue d'enseignement, dont ils se servent pour traduire les textes sacres. Les rabbins l'utilisent couramment, transcrit en lettres hebrai'ques, dans leurs oeuvres ecrites. Enfin, une riche litterature populaire, ecrite et orale – poesie, contes et legendes, medecine populaire, textes magiques – est transmise egalement en judeo-תהלה לדוד 001arabe.

A Meknes comme a Fez, l'usage de l'espagnol se perd, bien qu'il se maintienne dans les families aristocratiques originaires de Castille, surtout dans les milieux rabbiniques. Louis Chenier note chez les juifs la persistance de l'enseignement de la traduction espagnole de la Bible, meme quand les ecoliers ne comprennent plus cette langue.

L'hebreu, langue des prieres et de l'etude, est compris et ecrit, mais plus rarement parle, par les lettres. L'hebreu des ouvrages juridiques est souvent mele de formules et de termes arameens, arabes ou espagnols. Les textes rabbiniques sont surcharges de citations et de reminiscences bibliques et talmudiques, ainsi que d'innombrables sigles parfois difficiles a interpreter. David Ben Hassine utilise essentiellement l'hebreu biblique, enrichi d’emprunts a la langue des prieres et a la langue rabbinique. Cependant, comme d'autres poetes nord-africains contemporains, il compose egalement despiyyoutim en arameen. A Meknes, et en Afrique du Nord en general, la difference de prononcia- tion entre les voyelles "i" et "e", "o" et "ou", et entre les consonnes "shin", "sin", "samekh" et "sadi" n'est pas tres nette, ce qui influe sur les rimes choisies par les poetes.

– EDUCATION

Les principes directeurs de l'enseignement juif traditionnel n'ont guere change, a Meknes, depuis le Moyen-Age. Entierement centre sur la religion, il neglige, au XVIIIe siecle, les sciences profanes, y compris l'etude de la medecine, jadis repandue chez les juifs. Les deux cycles d'enseignement, primaire et superieur, reserves exclusivement aux hommes, n'ont pas de structure officielle: financement, competence des maitres, locaux d'enseignement, horaires, programmes et methodes pedagogiques sont laisses a l'initiative privee. Malgre cela, les garcons sont scolarises jusqu'a la bar-misva, souvent celebree des l'age de 10 ans, et apprennent tous a lire les prieres et la Thora. Comme les livres sont couteux, et difficiles a obtenir, l'enseignement reste presque exclusivement oral, les textes sacres et leur traduction en judeo- arabe etant assimiles grace a la repetition et la memorisation.127 La plupart des enfants quittent l'ecole apres la bar-misva afin d'apprendre un metier.

Les etudes superieures, a la yeshiva, sont reservees a une minorite d'etudiants, venant des families aristocratiques ou rabbiniques de la ville. Meme tres doues, les eleves qui n'appartiennent pas a ce groupe de privileges arrivent rarement a poursuivre leurs etudes, qui, de toutes facons, ne leur permettraient pas d'acceder aux postes honorables reserves aux detenteurs de la serara. Les cours de la yeshivase don- nent parfois dans une maison particuliere, mais plus souvent dans une synagogue, ou des maitres prestigieux enseignent essentiellement le Talmud et ses commentaires, ainsi que la jurisprudence rabbinique, a un petit groupe d'etudiants. Les yeshivot forment l'elite intellectuelle du mellah, ou se recrutent les rabbins et les juges.

Notes de l'auteur

          Dans les classes les plus avancees, les maitres utilisaient des recueils d'explications commentees, en judeo-arabe, des passages difficiles de la Bible, dont on a retrouve un grand nombre de manuscrits au Maroc. Rephael Berdugo, le beau-frere de David Ben Hassine, redige un de ces manuels: אל פירוש על או״ע בל ערבי (Mss. 9 et 23, Collection Andre E. Elbaz, etc.).

       Situation frequente au Maroc: A Meknes, David Ben Hassine etudie en com- pagnie de Rabbi 'Amram Diwan dans la yeshiva organisee par son ami Zikhri Ben Messas, dans son domicile (1:12 ,אוצר המכתבים). Nous trouvons de meme uneyeshiva chez le riche commergant Ya'aqov Guedalia, a Mogador (משא בערב, p. 120)., et chez Rabbi Abraham Pinto, a Marrakech (Yossef Avivi, ׳״קורא הדורות׳ ממראכש״, op. tit., p. 67).

[1]         Selon Yossef Messas, presque toutes les synagogues de l'ancien mellah de Meknes ont servi de yeshiva a un moment ou a un autre (.(1:18-39 ,אוצר המכתבים

         A la meme epoque, les yeshivot de Jerusalem ne comptent pas plus de dix etudiants chacune (cf. Gerard Nahon, "Yeshivot hierosolymites du XVIIIe siecle",in Les Juifs au regard de I'histoire, Melanges en I'honneur de Bernhard Blumenkranz [Paris, 1985], p. 319). Au XIXe siecle, les cinq yeshivot de Fez n'ont que quatre a sept etudiants chacune ("אגרת יחס פאס", op. tit., 1:92). Au XXe siecle, la yeshiva renommee de Rabbi Yishaq Sebbag, a Meknes, n'en compte pas davantage

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