איפיוני הפסיקה ההלכתית של רבני המזרח והמגרב. – משה עמאר- היצירה ההלכתית.

- 8. השגת צדק חברתי
בתורה שבכתב ושבעל פה מצויות מצוות והלכות שמגמתן דאגה לצדק חברתי, לריסון היצר של החזק השולט, התקיף והעשיר, לבל ינצל את כוחו לדיכוי החלש ולקיפוחו. מטרת המצוות, כפי שהובנה ופורשה על ידי הפוסקים, היא להסדיר את היחסים במבנה החברתי והכלכלי הקיים, בין מעסיק למועסק, בין עשיר לאביון, ברוח של הגינות הדדית. רצונם הוא לעדן את המציאות, להקהות את חוד הניגודים החברתיים ־ המעמדיים שבין המצליחים, המוכשרים ובין אלה שמצליחים פחות. ההנחה "כי לא יחדל אביון מקרב הארץ" (דברים טו, יא) היא מציאות מתמדת, ובמסגרת החברתית־רכושנית הקיימת, חותרים החכמים לאיזון בין האינטרסים השונים, להתחשבות הדדית וליצירת שביל זהב, בו תהיינה לבעל היכולת זכויות מסוימות, אך גם החלש והעני לא יופקרו לשרירותו של החזק. בכל התקופות ובכל אתר היו קיימים אינטרסים מנוגדים שמשכו לצידם על חשבון אחרים.
החכמים, כגורם מוסרי וניטרלי, היוו את כף המאזניים ושימשו בלם מוסרי, ובמייצגי דבר ה', ראו לחובתם לעשות צדק יחסי, כפי כוחם עלי אדמות. מצד אחד, רצו להגן על המנוצלים ועל השכבות החלשות; מצד שני, ראו את העשירים כנושאי התא הקהילתי מבחינה חומרית. הם הנושאים בהוצאות שירותי הקהל ומוסדות התורה, והם השתדלנים בפני השלטונות. על החכמים היה, אפוא, לגשר בין שני קטבים אלה ולצאת ידי חובת קבוצות לחץ שונות. בפזורה הספרדית מצאנו תחומים רבים ומגוונים בנושא הצדק החברתי בהם החכמים קבעו עמדה. הם מוזכרים ונדונים בספרות התשובות, להלן חלק מהנושאים: חלוקה צודקת יותר של נטל המיסים; תשלום לפי הכנסות ולא לפי נפשות; בעיות מס מרביים לבעלי יכולת; העדפת מס ישיר על מס עקיף על מצרכים; נגד הפקעת מחירים; בעד תחרות במחירים ועידוד להסכמה על שביתת קונים כלחץ להורדת מחירי מזון; נגד הסגת גבול בפרנסות, דירות וחנויות; עידוד הסכמות להגבלת מותרות בסעודות ולבוש מפואר ותכשיטים, כדי שלא לבייש את מי שאין לו ולמנוע הסתבכות כספית של חסרי יכולת; מניעת השתלטותם של העשירים על סדרי הקהל והחלטותיו. העיקרון בדבר רוב הכופה החלטותיו על המיעוט, אושר, פרט למצבים בהם נוהג הרוב בשרירות ומטרתו לקפח את המיעוט. התערבות החכמים באה בשתי צורות:
1) כאשר פסקיהם של החכמים עלו בקנה אחד עם שורת הדין, ותפקידם היה לשכנע את הנוגעים בדבר שיקבלו את פסק ההלכה.
2) כאשר מידת הדין לא סיפקה את הרגשתם המוסרית, והחכמים חשו כי הנוהג לפי הדין הריהו בבחינת נבל ברשות התורה. במקרים אלה קבעו או יעצו, כי מן הראוי שינהגו לפנים משורת הדין.
החכמים יצאו נגד העלאת מחירים גם כשמדובר בצורכי מצווה. ר׳ משה דיטרני [=המבי״ט] מחכמי צפת במאה ה־16, מתח ביקורת חריפה על העשירים המשלמים מחירים גבוהים לאתרוגים מהודרים, כי בכך פוגעים בחסרי היכולת שאין ידם משגת לאתרוגים מהודרים. כי על ידי נהירה למהודרים נחשבים בעיני ההמון האתרוגים האחרים כפסולים (תשובות המבי״ט, ח״ג סימן מט). ובמרוקו בשנות השלשים של המאה העשרים, יהודים שחכרו את פרדסי האתרוגים העלו את מחירי האתרוגים. החכמים איימו לאסור על היחידים באותה שנה לרכוש להם אתרוג אם לא יחזירו את המחירים למה שהיה מקובל בכל שנה. האיום עזר והמחירים ירדו (תועפות ראם, סימן צז). כמו כן במאה ה18- באלג׳יר ובאיזמיר הועלו מחירי הדגים, החכמים תיקנו שלא לקנות דגים גם לשבת, כל עוד שלא ירדו המחירים. ר׳ יהודה עייאש באלג׳יר ור׳ חיים אבולעפיה באיזמיר, כל אחד במקומו ובזמנו עמדו על המשמר והדפו נסיונם של כמה עשירים לעקוף את התקנה (בית יהודה, ח״א, יור״ד, סי׳ לב. יצחק בן ג׳אמיל, חיים וחסד, תקנות ז ויג).
איפיוני הפסיקה ההלכתית של רבני המזרח והמגרב. – משה עמאר- היצירה ההלכתית.
Le chantre des murs blancs-Sid Maleh

L’agent matrimonial dut reconnaître qu’il n’existait aucun rapport entre le talent musical, le quotient talmudique et l’éveil sexuel du petit chantre. Le cordonnier s’interrogea longuement sur la nature de l’instruction à donner à son fils. Casablanca n’avait pas de grande Académie rabbinique et il ne pouvait se résoudre à l’y laisser végéter et risquer de voir sa science s étioler et sa voix se déliter. Il l’aurait volontiers placé à Meknès si cette ville, vaniteuse entre toutes, ne considérait les Casablancais comme des parvenus incultes et n’interdisait ses Académies à leur progéniture qui était née et avait grandi dans cette ville du lucre et de la perdition. Le cordonnier succomba alors au terrible dilemme qui était le lot de tous les habitants du mellah de Casablanca : «Placer ou non ses enfants à l’Alliance? »
Personne n’était dupe de la vocation universelle de l’Alliance qui se prétendait israélite et n’avait pour mission que de coloniser les pauvres âmes juives pour la gloire de la France. L’Alliance ne passait pas tant pour éclairer les esprits que pour les perdre. On préférait laisser végéter sa progéniture dans les petites Académies rabbiniques ou les placer apprentis chez des artisans que de les livrer aux manigances pédagogiques des enseignants sentencieux, épicuriens et… ottomans de la salace institution. Mais le cordonnier ne se résolvait pas à voir son surdoué perdre sa voix dans une mue pour le moins intempestive et sa science dans l’encanaillement qui guettait dans cette ville que les colons voulaient, nul ne savait pourquoi, dépravée et exemplaire.
Bouskila n’avait pas le choix, il se résigna à aller voir le délégué de l’Alliance Israélite Universelle pour marchander avec lui les conditions d’admission du petit chantre. Ce dernier lui annonça sans ménagements que la liste d’attente était si longue que l’on devait inscrire les élèves au berceau pour qu’ils aient des chances d’être admis l’année de leur communion. Sans piston, cordonnier de son état, il ne savait lire que l’hébreu et n’écrivait l’arabe qu’en caractères rashitiques. Il plaida sa cause comme il le pouvait. Il avait à sa charge trois à cinq artisans selon les commandes, entretenait deux femmes et leurs progénitures respectives et était propriétaire de la plus pittoresque synagogue du mellah où l’on donnait gratuitement des concerts de chants liturgiques à l’occasion des grandes célébrations et commémorations. Il précisa même qu’un shabbat sur deux, il offrait, toujours gratuitement, du tabac à priser à l’ensemble des fidèles contre l’engagement de ne pas parler pendant la lecture de la Torah et de ne pas éternuer pendant que son fils chantait. Le délégué, si insensible à ses arguments qu’il ne pouvait être que turc, lui recommanda de continuer de tabasser ses coreligionnaires et de trouver un maître de musique pour son fils :
- Que lui enseignerait-il qu’il ne sache déjà ? protesta le cordonnier.
- Mais le solfège, cher monsieur, le solfège.
Le cordonnier ne savait pas plus ce qu’était le solfège que l’opéra. Le délégué tenta néanmoins de trouver une place pour son prodige de fils :
- Dites-moi, mon brave, votre fils est-il teigneux ?
- Dieu préserve.
- Trachomeux ?
- Il voit mieux que vous et moi.
- Dans ce cas, je ne peux rien pour lui, je n’ai de place dans l'école que pour les teigneux et les trachomeux et au rythme que connaît la progression de la teigne et du trachome au mellah, si votre fils ne succombe ni à l'une ni à l'autre dans les prochaines semaines, il n'aura de place ni dans l'une ni dans l'autre.
Le cordonnier lorgna les chaussures du délégué et les trouva si étroites et contrefaites qu’il se prit de pitié pour ses pieds. Il avait l’œil pour deviner derrière les déformations d’une chaussure les malformations d’un pied. Le délégué avait les siens plats, tournés vers l’intérieur, avec des cors aux orteils. Plutôt que de laisser ses pieds se prélasser dans des babouches soigneusement traitées à l’huile et au vinaigre qui convenaient si bien aux pieds, ces Occidentaux les corsetaient dans des cercueils en cuir qu’ils serraient avec des cordons :
- Vous souffrez douloureusement des pieds, remarqua le cordonnier.
Le délégué était habitué aux lubies des populations arriérées des mellahs et des villages. Elles prêtaient des vertus médicinales à des plantes qui ne donnaient que la nausée, des vertus miraculeuses à des amulettes qui ne donnaient que la scoliose maraboutique, des pouvoirs aphrodisiaques et procréateurs à des liquides qui ne donnaient que la cirrhose du foie. Leurs poudres à priser leur donnaient le trachome et leurs ruminations kabbalistiques la teigne. Cela dit, il souffrait vraiment des pieds, de l’abdomen et du postérieur et ne demandait qu’à être soulagé de ses cors, de ses coliques et de ses hémorroïdes contre lesquels la médecine occidentale se révélait totalement inefficace :
- Vous avez la mine d’un homme dont les pieds sont maltraités depuis des décennies, insistait Bouskila, vous devriez prendre l’avis d’un pédagogue.
- Un podologue, précisa le délégué.
- Un pédagogue, un podologue, quelle importance? Je ne demande pas une place pour moi, mais pour mon dernier-né. Je ne m’inquiète pas pour mes pieds, mais pour les vôtres.
Le délégué ne comprenait pas comment la conversation était passée de l’état de la tête et des yeux de la population des mellahs à celui de ses pieds :
- Cela se voit à votre mine, s’acharnait le cordonnier. Vous devriez vous faire faire des chaussures sur mesure, vous vous sentiriez mieux et vieilliriez plus sereinement.
Les gens de l’Alliance avaient horreur de recevoir des leçons de l’indigène. C’étaient des pédagogues émérites et les leçons c’étaient eux qui les donnaient. Dans tous les domaines. Du calcul à la science; de l’écriture à la lecture; de la médecine à la science. Ils avaient leur mot à dire sur toute chose et c’était partout le dernier. Le cordonnier n’avait pas son rival pour chausser les pieds malades, il devait seulement convaincre son interlocuteur que la qualité de sa vie ne dépendait pas tant de l’allocution du dernier Immortel – que ses os soient broyés pour l’éternité – que de l’état de ses pieds :
Je n’ai peut-être pas été à l’Alliance, je ne saurais vous réciter La Fontaine. En revanche, je pourrais, si vous le souhaitez, vous fabriquer une paire de chaussures sur mesure qui vous garantirait l’élégance de chaussures de ville et l’aisance de pantoufles de maison.
Le cordonnier n’allait tout de même pas proposer au délégué de la superbe Alliance de se mettre aux babouches. Elles étaient réservées à la populace qui n’avait pas encore civilisé ses pieds. Le délégué prit son parti de se moquer de son interlocuteur :
- Et combien me coûterait cette paire de chaussures magiques?
Le cordonnier ne souhaitait qu’une place pour son petit chantre, qui n’était ni teigneux ni trachomeux, ne serait-ce que pour le voir acquérir des rudiments de solfège, dont il entendait parler pour la première fois, et lui assurer une carrière internationale. Sinon ce n’était ni l’histoire des Gaulois ni les balivernes des rabbins israélites qui passaient communément pour des plagiaires qui l’intéressaient:
- Ce sera mon cadeau à la France, à l’Alliance et à son délégué. Mais vous devez passer à mon atelier pour que j’ausculte votre pied et prenne ses mesures.
-Au mellah?!
- À l’entrée du mellah, derrière la porte de Marrakech, sur la place centrale, entre le marché de la Hivance et celui de l’Abondance.
Le chantre des murs blancs-Sid Maleh
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